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  • ptilouk.net éditions

    J'ai découvert Gee via son blog Grise Bouille, notamment les BD satiriques sur un thème d'actualité. Il publie aussi des BDs de vulgarisation scientifique, de pinaillage sur le vocabulaire, et des BDs qui mixent fantasy et lutte des classes que j'apprécie énormément.

    Tout est publié sous licence libre, à prix libre (qui peut être 0), et avec une transparence sur la décomposition des prix.

    J'ai voulu remercier l'auteur et me procurer son roman Working Class Heroic Fantasy au format papier. Donc un don d'un côté et un téléchargement + impression de l'autre ne m'intéressait pas. Mais, recevoir un colis pour un seul livre est quand même bien boarf. J'ai donc aussi commandé les cinq recueils de Grise Bouille (l'auteur me montrerait lui-même les différents pans de son art) et Les aventures inutiles de Superflu.

    Ci-dessous, un inventaire des BDs que j'ai appréciées et que je n'ai pas déjà shaarliées.


    Les aventures inutiles de Superflu

    Un rentier (héritier d'un château) décide de combattre le crime avec son assistante envoyée par Pôle emploi… dans un bled paumé français dénué de toute délinquance.

    Ça détend, ça fait parfois pouffer de rire, sans être l'éclate totale non plus, mais c'est très court (43 pages).


    Grise bouille - tome I / 1

    • Avez-vous construit un hoverboard ? : rappel du cahier des charges de l'hoverboard de Retour vers le futur afin de contrer la palanquée d'annonces marketing "on a fabriqué un hoverboard ! \o/" qu'on s'est mangé il y a une dizaine d'années ;

    • Je hais le téléphone : préemptif (synchrone) ; blanc = relance ; + perméable aux casses-couilles ;

    • Les ordinateurs sont cons : toute la difficulté est de retranscrire l'intelligence humaine dans des instructions simples que l'ordi saura exécuter très rapidement ;

    • Beaucoup de bruit pour… tout : le bruit est ce qui ne nous intéresse pas dans un contexte donné (on n'a pas envie d'entendre une voiture pendant qu'on roucoule, mais on veut l'entendre arriver avant de traverser la rue) ;

    • Tu quoque Firefox / Firefox vide ses poches : deux des conneries de Mozilla (je suis plus coulant sur le rejet des extensions non signées vu qu'il y a bien une option pour désactiver ça) ;

    • Ne partez pas si vite ! : conception foireuse de site web (bandeau cookie, bandeau newsletter, bandeau "ne partez pas", etc.) ;

    • Ailleurs, c’est pire : évaluer une proposition = test de non-régression + est-ce un progrès pour une majorité (reste à définir ce qu'est le progrès).


    Grise bouille - tome II / 2

    • Harry Potter : pourquoi je hais les films : boarf, je ne trouve pas que Dumbly crie sur Harry dans le 4e film, ou alors il faut aussi considérer qu'il le fait dans le 6e livre, quand il met très mal à l'aise Harry qui n'a pas récupéré le souvenir de Slug ou quand il exprime sa lassitude d'être interrogé pour la énième fois sur la bonne moralité de Rogue… Je suis d'accord sur le reste de l'analyse (films d'action basés sur des livres d'enquête) ;

    • Légendes urbaines : la muraille de Chine depuis l'espace, les épinards et le fer, la mémoire du poisson rouge, les moustiques attirés par la lumière, la couleur du Père Noël n'a pas été définie par Coca.


    Grise bouille - tome III / 3

    • Comédie romantique : les ressorts d'une comédie romantique (avec des saxophonistes amateurs d'andouillettes) ;

    • Chat & tartine debunked : assembler un chat et une tartine ne produit pas d'énergie infinie / mouvement perpétuel (quelle surprise) ;

    • Incident diplomatique interstellaire : mouais… aucune autre espèce animale sera aussi débile que l'humain pour organiser un concours miss univers, donc aucun risque diplomatique à l'horizon ;

    • Bonne nuit les petits camarades : Bonne nuit les petits (t'sais, Nicolas, Pimprenelle, Nounours, le marchand de sable) sauce syndicalisme / lutte des classes ;

    • Le bug dans tous ses états : classification des erreurs informatiques (conception, compilation, exécution) ;

    • Des zéros et des uns, Voyage en numérique, Une pinte de compression : représentation binaire, codage de l'information et compression ;

    • Le cadre : on peut discuter de tout, et tout changer, sauf le cadre, namého ! ;

    • Votants, vous n’avez pas honte ? : culpabiliser les votants plutôt que les abstentionnistes ?


    Grise bouille - tome IV / 4

    • Le premier publicitaire / Ghosn with the wind : Nounours, le Lapin des comptines, Superflu, etc. sont d'extrême-gauche (ici, contre la pub et pour l'application des mesures anti-terro aux PDG qui voyagent en malle) ;

    • L’analogique, c’est magique : vulgarisation des concepts physiques derrière un disque vinyl et un appareil photo ;

    • Le mensonge de l’accélérateur : la pédale d'accélération d'une bagnole sert à régler la puissance délivrée par le moteur ;

    • Publicité segmentée : la méthode Cacarico : publicité segmentée ;

    • Le marronnier des abrutis : ne pas confondre fluctuations et tendance ;

    • Violences policières : 1) la prétendue violence des manifestants est de la responsabilité de la justice, celle des flics de l'État donc les citoyens devraient avoir leur mot à dire (en plus de la justice) ; 2) dire qu'on était bien content d'avoir les flics pour lutter contre les terroristes = a) on ne parle pas des mêmes types de flics (RAID, BRI, GIGN, versus CRS) ; 2) ce n'est pas parce que quelqu'un te prépare de délicieuses crêpes un jour qu'il peut chier dans ton assiette un autre jour.


    Grise bouille - tome V / 5

    • Pimprenelle et le gros porc : Pimprenelle (de Bonne nuit les petits) et ses amies sauce féminisme ;

    • Cosette : Genesis : Cosette (oui, des Misérables) règle ses comptes avec son employeur en présence de Nounours l'inspecteur du travail d'extrême-gauche ;

    • Le déluge (director’s cut) : enfin un Terminator utile ! :

    • Rien à se reprocher : version ultra-courte ;

    • Ceci n’est pas un policier : Nounours et Lapin prennent au mot le sinistre de l'Intérieur ("la police agit à visage découvert") ;

    • Je travaille 50 h par semaine : qu'est-ce que du travail ? Faut-il être fier de ramer pour faire tourner son activité ? Faut-il être fier de « ne pas compter ses heures » dans une société commerciale qui, elle, compte le salaire ?

    • Légendes urbaines II : La revanche : 10 % de notre cerveau, hydrocution après un repas, et avaler des araignées en dormant ;

    • La quatrième dimension : la 4e dimension, ce n'est pas forcément le temps, notamment si l'on veut représenter graphiquement des séries de données qui ont du sens ;

    • Amour numérique (bis) : digital versus numérique : « l'usage fait la langue » n'est pertinent que si deux mots ont le même sens. Or, numérique = terme technique regroupant les différentes applications, à différents domaines de la vie, des technologies basées sur le codage de l'information, son stockage et son traitement sous forme de nombres, alors que digital = terme marketing désignant la transformation des processus métiers dans une logique de rentabilité en utilisant le numérique.

    • StopConneries : union nationale = il est jamais l'heure de discuter car y'a toujours un événement au premier plan (terro, extrême-droite, covid, etc.) ; les principes appliqués uniquement quand tout va bien n'en sont pas ("je suis contre la peine de mort sauf pour les grands mézants" = t'es pour") ; ce n'est pas parce qu'on a rien à proposer que la proposition adverse est recevable (" ‒ je danse autour de mes carottes en chant du Sardou pour qu'elles poussent immédiatement. ‒ c'est complément idiot ! ‒ t'as une meilleure idée ?") ; solutionnisme technologique (alors que des études ‒ faites sur le tas donc j'y crois moyen ‒ montraient que fallait coupler le traçage avec d'autres mesures comme le dépistage systématique) ;

    • L'autre pandémie : dire "le covid menaçait l'économie blablabla donc il fallait accepter des morts supplémentaires afin de remettre rapidement le pays au travail", c'est confondre un événement qui s'impose à nous (ex. : covid) à des événements qui découlent d'une organisation économie que l'humain a créé de toute pièce… et qu'il peut changer ;

    • Jeux Olympiques Citoyens : tir à l'arc sur drone ou caméra fixe, golf sur robot-chien, lancer de robot dans la flotte, crochetage / arrachage de pub, escalade urbaine d'extinction des enseignes ;

    • Joker ! : Macron pose des jokers sur les 10 commandements parce que quand même, la croissance, le capitalisme, la guerre, etc. passent avant, mais quelle formidable aventure humaine quand même ;

    • Bobologie aux urgences (1/3), Bobologie aux urgences (2/3), et Bobologie aux urgences (3/3) : à la découverte du volvulus du sigmoïde (quand elle est plus longue que la normale, la dernière partie du côlon, le sigmoïde, peut se retourner et faire une boucle par intermittence). Plus un rappel de la désorganisation de la médecine française et de la brusquerie des médecins qui se passent de consentement / discussion ;

    • Qu’est-ce qu’un riche ? : « quelqu’un qui n’a pas besoin de travailler pour vivre » (hors retraite, chômage, prestas sociales qui sont du travail différé ou de la solidarité conditionnée), donc qui détient assez de titres de propriété pour en dégager un revenu décent, donc qui exploite, y compris indirectement, le travail d'autrui. Indépendamment du montant des revenus. Les indépendants se rapprochent des prolos car ils dépendent des crédits bancaires (ou autre investissement). Évidemment que les gros salaires ou des activités artistiques peuvent aussi constituer une rente (permettant de quitter un taff, d'acquérir de l'immobilier)… et de constituer une petite bourgeoisie. (Idem pour les startupeurs qui rêvent de se faire racheter pour bosser sur ce qui les intéressent vraiment.)

    P.-S. : j'ai lu ces livres en 2022.

    Fri Aug 4 19:18:18 2023 - permalink -
    - https://editions.ptilouk.net/
    fiche-lecture
  • La fabrique éditions | Maintenant

    Dernier livre du Comité invisible après L'insurrection qui vient et À nos amis. On est toujours sur un livre qui distille une doctrine révolutionnaire, mais il comporte un poil plus de "solutions" (toujours aussi abstraites, et qui supposent d'embrasser le courant de pensée de la destitution) que le précédent.

    Le bouquin commence par un constat amer (certains diront qu'il s'agit d'apitoiement) : il ne sert plus à rien de critiquer, de révéler, de donner mauvaise conscience, etc. car l'adversaire est déjà une caricature de lui-même, tout et son contraire en alternance, et pourtant, il tient bon ; la confusion actuelle permet de retarder la bataille, mais la défaite est déjà là ; il n'y a plus d'unité ni nationale ni internationale (les COP illustrent que ça sera chacun pour soi) ; une assemblée (nationale ou Nuit Debout) reproduit au niveau collectif le problème de la prise de décision à l'échelle individuelle : absence de Moi conscient, souverain et cohérent en tout temps, d'où le cirque / théâtre plutôt que l'action ; vouloir de la politique partout, même dans une banale association, c'est tout transformer en une société de Cour, et il y aura toujours quelqu'un pour se prendre pour le Roi Soleil (on retrouve ici la destitution) ; l'espoir, c'est la lâcheté d'attendre quelque chose (des moyens ou que les choses soient autrement) en déclarant ne pas avoir prise dessus, donc c'est avouer son impuissance et retarder sa prise de position (n'est-ce que ce que fait le Comité, attendre ? Attendre la maturation simultanée des esprits, attendre qu'une idée insurrectionnelle grandisse en chacun ‒ en rédigeant des livres intello-branlette ‒, attendre qu'une harmonie spontanée et enchantée fleurisse ?).

    Quoi faire ?

    • Destituer (cf. À nos amis) ;

    • Détourner les sociétés commerciales. Une menuiserie qui produit en douce pour une ZAD, une imprimerie qui tourne en dehors du service pour imprimer les tracts, etc. Mouais… Ça retarde d'autant la prise de conscience de la nécessité d'une division du travail révolutionnaire complète, et donc son émergence. Dans l'attente, on reste dépendant du système que l'on combat ;

    • Lutter contre la répression policière en créant des liens de solidarité (on retrouve ici le sens initial d'une commune) : si une banlieue est attaquée, ça déclenche une réaction des alliés sur un autre territoire. C'est ingérable, donc le pouvoir renoncera à frapper la banlieue ;

    • Tisser des liens (de solidarité) de toutes parts. Le communisme (que le Comité appelle de ses vœux) est un assemblage de fragments de personnes (pas acquises à 100 %, la liberté de chacun prévaut) et de liens (on retrouve ici l'organisation harmonieuse spontanée qui émerge de nulle part) ;

    • Plusieurs points renvoient à L'insurrection qui vient.

    Divers :

    • Puisqu'il n'y a plus une unique expérience du travail (ouvriers versus employés de bureaux, par ex.), peut-il y avoir une expression commune de son arrêt, c'est-à-dire la grève générale ? J'allais classer cette phrase parmi les propos grandiloquents avant de me souvenir des différences et de la hiérarchie implicite qui prévaut entre les personnels administratifs et les enseignants d'une université (ce n'est pas la même expérience de taff, ni le même revenu, ni les mêmes contraintes au même moment, d'où il est très difficile de mobiliser les deux) ;

    • Populisme : retenir ce qui reste d'un peuple déboussolé afin de construire une vague unité. J'ajoute : pour le profit d'une seule personne / d'un clan ? ;

    • Les Maîtres (les dominants) ont toujours été anarchistes, ils ne veulent pas que d'autres le soient. Je pense plutôt qu'ils sont libertariens dans le sens où seule la liberté prévaut à leurs yeux, pas l'égalité ni la justice… ;

    • Nuit Debout aurait enterré les syndicats, les manifs, etc. alors que la loi Travail était l'opportunité d'un autre monde. Pour moi, c'est double pipeau : 1) il n'était pas question d'un autre monde, juste d'un statu-quo ; 2) dans À nos amis, le Comité est le premier à dire que si plusieurs personnes se donnent les moyens de faire autrement, quelque chose émerge. Donc Nuit Debout n'était pas forcément contradictoire avec d'autres modes d'action… qui, eux, n'ont pas émergé ;

    • Les loisirs sont une organisation sociale subie de notre temps "libre" orientée vers la consommation, et il convient de les valoriser en devant le VRP de soi. En parallèle, les boulots deviennent des jeux (notation, score, bonus, récompense, etc.) ;

    • Le revenu de base maintient le contrôle de la bourgeoisie car il ne fait que remplacer la modalité de ce contrôle : on passe du travail capitalisme (salariat, indépendant libre sur un marché, etc.) vers une aide sociale ;

    • Nous sommes tous des capitalistes en puissance, nous voulons tous tout valoriser en permanence : avant Airbnb, une chambre libre était une chambre pour les imprévus ou une pièce libre pour un nouvel usage ; Blablacar remplace l'auto-stoppeur ou la rêverie (ou les transports en commun, j'ajoute) ; ce qu'on donnait avant est désormais revenu sur Le Bon Coin. Très belle illustration du fait que le capitalisme n'est pas qu'un mode de production cloisonné dans les entreprises, il a vocation à englober intégralement les être dans l'ensemble de leurs activités ;

    • L'évaluation constante contribue à développer un nouveau capital : le capital humain. D'où on est VRP de soi, d'où on choisit les soirées où se montrer (y'a même un épisode de Black Mirror sur ça) ;

    • Les porc-épic se rassemblent pour se tenir chaud, mais leurs pics les font se disperser. Ils alternent donc entre deux souffrances. La monotonie et le vide (et la dureté d'une vie à l'état de nature, à mon avis) font se rapprocher les humains, et leurs défauts les dispersent. Il y a donc une distance moyenne à observer. Le Comité ne le précise pas, mais cette comparaison viendrait de Schopenhauer. Cela explique pourquoi le porc-épic est l'un des symboles des libertariens ricains.

    Baratin :

    • Comme dans les tomes précédents, le Comité ne fait pas la part des choses entre le progrès technique pour le progrès technique et un progrès utile / éthique / choisi, entre les conséquences néfastes intrinsèques de la technologie (ou d'une techno) et celles liées à nos usages situés dans une société capitaliste et typés comme tels. Il rejette donc toute la technologie en bloc ;

    • Être contre la société au nom de l'individu ou être contre l'individu au nom de la société, n'est pas pertinent. Hum… Pourtant, dans À nos amis, le Comité prend très clairement position contre la société (perçue comme une construction des États pour se définir dans la stratification mise en place par les dominants) et pour la liberté de l'individu… ;

    • Là encore, beaucoup de mots et d'expressions creuses et/ou pas définies avec rigueur. Pour la plupart, comme le communisme moderne qui confondrait attachement et possession, et qu'il faudrait orienter vers un assemblage spontané de fragments de personnes et de liens, cette carence est la conséquence même du courant de pensée de la destitution (l'organisation sociale future émergera spontanément, il n'y a pas à la définir).

    P.-S. : j'ai lu ce livre début 2020, après avoir visionné une entrevue de jz.

    Thu Aug 3 11:32:59 2023 - permalink -
    - https://lafabrique.fr/maintenant/
    fiche-lecture
  • La fabrique éditions | À nos amis

    Deuxième livre du Comité invisible après L'insurrection qui vient et avant Maintenant, qui distille une doctrine révolutionnaire basée sur une analyse du monde et des récents mouvements sociaux défaits (comme le mouvement des places).

    Comme pour le premier tome, on retourne dans du pompeux, de l'abstrait à outrance, et de la grandiloquence. L'intello-branlette parle à l'intello-branlette. Morceaux choisis : "le local existe uniquement par contraire du global, car c'est quand on a été privé d'un attachement qu'on souhaite le retrouver" ; "la terre rend possible l'existence du peuple, le peuple donne du sens à la terre" ; "on n'est pas libre, on est, tout simplement. Se dire libre, c'est avoué être lié à une réalité qui nous dépasse", "la détox technologique est une sottise car l'expérience est avant tout vécue comme une projection mentale du moment de la reconnexion, donc ça sert à rien" ; etc.



    Pour comprendre les parties les plus arides du bouquin, qui sont les mêmes que celles de L'insurrection qui vient, il faut situer le Comité dans le courant de pensée de la destitution. Celle-ci a deux sens :

    • Le premier c'est de retirer notre légitimité aux personnes, entités, et processus que nous jugeons ne pas être dans le vrai, l'éthique, le juste, comme un parlement de pantins ou des services sociaux de contrôle social. Exemple iconique : Stallman a porté un badge « Destituons Dieu ». C'est aussi une idée qui ressort d'une lecture de La Boétie : délégitimer un tyran lui retire son pouvoir. Le Comité va jusqu'à affirmer que rien de juste et d'innocent peut être incarné (sous-entendu : tout doit être destitué). Concrètement, il s'agit d'ignorer / de rire des entités, de faire différemment de ce que fait l'institution en charge (ce qui aura pour effet de la vider de sa substance), et de fuir le pouvoir au lieu d'en opposer deux à deux (rue versus gouvernement, par ex.) dans l'espoir que l'un remplace l'autre ;

    • Le deuxième sens, c'est que toute institutionnalisation est forcément un acte violent (puisqu'on définit ce qui est accepté ou non, ce qui est dedans ou dehors, ce qui vaut ou non) qui fait naître une volonté de la destituer et ainsi d'entretenir indéfiniment un cercle vicieux destitution ‒ institutionnalisation. Auteur : Giorgio Agamben. D'où une volonté chez certains, comme le Comité, de ne pas vouloir d'institutions et de s'en remettre à une harmonie spontanée ("écouter nos cœurs plutôt que penser, on chiffre l'écocide au lieu de le pleurer"), à l'expérience sensible de l'ici et maintenant que l'on nomme alors le réel, les humains vont se respecter, se coordonner, comme ça, de nulle part et il n'y a point de violence sociale, émanant de nos désirs, à gérer.

    Partant de là, on arrive à plusieurs des idées défendues dans ce bouquin : les mouvements sociaux des places (type Nuit Debout, mais ça existait avant en Espagne) sont voués à l'échec ; nous ne devrions pas articuler nos causeries sur les institutions à instaurer mais sur la forme de vie désirable (l'intendance suivra…) ; l'insurrection doit grandir en chacun (sinon la tête qui dépasse sera retournée contre le mouvement par le pouvoir en place, cf. IRA entre 1969 et 1972) ; les liens affectifs sont supérieurs à ceux codifiés (syndicat, parti, etc.) ; il n'y a pas à gérer les biens communs, juste à partager un rapport commun à ce que l'on ne veut pas s'approprier ; il y a des formes (langage, amour, habitudes, etc.) dans ce qui vit, donc il est inutile de les codifier, la vie elle-même est institution ; on ne gère pas la vie, on ne gouverne pas, on devine (sic) ce dont un groupe humain ou une période a besoin pour se développer ; la démocratie est l'expression d'une angoisse : celle qu'advienne quelque chose en dehors de toute procédure prévisible, qu'un événement nous dépasse, etc. ; il ne faut ni hégémonie ni organisation, juste « l'intelligence de la situation » pour trouver des solutions aux obstacles. Bref, tout s'organiserait par magie.

    Je ne crois pas à cela. Tout groupe social a des formes institutionnelles, sauf peut-être de très petits groupes extrêmement homogènes qui peuvent se réguler par un « on se comprend ». Pour le reste, il y a toujours des règles (y compris implicites), un cadre, un substrat commun, etc.



