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  • “Judy, Lola, Sofia et moi” de Robin D’Angelo

    Un livre-enquête sur les films pornographiques pro-am (professionnel-amateur) français. On pourrait croire qu'il s'agit d'un style artistique (peu de lumière, intimiste, etc.) ou que des amateurs tournent dans un milieu professionnel, mais il s'agit surtout d'un porno qui répond à une demande commerciale (d'où « pro »), mais dont les moyens de production sont très limités (d'où « am »). Ce modèle économique a émergé au début des années 2000.

    Alors, forcément, on n'est pas surpris d'avoir confirmation de l'absence de contrats de taff, de l'existence de contrats de cession de droits signés avec des autoentreprises à la fin du tournage (utile pour marchander, a posteriori, le consentement des actrices. Tu ne voulais pas les 4 gaillards sur toi ? Allez, 100 € de rabe et on n'en parle plus), des acteurs qui absorbent du Kamagra (Viagra pas cher) ou qui se piquent à l'Edex, au Caverjet et au Bi-Mix pour maintenir leur érection, le non-respect fréquent du consentement féminin (un acteur initialement prévu pour une scène, quatre acteurs au final, une promesse de scène sans rapport anal est rompue par le producteur, actrices fragiles psychologiquement et financièrement, etc.), des blessures infligées souvent aux femmes (elle s'évanouit pendant un fist vaginal ? C'est l'effet d'un orgasme intense dit le producteur… ou d'une plaie de 6 cm dira le docteur. Mais, ce que ne précise pas le livre, c'est que si le diffuseur ajoute le tag « painful », la vidéo se vendra niquel…), la reticence des producteurs à retirer une scène de leurs sites web suite à la demande d'une actrice (au motif des contrats de diffusion ‒ voir ci-dessous ‒ et que des gens lambda la mettront à disposition sur les sites web gratuit ?), la prépondérance des marchés de niches standardisés - les fameux mots-clés - qui tuent l'imaginaire, etc.

    On est toujours aussi peu surpris d'avoir la confirmation de l'existence d'inégalités et de clichés genrés et racistes. L'espérance de vie d'une actrice est de 6 mois à 2 ans, car elle perd de sa valeur marchande après dix tournages environ (le public veut de la nouveauté). Un mec peut tenir 15 ans. Un acteur peine à percer, car il y a trop d'offre tandis qu'une actrice peine à perdurer à cause de la demande du public. Les hommes sont moins rémunérés que les femmes, voire pas du tout quand les producteurs envoient des messages à leurs fans pour mater un tournage et y participer. Le salaire de l'homme est conçu comme un complément au plaisir qu'il tire du tournage. Pour la femme, on achète la marchandise prisée par le marché, son honneur, sa transgression des normes de la sexualité féminine et sa sexualité qui ne se donne pas, mais s'échange. Parfois, les actrices ne sont pas rémunérées non plus en échange d'une mise en avant de la vidéo sur le site web du producteur… Un Noir jouera très rarement un statut social supérieur (médecin, par exemple) et il embrassera moins sa partenaire, cela afin de conforter le cliché de la bestialité du Noir. Les actrices US sont payées plus cher pour une scène avec un Noir car cela détruirait leur carrière. Le Noir est dans le porno pour punir la femme blanche de sa sexualité jugée débridée. La réception sociale sera également différente : l'acteur est perçu comme le héros du quartier, il serre des paluches, l'actrice est drapée d'une mauvaise réputations et reçoit des sourires carnassiers.