    Reproches adressés aux mouvements des places (type Nuit Debout, qui, même s'il n'avait pas eu lieu à la sortie de ce livre, prendra sa dose dans Maintenant) :

    • La centralité des AG laisse à penser que rien n'existe sans une validation préalable alors qu'une idée fait consensus si plusieurs personnes trouvent les moyens de la mettre en œuvre, tout simplement ;

    • Les AG sont un théâtre, un mensonge qui casse la sincérité et la spontanéité ;

    • Se rencontrer pour se donner du courage se transforme en une impuissance collective devant le constat que tout le monde souffre sans rien faire ;

    • On passe des États à une gouvernance souple… qui reste du gouvernement, c'est-à-dire guider le troupeau loin de la liberté (cf. la destitution ci-dessus). Toutes les sociétés humaines n'ont pas eu de gouvernement. Plus les individus sont isolées et se sentent vides à l'intérieur, plus il faut un gouvernement coercitif pour les faire tenir ensemble.

    Fragments de stratégie révolutionnaire :

    • Le combat ne se poserait plus en termes de société (qui serait le nom que l'État donnerait à la répartition de ses servants pour justifier ce qu'il est : État guerrier, État-providence, État néo-libéral, État théocratique, etc.), mais en termes d'occupation des territoires, précisément car le projet serait désormais de le fragmenter toujours plus afin de prendre, partout et au plus près, ce qu'il y a à prendre pour renforcer la domination. Les projections, notamment Territoires 2040 de la DATAR (aménagement du territoire français) parleraient toutes d'un monde structuré à la Hunger Games : les grandes régions métropolitaines seraient en compétition pour attirer les talents, les métropoles secondaires s'en sortiraient via la spécialisation, les zones rurales pauvres attireraient les citadins en manque de nature, des zones agricoles / de préservation de la nature alimenteraient les autres, et des zones de relégation seraient "laissées" (sous contrôle) aux "autres" (inemployables, etc.). Pour être précis, la DATAR semblait évoquer (ça ne figure pas dans le PDF daté de 2018) un « glissement progressif de la conflictualité du champ du social vers celui du territorial » et plutôt décrire un déplacement du conflit des villes vers la campagne, précisément car les villes sont aseptisées (le Comité analyse bien cela). Sans compter que faire tout un film d'une prospection qui, par nature, a vocation à étudier tous les scénarios possibles, c'est un peu ballot… ;

    • Les Bridages rouges voulaient tuer les tenanciers de l'États pour prendre le contrôle du gouvernement ; le patronat est organisé au niveau mondial ? soyons-le avec une internationale des travailleurs ; le parti tsariste était organisé, politico-militaire, discipliné, et hiérarchisé ? Le Parti Communiste devait l'être. Aujourd'hui, face à l'empire diffus organisé en réseaux mais ayant aussi des centres de commandement, il faudrait opposer des multitudes organisées en réseau mais dotées d'une bureaucratie qui pourra remplacer celles des commandements qui tomberont sous le contrôle des révolutionnaires. On trouve cette idée d'élite de rechange chez Fakir, Mélenchon et le RN. Mauvaise stratégie pour le Comité (cf. la destitution ;) ). Podemos et Syriza, qui ont voulu remplacer l'existant, ont été défaits (ils sont devenus des relais des dominants, assenant la doctrine néo-libérale à leurs concitoyens) ;

    • Un mouvement révolutionnaire c'est 1) de la spiritualité (théorie, littérature, art, etc.) ; 2) une préparation à la guerre (en défense ou en attaque) ; 3) une abondance de moyens et de lieux. Quand tout ça n'est pas réuni, on a soit une garde éclairée, soit une secte de théoriciens, soient des entreprises alternatives qui changent rien.

    Le chapitre sur le numérique est à la fois intéressant et navrant :

    • L'humain est-il défini par des données personnelles et/ou les interactions de celles-ci ? Je réponds oui à la première question, c'est précisément pour ça qu'elles sont considérées comme un attribut de la personne en droit de l'UE. Pour la deuxième, je sèche ;

    • Hackerspaces : économie du partage qui prolonge l'économie de marché (réparer gratos les merdes du capital, ce qui fait économiser aux grandes multinationales) ou vraie émancipation par le savoir ? Le Comité rejette les imprimantes 3D et les kits pour construire des maisons écolos ;

    • Le progrès consisterait à hiérarchiser les techniques afin de configurer le futur selon le désir de la classe dominante. La technologie serait la mise en réseau des techniciens pour tenir un discours permanent sur les techniques, analyser tous les problèmes sous l'aspect technique et les résoudre sous cet angle-là, et lisser les techniques les plus rentables, ce qui conduit à une perte de savoir-faire. Mouais… Pas tous les techniciens : certains prônent la diversité des pratiques, une technologie choisie au service d'une vision politique, etc.

    • Le reste, sur le Cloud (qui servirait à rendre l'infra résistante… comme si on avait attendu le Cloud) ou sur la cybernétique dont on nous rabat les oreilles depuis des décennies sans en avoir vu un début de commencement), ou sur OpenData / OpenGov, etc., est loufoque, sauf sur l'aspect surveillance et marchandisation de l'attention (même si le Comité ne sait pas nommer ainsi ce qu'il observe et même s'il ne fait pas la différence entre nos usages néfastes actuels et des contraintes intrinsèques à la technologie). "On a amoindri l'expérience de la vie au point de rendre désirable une modélisation numérique de celle-ci, comme le tourisme est la version atrophiée du voyage rendue désirable par le capitalisme".

    Divers :

    • La crise (cf. la doxa néolibérale appliquée à la Grèce, etc.) et le changement permanent (accès aux aides sociales, lois, etc.) sont un mode de gouvernement qui, parce qu'ils bouleversent les conditions d'existence des individus, leur ponctionnant par là du temps de cerveau, permettent de défaire les citoyens ;

    • La fin de la civilisation serait déjà là car l'Occident s'est perdue en chemin : prise de distance avec la nature et dans le rapport à l'autre, la volonté de tout passer au crible de l'ingénierie (que le Comité, comme d'autres, confond avec la maximalisation de la productivité), le travail contre-nature, recréer ce qu'on a détruit, etc. Mouais… Tout comme certains voient la fin dans la chute du christianisme ou dans l'art moderne, c'est très subjectif. D'un autre côté, le Comité nous explique que l'humain comme centre du monde (d'où les ravages sur la nature et autrui) est le projet de l'Occident (on retrouve ça en philo, en effet, mais pas que) et qu'il faut y mettre un terme (sous-entendu l'Occident n'est pas mort) ;

    • Le but d'une prophétie n'est pas d'avoir raison dans le futur, mais d'opérer sur le présent, de faire prospérer ici et maintenant l'attente, la passivité, et la soumission ("à quoi bon ?"). Mouais… Je ne vois pas en quoi les mythes de l'an 2000 (robots partout, voitures volantes partout) ont rendu passifs les gens des années 1970-2000. Il en va de même avec les mythes actuels autour de l'IA, du transhumanisme, de la conquête de Mars (est-ce vraiment l'attente de Musk, notre sauveur, qui nous fait ignorer le dérèglement climatique ?) ;

    • La bestialité humaine en cas de crise serait un mythe afin de préserver l'ordre et la propriété bourgeoise qui ne se constaterait pas en situation de crise (guerre, événement météorologique, etc.). On retrouve cette idée chez Kropotkine. Mouais… Face à un événement climatique, il y a des intérêts convergents. Mais, dans un tel événement ou durant une guerre, les dominants marchent à contre-courant et cherchent à en profiter. Bref, ce n'est pas spontané, il y a toute une organisation à adopter, et vu que le Comité s'y refuse (cf. destitution)… Surtout, ce n'est pas le sujet : au-delà de la bestialité, l'humain est un être de pulsions / passions / désirs ; nos sociétés actuelles les canalisent (bien ou mal) genre l'amour sert à encadrer les pulsions sexuelles, le débat intello sert à présenter, sous une forme acceptable, une mise à mort (quand tu démontes une théorie mathématique ou physique, ça pique), etc ; toute société humaine devra toujours canaliser ces pulsions humaines, ça sert à rien de le nier (comme le fait le courant de pensée autour de la destitution). Par ailleurs, et c'est bien étrange, le Comité expose qu'une guerre (au sens large, guerre de gouvernance, guerre de communication, guerre d'estime, guerre pour définir un contrat social) peut ne pas être un carnage si l'on a l'art de la mener (et comment faire sans une ritualisation convenue à l'avance ?), et que le pacifisme peut être une tactique de temporisation quand un clan n'est pas prêt à mener le combat ;

    • « J'y suis pour rien » est un affect de supériorité morale qui énonce mon impuissance dans un événement et ma revendication de droits en tant que victime ;

    • On retrouve l'idée centrale du premier livre, la domination par les infrastructures (Google, nucléaire, routes, etc.) et une vision par flux. Ainsi, une usine ce n'est qu'un flux entrant, une transformation, et un flux sortant qui serait dénué de tout savoir-faire à cause, entre autres, de la division (verticale et horizontale) du travail. Une métropole est une station de production et de circulation du capital (boarf… cette unité est-elle encore pertinente avec la financiarisation ?) ;

    • À Athènes, au 5e siècle, le citoyen se se serait conçu comme un prolongement du guerrier, et les assemblées démocratiques comme un prolongement des assemblées guerrières. Était citoyen le soldat. Le Comité évoque les hoplites / phalanges, mais Wikipédia hésite entre un rite de passage ou un service militaire. Rien n'a beaucoup changé : l'acquisition de droits en France était conditionnée au service militaire et désormais à la JAPD (qui a changé de nom depuis) ;

    • La figure du radical violent jusqu'au-boutisme est la nouvelle échelle de notation des révolutionnaires qui les épuise ;

    • La lutte sociale aurait fait naître la classe ouvrière (l'idée du Comité est, là encore, que le mouvement a créé, de nulle part, ce qu'il refuse de nommer des institutions). Mouais… Œuf et poule, à mon avis… L'émergence d'une classe sociale est aussi une réponse au besoin de s'opposer à la domination ;

    • Commune : au 11e siècle, cela se rapprochait d'un pacte de solidarité, une envie de tenir ensemble, de s'entraider, et une envie de compter sur soi pour la préservation de sa liberté. Le Comité nous propose ce modèle pour l'après.

    P.-S. : j'ai lu ce livre à la fin de 2019, après avoir visionné une entrevue de jz.

    Wed Aug 2 17:27:47 2023 - permalink -
    - https://lafabrique.fr/a-nos-amis/
    fiche-lecture
  • L’Amour sous algorithme - Éditions Goutte d'Or

    Le point de départ de ce livre est la note de désirabilité que Tinder aurait attribué à ses clients (on en apprendra rien, l'auteure n'a pas réussi à en savoir plus ni à récupérer la sienne via l'exercice de son droit d'accès RGPD), puis il s'élargit autour d'une prise de conscience que notre manière de consommer l'amour engendre des conséquences néfastes dont nous sommes tous responsables, avant de présenter quelques-uns des algorithmes potentiellement utilisés par Tinder (je divulgue : le fameux document de 27 pages qui « contient de quoi faire trembler Tinder » annoncé dans la 4e de couverture n'est que l'un des brevets rachetés par la marque, rien de neuf ni de transcendant).

    Consommer l'amour et turpitudes :

    • L'auteure relate quelques-unes des pulsions humaines sur lesquels jouent les sites web de rencontre et leurs effets : peur de la solitude ; besoin de se sentir désiré ; dont l'extrême est le narcissisme (je plains autant ? \o/) ; capture de l'attention et récompense aléatoire ; hiérarchisation des profils (à ne pas confondre, comme je l'ai longtemps fait, avec le tri : que je décide d'exclure de ma recherche les mères et celles qui veulent le devenir, c'est du tri, et ça me regarde, mais qu'un site web décide de ma comptabilité avec quelqu'un avant de me le présenter, c'est discutable) qui renforcerait nos stéréotypes et nous enfermeraient dans une bulle… (Je ne suis pas convaincu sur ce point : tout comme AFK, on cherche ce qui nous ressemble : à partir de 68 likes d'une personne, on peut déduire sa couleur de peau, son orientation sexuelle, son orientation politique, etc.) ;

    • Les sites web de rencontre transforment l'amour en marché économique sur lequel les femmes veulent l'exclusivité afin de se sentir aimées, d'où elles privilégient la qualité (en ne remplissant pas leur profil ? :)))) ), alors que les hommes veulent se mettre en avant par leur nombre de conquêtes, et privilégient donc la quantité. Ce cliché… Source : la sociologue Eva Illouz. J'ajoute que la dernière enquête sur la sexualité des Français confirme ce biais. Mais, puisqu'il s'agit d'un marché, d'une construction sociale, cela signifie que la dèche amoureuse est socialement construite par une société humaine, comme l'est la pauvreté (cf. Marx). Étrangement, l'auteure s'étonnera par ailleurs que Tinder Gold (boost du profil) est une solution mercantile à un problème de visibilité induit par le classement algorithmique de Tinder… Oui bah, comme d'hab, le capitalisme vend un problème et sa solution ;

    • Turpitudes de l'auteure :

      • Elle a besoin de se sentir unique donc elle exige un début de conversation original. Mais… Personne ne va faire un effort pour que tu ne répondes pas ou que tu refuses la converse… C'est normal… Perte de temps… D'abord on initie la converse avec la politesse de base, puis on amène des choses originales, comme lors d'une causerie AFK. En plus, comment être original quand on ignore les connaissances et les intérêts d'une personne (surtout que la majorité des femmes ont un profil vide, pour rappel). Le sommet de l'absurde est de reprocher à ses matchs de lui faire en blague en rapport avec la blague Blablacar de son profil… De quoi veux-tu qu'ils te parlent ?! ;

      • L'auteure se plaint d'avoir des réponses de queutards… alors qu'elle initie la conversation par « je sors d'une longue relation, je cherche de nouvelles expériences, à réaliser mes fantasmes »… … … Mensonge pour tromper l'autre. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ;

      • En date, un mec l'informe qu'il ne donnera pas suite car il espère « trouver mieux ». L'auteure est offensée, blessée, comment peut-on classer les gens, je suis moins bien que « mieux », blablabla… On peut sortir d'une relation et vouloir retrouver un partenaire similaire. On peut aussi avoir plusieurs critères, dont des obligatoires et des facultatifs et laisser une chance, ou non, s'ils ne sont pas remplis mais qu'on sent que ça peut le faire malgré tout ;

      • L'auteure, déçue par ses rencards et matchs sans intérêt, est paumée et cynique. Elle fini par envoyer des phrases-types, par ne plus répondre aux messages, etc. c'est-à-dire par se comporter comme elle ne veut pas qu'on se comporte avec elle… Elle en prendra conscience en lisant les 802 pages de réponse de Tinder à son droit d'accès RGPD, et notamment les converse avec ses matchs (y'a du dalleux et de l'impoli, mais aussi des gentils et originaux qu'elle a laissé en plan et aussi des personnes autant paumées qu'elle). Hé oui, tout le monde est responsable de cette situation merdique.
    • À mes yeux, l'auteure ne fait pas la part des choses entre les effets intrinsèques de Tinder et les effets de nos pratiques tout medium confondu.

    Techniques brevetées de mise en relation :

    • Il ne suffirait pas de faire se rencontrer les gens. Il faut écarter les "indésirés" afin que les profils de haut du panier ne fuient pas (dit autrement : maintenir un minimum de qualité dans le réseau social, minimum qui dépend de chaque individu). Il faut provoquer la rencontre. Etc. ;

    • Amazon Rekognition était (est ?) utilisé pour "remplir" les profils vus qu'ils sont souvent vides (une guitare apparaît ? hop, tag "loisirs créatifs") ;

    • Mots clés en commun ;

    • Faire croire à la destinée : même lieu de naissance ou université ou initiales. Observation de l'auteure : "comme quand mes copines et moi apposions le nom de famille d'un mec à notre prénom pour voir si ça sonnait bien […] nous sommes de grands enfants manipulés" ;

    • Niveaux d'expression compatibles déterminés par des tests comme les Flesch–Kincaid readability tests ;

    • Success rate d'une photo (50 % = vu/swipé une fois sur deux présentations du profil). Tinder avait (a ?) une option SmartPhoto qui présente à tour de rôle les photos du profil puis uniquement celle qui fait le plus de vues ;

    • Outrepasser la distance en fonction de l'attractivité (genre quelqu'un avec le même âge, diplôme, niveau de revenus pourra être présenté même s'il est hors de la zone de recherche), car on sait que les personnes mises en relation sont susceptibles de faire un effort supplémentaire dans ce cas-là ;

    • Mettre en relation des hommes plus vieux avec des femmes plus jeunes, moins diplômée et disposant de revenus moindres. Les chiffres de l'INSEE montrent qu'en moyenne, il y a 4 ans et 42 % de revenus d'écart entre homme et femme dans un couple français (dont la majorité n'ont pas eu recours à un site web de rencontre, hein ;) ). Pour l'auteure, c'est la démonstration que Tinder fait perdurer / inscrit dans le marbre le méchant modèle patriarcale… Pas convaincu ;

    • Contrairement à l'auteure, je vois rien de scandaleux dans tout ça. Nous faisons la plupart de ces tests également lors d'une rencontre AFK, y compris inconsciemment… Après, chacun est libre de croire qu'AFK il donnerait sa chance alors qu'un site web de rencontre ne présentera même pas le profil, blablabla. L'auteure qui s'indigne sur Tinder Select alors que l'écrasante majorité des soirées AFK sont sur invitations et rassemblent des personnes au profil démographique proche…

    Divers :

    • En 2014-2015, les associations de consommateurs et l'ICO (CNIL britannique) se seraient déclarées incompétentes pour assister l'auteure dans l'obtention de ses données personnelles Tinder, dont la fameuse note de désirabilité. Concernant l'ICO, je suis étonné…

    • Le summum du navrant de ce livre : l'auteure, déçue, désespérée, swipe à tout va avant de se branler le gland du clito avec le revers d'une brosse à dents… ;

    • Débuter une enquête : contacter toutes les personnes qui ont bossé ou bossent sur le sujet (journaliste, avocat, universitaire, activiste, etc.).

    P.-S. : j'ai lu ce livre en 2020 et je l'ai pris en compte pour rédiger mon avis sur les sites web de rencontres amoureuses.

    Wed Aug 2 10:13:34 2023 - permalink -
    - https://editionsgouttedor.com/catalogue/lamour-sous-algorithme/
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  • Comment je suis devenue anarchiste , Is... | Editions Seuil

    Un livre écrit par Isabelle Attard, ancienne députée 2012-2017 EELV puis Nouvelle Donne (apparenté écolo) qui avait fait le pont avec les défenseurs des libertés à l'heure du numérique (exemple) avant d'exposer ses désillusions sur notre système démocratique (regarder ça et/ou ça).

    Elle ambitionne de réhabiliter le mot anarchie en nous le faisant découvrir progressivement à travers un résumé de son parcours intellectuel et politique. Ce bouquin n'est pas une autobiographie.

    Définitions :

    • Anarchie : organisation politique visant l'égalité, la liberté, la justice et l'indépendance (la structure ne prime pas sur l'individu). D'où l'absence de chef, l'autogestion (tout le monde participe à la prise de décision), le féminisme inclus de base, etc. Elle peut se mettre en œuvre à plusieurs échelles, du micro-local (société commerciale, association, etc.) au national. Il s'agit d'un système organisé, il y a des règles. Synonymes : libertaire (pas libertarisme qui est un courant de pensée de droite libérale) ou communisme-libertaire ;

    • L'étatisation du socialisme de l'URSS est critiquée dès 1917 (par l'auteur Voline, par ex.). Trotski était opposé à ceux qui, comme l'anarcho-syndicaliste Makhno, voulait que l'intégralité du pouvoir revienne aux soviets c'est-à-dire aux conseils ouvriers locaux ;

    • Écologie sociale : courant proche de l'éco-anarchisme ;

    • Des auteurs anars usuels sont cités : Emma Goldman, Élisée Reclus, Murray Bookchin, Errico Malatesta, etc.

    Le déjà-là anarchiste :

    • Les communistes espagnols étaient d'accord avec les libéraux pour écraser la révolution anarchiste qui s'est déroulée pendant la guerre d'Espagne (1939) au motif que la priorité était la démocratie bourgeoise ;

    • Mandchourie (Chine) écrasé par les Japonais et Staline ;

    • 2 millions d'Ukrainiens anars écrasés par l'armée rouge ;

    • Rojava (Syrie) : communalisme, c'est-à-dire communes locales fédérées + communes thématiques (jeunesse, cinéma, etc.) + assemblée nationale et exécutif. Les femmes participent à l'effort de guerre et éduquent, y compris les hommes, à la place des femmes dans l'histoire ;

    • Chiapas (Mexique) : communautés + commune (conseil municipal élu) + fédération par zone + fédération "de bon gouvernement" (aucune idée de ce que c'est). Consensus, allers-retours entre les strates hautes / de pouvoir et les strates basses (boulot à la con), droit coutumier ;

    • Les communautés libres à la fin du 19e / début du 20e siècle auraient échoué en partie car tout le monde n'adhère pas à l'amour libre ;

    • Mon avis : c'est toujours les quelques mêmes exemples qui reviennent. Or, ils se placent chacun dans un contexte éco / géo / politique particulier (zone de guerre, absence de matières premières, etc.), une temporalité éphémère ou courte, et à une échelle micro-locale (donc l'intégralité de la division du travail n'est pas assumée, donc le développement sera limité). Pas sûr que ce soit transposable… Le Chiapas permet à Coca-Cola d'extraire 100 millions de litres d'eau par an… alors que 12 millions d'habitants n'ont pas accès à l'eau potable (source), donc on est loin de l'égalité et de l'indépendance.

      • De même, l'autogestion d'une société commerciale coopérative ne remet pas forcément en cause le capitalisme, la compétitivité, etc., car les salariés voudront se dégager un salaire (et ne pas perdre de plume si participation au capital) donc être rentables, donc ils décideront ce qui va dans leur seul intérêt, sans respecter ce que veut le client ou les exigences du territoire. De même, comme dans toute entité, il y a des personnes plus responsables que d'autres déclarées aux autorités et qui assumeront les risques juridiques, donc celles-ci vont contraindre les actions afin de se protéger. C'est moins pire, ça permet de pratiquer le communisme-libertaire, donc de voir ce qui marche ou non, mais ce n'est pas une alternative en soi, car le problème est systématique.

    Parcours politique d'Attard :

    • Des huissiers de l'Assemblée nationale, le bâtonnier de Paris, et autres la prenne pour une assistante. D'autres, surtout des mecs la cinquantaine passée, se montrent impolis avec ses collaboratrices (et les prennent de haut) alors qu'ils sont tout mielleux avec elle (elle les recadre) ;

    • Ça a été une tannée pour participer à l'Assemblée lorsqu'elle s'est retrouvée temporairement en fauteuil roulant suite à un accident ;

    • Elle a distribué sa réserve parlementaire à des projets choisis par des citoyens tirés au sort (parmi bien peu de volontaires) ;

    • Elle percevait à la fois de la défiance des citoyens (à Nuit debout, par ex.) et des politiciens (ses prises de position sur l'état d'urgence, le numérique, l'usage des deniers publics, etc. l'en éloigne), au point de se demander quelle était sa place ;

    • Désillusions : mésusages des frais de mandat (IRFM) ; Assemblée = chambre d'enregistrement de l'exécutif ; logiques des partis (je vote pour sauver ma prochaine investiture) ; chiffon rouge (insérer un article scandaleux dans un projet de loi afin d'exciter tout le monde et d'occuper le temps de parole) ; logique de la maigre avancée (dans un projet de loi, insérer une disposition clé des oppositions afin qu'elles votent le texte au nom de cette petite avancée alors que tout le reste est une régression) ; cirque / théâtre permanent (prises de parole, mais tout est joué d'avance, etc.) ; désillusion aussi sur Nouvelle Donne (choix opaque des statuts, gestion calamiteuse des salariés et de la thune) et sur la possibilité d'existence d'un parti réellement démocratique ;

    • Malgré tout, elle se présente à un deuxième mandat en 2017. Cela m'a fait tiquer à l'époque : au début, elle avait dit se présenter pour un unique mandat, et revenir sur sa parole n'est généralement pas bon signe. Elle s'en justifie dans ce livre : elle voulait donner de la voix aux conventions citoyennes pour élaborer la loi et à des projets locaux. Mouais…

    Quelques pratiques d'autogestion :

    • Pas de sachant. Un capitaine tournant afin de donner confiance en soi et de développer la réflexion et l'analyse. Ne pas rabaisser. CNV. Rôles tournant dans une réunion (gardien du temps, animateur, pousse-décision, coach, etc. Laisser le temps (les collègues ne vont pas participer tout de suite). Avec le recul (et une légère pratique), je ne suis pas convaincu : au final, le dernier mot va au chef, il est responsable de l'équipe, et si la solution proposée ne répond pas aux besoins ou objectifs définis par son chef, il la retoquera… Du coup, impossible de s'opposer à une décision idiote ou contre-productive, les sous-fifres pourront juste arrondir les angles ;

    • Ne pas obéir aveuglement, travailler moins, saboter, boycotter.

    Baratin :

    • Athènes au 5e siècle serait une vraie démocratie, blablabla. Réfutation ici et là ;

    • Attard nous ressort le mythe du nuage de Tchernobyl qui s'arrête aux frontières. Aucun officiel français n'a dit ça ;

    • Attard nous joue Calimero : "c'est difficile de parler d'anarchie, la preuve, quand je l'ai fait, à la fin de mon mandat, de potentiels employeurs m'ont boudé". Mouais, ça me semble être une conséquence à plusieurs facteurs : d'autres députés ont eu du mal à retrouver du taff ; Ça dépend aussi du taff recherché (directrice de musée = peu de places, la place est cher, les élus locaux ont toujours quelqu'un à caser), du carnet d'adresses politique (et de sa volonté ou non de le faire fructifier), de la capacité de l'employeur à admettre qu'un unique mandat politique ne signifie pas être nul, etc.

    Divers :

    • Carnet B : principal fichier de surveillance de la 3e République française. Tous les perturbateurs de l'ordre public donc antimilitaristes, anars, etc. ;

    • Droit d'accès à la nature : droit, dans les pays nordiques, de profiter de la nature et de ses fruits sans respecter la propriété privée, sous conditions (loin des habitations, ne pas saccager, etc.) ;

    • Stuga : maison secondaire suédoise soi-disant pour faire des retraites nature, mais Wikipédia laisse à penser que l'aspect "strict nécessaire" a disparu ;

    • Servir, c'est plus qu'obéir, c'est devancer les désirs, c'est donner des gages, c'est recevoir les ordres avec gratitude ("trop content que tu me demandes ça"), c'est sur-obéir ;

    • Emma Goldman à propos des poseurs de bombes anars durant la propagande par le fait (1890-1914, attentats ciblés contre les chefs d'État, les patrons, les magistrats, etc. afin de convaincre les ouvriers de la nécessité d'une insurrection) : personnalités excessivement sensibles qui ne peuvent vivre dans l'indifférence face à la misère et à l'iniquité humaine et dont le déchirement de leur âme torturée se traduit par un acte violent.

    P.-S. : j'ai lu ce livre en 2020.

    Tue Aug 1 18:15:01 2023 - permalink -
    - https://www.seuil.com/ouvrage/comment-je-suis-devenue-anarchiste-isabelle-attard/9782021440355
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  • Libérez-vous de votre smartphone - Korben

    Livre du blogueur Korben qui se veut être un guide pratique pour réduire son utilisation de son smartphone.

    Korben serait passé par là suite à une hausse de son niveau de stress liée à une surcharge de travail. Or, comment se poser quand on reçoit des notifs en permanence ? Bien sûr, on ne vient pas à bout d'une surcharge de travail et de son mal-être en mettant simplement son smartphone de côté, et tel n'est pas mon propos ni celui de l'auteur (qui s'organise mieux, qui a pris du recul sur son travail, qui s'est mis au sport et à une nourriture plus saine, etc.).

    Ça donne un livre illustré, direct (pas de circonvolution), et structuré sous forme d'un tutoriel progressif (car on ne stoppe pas "l'addiction" d'un seul coup net). Sur le fond, j'aurais rien à dire puisque je n'ai jamais eu besoin de me désintoxiquer de mon smartphone.

    Pourquoi réduire son utilisation de son smartphone ? Santé physique (vue, cou, articulations, sommeil) et mentale (déprime, angoisse, peur de manquer / de l'ennui / de la solitude), perturbation des relations sociales (on zieute son smartphone au lieu d'écouter, de vivre l'instant présent), baisse de la mémoire (car à force d'avoir tout dans son agenda, carnet d'adresses, blablabla, pipeau !), un potentiel cancer lié aux ondes qu'il vaut mieux prévenir que guérir (… … …).

    Certains des conseils peuvent également être appliqués par les non-accrocs ou les voyageurs : désinstaller un max d'appli, au besoin utiliser la version web (effort supplémentaire, moins de flicage) ; tél et SIM bas de gamme en vacs pour limiter le préjudice d'un vol ou d'une perte ; personne n'a obligation de se rendre disponible dans l'immédiat ; restreindre l'accès à ses réseaux sociaux / trier ses "amis".

    Plusieurs sous-chapitres sont redondants (un appareil par usage = remplacer son smartphone par 1) téléphone, 2) agenda papier, 3) montre, 4) réveil, 5) une prévision de ses itinéraires ; mode avion = éteindre son téléphone pour se concentrer = couper la data et le wifi = éloigner son téléphone) et un même conseil revient dans plusieurs sous-chapitres.

    Conseils :

    • Suivre son activité, sur quelles applis passes-tu le plus de temps ? (Android et IOS proposent un tableau de bord) ;

    • Trier ses applications sur son bureau (et dans la barre de menu) afin de ne pas avoir sous les yeux les plus addictives (mouaaaais, elles vont émettre des notifs ou tu iras les chercher) ;

    • Désactiver les notifs pas pertinentes (Uber = pertinent durant une course) ;

    • Mode ne pas déranger sauf certains numéros ;

    • Désactiver le répondeur vocal (dépiler prend du temps et peut angoisser quand on ne comprend pas et que l'interlocuteur n'est pas joignable) ;

    • Choisir un forfait avec une faible quantité de données mobiles (mouais… attention au hors forfait, les addictions sont tenaces) ;

    • Parler de sa dépendance pour sensibiliser son entourage et déculpabiliser ("si je ne réponds pas, c'est que je me soigne") ;

    • Mettre un fond d'écran "profite de l'instant présent" (ou autre) ou mettre un code de déverrouillage compliqué ou un chronomètre qui tue une application après un temps défini afin de tenter d'interrompre un geste machinal ou, à défaut, d'en prendre conscience ;

    • Pas de tél dans la chambre (l'électrosensibilité est évoquée à nouveau… … …), lire, adopter un réveil ;

    • Ne pas se connecter dès le réveil, s'octroyer du temps pour une activité ;

    • Ne pas sortir avec son smartphone pour de courtes distances ou des tâches simples (j'approuve, y'aura toujours quelqu'un pour prêter un tél en cas d'urgence) ;

    • En soirée / restau, défier ses amis ("le premier qui zieute son tél paye la tournée") ;

    • Essayer la détox (plus de smartphone durant X jours consécutifs) ;

    • Définir des créneaux quotidiens (ou une limite) d'utilisation du smartphone pour tel et tel usage ;

    • Utiliser un objet par fonction (mp3, réveil, agenda, etc.), ça évite d'être attiré par un autre usage du smartphone ;

    • Se déplacer sans chargeur / batterie supplémentaire afin de se forcer à limiter son usage (y'a vraiment des gens qui se trimballent H24 un chargeur ou une batterie ? :O ) ;

    • Faire garder son smartphone afin de ne plus y avoir accès (… … …) ;

    • Configurer son smartphone pour afficher en niveaux de gris (c'est possible sous IOS) afin de le rendre moins attractif ;

    • En loisir (sport randonné, etc.), considérer son smartphone comme un outil de dernier recours pour se sortir de la panade, pas comme un outil de confort ;

    • Mesurer sa progression (d'où le suivi des usages), se récompenser (restau après le franchissement de tel cap), combler par d'autres activités ;

    • Séparer les usages pro et perso.

    P.-S. : j'ai lu ce livre en 2020, donc j'ai la version auto-éditée de 2019 (couverture bleu clair), et j'en avais fait un très concis résumé dans mon article « (Presque) trois ans sans smartphone ».

    Mon Jul 31 19:03:58 2023 - permalink -
    - https://www.librinova.com/livres-vendus/korben/liberez-vous-de-votre-smartphone
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  • Cyberminimalisme , Karine Mauvilly, Sci... | Editions Seuil

    Un livre qui se veut pratique pour prendre de la distance avec le numérique.

    Pourquoi réduire son utilisation du numérique ? Écologie (déchets, minerais rares), flicage (point assez peu développé), sécurité (fuites de données via, par exemple, les objets connectés), économie de l'attention, baisse de nos facultés comme notre mémoire, notre sens de l'orientation, ou notre empathie (ces points ne seront pas argumentés), et absence d'un aspect humain du numérique (ce n'est pas explicité autrement que comme la préservation du petit commerce et des rapports sociaux, alors que le numérique a pour lui de gommer une partie des handicaps).

    Là encore, beaucoup de baratin :

    • L'auteure emploie le mot « digital » à gogo. Plusieurs définitions sont erronées : hacker, fin du RTC qui forcerait l'usage d'une box (le problème est ici l'interopérabilité des flux TV et téléphonie). Point culminant : la box Internet convertirait un signal téléphonique en signal web ‒ sic ‒) ;

    • Plusieurs points peinent à me convaincre : l'auteure fait comme si la diffamation, l'injure, la désinformation, les mauvaises rencontres, etc., n'existaient qu'AFK (qu'Internet prolonge H24 le pouvoir de nuisance de harceleurs, je suis d'accord, mais ce n'est pas tout à fait la même chose) ; il faudrait veiller à sa réputation en ligne, c'est contraignant (ha, il ne faut pas faire de même AFK ? Quelle est la limite entre contrôler sa réputation et la pudibonderie ? ‒ tout le monde a déjà fini torché ‒) ; contrairement à l'écriture manuscrite, la saisie rapide au clavier n'est pas une reformulation, donc on n'assimilerait pas les notions (parce qu'en classe, avec un stylo, on reformule le baratin du prof ? Le clavier oblige à ne pas reformuler ? Certaines personnes ne mémorisent-elles pas plus efficacement en écoutant alors que d'autres y parviennent en écrivant ou en lisant ?) ; rien ne serait aussi efficace que la conversation ou le jeu pour apprendre (du coup, l'école ? :)))) Le numérique permet également d'expérimenter plus facilement genre devenir rédacteur d'un journal avec un peu d'audience) ; les écrans impacteraient les résultats scolaires (je vois une corrélation, mais pas de causalité, ça me semble être une conséquence à plusieurs facteurs) ; les intermédiaires techniques pourraient abuser (oui, comme la librarie du coin, ce n'est pas une spécificité d'Internet, c'est plus une question de taille) ;

    • Plusieurs des solutions référencées font vieille France : toute la maison téléphone via un fixe situé au milieu de la maison (et la vie privée ? T'as vraiment envie de savoir quand ta gamine va se faire troncher ?) ; le numérique devrait venir en récompense (de résultat scolaire)… pire moyen d'éduquer… ; pratiquer un maximum d'activités en famille genre film ou musique (à moins d'avoir des parents tolérants, ça va conduire à du conformisme) ;

    • L'auteure peine à faire la part des choses entre les conséquences négatives intrinsèques à la technologie et celles liées aux usages, notamment formatés par une économie capitaliste. Une sortie du numérique est préférée par rapport à des ressources numériques éthiques (Mutins de Pangée, radios associatives diffusées sur le web, réseaux sociaux libres, etc.). De même, l'auteure préconise l'achat d'objets dédiés à une seule fonction (appareil photo disjoint du téléphone, par ex.), car ça limite de facto la possibilité de se laisser harponner par une appli / un autre usage (source). Or, la convergence numérique, qui, certes, peut entraîner des impacts néfastes, permet, à l'heure actuelle, de consommer moins de minerais rares et de produire moins de déchets ;

    • D'après une étude danoise de 2015, des personnes qui ont quitté Facebook se déclarent heureuses. Sauf que l'étude dure une semaine, que c'est déclaratif, et que l'échantillon n'est pas représentatif.

    Le reste est correct :

    • Il n'y a pas de fatalité liée au numérique et aux smartphones. Plein d'initiatives permettent d'exercer une forme de contrôle (LQDN, Framasoft, logiciels libres, Écran Total, etc.) ;

    • L'auteure égrene les effets néfastes du numérique (j'ai déjà listé ici la plupart de ceux liés à la marchandisation de l'attention) : les écrans retardent le sommeil et en affectent la qualité ; les écrans ne véhiculent pas les émotions ; rêvasser, ce qui suppose de stopper les interruptions incessantes, permet de créer et/ou de réfléchir ; le fait de faire plusieurs choses simultanément nous fatigue et nuit à notre productivité (dans le sens on a tous besoin d'accomplir chaque jour des tâches afin d'en retirer une satisfaction).

    Solutions :

    • Collectives : exiger que les services publics demeurent en présentiel et en papier ; favoriser la réparation de nos bidules électroniques ; proposer de la formation ; adopter un droit à la non-connexion (l'auteure rêve complet, à mon avis) ;

    • Individuelles : renouveler son matériel en fonction des besoins, pas de la mode ; acheter d'occasion ; acheter en présentiel afin de préserver les commerces des centre-villes et de ne pas transformer tous les emplois en emplois dans un entrepôt ; limiter le temps devant les écrans, surtout avant de dormir ; pas de téléphone ni d'ordinateur individuel avant 15 ans (d'où sort ce chiffre ? pourquoi pas 14 ou 16 ans ?) ; utiliser des logiciels et systèmes libres ; ne pas évaluer un service / une personne à tour de bras ; profiter de la vie sans être un VRP de soi donc sans raconter toutes nos sorties sur le web ; renoncer aux applications facilitatrices de sorties et se laisser vivre ; réduire sa liste d'amis (nombre de Dunbar : un humain ne pourrait pas entretenir des relations avec plus de 100 à 230 personnes ; au-delà, plus de confiance ni de comm', donc le fonctionnement du groupe n'est pas assuré ‒ ceci dit, veut-on que nos amis fonctionnent ? l'analyse de Dumbar est-elle pertinente dans ce contexte ? ‒, il faudrait ajouter une hiérarchie et des règles pour piloter le groupe) ; se méfier du faux collaboratif, de la fausse économie du partage, qui cache celle de la précarité (louer un gardien ou un cuisinier) ; refuser la numérisation de données personnelles à l'école (notes, absences, devoirs), à l'hosto (refuser le Dossier Patient Informatisé, le codage, etc.), au travail (entretien annuel), etc. (bon courage, c'est juste impossible !).

    Notes :

    • La différence entre le téléphone au volant et une causerie avec un passager : le téléphone requiert une attention continue (un silence vaut relance), alors qu'un passager s'adapte à la situation routière, à la météo, à la fatigue du conducteur, etc. ;

    • Un bureau (le mobilier, pas la pièce) Lean / règles des 5S japonaises (minimalisme, froid / pas de personnalisation, interchangeable) réduirait la productivité de 15 à 30 % par rapport à des bureaux enrichis par les salariés. Attention, il s'agit du résultat d'une unique étude (de 2010, de l'université d'Exeter), donc prudence ;

    • Quand tout est facile, notre vie se résume à agencer des activités interchangeables.

    P.-S. : j'ai lu ce livre en 2020 et j'en avais fait un très concis résumé dans mon article « (Presque) trois ans sans smartphone ».

    Mon Jul 31 15:15:03 2023 - permalink -
    - https://www.seuil.com/ouvrage/cyberminimalisme-karine-mauvilly/9782021402612
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  • La civilisation du poisson rouge (Grand format - Broché 2019), de Bruno Patino | Grasset

    Un livre consacré à la marchandisation de l'attention à l'ère du numérique (je rappelle que la vente du temps de cerveau humain disponible est antérieure aux réseaux sociaux numériques).

    Ce bouquin alterne entre le baratin et le vrai…

    Commençons par le baratin :

    • Le titre lui-même est pipeau. D'après Google, le « temps d'attention » / « temps de concentration » d'un poisson rouge serait de 8 secondes alors qu'il serait de 9 secondes chez les milléniaux (génération Y). Sur le web, on trouve un autre couple de chiffres relayé par Microsoft : poisson rouge = 9 secondes, milléniaux = 8 secondes. Mettez-vous d'accord ? L'attention / concentration n'est pas définie : est-ce la réaction à un stimuli extérieur ? Est-ce la capacité à se concentrer sur un sujet qui nous passionne ? Etc. D'autres personnes ont déjà souligné l'absence de crédit scientifique de ce chiffre : 1, 2 ;

    • Tim Berners-Lee, déçu par sa création (le web), créerait un « contre-Internet ». Sans plus de précision. Qu'il s'agisse du projet Solid ou d'autre chose, il n'y a point de contre-Internet (ni conceptuellement, ni en pratique) ;

    • Une étude publiée dans le Journal of Social and Clinical Psychology évalue à 30 minutes/jour le temps maximal d'exposition aux réseaux sociaux et aux « écrans d'Internet » (sic) au-delà duquel apparaît une menace pour la santé mentale (quelle menace ?). Pipeau : faible échantillon, faible durée de l'étude, déclaratif ;

    • On ressort le vieux cliché du quai de gare où tout le monde a les yeux rivés sur son smartphone, plus personne se cause ni se regarde olala c'est la fin de la civilisation. Mouais, il y a un siècle, les journaux remplaçaient les smartphones. Bien sûr que l'ingénierie derrière les sites web consultés avec le smartphone actionne, d'une façon nouvelle, des pulsions humaines, et c'est de ça dont il faut parler ;

    • L'auteur utilise les mots « hackers », « expérience utilisateur », « post-vérité », « post-information », « web 1.0 », « web 2.0 », « web sémantique », etc. sans les définir ou sous leur seul aspect négatif. De même, plusieurs grands mots creux sont utilisés pour appuyer le propos mais sans être définis, comme data-capitalisme ou technocapitalisme (olala, ça impressionne) ;

    • Internet entraînerait la fin des mythes collectifs, donc la destructuration de la société. Olala, ça fait peur. Quid des complots ou des histoires écrites collectivement (backrooms, par ex.) ou des mèmes récurrents que l'on trouve en masse sur le web ? Ce n'est pas forcément les mêmes mythes qu'avant, donc ça peut être déconcertant, mais de là à déstructurer une société humaine… ;

    • On terminera par le transhumanisme, l'IA (pourtant plutôt bien défini dans le premier chapitre), etc. qui vont nous faire des choses fortement désagréables mais on ne sait pas encore quoi (olala, ça fait peur).