    On est un peu plus surpris de découvrir l'existence de réseaux et d'une division horizontale du travail. Des rabatteurs dénichent les potentielles actrices, notamment via les réseaux sociaux (celles qui participent à des shooting, celles qui font des cams, toutes ont des fans… futurs clients potentiels). Les acteurs amènent également de la chaire fraîche en échange de garanties de tournage. Des producteurs dans la dèche produisent les vidéos. Lui est chômeur, tel autre vit des revenus de sa concubine, tel autre vit avec l'aide de sa maman, d'autres exercent leur art en plus d'un métier conventionnel (agent d'accueil, vigile, etc.). Revenus en berne, loyers en retard. Une vraie guerre commerciale doublée d'une politique de la terre brûlée a lieu entre producteurs qui s'échangent parfois des tuyaux et des actrices pour survivre : les gros signent des actrices pour les dix tournages fatidiques, empêchant ainsi les petits producteurs de tourner avec elles (car elle est "périmée", voir paragraphe précédent). Notons que les mœurs des producteurs pro-am différent de celles de ceux du porno-chic qui les ont précédé : mouvement libertaire, contre-culturel et émancipateur pour les ancêtres contre milieu réactionnaire / blasé du monde, pro-FN, homophobe et misogyne pour le pro-am. Les scènes sont découpées, compilées, et revendues à prix cassé à quelques diffuseurs dont le leader actuel est Jacquie et Michel (ne cherchez pas Jacquie, le business est principalement tenu par Michel, ex de l'éducation nationale et son fils ; Jacquie, c'est la première personne qui a envoyé ses photos à Michel quand celui-ci voulait créer un site web après sa formation de webmaster financée par son droit à la formation). Sans originalité, ceux-ci déclinent toute responsabilité pour les illégalités commises sur les tournages, mais ils mettent en place des chartes, cessent de publier des vidéos directement produites par des réalisateurs trop critiqués négativement (pas de panique, ces réalisteurs bosseront en sous-main pour d'autres contractuels de J&M) et tout le baratin habituel. J&M procède par avance sur contrat (1 250 €) et partage du revenu des ventes durant quatre ans (la vidéo ne peut être retirée avant). À cause du jeu de revente de scènes à la découpe, il est difficile d'éviter du porno pro-am qui ne respecte pas le consentement ou le droit du travail… Même Dorcel, le porno-chic à la française revend du pro-am "crade"… J'imagine qu'il doit y avoir moyen de s'en sortir en prêtant attention aux labels et aux gammes, mais bon… Les « tubes », les sites web gratuits comme le réseau MindGeek (PornHub, Youporn, etc.), xHamster, etc., ont pris une place considérable : des producteurs pro-am déclarent que lorsqu'un de ces sites est en maintenance, la fréquentation de leurs sites web chute de 1 300 à 100 visiteurs/jour (j'en doute un peu : seul un léger logo permet parfois d'identifier l'origine des vidéos, je doute que les consommateurs de ces fast-food cherchent aussi massivement à remonter à la source). Les petits producteurs d'aujourd'hui, puissants d'hier n'ont pas vu les tubes débarquer alors qu'ils avaient eux-mêmes contraints la profession à s'adapter une décennie auparavant.

    Les profils des actrices et des acteurs sont ceux que la presse nous a toujours présenté. Une minorité de femmes maîtrise la situation et tourne pour gagner rapidement un fric d'appoint pour des vacs ou autre. Une écrasante majorité est composée de femmes précaires qui dépendent des producteurs pour vivre, au point parfois de """"racoler"""". Certaines viennent de ZUP, sont des oubliées sociales, ont été violées, battues, ont des parents internés en hôpital psychiatrique, etc. D'autres ont un trouble dissociatif de l'identité ou une irrationalité chronique médicalement reconnues. Les producteurs ne vérifient pas, car ça les obligeraient à changer de modèle de """"recrutement"""". Elles débarquent dans ce milieu via des rencontres fortuites. Une majorité d'hommes revendique un choix conscient « pour se vider les couilles », mais derrière, on trouve minoritairement une misère sexuelle dans l'adolescence / début de la vie active, des moqueries, etc. Pour les femmes, le porno est un moyen de chercher son identité / découvrir des trucs, d'acquérir une célébrité pour exister / qu'on s'occupe d'elles (240 fans Twitter qui encouragent), de se venger ("t'as dit que je suis une salope ?! Ouais, je serai la meilleure des salopes !") voire de s'auto-détruire. Certaines jouent les femmes fortes qui maîtrisent, disent refuser les rapports anaux qu'elles détestent à cause de la douleur ou les bukkakes qui leur brûlent les yeux / peau… mais renoncent finalement à faire valoir leur choix face au producteur. Mêmes celles qui prétendent assumer grave ont des idées morbides. Au début, j'étais sceptique face à ces témoignages, car l'auteur à très bien pu les sélectionner afin d'être conforme à l'attente sociale qu'une femme qui tourne dans des pornos est une femme fragile exploitée. Mais, au final, je trouve tout cela crédible : il y a tellement de gens malheureux dans leur taff, qui s'auto-détruisent (burn-out, bore-out, etc.), qui subissent des accidents prévisibles, qui n'ont pas de contrat de taff, qui sont sous-payés, etc. qu'il est statiquement normal de retrouver cela dans le monde du porno bas de gamme… L'auteur explique d'ailleurs que la connaissance des coulisses ne change pas le comportement des fans de pro-am, car le plaisir passe avant l'éthique… comme un consommateur lambda, en fait ? La différence, c'est que les réseaux de la grande distribution (par exemple) sont socialement admis, pas le porno.