    Sur le reste, ce livre vise juste :

    • Il rappelle quelques-uns des effets des techniques de capture de l'attention mises en œuvre par des multinationales capitalistes afin de maximiser leur gain : "addiction" liée à la récompense aléatoire qui découle de la présentation des contenus, du scroll infini et des notifications incessantes, approbation-récompense par les likes / commentaires (et mal-être quand on en a moins), anxiété devant des contenus toujours plus angoissants (plus que la presse, notamment les chaînes d'info en continu ?), peur de manquer / de paraître ignorant (c'était si facile de savoir, pourquoi suis-je à la bourre ?), moins d'oubli (qui harmonise les relations humaines), les interruptions incessantes qui nuisent au besoin de compléter des tâches "complexes" afin d'en tirer satisfaction, uniformisation des contenus, biais de conformation par l'effet de bulle de filtres (pour moi, il est inhérent à tout groupe social ‒ la famille, les amis, les profs, sont de très bons prescripteurs ‒ et à toute recherche, précisément car on la débute par ce qu'on connaît d'un sujet), biais de représentativité, biais de répétition, impatience (on veut une réponse immédiate à une qustion précise sans étudier le sujet attenant), fausses nouvelles (pour moi, rien de neuf : tous les gouvernements mentent partiellement et tous les journaux présentent les faits d'une manière erronée ou partielle qui sert leur ligne éditoriale, d'où la nécessité de la pluralité), effet Rashōmon : plusieurs récits d'un même fait font disparaître la vérité (rien de neuf, on pensera à la vérité alternative de Trump mais aussi à tous les contre-feux médiatiques des façonneurs d'image dont les efforts titanesques de l'industrie du tabac), etc. ;

    • L'auteur explicite qu'il ne s'agit pas d'un problème avec la technologie, ni d'une perte de culture, mais d'une mutation d'un système utopique (ainsi est présenté Internet) vers l'économie de l'attention. Il s'agit d'un choix politique (organisation de la vie en commun). Il ne peut y avoir d'éthique tant que le paramétrage des algorithmes s'explique par des considérations économiques (dégager un max de revenu publicitaire) ;

    • La fin se veut légèrement plus posée que le baratin qui la précède immédiatement : le transhumanisme et l'IA sont encore au stade du blablabla, les algorithmes déçoivent, le refus de l'économie de l'attention n'équivaut pas à un refus du numérique, ce modèle économique est néfaste, mais il en existe d'autres, etc.

    L'auteur propose majoritairement des solutions systémiques (= pas basées sur des gestes individuels) :

    • Régulation : champ et application des algorithmes (afin de différencier contenu et pub, de ne pas jouer sur les pulsions humaines, etc.). Je pense que c'est illusoire : le moindre journal, la moindre prise de parole joue sur les émotions (tristesse, nostalgie, colère, dégoût, etc.) ;

    • Trouver un cadre juridique entre le statut de l'hébergeur et celui de l'éditeur. Bon courage, y'en a qui réfléchissent depuis des décennies… ;

    • Offres alternatives à l'économie de l'attention. L'auteur ne pense pas à des solutions techniques (comme la décentralisation), à part une « IA écologique » (sic et lol) ou des algorithmes émancipateurs (lol), mais à des solutions politiques (comme les médias publics ont été un contre-pied aux puissances d'argent) ;

    • Créer des lieux géographiques et des moments sans sollicitation numérique. J'avoue que les relous qui dégainent leur tél quand tu leur causes, ça a toujours été un no-go pour moi ;

    • Éduquer. Ouais, ça atténuera la portée et l'emprise des mythes et du bullshit (transhumanisme, transnational, IA, etc.), hein ;) ;

    • Modération personnelle de son usage des plateformes qui capturent l'attention.

    P.-S. : j'ai lu ce livre en 2020 et j'en avais fait un très concis résumé dans mon article « (Presque) trois ans sans smartphone ».

    Mon Jul 31 09:55:10 2023 - permalink -
    - https://www.grasset.fr/livre/la-civilisation-du-poisson-rouge-9782246819295/
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  • Il est où, le bonheur

    Énième livre de François Ruffin pour lequel il n'y a pas de lutte climatique sans lutte des classes et sans lutte sociale. Le réchauffement climatique éteindrait la guerre des classes au nom d'un intérêt humain supérieur ? Sur les revenus, la fiscalité, etc. les dominants se moquent du sort commun, ils font sécession, mais il faudrait être écolos tous ensemble ? Cette fois-ci, ils vont accepter les nouvelles règles du jeu ?

    Les arguments sont éculés (les riches polluent plus, etc.), sauf un : pour remporter la lutte climatique, il faudra au préalable changer d'imaginaire / de mentalité : adieu la société de consommation / de l'abondance, etc. Le sociologue Veblen a constaté qu'une classe sociale envie la classe immédiatement supérieure (un temps, Ruffin illustrait ça par les nobles français qui suivaient la mode impulsée par le roi). C'est en cela que la classe supérieure doit donner l'exemple : pour impulser le changement.

    Ruffin propose de ne pas se fissurer sur les prolos pas écolos (ils voudraient le carburant pas cher, ils ne voudraient pas isoler leur maison, blablabla), car on a besoin des prolos et des intellos de gauche. Quand les Goodyear veulent préserver leurs emplois dans un secteur climaticide, bien sûr qu'ils pensent à leur gueule, et c'est le rôle des intellos et des politiciens d'accompagner la lutte, de parler de réduction du temps de travail (à rémunération égale ? Ruffin ne le dit pas) par ex., ce qui n'a pas été fait, et a donné une image individualiste à leur mouvement social. Quelles solutions (carotte et bâton) apporter pour initier le changement systémique ? Quelle direction, quel horizon ? Parce que si c'est pour avoir une taxe carbone sur les carburants qui n'est même pas affectée à des mesures pro-climat…

    Ruffin pose également les premières briques de ce qu'il développera dans Fakir durant et après le Covid : quel est le sens de l'existence, qu'est-ce que le bonheur ? Découle-t-il du progrès technique ou de la consommation ? L'ONU, comme d'autres, rappelle que, si les premières étapes du développement économique procurent le bonheur, au-delà de 20-30 k$ de revenu national par habitant, il n'y a plus d'effet sur l'espérance de vie ni sur le ressenti (sondages "êtes-vous satisfait de votre vie ?").

    Gramsci écrivait que, quand une classe est dominante par la coercition, c'est que le peuple ne croit plus en son idéologie. Ce qui fait dire à Ruffin que plus grand-monde ne croit à la croissance, à la compétitivité, à la mondialisation, etc. Reste l'hypothèse d'un système qui nous embarque tous, alors ?

    Notes :

    • Origine du CETA : table ronde de l'énergie (pétrolière) + 17 lobbies (pharma, chimie, etc.). Représentant : Jason Langrish. Les jeunes pour le climat (Youth for Climate) se seraient dégonflées sur le CETA : ils n'auraient rien eu à dire, c'est un sujet technique, etc. ; Tactique assumée : ne pas braquer ; ils se seraient fait impressionner lors d'une réception privée à l'Hôtel de Lassay ("le bon sens invite à sauver la maison commune") lors de la venue de Greta ;

    • Dans un salon, des yachts sont estampillés écolos. Ruffin demande en quoi ils le sont. Le carburant n'est pas pris en compte (car c'est de la responsabilité du proprio de faire un usage modéré du yacht, blablabla). Les plans sont conçus sur ordinateur, donc c'est vert :D ;

    • D'après le CRÉDOC, les voyages et le numérique plombent le bilan écolo des riches, et leurs gestes (consommer + de bio, - de viande, contrat électrique vert, etc.) n'y changent rien. Mouais… L'impact environnemental du numérique est encore très méconnu (les chiffres de l'ADEME sont pifométrique) et, par le passé, le CRÉDOC a surévalué les usurpations d'identité ;

    • Modèle prédictif HANDY qui tient compte des effondrements sociétaux précédents (romains, mayas, etc.). Des disparités économiques trop fortes et une sur-exploitation de la nature peuvent toutes deux, et indépendamment, entraîner un effondrement de la société. Mais, en l'absence de stratification économique, le tir est plus facile à rectifier.

    • Ruffin s'étonne des sondages qui mesurent en même temps une défiance envers les partis politiques, et une confiance envers un gouvernement informé pour prendre les bonnes décisions sur le climat. Pour moi, c'est la lâcheté habituelle : "laissons d'autres personnes faire le sale boulot, et tant que ce n'est pas fait, ne pas changer mes pratiques". C'est oublier que l'action politicienne ne suffit pas :

      • Le rapport Villermé, à l'origine de la première loi française de 1841 limitant le travail des enfants, n'a pas suffit ;

      • Ce sont les actions de 1904 (boycott, marches, vitrines brisées, patrons menacés, pillage, etc.) qui amènent la loi de 1906 abrogeant le travail le dimanche (Ruffin ne dit pas qu'elle est partielle, que plusieurs métiers ne sont pas concernés, qu'il faudra attendre 1919) ;

      • La première caisse sociale est née en 1906 suite à une grève dans un atelier. Ça part du bas, ça se professionnalise (1/3 de la population est couverte par des caisses privées avant la 2e guerre mondiale), le peuple arrive en haut par les urnes, Ambroize Croizat crée le régime général de sécu ;

      • Les grèves massives de 1934 permettent les actions du Front Populaire de 1936.
    • La démocratie, c'est autoriser le conflit, le ritualiser, l'organiser, pas feindre un consensus ;

    • Gary Becker, économiste néo-libéral, déclare, en 1993 : « Le droit du travail et la protection de l’environnement sont devenus excessifs dans la plupart des pays développés. Le libre-échange va réprimer certains de ces excès en obligeant chacun à rester concurrentiel face aux importations des pays en développement » ;

    • "Il faut attendre le retour de la croissance pour redistribuer" : rien dit que le gâteau sera distribué plus équitablement qu'aujourd'hui ;

    • Les petits gestes écolos vident l'écologie de sa substance avec pour finalité que chacun se dise qu'elle est du bullshit.

    P.-S. : j'ai lu ce livre en 2020.

    Sun Jul 30 16:49:32 2023 - permalink -
    - http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Il_est_o%C3%B9,_le_bonheur-586-1-1-0-1.html
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  • Utopies réalistes , Rutger Bregman, No... | Editions Points

    Ce livre présente la faisabilité de trois grandes utopies : fin de la pauvreté (par le revenu de base), réduction du temps de travail, et suppression des frontières. Pourquoi celles-ci plus que d'autres ? Aucune idée.

    Vu que les utopies présentées ne sont pas novatrices, on s'attend à de solides arguments, mais, rien de neuf (mais il y a des chiffres et des graphiques sourcés sur la réduction du temps de taff, l'absence de lien entre PIB et bien-être, les inégalités, etc.) :

    • Fin de la pauvreté : la pauvreté a un coût (services sociaux, flics, justice, médecine, y compris psychiatrique), elle abîme la société (défiance envers les politiciens, privation de talents trop occupés par leur charge du quotidien, réduction de la solidarité ‒ un humain est plus solidaire quand ça lui profite aussi, d'où la nécessaire inconditionnalité du revenu de base ‒, etc.), le PIB n'est pas synonyme de bien-être (hausse de l'instruction, réduction de la mortalité infantile, hausse de l'espérance de vie, baisse du taux d'homicides, de la dépression, de la population carcérale, de l'immobilité sociale, etc.), cf. étude de Wilkinson et Pickett ;

    • Réduction du temps de travail : ça réduit le stress, les inégalités, le chômage, ça émancipe, y compris les femmes (mouais, du travail pour tous ne signifie pas du travail de qualité pour tous…). Il faudrait taxer les bullshit jobs, taxer pour inciter à embaucher plutôt qu'à payer des heures complémentaires, taxer le capital (pour contrôler le progrès technique dont l'auteur ne dit rien de l'utilité et du contrôle social qu'il opère), réallouer les gains de productivité ailleurs que dans la consommation dans le but d'entretenir la production et donc les profits (en France, la productivité a aussi servi à réduire le temps de travail : au 19e siècle, on était en moyenne moins payé pour 3 100 heures/an de travail que pour nos 2 000 heures actuelles) ;

    • Suppression des frontières : ça restreindra les inégalités de richesses au niveau mondial (à mon avis : non, tout dépend de comment on l'organise, pour servir quels intérêts, etc., comme d'hab).

    Plusieurs arguments sont douteux :

    • L'Alaska aurait un revenu de base depuis bien longtemps… Non, ni en montant, ni en origine (pétrole, gaz) ni sur la méthode (bourse) ;

    • L'auteur évoque la loi de Speenhamland qui est un revenu complémentaire afin de garantir un minimum, pas un revenu de base inconditionnel qui émancipe du salariat. Il y a d'autres confusions du genre (comme la proposition de Nixon d'un revenu conditionné au retour à l'emploi) ;

    • Les exemples historiques de temps de travail ne sont pas forcément pertinents. 1 500 heures/an de taff en France dans les années 1300, mais le temps libre était beaucoup alloué à l'Église (il n'était donc pas une concession faites aux "travailleurs" ni aux loisirs), la diversité des activités productives était moindre, et il faudrait vérifier comment est calculé ce chiffre car une moyenne dans une société bipolaire (seigneurs / serfs) a peu de sens ;

    • Il y avait peu de frontières et de passeports avant la 1ere guerre mondiale. Peut-être car peu de gens voyageaient ? L'aviation grand-public, la voiture moderne, la réduction du temps de travail (congés), ont densifié les flux.

    Au final, ce livre ne traite pas d'utopies radicales (qui tentent de résoudre un problème à sa racine) : point de fin du salariat, point de communisme, point de fin de l'héritage patrimonial ou du crédit bancaire, etc. De même, les solutions proposées sont sociales-libérales (taxation, aides sociales dont revenu de base, etc.), donc mollassonnes. Le déjà-là peine à convaincre.

    Notes :

    • Nous avons bâti le pays de l'abondance, donc nous n'avons plus d'ambition ni de projet. Nous faisons des calculs économiques, nous réparons les problèmes techniques, nous satisfaisons nos exigences de consommation. D'où le vide ressenti : quel intérêt de se lever le matin ? La société de l'abondance était une utopie… que nous avons transformé en dystopie (obésité, dépression, surconsommation, taff dénué de sens, etc.) ;

    • Dans le cadre d'un sondage, 12 % des jeunes de 1950 affirment être spéciaux, contre 80 % de nos jours (attention aux biais habituels : représentativité de l'échantillon, etc., et, dans le cas présent, les sondages étant réalisés à plus de 60 ans d'écart, il faudrait vérifier que la question posée est la même, que le vocabulaire utilisé porte toujours le même sens dans l'esprit des gens, etc.) ;

    • Distribuer des aides sociales dans une société de consommation sert à rien, car, sans maîtrise des désirs, tout le monde voudra toujours acheter la dernière merde ;

    • La mondialisation a-t-elle freinée le progrès technique ? Travailleurs du clic, enfants de pays pauvres, etc. au lieu de robots ;

    • Il est difficile de changer d'opinion car ça consiste à changer de place dans un groupe social (Église, famille, amis, etc.) alors que l'humain veut froisser personne par peur de l'exclusion (cf. expérience d'Asch : les humains nient l'un de leur sens pour se conformer à un groupe, mais une voix dissonante suffit à les réveiller). Sans compter que ce changement d'opinion et de place induit une forme de changement d'identité.

    P.-S. : j'ai lu ce livre en 2020.

    Sun Jul 30 11:28:26 2023 - permalink -
    - https://www.editionspoints.com/ouvrage/utopies-realistes-rutger-bregman/9782757874097
    fiche-lecture
  • Comme un empire dans un empire de Alice Zeniter - Editions Flammarion

    Un roman centré sur une hackeuse spécialisée en doxing et un assistant parlementaire.

    L'une, qui aspire à changer les choses depuis la marge, nous parle d'Anonymous, d'Assange, de Snowden, du lulz, des zero-day, de la société de la surveillance diffuse (tout le monde surveille tout le monde, notamment entre conjoints), de la do-ocratie (qui est ici défini comme faire sans attendre et convaincre les autres uniquement si t'as besoin d'eux), de son boulot alimentaire de merde (domination, infantilisation, effet de groupe), de l'évolution des mouvements hackers et politiques autour d'Internet dans les années 2010, etc.

    L'autre, qui aspire à changer les choses de l'intérieur, nous parle de son désarroi, de sa lassitude, du cynisme, de la lâcheté et de l'inaction de son député PS de patron, de la petite politique, de l'amplitude horaire de son taff qui ne lui laisse pas l'opportunité d'écrire un bouquin, etc. Il y a une symbiose avec les désillusions d'Isabelle Attard et les propos de Ruffin sur "les députés sont des technocrates au service de l'exécutif, l'Assemblée nous étouffe, aucune vision politique, etc.".

    J'ai été déçu sur un point : la 4e de couverture dit « comment continuer le combat quand l'ennemi semble trop grand pour être défait ? ». Or, le livre n'apporte aucun début de piste, rien. Il se termine abruptement, dans une ferme de hippies (je caricature) sans qu'on sache ce que devient le mec de la protagoniste, un hacker arrêté par les flics après une action contre une société commerciale spécialisée dans la surveillance. Je suis resté sur ma faim et triste de quitter cette histoire.

    Ce livre est un coup de cœur. Les deux personnages centraux parlent du monde dans lequel j'ai évolué. De mes références culturelles et techniques (plutôt bien maîtrisées, on peut toujours pinailler sur la précision d'une vulgarisation, mais ça n'a aucun intérêt). De certains de mes combats. De mes désillusions politiques. De l'échec politique malgré les alliances entre les hackers et les politiciens dans la première moitié des années 2010. C'est très rare, donc appréciable.

    Divers :

    • Internet et l'AFK sont désignés par les mots « le dedans » et « le dehors » :) ;

    • Les aides sociales sont une idée conservatrice dont la finalité est d'acheter la paix sociale auprès des gens qui subissent les ravages du capitalisme mondialisé et qui seraient donc les plus à même de protester. Simmel traiterait de ça dans son livre Les pauvres de 1907 ;

    • ‒ [ Qu'est-ce qui pousse une jeune fille comme toi à se plonger dans les ordinateurs ? ]
      ‒ Si je faisais du piano, personne ne m'emmerderait à vouloir savoir pourquoi je fais du piano ».

    P.-S. : j'ai lu ce livre fin 2020 sur "conseil" de Fakir.

    Sat Jul 29 18:07:58 2023 - permalink -
    - https://editions.flammarion.com/comme-un-empire-dans-un-empire/9782081515437
    fiche-lecture
  • Des princes pas si charmants - Editions Massot

    Le dernier recueil de la série « un autre regard » de la dessinatrice Emma. (Je n'ai pas rédigé d'article sur les deux premiers tomes de la série car ils contiennent uniquement des BD publiées en ligne, sur lesquelles je m'étais déjà exprimé avant de lire les livres-recueils.)

    Il contient 4 BD dont 2 sont disponibles sur le web :

    • « Les conséquences ». On a tous et toutes des charges mentales à porter (pro, etc.), mais, souvent, la charge mentale ménagère s'y ajoute uniquement pour les femmes. En parler avec son conjoint change environ rien : soit ils nient / s'en foutent (18 %), soit ils changent de comportement un court temps puis retour à la normale (39 %) soit y'a du changement mais lent (37 %). Les chiffres viennent d'un sondage Twitter d'Emma qui n'est pas représentatif (public plus conscient de la problématique et plus exigeant) ;

    • « C'est dans la tête ». Il y a quelques années, il y a eu tout un courant médiatique pour expliquer que la charge mentale ménagère n'est pas un problème d'organisation sociale, que ça relève du privé, du couple voire des femmes qui ont un besoin de tout contrôler. Bref, c'est un problème de femme (un de plus, dis donc). Telle une psychose, des livres, des psys, des coachs et autres sont apparus pour apprendre aux femmes à se soigner. Un problème = une solution commerciale, comme d'hab' ;

    • « Le dimanche soir » (attention, la version web est partielle). L'actuelle organisation du travail qui détruit les salariés (toujours plus, absence d'autonomie, humiliation, infantilisation, ne pas énoncer clairement les attendus et ce qui ne va pas, faire croire que s'impliquer c'est appartenir corps et âme à l'employeur, changement fréquent d'organisation pour embrouiller, etc.) est voulue, elle a été façonnée. La solution est habituelle : communisme donc mise en commun des outils de production, ne pas produire la merde consumériste donc travailler 2 h par jour, ne pas redouter l'automatisation (puisque la valeur produite n'est pas captée par le proprio de l'automate), etc. Il ne faut plus négocier les conditions de notre exploitation (réduction du temps de taff, formations, paiement des heures sup'…), mais la renverser ;

    • « Pour être sympa ». Sexisme ambivalent = sexisme hostile (bâton) + sexisme bienveillant (carotte). Exemples de ce dernier : la galanterie (qui est de la politesse dirigée vers les femmes comme tenir la porte, payer l'addition afin de marquer que sa compagnie à de la valeur, etc.), les compliments de rue ou en entreprise (tu égayes l'étage ; même si ce n'est pas dans ta fiche de poste, tu accueilleras les visiteurs car t'as un joli sourire ; votre candidature tombe bien, on manque de point de vue féminin, etc.), valoriser les taffs dévalorisés (par le salaire, l'absence de reconnaissance, etc.) qu'elles occupent (les tâches ménagères, élever les lardons, etc.), leur proposer sans cesse de l'aide en entreprise (pourquoi, elles sont incompétentes ?). Contrôle social qui ne mange pas de pain, en somme. Le sexisme bienveillant serait nécessaire car, si la politique, les médias, la religion, le salariat, etc. accordent structurellement des privilèges aux hommes, à moment donné ceux-ci ont envie / besoin de reproduire leur lignée, donc ils ne peuvent pas que dénigrer, il faut donc valoriser les femmes, mais uniquement dans les valeurs (douceur, sensibilité, gentillesse, etc.) et les tâches spécifiques qu'on leur a assignées. De même, ça permet de ne pas (trop) valoriser monétairement ces activités (cf. taff invisible, etc.).