    Je ne résiste pas à l'envie de recopier cette phrase tirée de l'entretien téléphonique avec Thibault, le fils de Michel et directeur général du site web Jacquie et Michel : « Mais, du coup, dans ton bouquin, ça va être dur de dépeindre le truc sans que ça soit trop sordide ? »

    Je recommande la lecture de ce livre, car il est pédagogique, même si, plutôt souvent, le ton qui y est employé est gonflant. Tantôt l'auteur en fait des tonnes pour exposer qu'il a fait de nombreuses démarches, qu'il a donné de sa personne sur des tournages (en restant derrière la caméra, faut pas charrier), bref qu'il a tout donné. Tantôt l'auteur devient moralisateur : telle pratique sexuelle est pas cool selon ses critères donc les actrices ne peuvent pas être consentantes et celles qui lui répondent qu'elles le sont, sont des exploitées qui ne peuvent pas répondre autre chose si elles veulent continuer à tourner, donc à bouffer…

    Wed Aug 7 20:46:20 2019 - permalink -
    - https://www.editionsgouttedor.com/single-post/2018/09/10/%E2%80%9CJudy-Lola-Sofia-et-moi%E2%80%9D-de-Robin-D%E2%80%99Angelo
    fiche-lecture
  • Futuropolis >> Fiche titre : Cher pays de notre enfance

    J'ai déjà évoqué ici-même les années de plomb, c'est-à-dire ces dizaines d'années de violence politique dans toute l'Europe de l'Ouest. J'ai pointé des ressources audiovisuelles concernant quelques groupes militants d'extrême-gauche qui, constatant l'échec des méthodes de contestation politique traditionnelles, avaient fait le choix de commettre des attentats politiques ciblés (séquestration de PDG et de politiciens, assassinat de politiciens, de juges, de membres de cabinets ministériels, braquages, bombes, etc.) : Action Directe (France), la Fraction Armée Rouge (Allemagne), et les Brigades Rouges (Italie).

    Ce que je n'ai pas encore écrit, c'est qu'à cette époque, la violence politique émanait d'un peu partout, y compris de la droite et de l'extrême-droite (attentats à la bombe de 1969 en Italie). On sortait de la deuxième guerre mondiale (donc il y avait des gros bras à canaliser / réintégrer dans le civil) et de la guerre d'indépendance de l'Algérie (l'arrivée de De Gaulle est un quasi coup d'État pour empêcher celui des militaires pro-Algérie française), on était en pleine guerre froide avec une peur des communistes (par ailleurs, le service d'ordre du Parti Communiste n'était pas tendre), sans compter les attentats d'extrême-gauche sus-cités et les attentats dits islamistes à la fin de cette période des années de plomb (1985-1990). Bref, pour beaucoup, la nation était en péril.

    Cette bande dessinée, réalisée par un journaliste et un dessinateur se penche sur le Service d'Action Civique (SAC). Il s'agit d'une association crée en 1960 pour, en façade, soutenir et promouvoir De Gaulle et sa politique dans le contexte explosif sus-mentionné. En réalité, il s'agissait plutôt d'une milice privée qui assurait la sécurité des meetings du parti gaulliste, qui veillait sur les militants gaullistes qui distribuaient des tracts ou qui collaient des affiches (à cette époque, cela se faisait avec des flingues…), qui brisait les grèves des ouvriers, etc. Les membres avaient diverses origines : grand banditisme, anciens de la guerre d'Algérie, politiciens, services secrets, etc. Des membres du SAC ou des correspondants étaient "infiltrés" un peu partout : police, justice, syndicalisme, gouvernement, ORTF, etc., ce qui constituait un puissant réseau d'influence. Le financement du SAC provenait des cotisations des membres (5 francs ;) ), du budget des frais de police du ministère de l'Intérieur (qui sert aussi à rémunérer les indics), de la rémunération pour pose d'affiches électorales pour le compte du RPR, de la Françafrique, du monde des jeux, de la filière belge d'armes et de drogue, etc. Le SAC disposait d'un atelier de fausse monnaie à Seyne-sur-Mer qui profitait aux services secrets (financement de leurs opérations). La pègre aidait l'OAS en échange d'une impunité procurée par le SAC et son fameux macaron bleu-blanc-rouge. Suite à la tuerie d'Auriol en 1982 (Jacques Massié, membre du SAC semble en pincer pour Mitterrand, le SAC veut récupérer des documents, Massié et sa famille sont assassinés par le SAC), l'association est dissoute par le gouvernement Mitterrand et une commission d'enquête de l'Assemblée nationale tente de faire la lumière sur le SAC… sans trop de succès, car les membres du SAC refusent de parler, prétendent que c'est une petite association inactive sans histoire ou s'énervent "vous ne me faites pas peur !". Le SAC, et notamment sa partie Françafrique, survivront longtemps à l'alternance. Lors de son meeting de campagne du 26 janvier 2007, Sarkozy évoque Boulin… pour marquer son appartenance (il s'agissait d'un discours sur la droite en général) ou signifier qu'il détient des informations et qu'il veut mieux ne pas venir le provoquer ? En 2015, la fondation De Gaulle se trouve dans d'anciens locaux du SAC et son président en est Jacques Godfrain, un membre du SAC. Ça en dit long.

    Ce livre se consacre à 3 dossiers liés au SAC (j'exclu l'inintéressante tuerie d'Auriol sus-mentionnée) : les milices patronales, l'assassinat du juge Renaud et l'assassinat du ministre du travail Boulin.

    Commençons par les milices patronales post 1968. La Confédération Française du Travail, qui s'est renommée Confédération des Syndicats Libres après l'assassinat d'un syndiqué salarié, et les sociétés d'intérim Nota et Siter, entre autres, servaient à maîtriser les syndicats salariés, notamment la CGT et la CFDT (jugée très gauchiste à l'époque, les temps changent). Ces milices patronales n'étaient pas constituées uniquement de membre du SAC, mais aussi d'anciens de l'OAS, des truands, etc., tous les milieux où il y avait des gros bras, en fait, mais le SAC en était le noyau dur. Que faisait-elles ? Elles « aidaient les syndiqués [ salariés ] à avoir des malaises » (citation issue de la commission d'enquête de l'Assemblée sur le SAC), elles surveillaient les usines (faux ouvriers qui ne travaillaient pas mais qui rodaient et discutaient en permanence) et les syndiqués (avec des enquêtes d'environnement dans les quartiers d'habitation), elles tabassaient les membres de syndicats salariés (sutout lors de la distribution de tracts à la sortie des usines), elles essayaient de les faire licencier (en leur vendant de l'alcool, interdite sur le lieu de travail, ou en cachant des outils de travail, des forets, par exemple, dans leurs habits civils), elles sabotaient leur voiture (freins…). Il y avait aussi les nervis qui, eux, travaillaient mais qui pouvaient s'absenter à tout moment pour poser des affiches pour les campagnes électorales du RPR, pour escorter des personnalités politiciennes ou pour bastonner des syndicats salariés avec des chaînes de vélo et des matraques. Des policiers membres du SAC fouillaient les poubelles de la CFDT.

    Assassinat du juge Renaud en 1975. Décontracté et incorruptible, il aurait été assassiné par le gang des Lyonnais, car il aurait été en train de prouver qu'une partie de l'argent dérobé lors d'un des braquages du gang, celui de l'hôtel des postes de Strasbourg, aurait servi à financer l'UDR (ex-RPR-UMP-LR), le parti gaulliste. Un proche du gang des Lyonnais donne des détails sur le déroulé de l'assassinat… détails non publiés par la police. Le chef du gang, Edmond Vidal, laisse entendre, lors de son audition, que c'est un acte politique. Comme beaucoup de truands Lyonnais, Vidal dispose de la carte bleu/blanc/rouge passe-droit du SAC. En 2014, il confirme à des journalistes qu'une partie de l'argent du braquage de Strasbourg a financé l'UDR. Le gang échappe aux barrages de police dressés dans toutes la France (grâce au macaron du SAC ?). Quelques jours avant sa mort, le juge Renaud reçoit deux membres du SAC qui l'incitent à la plus grande prudence sur ce dossier, et, le juge souhaite voir en présentiel une amie d'enfance. Le bureau de l'avocat de la famille du juge est incendié après la déclaration de l'avocat dans la presse selon laquelle il est nécessaire de suivre les flux financiers pour comprendre l'affaire. Je note que la greffière du juge Renaud, une amie d'enfance du juge, et un commissaire proche du juge divergent : elles croient au financement de l'UDR via le SAC, lui non.