    Fun fact : d'après une étude de 2012 de Elinder et Erixon, portant sur 18 naufrages de navires durant les trois derniers siècles, l'expression « les femmes et les enfants d'abord » est fausse : le plus haut taux de survie va aux membres de l'équipage (61 %) puis aux hommes (37 %) puis aux femmes (27 %) puis aux gosses (15 %). Le Titanic fait exception avec 70 % de femmes survivantes contre 20 % des hommes.

    Historique simplifié de l'organisation du travail :

    • Sociétés primitives : rythme lent, tout le monde contribue à la production des biens de première nécessité qui étaient mutualisés ;

    • Sédentarisation, agriculture et élevage permettent de produire de quoi survivre sans la contribution de toute la communauté (premiers gains de productivité de l'histoire :D ), d'où l'apparition de l'artisanat et du stockage et de l'échange des surplus ;

    • Privatisation des sols, des bétails et des outils. Division en groupes spécialisés aux intérêts divergents. Les chefs, les prêtres, les militaires, etc. accaparent les propriétés et la production ;

    • Exploitation des serfs par les seigneurs. Les serfs sont encore libres de choisir leur rythme et l'usage de la terre… tant qu'ils payent le droit d'usage (donc liberté très relative) ;

    • La navigation maritime, donc la découverte de nouveaux marchés, l'impérialisme, l'esclavage et le pillage, fait émerger la bourgeoisie. L'organisation féodale freine son développement. Tant qu'il percevait sa dîme, un seigneur se moquait de l'oisiveté de ses serfs et de leur organisation, mais s'ils bossaient plus, ça produirait un surplus de richesses… Les seigneurs perdent donc en influence. Apparition des manufactures en ville. Exode rural poussé par les famines, donc la bourgeoisie fixe les salaires et les conditions (journée de 12 h, etc.). Les progrès techniques permettent de fixer la cadence des ouvriers (d'où le mouvement luddiste), de maximiser les profits (temporairement) et de rendre la production indépendante de plusieurs facteurs (jour / nuit, météo) ;

    • La division verticale (séparer la conception / décision de la réalisation) et horizontale (découpage d'une tâche en sous-tâches spécialisées) du travail permet de retirer le savoir-faire et de rendre remplaçable les travailleurs ;

    • Emma n'évoque pas l'auto-exploitation (auto-entreprise, travailleur indépendant, etc.). Au 19e siècle, l'artisanat a été capté par la bourgeoisie prêteuse de deniers. C'est toujours le cas : il faudra être compétitif pour rembourser le prêt, etc. d'où une liberté très relative. La financiarisation, elle aussi passée sous silence, a également permis de tirer des profits d'un surplus de production ou d'une production inexistante.

    P.-S. : j'ai lu ce livre à sa sortie (fin 2019).

    Fri Jul 28 18:59:23 2023 - permalink -
    - https://massot.com/collections/des-princes-pas-si-charmants/
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  • Livre Manifestante | Futuropolis

    Je n'ai pas compris la trame narrative de cette BD. Une femme participe subitement à une manif' "comme ça" puis à une autre, puis elle participe à une action anti-pub puis elle sert le thé à des sans-abris puis elle file un coup de main dans une cantine populaire, puis retour en manif'. S'agit-il de montrer des actions concrètes dans lesquelles s'engager ? Pourquoi celles-ci plus que d'autres ?

    Je n'ai pas compris comment cette BD entend atteindre son objectif (de nous faire bouger) :

    • La protagoniste se fait gazer dès la première manif', elle reçoit un éclat de grenade de désencerclement dans la jambe à la suivante (un autre manifestant recevra un LBD dans l'œil), puis elle se détache de ses potes passives à qui le monde tel qu'il est convient bien et qui ne la comprennent donc plus, puis elle déprime devant sa prise de conscience que le monde ne tourne pas rond et qu'il ne semble pas y avoir de solution, etc. Le burn-out militant est également évoqué, tout comme le fait de s'impliquer au détriment d'autres choses (comme son couple). Il ne s'agit pas de vendre du rêve, mais là, cette BD me semble illisible pour quelqu'un qui n'a jamais milité et inutile pour un militant… ;

    • La protagoniste nous est dépeinte comme une personne lambda qui se moque du bruit du monde, alors qu'on découvre une personne déjà politisée. Du coup, cette BD ne traite pas des déclencheurs du passage à l'acte militant alors que le résumé de l'éditeur énonce « Comment en vient-on à passer le pas, et à sortir dans la rue pour exprimer sa révolte ? ». Déception.

    Pour nuancer, il y a bien quelques mots d'explication : manif' = rituel collectif pour se redonner de l'énergie ; « tout le monde est bienveillant [ dans une manif' ], je n'ai pas peur des autres manifestants [ sans pour autant aller jusqu'à nommer la violence policière qui est dessinée ] » ; « t'en as pas marre de subir ?! C'est facile de justifier sa flemme ou son indifférence en disant que les manifs servent à rien. Au moins, on essaie […]. On voit qu'on n'est pas seuls à vouloir autre chose ».

    Au final, cette BD est simplement descriptive (y a ci et ça qui se pratique, dans telles conditions, etc.). Ça permet de s'imprégner un peu du vocabulaire militant.

    Fri Jul 28 12:47:10 2023 - permalink -
    - https://www.futuropolis.fr/9782754832588/manifestante.html
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  • DES VIVANTS — 2024

    Une BD qui retrace l'histoire de résistants du Musée de l'Homme (entre autres) entre 1938 et 1942 (date du procès suite au démantèlement opéré par la Gestapo au début 1941 à la suite de dénonciations). Notamment des ethnologues pour qui le concept de race est infondé qui, dès 1938, et malgré l'air du temps, maintiennent leurs expositions afin de chasser l'obscurantisme, y compris lors de l'arrivée de l'armée allemande à Paris.

    Tous les propos prononcés par un personnage l'ont vraiment été (ils sont issus de lettres, journaux, procès-verbal, entretiens, rapports de résistance, etc.), seuls le contexte (tel propos dans tel lieu) et le récit (leur agencement) n'est pas garanti.

    Je n'ai pas accroché plus que ça : j'ai rien appris de neuf, le format BD délivre très peu d'infos en beaucoup de vignettes et de pages, et l'authenticité des propos conduit à de franches cassures dans le récit.

    Fri Jul 28 11:16:41 2023 - permalink -
    - https://www.editions2024.com/livres/des-vivants
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  • [ L'insurrection qui vient ] - librairies indépendantes

    Un livre qui expose le mal-être, la dissolution et les désastres de nos sociétés occidentales, qui leur oppose une insurrection comme remède, et qui documente le processus révolutionnaire qui encadre cette insurrection. J'ai lu ce livre par esprit de contradiction. Durant le procès judiciaire du groupe dit de Tarnac, L'insurrection qui vient, ainsi que d'autres écrits (tracts, brochures) retrouvés chez les ex-accusés, avaient été retenus comme des éléments à charge. J'ai toujours trouvé ça choquant : en dehors des injures, de la diffamation, de l'appel à la haine, etc. qui peuvent éventuellement faire l'objet d'un traitement différencié (et encore…), je pense qu'il faut juger sur des actes et non des paroles. Voilà pour quelle raison je me suis procuré un exemplaire de ce livre. Le bout de phrase portant sur le sabotage des réseaux de transports qui a fait grincer les dents des enquêteurs est une goutte d'eau dans l'océan de ce que les auteurs préconisent de frauder, de paralyser, et de saboter. Faut-il se servir de cet écrit pour tenir le groupe responsable de tous les actes litigieux se déroulant à leur proximité immédiate ? Le jugement définitif du groupe dit de Tarnac expose que l'on ne peut pas condamner une personne pour ses écrits. Si, ci-dessous, je parle « des auteurs », ce n'est pas tant que je connais ce que recouvre le terme « Comité invisible » (une personne ? Plusieurs?), mais plutôt que j'applique mon préjugé selon lequel un comité est un groupe, donc plusieurs personnes.

    La première grande partie de ce bouquin, consacrée à l'analyse des maux qui rongent notre société a rien d'original : l'analyse est plus radicale (elle cherche et attaque la racine des problèmes) et les mots sont plus affûtés, mais le constat dressé est habituel chez l'ultragauche. Gros résumé : nous n'avons plus de projet commun, nous n'avons plus de langage issu d'expériences communes (notamment de luttes), donc nous ne formons plus une société.

    Nous sommes devenus des VRP de nous-mêmes : individualisation, personnalisation marketing, affirmation de nos différences. Cette injonction à être quelqu'un (plutôt qu'un collectif) entretient la faiblesse individuelle qui justifie encore plus l'injonction qui justifie une réponse marketing (te faire croire que t'as besoin de béquilles afin de te les vendre, en somme). Nous nous produisons même nous-même : s'entraîner à sourire pour un entretien d'embauche, se blanchir les dents pour avoir une promotion, sortir pour stimuler un esprit d'équipe, apprendre l'anglais pour booster sa carrière, participer à des stages de théâtre afin de devenir des leaders, pratiquer le développement personnel afin de parvenir à la stabilité émotionnelle. En réalité, chacun est lié à des lieux, à des gens, à des émotions, à des souffrances, à des ancêtres, à des langues, à des événements, à des idées, etc. qui ne sont pas de lui et d'où émerge le moi. En somme, le moi est un produit du collectif. Or, les lieux de vie et les relations sociales ont été brisés. Faut-il prôner la liberté de s'arracher à des communautés (famille, par exemple) ou la liberté de s'y mouvoir malgré les oppositions ? Forcément, les auteurs protestent contre la destruction des liens sociaux qui fait que nous sommes personne. Jusque dans l'amour où la pornographie est accusée de tuer notre imaginaire (et que dire des sites web de rencontre qui tuent la rencontre fortuite) et le couple de donner du réconfort "seuls contre tous, contre ce monde de merde" comme si l'amour se privatisait. Forcément, on énonce que la suite du capitalisme, c'est de reconstruire, à sa manière et à son image, les liens sociaux précédents détruits dont il a besoin et de les consommer.

    Forcément, les auteurs récitent Marx (Le Capital existe même en version manga) : le capitalisme, c'est l'appropriation privée ou sociale de la plus-value générée par les salariés. C'est aussi la participation à une œuvre commune par des liens qui se tissent entre ceux qui coopèrent au sein d'un même carcan, celui de la production et sous la contrainte managériale. Le salariat est une méthode disciplinaire, comme l'école (voir ici pour les origines de l'école américaine, clairement orientée sur le contrôle social des ouvrières), la prison ou l'armée. Nous avons trop de biens et trop d'emplois sans aucune répartition. Nous-mêmes et les sociétés commerciales érigeons la compétition et la sélection comme un idéal… mais attention, seulement quand chacun à des chances égales, sinon il faut sévir (restreindre artificiellement la concurrence, comme le désirent les mutuelles, par exemple). Récompenser le mérite… seulement quand les chances sont égales, c'est un non-sens.

    Forcément, le Comité passe au vitriol les divertissements qui permettent, par le confort, de tuer dans l'œuf les envies de révolte. Les auteurs rappellent que les flics protègent les dominants. Ils rappellent tout autant que la finance (que les auteurs assimilent sans nuance à l'économie…) est incomprise, même par ceux qui la font tourner (on pense aux propos d'Alan Greenspan, ancien président de la réserve fédérale des États-Unis en 2008). Forcément, le Comité tacle les bobos qui communient dans l'illusion d'une humanité retrouvée en buvant leur thé, en parlant ni trop fort ni trop faible, en étant politiquement incorrect juste comme il faut, en binant la terre d'un jardin de quartier avant d'aller regarder un film d'animation. Forcément, on conteste la forme suprême de la civilisation que représenterait l'État-Nation. Forcément, les auteurs dissertent sur la métropole, cette ville que l'on ne cesse de débarrasser de ce qui gêne (saleté, SDF, squats, immigration, contestation, lieux de vie réellements dissidents, etc.). Les ambiances sont prédéfinies. Les rencontres fortuites sont évitées. L'uniformisation des infrastructures est triste mais permet le contrôle de la ville par les flics. Tout est valorisable, tout doit être du patrimoine. Que dire des mégalopoles, dans lesquelles un individu est un parmi des millions… Forcément, le Comité tacle la mobilité professionnelle qui déracine par le déménagement (on retrouve ici la pensée de la philosophe Simone Weil selon laquelle le déracinement met en incapacité de penser et d'agir ou qu'il met en capacité de déraciner toujours plus d'humains - ce qu'elle constate chez les Romains ou l'Allemagne prolétarienne pré-Hitler -). On est arraché au présent et à l'ici par les transports et les technologies de la communication, donc on s'en fout de créer du collectif en un point donné. On aménage son intérieur pour fuir l'infrastructure des villes, pour transporter son petit monde, pour se donner un sentiment de contrôle (on retrouve cette idée du contrôle par la personnalisation chez Damasio). Forcément, enfin, les auteurs dénoncent les platitudes comme « revaloriser les aspects non économiques de la vie » et la pensée moderne qui consiste à contenir les affirmations, à contester les incertitudes et à faire croire que tout est relatif à coup de « c'est ton avis ». Il s'agit là du meilleur moyen de contrôle possible.

    L'écologie ou la décroissance (les décroissances, en fait), ou la croissance 0 poursuivent un même objectif : il faut consommer peu afin de pouvoir continuer à consommer. Il faut produire bio afin de pouvoir continuer à produire. Il faut s'auto-contraindre afin de toujours contraindre. L'écologie est la nouvelle idéologie coercitive : il faudra se serrer la ceinture pour elle, se sacrifier pour elle, et les dominants s'autoriseront tout en son nom.

    La deuxième grande partie de ce livre expose le processus d'une insurrection désirée par les auteurs.

    • S'attacher à ce que l'on ressent comme étant vrai. Une vérité est un constat qui altère notre rapport au monde, qui ne nous laisse pas indifférents. Les maquisards n'avaient que certitude leur refus de l'occupation ;

    • Ne pas réfuter le caractère politique des vraies amitiés. Les grèves des ouvriers disaient qui était in, qui était out, sur qui compter ou non. L'amitié n'est pas qu'échange et pratique de banalités ;

    • Fuir les organisations, les milieux et la tentative d'en devenir un. Les organisations cherchent avant tout à se maintenir elle-même, à maintenir leur prestige, leurs privilèges, etc. Les milieux, se revendiquant souples, sans hiérarchie, sont encore plus dangereux. Les milieux littéraires tuent la littérature, les milieux libertaires tuent l'action directe, les milieux militants canalisent les énergies pour les étouffer, etc. ;

    • Se constituer en commune. Se trouver, s'entendre, sentir une envie de ne pas clore la rencontre, cheminer ensemble. Pas de dedans, pas de dehors. Grande liberté personnelle, solidarité de groupe. Établir ce genre de groupes un peu partout (usine, bureau, rue, etc.) et les substituer aux institutions (école, église, syndicat, club sportif) ;

    • S'organiser (au sein de la commune) pour ne plus travailler. Fraudes diverses (dont perception d'allocs), pillage, mais comme ça ne dure pas, cultiver et fabriquer afin de réduire les dépendances ;

    • Former et se former. Apprendre à se battre, à soigner (donc la biologie et les plantes), à se nourrir (donc comprendre les sols), à diffuser de l'info / communiquer (émetteur radio, par exemple), etc. Bref, casser les dépendances à notre monde moderne, aux flics, aux hôpitaux, etc. ;

    • Créer des territoires. Multiplier les zones opaques. L'usage fait le territoire. Plus il y a de territoires sur une zone géographique donnée et plus des flux circulent (au noir), moins la zone est compréhensible de l'extérieur, donc moins les flics auront de prise. Avec une complicité, un bar, un toit d'immeuble, un club de sport, etc. peuvent échapper à leur usage officiel ;

    • Voyager. Tracer nos propres voix de communication. Se rencontrer sans moyens de communication modernes. S'informer des initiatives des autres communes et tenir compte des expériences ;

    • Renverser, de proche en proche, tous les obstacles. Incivilités et sabotages. Ralentir la production, saboter les machines-outils ou divulguer les secrets d'une société commerciale. Viser les réseaux qui relient les hommes (communication, transports, marchandises, etc.) ;

    • Fuir la visibilité. Tourner l'anonymat en position offensive. Il faut cesser de rendre visible une cause afin qu'elle soit prise en charge. Pas de leader, pas de revendication, pas d'organisation, mais des petits gestes dans l'ombre afin que le mouvement perdure. On ne peut pas repousser la lumière indéfiniment, donc il faut être prêt, car, quand l'ombre disparaît, le temps est compté : soit c'est le système, soit c'est nous ;

    • Organiser l'autodéfense. Contre-attaques aux actions du pouvoir qui visent la commune par la séduction, la récupération et, en dernier recours, la force brute. Se réunir rapidement en nombre pour parer à une expulsion. Parer une arrestation. Exfiltrer l'un des nôtres. Démasquer les flics en civil dans les manifs. La Commune avait incendié l'Hôtel de Ville de Paris et donc les registres de l'état civil… « Comment détruire les registres informatisés ? », se demandent les auteurs ;

    • Une montée insurrectionnelle n'est peut-être rien de plus qu'une multiplication de communes. Tendre vers l'autosubsistance. L'argent est dérisoire, car il sert à créer du lien superficiel entre ceux qui sont sans lien, de lier des étrangers en tant qu'étrangers. Scinder les communes qui grossissent trop avant qu'apparaisse une classe dominante ;

    • Faire feu de toute crise. « Il faut en outre ajouter que l'on ne pourrait pas traiter l'ensemble de la population française. Il faudra donc faire des choix » disait un expert en virologie qui résume ce qu'il adviendrait en cas de pandémie de grippe aviaire. Menaces terroristes, épidémies, mouvements sociaux, catastrophes naturelles, tout ça permet au pouvoir de se renforcer. Il faut profiter de l'aubaine des crises pour en faire autant. Les partis islamistes qui assistent les populations lors de conflits se renforcent. Même chose pour les anars qui aident la population après l'ouragan Katrina. Pareil en ce qui concerne les cantines et caisses de solidarité des ouvriers ;

    • Saboter toute instance de représentation. Généraliser la palabre. Abolir les assemblées générales. Cela encadre les luttes, y compris les coordinateurs de luttes. Voter, prendre une décision fait forcément naître une guerre de pouvoir. Que tous les participants aillent sur le terrain, aient les mêmes infos, et alors, la décision se prendra d'elle-même si elle est évidente ;

    • Bloquer l'économie, mais mesurer notre puissance de blocage à notre niveau d'auto-organisation. Dans une économie délocalisée et à flux tendu, il faut surtout bloquer les réseaux, les flux, la circulation des marchandises. Ne pas bloquer au-delà de la capacité de ravitaillement et de production de la commune afin de ne pas s'auto-assiéger ;

    • Libérer le territoire de l'occupation policière. Éviter autant que possible l'affrontement direct : guet-apens, commissariats attaqués, voitures incendiées. Manifs non déclarées. Promener la police plutôt que l'inverse. Être à l'initiative. Les affrontements directs servent de diversion ;

    • Être en armes. Tout faire pour en rendre l'usage superflu. Face à l'armée, la victoire est politique. Détenir des armes et ne pas (avoir à) s'en servir, voilà le vrai pacifisme, voilà le vrai signe de puissance. Militariser une guerre civile est un échec. Quand l'armée entre en scène, l'issue se précipite et chacun doit choisir entre l'anarchie ou la peur de l'anarchie. On peut être défait par la dictature ou par le fait de s'opposer uniquement à la dictature (oubliant ainsi la tyrannie d'une République) ;

    • Déposer localement les autorités. Une insurrection victorieuse est celle qui a vaincu, en même temps que les autorités, le besoin de posséder, le besoin d'autorité et le désir d'hégémonie. Le processus insurrectionnel est donc important, car il définit ce que l'après sera et si l'après reverra naître les démons chassés par l'insurrection. Il ne faut pas s'acharner par la force sur les autorités sinon on donne envie de les venger. Le pouvoir n'est plus aussi centralisé qu'avant, il est partout, donc il est donc inutile de prendre les lieux de pouvoir. Le pouvoir, ce sont les flux de marchandises (que l'on a bloqué), l'organisation de la métropole (que l'on a altérée précédemment avec des incivilités), etc.