    Assassinat du ministre Boulin en 1979. Il aurait eu l'intention de balancer le financement du RPR par la Françafrique. À cette époque, la presse, prévenue par le RPR, semble-t-il, se déchaîne sur lui pour un terrain acquis avantageusement auprès d'Henri Tournet, un proche de Foccart (co-fondateur du SAC), ce qui laisse penser à un suicide. Tournet avait sollicité l'aide de Boulin pour construire un lotissement, demande refusée par Boulin. Avant le jour J, Boulin et ses proches ont reçu des menaces et les alertes habituelles. Le jour J, proche du lieu, une témoin le voit dans une voiture en compagnie de mecs à l'expression faciale pas sympa. Dans sa voiture, un mot indique que les clés sont dans sa poche (quel suicidé fait ça ?). Il y a des traces de pas bidirectionnelles entre la voiture et la rive (quel suicidé revient sur ses pas ?). Le procureur Louis-Bruno Chalret, proche du SAC (il connaît également la personne qui menaça le juge Renaud), informé en pleine nuit, dessaisi les gendarmes qui étaient déjà sur place. L'autopsie est bizarre… Le visage en est exclu alors que plusieurs témoins de la famille, dont le kiné de Boulin, l'ont vu dans un sale état lors de la remise du corps post-autopsie. Elle ne cherche pas la présence d'eau dans ses poumons (ça peut être intéressant pour prouver un suicide par noyade, non ?). Elle ne cherche pas d'éventuelles fractures. Les lividités cadavériques (le sang "descend" par gravité et laisse des marques sur la peau) se trouvent sur le dos, alors que Boulin est retrouvé """"en levrette"""" dans l'eau (donc les lividités cadavériques auraient dû se situer dans les jambes, le ventre, le visage, etc.). Il n'a pas absorber une quantité dangereuse de médocs. Des proches de Boulin, le procueur Chalret, Pasqua, etc. sont prévenus avant la découverte officielle du corps par la police. La nuit du meurtre, Achille Peretti, proche de Foccart et de Pasqua, qui lancera Sarko en politique, débarque en pleine nuit chez la famille Boulin et conseille de rendre les dossiers sinon « on va tous y passer ». Le même relayera, à la femme de Boulin, une proposition financière en échange de son silence (cette conversation fut enregistrée).

    Quelques notes :

    • Les affiches électorales du RPR du secteur étaient imprimées à l'usine Peugeot de Poissy, qui fournissait aussi les voitures aux convois gaullistes ;

    • Le SAC milite contre Giscard et pour le compte de Chirac, pendant que ce dernier affiche, en public, son soutien à Giscard ;

    • Le cambrioleur emprisonné Pierre Blaise bénéficie d'une remise de peine après avoir ouvert le coffre-fort du ministère de l'Intérieur (tenu alors par Marcellin) ;

    • Jacques Toubon, aujourd'hui défenseur des droits, défend le SAC en exposant que, quand on refuse l'existence d'une association divergente comme le SAC, on est dans un État totalitaire ;

    Pour faciliter des recherches ultérieures, je note l'identité de quelques membres du SAC : Charles Pasqua, Jacques Foccart (monsieur Françafrique de De Gaulle), Alexandre Sanguinetti, Pierre Debizet, Jacques Godfrain (son nom est aussi donné à la première loi qui criminalise le piratage informatique), Roger Frey, Robert Galley, René Tomasini, Marcel Francisci, Maurice Boucart (filière financière belge du SAC), Paul Comiti, Jean Augé, Jean Schnaebelé.

    En bref, je recommande la lecture de cette bande dessinée, car elle est très pédagogique. Tout comme la dernière bande dessinée d'enquête que j'ai lue, [Grandes oreilles et bras cassés)(/?YNeekw), je n'arrive pas à percevoir l'intérêt de ce format, car je trouve que l'image exprime rien, qu'elle apporte pas d'informations par rapport à du texte, à l'inverse des bandes dessinées de la blogueuse Emma où l'image illustre des émotions.

    Wed Aug 7 12:39:37 2019 - permalink -
    - http://www.futuropolis.fr/fiche_titre.php?id_article=790389
    fiche-lecture
  • L'homme qui voulait être heureux | Lisez!

    Un livre de développement personnel écrit sous la forme d'un roman. Original.

    Ce livre traite deux grandes thématiques : les croyances limitantes et l'inépuisable « réussir sa vie ».

    La première partie a rien d'original pour qui a lu les accords Toltèques : toute notre vision des choses, toute notre vie est basée sur l'interprétation que nous faisons du monde qui nous entoure. Nous filtrons la réalité car il y a trop d'informations à assimiler par nos cinq sens. Ce que nous retenons dépend des filtres que nous appliquons et donc de nos croyances : si l'on est convaincu que le monde qui nous entoure est hostile, nous retiendront que ce chien semble dangereux, que cet homme a une démarche dangereuse, que ce plancher qui grince est dangereux, etc. Nous croyons en permanence et nous agissons de manière à confirmer nos croyances. Quelqu'un qui se pense inintéressant aura des prises de parole hésitantes, confuses, monotones, etc., ce qui le rendra inintéressant et fera que quelqu'un lui coupera la parole, ce qui confortera sa croyance : il est inintéressant. Prophétie autoréalisatrice et croyance renforcée. Nos croyances ont des effets négatifs et positifs. Même croire que tout le monde est méchant a un aspect positif : l'absence de naïveté et la protection que l'on construit autour de soi nous protégeront, alors que la personne qui pense que tout le monde est tout le temps gentil aura développé aucune protection et sera donc plus vulnérable. Nos croyances viennent de l'enfance, d'autrui, et de la conclusion que nous tirons de nos expériences. Ces conclusions peuvent être inconscientes ou être des généralisations au lieu d'être circonscrites : c'est un échec à un instant T (instant de fatigue ?), dans un lieu donné (était-il propice à cette activité ?), dans un contexte donné, avec un niveau d'expérience donné, etc. Aucune raison de ne pas réessayer après avoir corrigé ce qui fait défaut.

    La deuxième partie est tout aussi classique dans le monde du développement personnel. Qu'est-ce qu'une vie réussie ? Se conformer à ses souhaits. Exprimer ses compétences. Respecter ses valeurs. Donner le meilleur de soi (l'humain s'épanouit dans l'exigence de soi et se complaît dans le laisser-aller). Rester en harmonie avec qui on est. Se consacrer à autre chose qu'à nous-même, même si c'est infime et indirect, comme un sourire pour les autres. Si l'on ne respecte pas nos valeurs, on ressent une gêne, un léger malaise, un sentiment de culpabilité. Comment savoir si l'on est en harmonie avec soi-même ? Si tu te sais mourant, quels moments de la semaine passée conserves-tu ? Si tu gardes seulement 30 % de tes activités, c'est que tu n'es pas en harmonie avec toi-même. Il faut découper ses souhaits en tâches et, pour chaque, associer les compétences requises avant de se demander si l'on les possède, si quelqu'un qui les possède peut nous aider ou si nous pouvons les acquérir. Ressentir qu'on n'arrivera pas à mener une action à bien, c'est l'affirmation consciente qu'il manque une réponse à la question inconsciente « comment puis-je réaliser cela ? ». Il faut s'entourer de gens qui te croient capable de faire ce que tu souhaites. Il ne faut pas se laisser déstabiliser par des gens qui se réconfortent en te rabaissant ou qui ont besoin que tu sois une victime afin d'être ton sauveur ou à qui ton courage leur rappelle leur absence de courage. Les choix qui nous font avancer et nous satisfont sont ceux qui nous coûtent, mais on a toujours le choix, même pour un boulot moins bien payé mais plus épanouissant qui entraîne un logement plus petit, qui, si on quitte son logement actuel, entraîne un éloignement de la famille et des amis. On ne peut pas être heureux si l'on se croit être une victime permanente des événements et d'autrui.