    À ceux qui trouvent que ce qui précède est violent, je recommande la lecture suivante : comment la non-violence protège l’État : essai sur l’inefficacité des mouvements sociaux. À celles qui trouvent que tout ce qui précédait est choquant, je recommande la lecture de la Constitution du 24 juin 1793 dont l'article 35 stipule « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. ». Cette Constitution n'a pas été appliquée, mais elle illustre que des personnes ont déjà conçue l'insurrection comme un droit des humains.

    Notes diverses :

    • La chute de l'URSS ne prouve pas le triomphe du capitalisme, mais l'échec de l'une des formes du communisme. Ce n'est pas le peuple qui a tué l'URSS, mais une oligarchie en reconversion. Elle a privatisé ce qu'elle possédait déjà, rompant ainsi ses obligations envers le peuple. Le peuple répond "puisqu'ils font semblant de nous payer, faisons semblant de travailler". L'oligarchie rétorque "ne faisons plus semblant, partageons faussement les ressources : infrastructures vitales pour les uns, divertissement et misère pour les autres". C'est aussi comme ça que fonctionne le capitalisme, d'où la coercition (guerre contre le chômage, les assistés, les délocalisations, etc.) ;

    • La peur de l'immigration est un sentiment d'existence par une croyance commune, celle du rejet de celui qui est différent afin de réparer la dépossession de tout (école, amour, amitiés, lieux de vie en commun, etc.) que l'on a subie ;

    • Le contrôle est un rythme, une temporalité qui s'impose. Y échapper, c'est se rythmer différemment.

    Je recommande la lecture de ce livre, même si je trouve que le discours est râpeux, complexe et plein de sous-entendus. Je ne pense donc pas que le livre se suffise à lui-même : il faut une certaine connaissance des idées dites de l'ultragauche pour l'aborder.

    Ce livre fait partie d'une trilogie avec À nos amis et Maintenant.

    Fri Aug 16 18:10:28 2019 - permalink -
    - https://www.librairiesindependantes.com/product/9782913372627/
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  • Cyberstructure : Internet, un espace politique

    Un livre qui traite du lien entre les décisions techniques, économiques et organisationnelles prises par les acteurs de l'Internet et les droits humains, et, plus généralement, la manière dont nous faisons société (ce que le terme galvaudé « politique » signifie). Ceux que ça intéresse peuvent regarder les vidéos des dissertations orales de l'auteur sur le même sujet : à Radio France (mes notes) et lors de la JCSA 2018. Plus d'infos sur l'auteur et les débuts d'Internet en France.

    Contrairement à d'autres, l'auteur défini les termes de la causerie. Les droits humains sont ceux de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Internet est l'interconnexion de plusieurs réseaux informatiques physiques propriétés d'acteurs différents qui doivent se mettre d'accord entre-eux même s'ils n'en ont pas toujours envie et que leurs intérêts divergent.

    Ce bouquin est découpé en deux parties. La première explique, de manière très pédagogique, le fonctionnement technique de l'Internet, des câbles dans les trottoirs et les océans aux applications, les acteurs d'Internet et les organes de prises de décisions collectives. La deuxième partie présente des débats d'actualité et tente de les alimenter à l'aide de la culture technique acquise dans la première partie.

    L'angle d'attaque de l'auteur est que chaque portion de la technologie, chaque technique impose des fonctionnements, en interdit d'autre, permet, facilite ou restreint l'exercice des droits humains. Les décisions techniques de construire telle ou telle architecture de telle ou telle manière, ou de programmer tel logiciel de telle ou telle façon ont des conséquences. Exemple ? Les logiciels disponibles dans la logithèque et les options activées par défaut dans les logiciels restreignent la liberté de choix de l'utilisateur. Autre exemple ? L'internationalisation c'est-à-dire la capacité technique d'utiliser ta langue, ton alphabet et de lire de droite à gauche, non seulement pour lire et rédiger des contenus, mais aussi pour nommer des services (noms de domaine), des gens (adresses emails) et lire des messages d'erreur, conditionne l'accès à la technologie et à ce qui en découle (savoir, expression, etc.). Autre exemple ? Dans un logiciel, faut-il implémenter une fonctionnalité de censure ou, au contraire, rendre le système le plus incensurable possible ? Autre exemple ? La possibilité technique de conserver des journaux des activités et le choix technique d'envoyer parfois plus d'informations que nécessaire (je pense au protocole web, HTTP) restreignirent le droit à la vie privée… mais facilite l'analyse de problèmes et la chasse aux activités illégales. Dernier exemple ? Le débit asymétrique entre le citoyen et son FAI (choix politique suite à une contrainte technique) qui entraîne le déport de contenus auprès d'autres acteurs (choix technique) qui lui-même entraîne des problèmes de facturation entre les opérateurs, ce qui entraîne des choix techniques douteux (filtrage, bridage, priorisation, etc.). Certains des exemples précédents sont de mon cru, pas de l'auteur.

    Autre point de vue de l'auteur : on a rien sans rien, les droits humains eux-mêmes s'opposent parfois les uns aux autres, donc il faut faire des compromis. Échange pair-à-pair ou vie privée (l'IP apparaît dans les échanges) ? Utiliser des services mutualisés par une petite structure (email, framapiaf, searx, etc.) masque l'IP… mais ce sont des services centralisés. Les options par défaut restreignent les utilisateurs avancés, mais permettent l'utilisation du produit ou du service par plus de monde. L'absence de sécurité (notamment dans les appareils connectés) réduit le coût de production, facilite l'utilisation des produits, mais représente un danger pour l'utilisateur (fuite de données personnelles sensibles) et pour la communauté (attaques par déni de service). La dématérialisation de Pôle Emploi permet d'agir tout le temps depuis partout (ça facilite l'exercice des droits), mais ça exclu les illettrés du numérique et les exclus d’un accès décent à Internet (ça complique l'exercice des mêmes droits). Certains des exemples précédents sont de mon cru, pas de l'auteur.

    Quelques-uns des thèmes abordés : non-neutralité de la technique, internationalisation, censure, chiffrement, nommage, neutralité du net et des intermédiaires, sécurité, centralisation ou pair-à-pair, rémunération des créateurs de contenus, vente de ses données personnelles, gouvernance (mécanismes de prise de décisions qui affectent des acteurs aux intérêts divergents en dehors des institutions et du formalisme établis), régulation, etc.

    Le résumé des différentes opinions au sein de l'IETF au sujet de « faut-il que les droits de l'humain soient inclus dans l'architecture d'Internet ? » est intéressant. Première réponse : non, car les droits humains ne sont pas absolus (les machines ne peuvent pas appliquer quelque-chose d'aussi flou), il y a d'autres outils pour ça, il ne faut pas formuler de fausses promesses (on ne peut pas garantir techniquement la protection de la vie privée, par exemple), et il est parfois nécessaire d'enfreindre des droits humains (Résistance, par exemple). Deuxième réponse : les acteurs de l'Internet ont un pouvoir, donc la responsabilité morale de faire appliquer les droits humains. Troisième réponse : à défaut de pouvoir forcer le respect des droits humains, il faut considérer Internet comme un bien commun protégé au même titre qu'un parc naturel et tout mal qui y est fait doit être sanctionné. Quatrième réponse : on n'est pas sûr des conséquences des protocoles Internet sur les droits humains, il faut collecter des infos et réfléchir. Cinquième réponse : Internet crée de nouveaux droits en lui-même (vivre sans accès à Internet aujourd'hui réduit la liberté d'action).

    Je recommande vivement la lecture de ce livre, car il permet de comprendre la technique et les enjeux autour d'Internet. Même les hackers-geeks-nerds-deLaMortKiTue et les professionnels de la profession, quel que soit leur grade, devraient le lire afin de vérifier leurs connaissances, voir de s'ouvrir l'esprit sur certaines thématiques. Le style est sobre (on n'est pas en présence du prix Goncourt, en somme), mais les phrases courtes sont adaptées à la pédagogie. Le ton est dynamique (fun/décontracté, écriture inclusive lisible) et le franc-parler habituel de l'auteur est au rendez-vous, ce qui ne donne pas l'impression de lire un grimoire du 12e siècle et ça, c'est fortement appréciable. Un nombre plutôt élevé de fautes ternissent la lecture, mais elles ont été corrigées dans les réimpressions.

    Quelques notes :

    • Le RFC 4949 défini la vie privée comme le droit de contrôler ce que l'on expose de notre personne à l'extérieur ;

    • Unicode est une liste normée de caractères et de leurs propriétés (majuscule, tri, etc.). Unicode ne s'intéresse pas à l'apparence, au glyphe (cursive, emphase - italique, gras). La couleur d'un émoji dépend du créateur d'une police de caractères, pas du consortium Unicode qui publie seulement des exemples de ce à quoi un caractère ressemble. UTF-8 est l'un des encodages d'Unicode, c'est-à-dire la représentation binaire des caractères ;

    • L'opérateur CenturyLink a acquit l'opérateur Level3 en 2016/2017 ;

    • En Afrique du Sud, l'opérateur Vodafone insérait le numéro de téléphone de l'abonné dans les requêtes web non-chiffrées ;

    • Si, comme l'affirme Vinton Cerf (lobbyiste pour Google), le facteur a connaissance du courrier du village, Facebook, lui, a aussi connaissance de ce qui se passe à l'extérieur du village grâce aux boutons « J'aime » ;

    • Dans le débat « une attaque par déni de service (DDoS) est-elle équivalente à un blocus ? », on oublie que les DDoS rendent vulnérables les petits acteurs qui doivent s'en remettre à des sociétés commerciales spécialisées pour les protéger en renonçant à leur indépendance sur le réseau. Retour au temps où un seigneur protégeait « ses » paysans. Comme Benjamin Bayart avant lui, l'auteur constate que, sur Internet, il manque peut-être un espace public où diffuser des tracts, manifester, etc. et ainsi apporter des infos contradictoires aux citoyens en jouant sur la surprise de l'interaction ;

    • Selon Xavier de la Porte, le darknet est la banlieue nouvelle génération : un terme galvaudé, utilisé pour faire peur et pour faire croire que la criminalité est concentrée en un point précis, et de préférence le plus loin possible de chez soi ;

    • Depuis 2011, en Bolivie, la loi impose que les interconnexions entre les opérateurs se fassent à travers un point d'échange de trafic Internet présent sur le territoire national ;

    • On entend parfois dire que les africains ont d'autres chats à fouetter que le numérique. Si quelque chose est profitable en occident, au sens où il produit des effets (accès facilité à la connaissance, par exemple), alors il produira aussi ses effets en Afrique. Peut-être pas tous, peut-être pas avec la même intensité, mais quand même.

    Sur son blog, l'auteur expose ses raisons d'écrire un livre plutôt que des articles de blog et il détaille ses choix techniques compte-tenu de l'environnement multi-acteurs de la rédaction d'un livre (séparation texte, sémantique et mise en forme). C'est suffisamment rare pour être instructif.

    Thu Aug 15 18:45:28 2019 - permalink -
    - https://cyberstructure.fr/
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  • Comment la non-violence protège l’État : Essai sur l’inefficacité des mouvements sociaux (Peter Gelderloos) – Editions LIBRE

    Un livre qui réfute la tactique de la non-violence comme seule méthode utilisable dans une lutte. L'auteur ne prône pas la violence à tout prix, mais l'idée qu'il ne faut pas s'en priver. Ce livre a été écrit en 2007 par un auteur âgé de 25 ans et traduit en français en 2018, ce qui explique qu'il manque des exemples de luttes récentes. Je ne sais plus par quel canal j'ai eu connaissance de ce livre, mais il m'a intéressé, car la non-violence est au cœur des combats climatiques français de ces dernières années et, à la vue des images de l'oppression policière subie malgré tout par ces pacifistes (exemple), je m'interrogeais sur la pertinence d'une telle stratégie. Le débat activisme violent contre activisme non-violent n'est pas nouveau : il émerge dans les années 1960 (on en trouve même trace dans la chanson Cheveux longs et idées courtes de notre Jojo national) avant de prendre son envol dans les combats climatiques au début des années 2000.

    Avant de commencer, il faut constater que personne est d'accord sur la signification des mots. Qu'est-ce que la violence ? Comptabilise-t-on uniquement la violence physique ou psychologique ? Comptabilise-t-on la violence contre des objets (une vitrine, par exemple), car après tout, elle exerce une violence psychologique sur le propriétaire de l'objet ? Si l'on prend en compte tout ce qui blesse ou provoque une douleur, alors un accouchement est violent. Si l'on prend en compte uniquement ce qui ne serait pas naturel et résulterait d'une décision de l'homme, on rappelle que la nature est violente (exemple 1, exemple 2, via SebSauvage), donc que ça ne tient pas. Si l'on examine les considérations morales des conséquences, alors ce qui est violent dépend de la morale du jour et de chacun (certains trouvent violent de payer des impôts, qu'ils assimilent à un vol organisé), et alors l'échec de la non-violence à faire stopper la violence des dominants peut également être interprétée comme de la violence. L'auteur se gardera bien de préciser quelle définition il retient… Deuxième terme, qu'est-ce que l'efficacité d'une lutte ? Là encore, c'est subjectif. L'auteur considère que le combat pour l'indépendance de l'Inde est inachevé car l'Inde est toujours le terrain de jeux de multinationales occidentales. Même chose pour le combat pour les droits civiques des Noirs aux USA : l'égalité complète n'est toujours pas acquise. L'auteur étant anarchiste, tant qu'un combat non-violent n'est pas parvenu à éliminer totalement une oppression, alors il est vain. En revanche, l'auteur félicite n'importe quelle avancée d'une lutte armée, quand bien même son résultat est mitigé ou temporaire (l'exemple le plus frappant concerne les Brigades rouges auxquelles l'auteur attribue la réintégration du Parti Communiste au gouvernement - ce que ne voulaient justement pas les BR -, et quelques avancées sociales alors qu'elles étaient d'époque dans toute l'Europe de l'Ouest).

    Le premier argument de l'auteur est que les pro-non-violence falsifient l'histoire en omettant l'impact des luttes armées conjointes à des mouvements pacifiques. Ainsi, les causes auraient triomphées uniquement grâce à la capacité de leurs défenseurs de souffrir avec dignité. On attribue l'indépendance de l'Inde à la seule non-violence de Gandhi, en oubliant la lutte armée parallèlement conduite par l'Hindustan Socialist Republican Association (dont Bhagat Singh et Chandra Shekhar Azad étaient membres). On attribue la signature des traités de non-prolifération d'armes nucléaires aux manifestations pacifiques en oubliant les groupes qui ont commis des attentats comme Direct Action au Canada ou Marco Camenisch en Suisse. Quand on parle du combat pour les droits civiques des Noirs aux USA, on mentionne Martin Luther King en oubliant le Black Panther Party, la Black Liberation Army et des événements comme celui du 7 mai 1963 (et jours suivants) à Birmingham (3 000 Noirs se révoltent contre les violences policières, jettent des projectiles sur les flics et saccages leurs voitures. Après des semaines, la fin de la ségrégation dans les magasins de la ville est décrétée et la Civil Rights Law est votée). Quand on évoque le combat pour faire cesser l'apartheid en Afrique du Sud, on oublie que le prétendu pacifiste Mandela soutenait la lutte armée et qu'il a été impliqué dans des attentats à la bombe et la préparation d'un soulèvement armé. Quand on parle de la guerre au Vietnam, on pense aux gigantesques rassemblements aux USA pour la faire cesser et aux nombreux objecteurs de conscience, en oubliant l'efficacité au combat des viets, les mutineries (assassinats à la grenade d'officiers, sabotages, émeutes, etc.) au sein de l'armée américaine (le Pentagone a estimé qu'environ 3 % des officiers envoyés au combat ont été tués en interne…)., les 174 plasticages de campus universitaires en 9 mois, et les prises d'assaut de camps d'entraînement de l'armée et d'offices du gouvernement. Quand on évoque la deuxième guerre mondiale, on oublie le sabotage des usines et des trains, la révolte aux camps de Treblinka , Sobidor (qui seront fermés suite à ça), Auschwitz (un four crématoire y est détruit en octobre 1944), et la lutte armée dans les ghettos de Varsovie et de Bialystok durant des semaines qui contribuèrent à occuper l'armée nazie déjà à la peine sur le front de l'est). L'auteur égraine d'autres exemples. Bref, les grands événements mélangent tactiques violentes et non-violentes et il est difficile de dire quelles tactiques ont fait pencher la balance (s'il y a en…). Je retiens que, dans un débat, chacun, y compris l'auteur, choisi les détails des événements afin de l'emporter. Je préfère en retenir que la réalité est complexe et qu'il faut décortiquer chaque exemple énoncé à la va-vite.

    Le deuxième argument est que les quatre grandes stratégies non-violentes ne fonctionnent pas (plus ?).

    • Prosélytisme / faire appel à la morale (tracts, manifestations, assemblées générales, etc.). Cela se contrecarre facilement par de la communication, les médias alternatifs étant peu suivis. L'auteur prétend que la violence sera forcément montrée par les médias, car il leur est difficile de masquer une telle réalité s'ils veulent conserver un semblant de crédibilité. Certes, la TV n'expliquera pas les enjeux d'un mouvement violent, mais comment ne pas chercher plus d'infos quand on voit une telle motivation ? Aux gens de ne pas s'enfermer dans le cliché "violence = pas bien". Je trouve l'auteur très optimiste. La propagation de nouvelles valeurs est rendue difficile par les canaux déjà existants : école, église, état, fraternités, etc. L'éducation différenciée actuelle empêche la compréhension : la capacité d'analyse n'est pas encouragée dans les milieux modestes, et, dans les milieux riches, elle est canalisée pour renforcer la cuirasse du système actuel. Les gens ne débattent pas entre eux, mais ils s'échangent des syllogismes, des polémiques, des slogans et des proverbes tout fait au lieu d'arguments. Le prosélytisme laisse croire aux gens qu'ils pourront changer les choses sans changer les priorités de leur vie, en déléguant à d'autres, donc ça ne peut pas émanciper. Les privilégiés savent ce qu'ils font, ils défendent leur terrain, donc il est vain de vouloir les rallier à une idée « dont le temps est venu ». Si un éminent privilégié s'inclinait, il serait mis en minorité par ses congénères de classe sociale puis remplacé ;

    • Lobbying. Mouvements hiérarchiques donc pas émancipateurs : la base est sollicitée seulement pour signer des pétitions ou des levées de fonds, etc. Les lobbies citoyens ont peu de puissance (notamment financière) en comparaison des lobbies industriels. Les lobbies citoyens sont faciles à contrecarrer : il suffit de satisfaire des points mineurs de la contestation. le lobby va réajuster sa campagne pour exposer la tromperie. L'État ou le lobbby opposé le présentera comme insatiable et lui opposera une fin de non-recevoir. À l'inverse, la récupération est tout aussi facile : il suffira d'annoncer, dans les médias, que les opposants ont accepté tel accord ou tel article de loi… en passant sous silence qu'ils refusent toujours tout le reste. Développer des arguments, mener une campagne d'information, etc., tout cela consomme du temps pour peu de gains au final, ce qui épuisera le mouvement. L'auteur expose, qu'à l'inverse, les tactiques violentes imposent à l'État des actions concrètes d'envergure par peur de tout perdre (autorité, pouvoir, privilégiés, etc.). Exemple : distributions de terres aux plus virulents révolutionnaires mexicains ;

    • Construire des alternatives. Ce n'est pas possible pour tout le monde : prisonniers politiques, pays en guerre, opprimés économiques, etc. Comment construire quand tout appartient à quelqu'un ou à l'État (les terres, les ondes, etc.) ? Tant qu'une alternative reste petite, l'État la tolère, car elle lui fait aucun tort, mais elle se fait consommer et consumer (bénévoles cumulent avec un emploi, etc.), car le capitalisme est conçu pour absorber la concurrence. La plupart des alternatives sont sans danger pour le système. Exemple : en 2001, en Argentine, la reprise des usines abandonnées n'a pas fait de mal, au contraire. Certes, elles sont plus participatives, mais ça reste du capitalisme. Les usines non-abandonnées n'ont pas été expropriées, donc tout le monde y gagne. Enfin, il est nécessaire de protéger ces lieux de la répression policière. Pensons aux squats évacués sans cesse, à Notre-Dame-Des-Landes, etc. Rester non-violent face à cette répression, c'est se condamner à reconstruire encore et encore les mêmes alternatives balbutiantes ;

    • Désobéissance généralisée (grèves, blocus, boycotts, etc.). Les privilégiés contrôlent les richesses… et la force (police, armée), donc ils seront moins menacés que le reste de la population, car ils ont des réserves pour vivre. L'État ne peut pas aller trop loin dans la répression afin de ne pas dissiper l'illusion démocratique, mais il s'adapte : on change des têtes et des processus, mais, en coulisse, rien change. L'auteur pense aux coups d'État de Marcos aux Philippines et de Milosevic en Serbie : coups d'État dans le vent, car le capitalisme a perduré voire s'est renforcé (Serbie). On peut penser à l'alternance droite-gauche en France avec les mêmes personnes dans les coulisses gouvernementales. Les tactiques violentes (bombes, sabotages, etc.) perdurent plus longtemps et coûtent à être réparées et en image (État impuissant), ce qui en fait des tactiques plus efficaces.