    Quelques notes :

    • Si la forme d'un propos est correcte, il ne peut pas blesser. S'il blesse, c'est que l'interlocuteur est susceptible et c'est son problème ;

    • Nous avons peur de demander des choses à autrui, car nous avons peur du rejet. Celle-ci naît d'une confusion entre le rejet d'une requête (à un instant T, dans un contexte précis, etc.) et celui qu'une personne par absence de considération ;

    • Parfois, il faut renoncer. Ne pas vouloir renoncer, c'est se priver de choisir ;

    • Les gens se voient comme on les voit et ils se conforment à ce que l'on attend d'eux (cf l'étude qui montre que les élèves d'une classe enseignée par un prof à qui l'on a dit qu'ils sont des cancres ont des notes inférieures à une classe témoin dans laquelle le prof a reçu aucune indication concernant ses élèves). Chacun croit que ce qu'il a fait était la meilleure chose à faire, voire la seule possibilité qui s'offrait à lui. Ça ne sert à rien de le lui reprocher, car, se sentant rejeté, il rejetera les arguments et les pistes d'amélioration. Il faut rechercher sa motivation et lui dire qu'il est une bonne personne et que son intention était bonne ;

    • L'argent n'est pas le mal incarné. Il est une amélioration du troc qui permet aux humains de communiquer, d'échanger et de se connecter aux autres. Si l'on gagne de l'argent en mettant en œuvre nos compétences, en respectant nos valeurs et en n'abusant par nos clients / collèges / autre et que l'on dépense cet argent pour permettre à autrui d'en faire de même, alors tout va bien. Si on l'accumule sans raison, cela va moins bien.

    Je suis mitigé voire en désaccord sur les points suivants :

    • Notre vue de l'esprit sur le monde qui nous entoure est construite, en partie, sur l'avis d'autrui. Je ne pense pas qu'il faille ignorer l'avis des autres, même le venin, car l'humain est opaque avec lui-même et il a besoin d'autrui afin d'accéder à son soi profond et savoir qui il est ;

    • Comment savoir si la vie dont on rêve nous rendra heureux ? Après tout, ce rêve est un désir, qui, une fois assouvi, sera remplacé par un autre. Ce rêve est un appât à récompense pour notre cerveau qui en est friand. Il peut donc être un leurre ;

    • Il ne faudrait pas hésiter à demander de l'aide, des conseils, du réconfort, car les gens disent rarement non. Mouaaaaaiiis. Il y a un seuil d'acceptation : les gens acceptent tant que ça ne leur coûte pas trop. De plus, ils proposent souvent des solutions inadaptées (qui ne leur coûtent pas trop). Il est vain de demander des choses situées au-delà de ce seuil d'acceptation ;

    • Pour éviter les oiseaux de mauvaise augure, il faudrait demander conseil et avis sur sa vie rêvée uniquement à des connaisseurs du domaine… Mouaaaais. Ça fait très argument d'autorité. Les connaisseurs n'ont peut-être pas envie d'un concurrent supplémentaire ou, à l'inverse, parce que ce connaisseur est passionné, il peut vendre du rêve inapplicable. Et quid s'il n'y a pas de connaisseurs car le domaine est vaste et personnel ?

    Évidemment, comme tout bouquin de dév' personnel, celui-ci aussi contient son petit lot de propos charlatans qui peuvent être dangereux : un placebo guérirait le cancer, « envoyer de l'amour » (ce n'est pas défini) permettrait de guérir des cellules cancéreuses dans une boîte de Petri.

    Pour conclure, je ne résiste pas à l'envie de recopier cette petite blague : pourquoi un homme éjacule par saccades ? Parce qu'une femme avale par gorgées.

    En bref, ce livre est agréable à lire. Il condense, sous forme de roman, des idées clés du mouvement de dév' personnel. Je ne pense pas que la méthode proposée (découper ses souhaits en actions, etc.) est efficace, entre autres car le narrateur-auteur va trop vite pour suivre la recette et acter ses choix décisifs d'où j'ai du mal à m'identifier à lui, mais, au moins, ce livre ne présente pas les fumeuses tirades vide de sens destinées à s'encourager et à résoudre tous nos problèmes, tirades habituelles dans le milieu.

    Tue Aug 6 13:18:37 2019 - permalink -
    - https://www.lisez.com/livre-de-poche/lhomme-qui-voulait-etre-heureux/9782266186674
    fiche-lecture
  • Ce pays que tu ne connais pas - Fakir Shop

    Ce livre du député-journaliste Ruffin se présente comme une lettre adressée au Président Macron pour lui présenter les gilets jaunes, et plus largement, la France du bas avec laquelle il a construit zéro lien.