    Le troisième argument est que la non-violence est l'un des mécanismes de défense des privilégiés. Par privilégiés, l'auteur désigne l'État, et les hommes occidentaux, ceux qui ont une petite vie tranquille basée sur une violence structurelle qu'ils ignorent. Pourquoi accepter la violence systémique et établie des dominants et refuser celle des opprimés ? Le but de ce baratin est de pacifier les opprimés afin de maintenir sa situation, ses privilèges. Ainsi, l'opprimé se voit intimer l'instruction d'attendre que les contestataires privilégiés atteignent une masse critique (car la protestation pacifique repose sur le nombre) pour être sauvé (on reconnaît le triangle dramatique). S'il veut, il peut distribuer des tracts et organiser des manifestations pour attirer la sympathie des privilégiés… Cela n'est pas accessible à ceux qui sont déjà exclus du système (exemple : employées qui enchaînent des boulots de misère donc qui disposent de peu de temps libre). Ceux qui utilisent la violence malgré ces bons conseils ne recevront pas les labels "bon Noir", "gentille femme" (qui fuit son mari violent alors que ça devrait être à lui de fuir), "bon citoyen", etc. qui leur octroieraient l'acceptation sociale. C'est moralisateur, paternaliste et ça participe à contrôler un mouvement (comme le Liberation Support Movement le fit, durant le combat pour les droits civiques des Noirs aux USA, en propageant l'idée que la violence n'est pas la solution). C'est en cela que le refus des moyens de lutte d'autrui quand ils sont violents protégent les dominants dont l'État, en privant les opprimés de légitimité. Tous les individus ou groupes sociaux n'ont pas la liberté de choisir la non-violence, car cela dépend du contexte à un instant T, chaque lutte étant unique : conseiller de désarmer les Indiens d'Amérique face aux colons, c'pas forcément un plan ; des catégories sociales sont plus souvent exposer au faciès, etc. Vouloir propager des moyens de luttes conformes à l'image confortable qu'un privilégié se fait d'une lutte, donc apprendre à l'autre comment lutter, comment lui apprendre à apprendre, c'est prendre sa situation comme une généralité, c'est prendre la grille de lecture qui découle de sa situation comme applicable partout, tout le temps, en faisant fi des différences. L'anti-autoritarisme, c'est d'accepter que des gens rejoignent la cause avec leurs moyens de lutte. Exposer que la violence décrédibilise les femmes relève d'une analyse qui oublie les Amérindiennes, les suffragettes, le sabotage des raffineries par les nigériennes, etc. Associer la femme à la non-violence confirme un rôle social genré. De même, exposer que la violence enlève sa crédibilité au Noir, c'est confirmer son statut social d'homme bestial. De plus, l'État a besoin d'une opposition loyale pour se justifier (qui croirait que tout le monde puisse être d'accord avec un seul ?). Il tolère donc la critique qui ne le menace pas (pétitions, manifestations non-violentes avec itinéraire qui dérange personne, consultations, référendum, etc.). Exemple : en 2004, à New York, le maire avait distribué des badges aux manifestants non-violents. Ceux-ci donnaient droit à des réductions sur le prix d'hôtels, de bouffe, de spectacles. Mais dès que ça sort des rails, olala. La violence fait peur, car nous n'en avons plus l'habitude, car nous avons """"collectivement"""" acté et admis l'emploi d'autres moyens pour régler nos différends (justice, manifestations, etc.). Mais, quand ces conventions sociales de résolution des conflits, présentes dans nos sociétés, dans nos familles, dans nos associations, etc. sont vaines, il apparaît nécessaire d'en changer, de monter d'un cran, et de potentiellement surprendre grâce à la violence, sinon on reste englué dans une contestation agrée par l'État (ou par la famille, les amis, etc.), donc gérée par le dominant. Quand la violence n'est plus en faveur de l'État, elle est dénoncée par celui-ci, comme en Irak ou les USA faisaient publier des articles semblant être rédigés par d'autres Irakiens demandant la fin des guérillas. Ou comme la marche sur Washington de 1963 pour les droits civiques des Noirs où des "chefs" Noirs furent appelés à la rescousse pour calmer les esprits et acheter la manifestation (liste des banderoles autorisées, choses à faire ou non, etc.).

    Enfin, l'auteur argumente contre des clichés répandus sur l'activisme violent.

    • Il ne faudrait pas être violent face aux flics, sinon ça justifierait la répression. C'est facile à dire quand on subit aucune oppression systémique. La peur d'une montée de la violence côté flics permet de neutraliser l'action par le discours. Les flics n'ont pas besoin d'alibi pour agir. L'auteur évoque la confection de toutes pièces, par le FBI, d'un mini-complot afin de buter des membres de American Indian Movement (mouvement pour les droits civiques des Natifs Américains), mais on peut aussi penser au mensonge qui a servi de prétexte à la guerre d'Irak ou à la violence disproportionnée contre les manifestants anti-loi travail en 2016 en France. Ce n'est pas la non-violence qui protége un mouvement social, mais sa légitimité ;

    • Ceux qui utilisent la violence ne vaudraient pas mieux que la violence systémique qu'ils dénoncent. Une violence ponctuelle, dans une stratégie globale et réfléchie ne conduit pas forcément à un mouvement autoritaire qui aura les mêmes tares que le système dénoncé. C'est une facilité de l'esprit de penser cela ;

    • La non-violence permettrait, par contraste, de mettre en exergue la violence systémique. Cela revient à supposer que le mouvement attirera suffisamment la sympathie et que celle-ci sera suffisamment relayée par les médias pour que le mouvement soit protégé. Les gens ont une grande facilité à ignorer la violence qu'ils ne vivent pas, donc c'est une stratégie risquée. En revanche, la non-violence met en exergue, toujours par contraste, l'aspect violent d'un autre mouvement, ce qui attirera la répression sur lui et empêchera toute convergence des luttes puisque l'État jouera la stratégie de la division ("bon" manifestant propre sur lui, "mauvais manifestants") ;

    • La violence serait la facilité de personnes peu informés qui cèdent à leurs pulsions. Le non-violent encourt pourtant moins de risques : il fait tout ce que l'État attend de lui, donc il sait qu'il ne croupira pas en prison, qu'il ne subira pas une violence physique, qu'il continuera de vivre une vie confortable dans son fauteuil, etc. Le cliché « peu informé » renvoie au cliché de l'homme bestiale… Pourtant, les praticiens de la violence comme stratégie ont étudié des théories, ont mûri une réflexion, ont préparé des actions. Après les émeutes de Détruit en 1967, une commission gouvernementale l'écrivait : les émeutiers étaient mieux informés des enjeux et de ce qui se tramait que les autres ;

    • La violence construirait forcément un nouveau monde basé sur la violence (intimidation, coercition) au lieu d'un monde basé sur l'éducation. La violence est perçue comme une domination uniquement dans la culture occidentale (y compris dans la mythologie Grecque où Zeus dévore Métis afin de garder le pouvoir), car elle nous rappelle la mort, que nous craignons, contrairement à d'autres cultures, et notre vulnérabilité. La violence ciblée sert uniquement à détruire les instances oppressives actuelles. Après ça, les hommes seront libres, les cerveaux remis à zéro, les défenseurs de l'ancien monde seront obligés de se convertir et chacun fera comme il veut dans des communautés de petites tailles. Il n'y aura donc pas besoin de maintenir une coercition, donc le monde sera moins violent. À titre personnel, cela me semble illusoire, mais bon, pourquoi pas. La non-violence, c'est se priver de tactiques en se basant sur un monde parfait qui n'existe pas (on s'interdit la violence, car on n'en veut pas dans le futur monde parfait).

    Comment l'auteur envisage-t-il les luttes et le monde post-révolution ? Les luttes doivent être radicales (contrer la source du problème, pas les divers symptômes). Elles doivent faire disparaître toutes les oppressions. On peut envisager des structures locales fédérées à un échelon supérieur. Il faut limiter la hiérarchie et, si elle est nécessaire, avoir des rôles tournants en fonction des compétences. Les organisations sont temporaires durant la révolution. Il convient d'adopter une diversité de philosophies, de modes de vie, de stratégies, avec une diversité des tactiques, violentes comme non-violente, en fonction du contexte précis. Il ne faut pas réprimer les autres courants de pensée de peur de la concurrence, car cela relève de l'autoritarisme de notre culture occidentale. Il faut s'unir sur un objectif (fin du capitalisme, par exemple), plutôt que sur une stratégie ou le type de tactique (violente / non-violente). Il faut faire grandir graduellement l'acceptation des tactiques violentes et/ou radicales, sans fétichiser la violence ni faire croire que le choix est vote ou bombe. Après la révolution, l'auteur imagine des petites communautés humaines qui s'organiseront comme elles le souhaitent. Il faut qu'elles soient petites afin que les membres puissent être d'accord entre eux et ainsi éviter l'apparition d'une structure (l'État) qui force les gens à être d'accord par coercition.

    Je recommande vivement la lecture de ce bouquin très documenté, même si le style est lourd (l'impression de ne pas lire naturellement… - est-ce l'effet de la traduction ? -), les répétitions nombreuses et les termes pas clairement définis (voir ci-dessus).

    Wed Aug 14 15:42:46 2019 - permalink -
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    fiche-lecture
  • [ Le Capital - édition intégrale | Soleil manga ]

    L'une des œuvres majeures de Marx, Le Capital adaptée en manga. J'en ai appris l'existence dans une vidéo des humoristes du Rire jaune, et je me suis dit pourquoi pas, ça peut être sympa, c'est original, tout ça.

    Le Capital, c'est l'analyse du capitalisme comme modèle de production et de commerce. Le tome 1, le seul totalement rédigé par Marx (les autres ont été finalisés par son pote Engels qui s'est basé sur les notes de Marx) analyse la production capitaliste, c'est-à-dire comment de l'argent sert à produire… de l'argent. Le tome 2 analyse la circulation du capital (production -> commerce -> production, etc.). Le tome 3 analyse la reproduction de l'ensemble et la pagaille que ça génère.

    Un bien a au moins deux valeurs. La valeur d'usage est subjective et dépend de nos besoins : un affamé accordera plus de valeur à un pain qu'à un diamant. La valeur d'échange se veut objective en représentant in fine la quantité de travail, donc de peine, nécessaire à sa production, car, in fine, tout est travail (la fabrication d'une machine-outil ou l'extraction d'énergies, c'est du travail) ou ressource naturelle. La faisabilité d'un troc dépend de la valeur d'usage : si je possède déjà le bien que tu proposes en trouzemille exemplaires, je ne vais pas accepter l'échange. Et puis, combien de sacs de riz équivalent à un ordinateur portable ? Ça dépend de la faim des interlocuteurs. Pour comparer objectivement les valeurs d'usage, il faut une valeur étalon. Ça pourrait être des sacs de blé, mais l'or est quand même plus pratique à transporter car il vaut cher (en valeur d'échange, car son extraction, nettoyage et affinage coûtent du travail), même en petite quantité. L'or devient le médiateur entre un acheteur qui veut acheter un bien sans posséder, sur l'instant, un autre bien qui intéresse le vendeur. Et si l'on pré-pesait la quantité d'or en amont afin de faciliter encore plus les échanges ? Bonjour les pièces de monnaie en or. La quantité d'or sur Terre est finie donc si l'on veut produire plus de pièces afin de permettre au plus grand nombre de personnes de commercer, la valeur d'une pièce augmenterait trop et empêcherait les échanges (on ne peut pas diviser la valeur d'une pièce en une infinité de pièces de valeur inférieure, impossibilité technique). D'autres métaux plus courants que l'or sont alors utilisés dans les pièces, car, ce qui compte, c'est la confiance / croyance partagée que cette pièce représente la valeur qui est gravée dessus (0,10 €, 2 €, etc.) même si la fabrication de cette pièce ne coûte effectivement pas le montant gravé dessus (en 2016, le travail nécessaire à la confection d'une pièce de 2 € coûtait objectivement 0,17 €). Ainsi, on oublie les valeurs d'usage pour tout évaluer avec une monnaie étalon qui mesure la valeur d'échange (ce qui est dommage puisqu'on oublie ce dont chacun de nous a réellement besoin). Les billets puis la monnaie scripturale (écriture virtuelle dans des livres de compte) est le prolongement de cela : l'espérance qu'une banque stocke, mais surtout honorera, la dette mentionnée sur le billet ou l'écriture et que ce montant représentera toujours la même quantité de biens au cours du temps (ce qui, en pratique, n'est pas le cas à cause de l'inflation, l'argent perd de sa valeur). Le but du jeu devient alors d'accumuler le plus d'argent afin d'être sûr de manquer de rien puisqu'il est échangeable contre tout bien ou service (ce qui n'était pas possible avec le troc puisqu'on ne savait pas ce qu'autrui accepterait en échange le jour J).

    Dans ce contexte d'accumulation, comment se faire de l'argent sur tout ce qui est vendu ? Il faut bien le prendre quelque part… Les matières premières ont un coût qui finit par ne plus être négociable… Les machines outils ont une production constante indexée sur l'énergie fournie (qui, elle, a le coût d'une matière première). Il reste donc le travail. Un chameau consomme environ la même nourriture, quelle que soit la charge qu'il transporte, on a donc intérêt à le charger au maximum. Même chose pour un humain, ainsi le coût du travail diminue. On détruit le savoir-faire en utilisant, entre autres, la division horizontale du travail (un salarié contribue à un tout petit bout du produit final au lieu de sa globalité, donc il devient capable de produire très rapidement ce petit bout) et la division verticale du travail (ceux qui décident ne sont pas ceux qui font). Avec cette spécialisation, on obtient des ouvriers remplaçables que l'on peut mettre en concurrence. L'emploi perd de son sens, car le salarié ne sait pas vraiment à quoi sert ce qu'il fait, mais la productivité augmente (plus de biens sont produits sur une même période). L'employé remplaçable perd de sa valeur, ce qui diminue le coût du travail. On peut également mettre la pression sur les salariés afin qu'ils produisent plus en les menaçant de chômage. C'est donc l'exploitation salariale, le travail non-payé, qui génère la plus-value. C'est pour cela que l'on nous bassine sans arrêt avec la réduction du coût du travail. Pour remédier au problème, les salariés devraient recevoir le résultat de leur travail, le travail global, c'est-à-dire la somme du travail nécessaire et de la plus-value (et non leur unique force de travail nécessaire comme c'est le cas)… comme quand ils étaient artisans à leur compte. Si je résume : une société commerciale dans laquelle tous ceux qui y participent sont propriétaires, ont les mêmes emplois (ou à tour de rôle), et perçoivent une part égale des bénéfices (ce qui est assimilable au partage du résultat du travail) et qui ne cherche pas à grossir indéfiniment, mais à satisfaire une demande concrète n'est pas une société commerciale capitaliste ?

    Le gain de l'exploitation humaine obtenu sur chaque bien est faible, donc, pour en vivre, il faut le reproduire massivement… C'est pour cela que la réduction du temps de travail est perçue comme une hérésie : produire la quantité de biens strictement nécessaire ou employer plus de salariés réduisent le gain. Pour ce faire, il faut vendre plus. Pour cela, on peut innover sans cesse, tromper le client (moins de matière pour le même prix, faire croire que la marque est plus importante que le produit pour en retirer du fric, etc.). Mais, la méthode la plus efficace est de produire plus en automatisant. Pour une même quantité de travail global, cela réduit le temps de travail nécessaire… donc ça augmente les profits. Si d'autres sociétés commerciales suivent le mouvement, les bénéfices diminuent, d'où l'intérêt des monopoles, du secret industriel, des nouveaux produits, de remplacer sans cesse les machines-outils par des plus productives, etc. L'automatisation augmente l'endettement. Et, surtout, l'investissement dans des machines réduit la rentabilité, c'est-à-dire les profits divisés par la somme du coût des machines et de la force de travail. Cet indicateur montre qu'il va être de plus en plus difficile d'engranger des profits, donc qu'il sera bientôt difficile d'investir dans l'appareil productif, ce qui rend la société commerciale vulnérable à la concurrence et au remboursement des prêts (bancaires ou actionnariaux ou obligataires). On ne peut pas réduire le nombre de machines car la productivité est basée dessus. En revanche, les machines réduisent la responsabilité des salariés donc la valeur de leur force de travail, ce qui maintient temporairement les profits (c'est vrai uniquement si le salaire est modulable facilement ou si le salarié est licenciable facilement, tiens, tiens)… Mais pour les augmenter, il faut faut pressurer les salariés… ou les licencier… ce qui, dans les deux cas, les empêchent de consommer par manque de revenus. Si cela se généralise, les biens produits ne trouvent plus d'acquéreur, c'est une crise de surproduction. Pour y survivre, il faut pressurer les salariés ou fusionner avec d'autres sociétés commerciales (afin de produire plus - un plus qui ne trouvera pas forcément preneur même si ça peut faire baisser les prix - ou de se débarrasser de concurrents) ou acquérir de nouvelles machines-outils (qu'on ne peut plus se payer seule)… qui réduiront encore la rentabilité… Tout le monde est pris dans ce tourbillon… C'est la contradiction du capitalisme : il faut produire plus pour obtenir des gains et les maintenir face aux autres capitalistes (ce qui n'existait pas auparavant : les sociétés humaines produisaient uniquement ce dont elles avaient besoin pour vivre et se développer - ce qui inclut l'armement, bien sûr -), mais produire plus nécessite toujours de réduire l'humain (réduction des coûts, remplacement par des machines, etc.)… qui est pourtant le seul générateur de la plus-value dans ce système…

    Au final, les prêts contractés pour s'agrandir, se moderniser, acheter des machines, ne peuvent plus être remboursés. Les sociétés commerciales coulent. Le chômage augmente. Les banquiers ne créent plus de monnaie puisqu'elles refusent de prêter vu le risque élevé de non-remboursement. Les déposants veulent récupérer leur argent (pour vivre le temps de leur chômage et par déficit de confiance). Sauf que la banque dispose uniquement d'une petite réserve d'argent qui ne couvre pas toute la monnaie émise (car elle en est un tout petit pourcentage légal). La confiance s'écroule… La puissance publique doit intervenir pour transformer la dette privée en dette publique et la répartir sur les épaules de tous les contribuables… Ainsi, la crise de surproduction entraîne une crise financière.

    La production capitaliste se base sur la finance, mais aussi sur le commerce capitaliste. La rotation du capital, c'est-à-dire le temps nécessaire pour que l'argent génère de l'argent, inclut le temps de production (durant lequel l'argent est transformé en marchandise + la force de travail) et le temps de circulation (durant lequel la marchandise est transformée en argent). Il est impératif de réduire ces deux temps afin d'éviter de se faire doubler. La réduction du temps de circulation est d'autant plus cruciale que la marchandise peut se périmer ou que les prix de vente peuvent fluctuer. D'où il est nécessaire de développer un commerce de gros et de détail qui assume le coût de circulation mais supplante les petits marchés d'échange à l'ancienne. Le producteur vend ainsi très rapidement aux revendeurs en gros (qui revendent aux détaillants), ce qui augmente la cadence de la rotation de son capital. Dans ce commerce-là, tout le monde s'engage à produire ou à revendre ce qu'il n'a pas encore. D'où la bourse pour définir les prix de vente et les mécanismes d'assurance pour se prémunir des fluctuations (cela inclut les produits dérivés sur les marchés financiers). Ce qui amène la spéculation, notamment des transactions sans prise avec le réel.

    D'autres effets sont intéressants à constater. L'argent n'est plus seulement une matérialisation du travail, de la peine qu'un humain se donne ni une contrepartie à un échange, mais aussi un moyen de générer plus d'argent durant le processus de production. Pourquoi faire ? Aucune idée. Il faut produire de la qualité à moindre coût et dans un temps réduit… Qu'est-ce que cela apporte fondamentalement par rapport à produire juste ce qu'il faut dans le temps qu'il faut pour permettre la survie et la satisfaction des besoins des humains ? Aucune idée. Il est nécessaire de garder le contrôle de la connaissance, notamment de faire en sorte que les concurrents n'aient pas connaissance des recettes ou que sous-traitants ne vendent pas les mêmes machines-outils à d'autres sociétés dès que les commandes de la société qui a originalement commandé la fabrication de ces machines-outils diminue (les sous-traitants ont intérêt à faire ça : ils se sont endettés pour produire les machines outils, donc si la commande diminue, le sous-traitant court un risque). D'où les brevets, le secret des affaires, etc. Notons que tout fonctionne en cercle vicieux à cause de la dépendance des sous-traitants… Si la production chute, celle du sous-traitant aussi, ce qui l'oblige à licencier… ce qui réduit la consommation, ce qui affecte la production de son commanditaire, qui réduit donc ses commandes, etc.

    Les financiers et les capitalistes ne suent pas mais récoltent l'essentiel des gains. Égalité entre les hommes, hein ? Injustice fondamentale. Ils ont pris tous les risques, il paraît. La force de travail des salariés ne servirait à rien sans eux. Boarf, avant tout ça, le gus bossait très bien tout seul, ce qui laisse à penser que le capitaliste (parasite) a plus besoin de la force de travail (hôte) que l'inverse. Les capitalistes disent également qu'ils ne forcent personne à vendre leur force de travail au prix qu'ils proposent. C'est vrai, mais quand toutes les sociétés commerciales fonctionnent sur le même modèle, le choix est très restreint. Et construire sa petite société dans ce monde-là nécessite des financements (notons que l'héritage lisse ce prérequis, comme quoi…), surtout pour résister à la concurrence… Donc il faudra produire pour rembourser… Le prix de vente et le nombre de commandes étant définis par les autres sociétés présentes sur le marché, le jeu est vite vu : c'est plus compliqué de ne pas vendre sa force de travail à un requin déjà en place, donc la liberté de choix est restreinte.

    Plutôt que de concentrer la production afin de servir une demande en hausse, ce qui nécessite des moyens de production coûteux dont l'acquisition met l'entrepreneur à la merci d'un financier, on pouvait aussi choisir de répartir cette production en plein d'artisans. Cela répartit les gains et procure du travail utile à plus de personnes. Néanmoins, cela entraîne des incertitudes sur le fait de disposer de tous les produits et services nécessaires à la vie (peur de manquer de quoi que ce soit). C'est précisément pour cela que le socialisme et le communisme prévoient une solidarité compensatrice…

    Bref, ce manga est agréable à lire, j'en recommande vivement la lecture. Les définitions sont plutôt bien posées. Les dessins expriment des émotions qui complètent le texte. Mon seul reproche est que les notions sont présentées dans un ordre qui ne me semble pas être optimal pour permettre de comprendre leur imbrication qui forme le capitalisme, d'où plusieurs lectures peuvent être pertinentes.

    Mon Aug 12 18:41:51 2019 - permalink -
    - https://www.soleilprod.com/serie/capital-integrale.html
    fiche-lecture
  • La Communication NonViolente au quotidien | Editions Jouvence

    Un livre sur la communication non-violente (CNV) rédigé par son concepteur. Un militant m'a parlé de cette méthode il y a quelques années, donc j'ai eu envie d'approfondir ce sujet.

    La CNV est une manière de s'exprimer et de mener à bien des interactions humaines qui renforce notre aptitude à donner avec bienveillance et à inspirer à autrui le désir d'en faire autant. Contribuer sans contrepartie au bien-être d'autrui contribue à notre bien-être (satisfaction procurée par un geste désintéressé). Résoudre nos différends sans violence (au sens large). La CNV n'est pas une méthode pour forcer quelqu'un à faire quelque chose ou pour l'y conduire par la ruse et la connaissance des failles humaines. Selon moi, la CNV est l'une des méthodes pour mettre en pratique le premier des accords Toltèques, « que votre parole soit impeccable ».

    La CNV s'oppose aux actions effectuées dans l'attente d'une contrepartie c'est-à-dire des actions effectuées afin de ne pas éprouver de honte ou de la culpabilité, de se dégager de contraintes, d'obtenir quelque chose en échange d'un geste. Elle s'oppose aussi aux insultes, au dénigrement, aux reproches, aux diagnostics et aux jugements qui expriment qu'autrui est une mauvaise personne ou qu'une action est bonne ou mauvaise. La communication non-violante s'oppose à tout déni de responsabilité, c'est-à-dire effectuer une action en prétextant qu'autrui en est à l'origine (« je l'ai giflé, car il a fait ceci… »), ou en invoquant une force impersonnelle (« je l'ai fait car il fallait que ça soit fait ») ou en justifiant le présent par un passé rendu immuable (« je picole car je suis un alcoolo ») ou en invoquant la pression d'un groupe (« je fume car toute la bande de potes fume »), ou en invoquant des pulsions incontrôlables (« j'ai mangé ce chocolat parce que c'était plus fort que moi ») ou en se cachant derrière une quelconque autorité (hiérarchie, ordres, règlements, etc.). Enfin, la communication non-violente s'oppose aux exigences, c'est-à-dire à toute demande formulée à autrui que celui-ci ne peut refuser sans risquer une quelconque sanction.

    Pour ce faire, le principe clé est de faire la différence entre ce que j'observe (les faits), mon interprétation et mes déductions des faits, les sentiments que les faits génèrent en moi en rapport avec mes valeurs et mes souhaits, les besoins que cela soulève et ce que je demande à autrui pour satisfaire mes besoins et accroître ainsi mon bien-être. Selon l'auteur, nous confondons tout en permanence (fait et opinion, opinion et sentiment, etc.) dans notre expression quotidienne, ce qui rend les échanges humains imbitables. Évidemment, la réciproque s'impose : dans ce qu'exprime autrui, il faut distinguer ce qu'il observe, ce qu'il interprète, les sentiments que ça génère en lui… Il faut donc apprendre à écouter les bonnes informations dans les propos d'autrui (je vais y revenir dans quelques paragraphes).

    « Elle est irresponsable », « il se croit seule au monde », « tu ne m'aimes pas », « tu es toujours occupé », etc. Tout cela sont des interprétations, des déductions, des évaluations, pas des faits. « Tu ne m'as pas donné de tes nouvelles ces deux derniers mois » (équivalent de « tu ne m'aimes pas ») , « les trois dernières fois où je t'ai proposé une activité, tu as dit que tu ne voulais pas y participer » (équivalent de « tu fais rarement ce que je veux »), sont des faits. Les opinions se détectent facilement : emploi de « tu es » et d'adjectifs sans mise en contexte, emploi de verbes du champ lexical de l'évaluation, etc.

    Il ne faut pas mélanger une opinion (« je sens que ce n'est pas bien de mettre la musique aussi forte ») et un sentiment (« cette musique m'inconforte voire m'énerve »). Les phrases « je sais que … » expriment souvent des opinions et des jugements. Il convient d'éviter les phrases génériques pour décrire nos sentiments comme « je me sens mal / bien / con ». « Je me sens incompris » est une évaluation (du niveau de compréhension d'autrui), « je suis en colère / frustré » est un sentiment. Se sentir ignoré peut être agréable dans certaines situations, ce qui montre que ce n'est pas l'origine du mal-être.

    Ne pas faire porter la responsabilité de nos sentiments à autrui. « Papa est malheureux que tu aies de mauvaises notes à l'école » est une motivation par la culpabilisation, l'enfant cherchera à échapper à la culpabilité, pas à s'impliquer dans son travail. Il convient de lier un sentiment à une explication de ce qui se passe en nous (quel est le besoin insatisfait) en utilisant « parce que / car » suivi d'autre chose que « tu / vous » : « tu m'as déçu en ne venant pas ce soir, car je voulais te parler d'un truc qui me préoccupe », « lorsque je trouve l'évier plein de vaisselle sale, je me sens agacé car j'ai besoin d'ordre et de propreté », « quand tu es arrivé 30 minutes en retard, j'ai été contrarié, car je voulais m'en tenir à mon emploi du temps afin d'avoir la sensation d'avoir accompli quelque chose de ma journée ».

    Exprimer clairement ce que nous attendons de l'autre pour satisfaire nos besoins. Ne pas dire « je veux que tu passes moins de temps au taff » à la place de « je veux que tu passes moins de temps au taff afin de passer plus de temps avec moi », car, dans la première formulation, autrui peut très bien quitter le taff plus tôt et s'inscrire à un club de golf, ça respecte le souhait formulé. Exprimer des actions concrètes : « je veux être traité plus équitablement » ne permet pas à l'autre d'agir… Sur quel plan ? Par rapport à qui ? Etc. Ne pas émettre d'exigence, autrui satisfait notre demande seulement s'il a envie de contribuer à notre bien-être. On peut argumenter, bien entendu, mais seulement après avoir compris la raison précise du refus de notre demande. Plus on interprète un refus comme un rejet, plus les gens se braqueront lors de nos demandes ultérieures, car ils sentiront que ce sont des exigences.

    Laisser l'autre s'exprimer. Lui laisser le temps et l'espace. Ne pas juger. Ne pas conseiller. Ne pas rassurer. Laisser nos sentiments de côté (pas de « ho, ma pauvre chérie ! »). Ne pas surenchérir (« c'pas pire que ce qui m'arrive »). Ne pas raconter d'histoires équivalentes (c'est le tour de parole d'autrui, pas le tien !). Ne pas moraliser (« tu pourrais tirer parti de ça si tu … »). Ne pas consoler (« tu as fait de ton mieux ». Ne pas clôturer le sujet (« remet-toi et passe à autre chose ! »), autrui le fera de lui-même (il arrêtera de parler). L'empathie, c'est chercher le sentiment et le besoin de l'autre. Exemple : au jugement « je suis moche ! » émis par quelqu'un, ne pas répondre « mais non, tu es trés belle », car cela met encore plus la pression, mais s'intéresser au sentiment et au besoin sous-jacents (« tu es déçu de la tête que t'as aujourd'hui ? », besoin d'attention ? Besoin d'un nouveau style vestimentaire ? Etc.). On ne peut pas arranger les choses à la place d'autrui. Afin d'être sûr d'avoir bien écouté et compris l'autre, on peut paraphraser et reformuler. On peut également poser des questions, mais uniquement sur les faits, les sentiments, les besoins ou les demandes qu'autrui formule. Il convient d'éviter les questions vagues (« que veux-tu que je fasse ? », « à quoi fais-tu allusion ? », etc.).

    Si nous ne savons plus offrir d'empathie, alors c'est que nous en manquons et il faut alors s'administrer les premiers soins : questionner nos sentiments et nos besoins.

    Je recommande la lecture de ce livre, car je trouve très pertinentes la séparation faits / interprétations / sentiments / besoins ainsi que l'analyse du déni constant de nos responsabilités. Il est court (80 pages) et il va à l'essentiel. Il est une introduction aux stages et formations payants animés par le réseau d'associations officielles et officieuses, donc il ne faut pas s'attendre à des miracles à sa lecture (comprendre : la lecture ne suffit pas, il faut pratiquer, pratiquer, et encore pratiquer).

    Sun Aug 11 12:42:16 2019 - permalink -
    - https://www.editions-jouvence.com/livre/la-communication-nonviolente-au-quotidien-0
    fiche-lecture
  • [ Comment se faire des amis et influencer les autres | Les éditions Québec-Livres ]

    Un livre de développement personnel centré sur les relations avec autrui. Aaron Swartz l'évoque en des termes élogieux dans l'un de ses écrits compilés dans le livre Celui qui pourrait changer le monde. Sans cela, je ne l'aurai pas lu.

    Au final, pour améliorer ses relations avec les autres, il y a un unique principe à retenir : montrer leur importance aux gens. Rien est plus important pour quelqu'un que sa propre importance. C'est ce qui pousse quelqu'un à financer la rénovation d'un hôpital (et autres actions au service des autres), à revendiquer son statut social et hiérarchique, à désirer une grosse baraque, etc. Toute personne désire qu'on lui accorde de l'attention, qu'on s'intéresse à elle et que l'on parle d'une seule chose : d'elle, de ses doutes, de ses soucis, de ses souvenirs, afin qu'elle puisse démontrer son importance à travers ses expériences, etc. Quelqu'un ne veut pas reconnaître qu'il a tort parce que cela porte atteinte à son importance. Personne veut t'aider pour réaliser quoi que ce soit, mais tout le monde veut savoir comment t'aider va servir ses intérêts, affirmer son importance et flatter son égo.

    Tous les principes de vie suivants sont déclinés de ce qui précède (tout ce qui n'est pas en gras est un ajout personnel) :

    • Ne critiquez pas, ne condamnez pas, ne vous plaignez pas. Ne pas se justifier en permanence. Chercher la motivation à l'origine de quelque chose qui ne nous plaît pas et proposer une alternative ;

    • Complimentez honnêtement et sincèrement. « Complimentez » a ici le sens d'« encouragez ». Cela montre que vous n'êtes pas indifférent à quelqu'un, ce qui la rend importante et permet de créer des liens ;

    • Suscitez un vif désir de faire ce que vous proposez. En mettant en avant ce que l'autre va y gagner (meilleur délais de livraison, satisfaction, statut social, échapper à la honte, etc.). Pour ce faire, se baser sur les désirs d'autrui. Toujours exprimer rapidement ce que l'on peut apporter à autrui (c'est normalement le principe d'une lettre de motivation, par exemple) ;

    • Intéressez-vous réellement aux autres. Parler de ce que l'autre veut. Demander conseil. Louvoyer. Offrir du temps ;

    • Ayez le sourire. Le bonheur apparaît quand on fait semblant de le connaître. Pleure, personne pleurera avec toi. Ris, et tout le monde rira avec toi. Distribuer un sourire aux gens, surtout à ceux qui ne sourient pas, car ils en ont besoin ;

    • Rappelez-vous que le nom d'une personne revêt pour elle une grande importance. Se souvenir de chaque nom ;

    • Sachez écouter. Encouragez les autres à parler d'eux-mêmes. Montrer de l'attention ;

    • Encore une fois, parlez à votre interlocuteur de ce qui l'intéresse. Se renseigner au préalable sur les intérêts de quelqu'un ;

    • Faites sentir aux autres leur importance et faites-le sincèrement. Ça peut être un compliment ou du temps passé. Sans contrepartie exceptée la satisfaction d'avoir fait un geste désintéressé ;

    • Évitez les controverses, c'est le seul moyen d'en sortir vainqueur. Ne cédez pas à votre première impulsion : ça sera une réaction néfaste de défense. Maîtrisez votre colère. Commencez par écouter. Laisser les antagonistes parler à loisir sans opposer de résistance. Poser des questions pour comprendre. Cherchez des terrains d'entente. Soyez honnête Chercher ses erreurs et les reconnaître. Réfléchissez avec soin aux idées de vos antagonistes sans chercher à bâcler la discussion afin de dissiper une frustration. Remerciez sincèrement vos adversaires pour leur intérêt, car ils ont pris le temps de s'intéresser aux mêmes choses que vous. Ajournez votre action pour laisser aux deux parties en présence le temps d'examiner en détail le problème. Ne pas dire que X est supérieur à Y. Présenter X. Les autres se feront un avis ;

    • Respectez les opinions de votre interlocuteur. Ne lui dites jamais qu'il a tort. Même si t'es absolument sûr de ton fait, invite la personne à examiner la situation avec toi. Vérifie qu'il partage le même angle de vue, le même objectif, car un raisonnement est seulement valable dans un ensemble d'axiomes. Utiliser des formules souples plutôt que des oppositions franches : « il me semble que …», « je crois savoir que …», « peut-être que … », etc. Ne pas dire « tu t'es fait rouler … ». La personne le sait, mais ne veut pas l'admettre sous la contrainte. Personne a envie d'être ami avec un "je sais tout". Laisser les autres reconnaître que l'existent a des problèmes avant de proposer mieux, sinon autrui se braquera devant la mise en cause de son travail passé. Autoriser un écart entre ce que l'on souhaite et ce qui sera mis en œuvre ;

    • Si vous avez tort, admettez-le promptement et énergiquement ;

    • Commencez de façon amicale. En mode "on est pote, toi et moi, j'aime ce que tu es, j'aime ce que tu fais, j'aime ce que tu me proposes (la beauté et le calme d'un appartement à louer, par exemple). Cela permet d'ouvrir une discussion pour converger sur les points de désaccord ;

    • Posez des questions qui font dire oui immédiatement. L'orgueil oblige chaque personne à ne pas se laisser reprendre un non qu'elle aurait prononcé. Exemple : ‒ Votre moteur chauffe trop ! - Vous avez besoin de moteur qui chauffent moins que la norme untelle, c'est exact ? ‒ Oui. ‒ Cette norme ne dit-elle pas que la température d'un moteur bien conçu peut atteindre 22 degrés Celsius en sus de la température ambiante ? ‒ Si, mais vos moteurs chauffent plus que ça ! ‒ La température ambiante est de 24 degrés. Si l'on y ajoute 22 degrés, ça fait 46 degrés. ne craignez-vous pas de vous brûler quand vous manipulez de l'eau à 46 degrés ? ‒ Si. ‒ Dans ce cas, comme avec l'eau, vous devriez éviter de toucher au moteur tant qu'il est chaud ;

    • Laissez votre interlocuteur parler tout à son aide. Il passe sa colère, sa frustration, il exprime ses idées refoulées, etc. et ensuite il passe à autre chose ;

    • Laissez à votre interlocuteur le plaisir de croire que l'idée vient de lui. Solliciter les conseils d'un client pour la confection d'un logo ou d'un moteur. Ne voyant pas comment faire mieux, ledit client se convaincra de lui-même de la qualité du produit qu'il dénigrait jusque-là. Semer des propositions à haute voix, l'air de rien, afin qu'elle germe et que des gens se les approprie et les diffuse en se faisant passer pour l'auteur ;

    • Efforcez-vous sincèrement de voir les choses du point de vue de votre interlocuteur. Le groupe de jeunes ne désire pas arrêter son feu dans le parc. Le mieux à faire c'est de lui indiquer très poliment comment le faire en limitant les risques (virer les feuilles mortes et sèches à proximité, aller sur la partie sablée la prochaine fois, etc.) ;

    • Accueillez avec sympathie les idées et les désirs des autres. Il désire un minimum d'indisponibilité de son escalier mécanique afin de satisfaire ses clients ? Lui dire que l'immobiliser 8 h pour réparation est rien comparé à une immobilisation plus longue si la machinerie se dégrade encore plus. Elle veut jouer sur piano ? Lui dire que pour atteindre la perfection, elle doit se couper les ongles. Il se prétend malade et ne veux pas chanter ? Rappeler que la rupture de l'engagement lui coûtera 2 000 € ;

    • Faites appel aux sentiments élevés. Tout le monde a une très haute opinion de lui-même, même le plus grand criminel. Un gus veut rompre son bail avant terme ? Lui dire qu'il est un homme d'honneur, lui laisser le temps de la réflexion, tout en lui disant que s'il maintient sa décision, tu t'inclineras… en reconnaissant que t'as eu tort sur l'opinion que t'avais de lui. Un mauvais payeur ? Mentionner sa probité ;

    • Démontrez spectaculairement vos idées. Frappez la vue et l'imagination. Comme à la TV, dans les spectacles, etc. Lancer des pièces en l'air en disant "c'est de l'argent jeté par la fenêtre" afin de rendre l'expression palpable. Pour obtenir un rendez-vous avec un monsieur pressé qui se croit important, lui préparer un formulaire qu'il aura juste à remplir "ok pour un rdv le … à …" et une enveloppe de service (en entreprise) pré-rempli ;

    • Lancez un défi. Les gens ont besoin de montrer qu'il se surpasse. Dire des choses comme « seul un as peut faire ça » ;

    • Commencez par des éloges sincères ;

    • Faites remarquer erreurs et défauts de manière indirecte. Boss qui offre un cigare à des employés qui fument dans un espace non fumeur en disant « vous me ferez plaisir en allant fumer dehors ». Ne pas dire à un enfant « T'es faible en algèbre », mais « En poursuivant tes efforts, tu poutreras en algèbre ». Ne pas dire que le texte préparé ne convient pas à l'occasion (conférence de vulgarisation), mais dire qu'il est parfait pour une revue scientifique, car il est très (trop) complet ;

    • Mentionnez vos erreurs avant de corriger celles des autres. "J'ai très souvent mal orthographié ce mot et ça m'a coûté des clients, donc je pense reconnaître que ce mot est mal orthographié" ;

    • Posez des questions plutôt que de donner des ordres. « Ne croyez-vous pas que … ? », « Ne conviendrait-il pas de … ? », « Ça ne serait pas mieux si… ? », « Pouvons-nous faire… ? » ;

    • Laissez votre interlocuteur sauver la face. Pas de réprimande en public. Il reconnaît une erreur ? Dis-lui qu'il fera mieux la prochaine fois et, si possible, donne-lui immédiatement une nouvelle mission afin de lui montrer ta confiance ;

    • Louez le moindre progrès et louez tout progrès. Soyez chaleureux dans votre approbation et prodigue dans vos éloges. Pas d'hypocrisie, pas de flatterie, le juste milieu ;

    • Donnez une belle réputation à mériter. Pour développer une qualité chez quelqu'un, faire comme s'il l'avait déjà. Je veux vous vendre telle merde, donc recevez-moi car je sais que vous êtes prêt à écouter et à changer d'avis quand les faits le justifient ;

    • Encouragez. Que l'erreur semble facile à corriger. Rappeler à quelqu'un ses qualités et ses dispositions ("mais siiii, tu sais faire ça, regarde, c'est déjà un peu ce que tu fais, change ce petit truc et tu y seras") ;

    • Rendez les autres heureux de faire ce que vous suggérez. Récompense qui intéresse l'autre. Pas de fausse promesse. Sachez exactement ce que vous voulez que l'autre fasse. La récompense vendue doit correspondre aux désirs d'autrui : contribuer à l'image de l'entreprise (ça renforce l'importance du gus), nommer quelqu'un responsable de l'étiquetage, c'est bidon, mais permet d'assouvir son désir de reconnaissance et que le boulot soit bien fait (contrairement à avant).

    Ce livre est bien conçu, avec des résumés de fin de chapitre et une mise en forme qui permet de retrouver rapidement un contenu, etc. Il est donc facile à relire. Je pense également qu'il contient beaucoup d'analyses véridiques sur la condition humaine, et, à ce titre, je trouve qu'il est intéressant à lire.

    L'auteur travaillait sur tout ça depuis 1936, donc autant dire que le style date d'une autre époque et que toutes les suggestions, je pense à un modèle de lettre mettant en avant le désir d'autrui, ne peuvent pas être reprises telles quelles de nos jours (ça se voit, quoi). Les histoires qui introduisent les principes sont ennuyeuses, surtout quand l'auteur en enchaîne 8 d'un coup. Le style est prétentitieux en mode "moi j'ai connu tout le gratin"… Le livre est très axé sur le monde professionnel. Enfin, beaucoup de points sont redondants et reviennent dans plusieurs principes.

    Sat Aug 10 16:10:56 2019 - permalink -
    - http://www.quebec-livres.com/comment-se-faire-amis-influencer-autres/dale-carnegie/livre/9782764023068
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