    Ce livre a rien d'original. Ruffin décortique le CV de Macron afin d'illustrer la déconnexion des élites. Cette partie est bigrement pertinente, je vais y revenir. Néanmoins, comme dans Fakir, le style de Ruffin est lourd. Des pages et des pages pour introduire une ouvrière. Une négation du vécu de Macron qui apporte rien (exemple : "t'es resté peinard derrière les murs protecteurs des différentes écoles que t'as fréquenté pendant que moi je me suis ouvert aux autres"). Le « moi, je » habituel de Ruffin. Parfois, je crois percevoir de la jalousie quand Ruffin évoque la belle gueule et le charme de Macron qui lui rendent la vie plus facile au lycée, ainsi que la prétendue « pauvreté » de son style littéraire. Je ne comprends pas en quoi tout cela aide la critique. En revanche, je mesure combien ça alourdit le bouquin.

    Le nombre des interconnexions entre Macron et les politiciens, les médias et les industriels est impressionnant et le rappel de Ruffin est salvateur. Avec ça, Macron peut toujours prétendre, comme d'autres, qu'il s'est fait tout seul…

    • Lors de son stage à la préfecture de l'Oise dans le cadre de ses études à l'ENA, il rencontre Henry Hermand, l'homme d'affaires à la trentaine de zones commerciales. Il lui ouvre son carnet d'adresses de la social-démocratie. Il accordera un prêt de 550 k€ à Macron pour financer l’achat de son premier appartement parisien. Il financera le mariage des Macron et en sera l'un des témoins :

    • Macron fréquente le Bilderberg, où il y rencontre tout le gratin mais surtout le président Henri de Castries (président d'Axa par ailleurs) qui traîne aussi aux Bernardins, également fréquenté par Jean-Pierre Jouyet. C'est lui qui introduira Macron dans la campagne d'Hollande, lui qui suggérera son nom comme secrétaire adjoint de l'Élysée, lui qui poussera sa nomination au ministère de l'économie (il annoncera même sa nomination à Macron) ;

    • Parisot a dit de Macron qu'il était un « précieux relais de la voix des entreprises » lors de son séjour à l'Élysée sous Hollande. Contre Delphine Batho, il relayait la parole de Spitz, le patron de la fédération des assureurs. Il s'obstinait déjà à réformer les prudhommes (il est l'artisan des parties les plus contestées de la loi Travail El-Khomri). Il est « architecte », « moteur » et « porteur » du CICE… alors que Gataz ne tiendra pas parole (la promesse de création d'un million d'emplois est vite passée à la trappe) ;

    • Pascal Houzelot (TF1, Pink TV, Numero 23 - qu'il revendra à Drahi 8 mois plus tard avec une plus-value… Est-ce une spoliation d'une fréquence publique qui n'a pas été utilisée conformément au cahier des charges qui prévoyait un apport de pluralité, pas la diffusion de vieux documentaires et émissions) a organisé des dîners pour la promotion de Macron. Il a également présenté Macron à Xavier Niel… qui fait l'éloge de sa politique dans les médias ;

    • La découpe d'Alstom et la revente de bouts à General Electric sous l'impulsion du ministre Macron a été lucrative pour Bouygues ;

    • Une fois ministre de l'économie et à l'approche de la candidature de Macron, le couple sera invité à dîner, presque chaque semaine chez les Arnault (dont la fille est en couple avec Niel) ;

    • Macron fera fleurir les affaires de Lagardère… Aussi bien depuis chez Rothschild que depuis le ministère de l'économie (vente des parts d'EADS détenues par Lagardère) ;

    • À ses débuts, En Marche ! est financé dans le secret par Hermand (encore lui), le banquier Peyrelevade et l'avocat d'affaires Moulard ;

    • On peut aussi voir une mise en orbite de Macron par Bolloré… Le même qui a profité des appels d'offres probablement arrangés (la justice bosse toujours dessus) avec Havas, dans laquelle Bolloré est actionnaire à 60 % et la garantie d'achat, avant publication de l'appel d'offres, des Bluebus de Bolloré par la RATP ;

    • Bernard Mourad, banquier à la tête de la holding de Drahi, organise, entre autres, l'entretien avec Barbier « ce que je veux pour 2017 » ;

    • Lors de la passation de pouvoir, Macron fend la foule pour saluer une seule personne : Serge Weinberg, président de Sanofi, qu'il a connu, comme d'autres, à la commission Attali (relance de la croissance française en 2007-2008).

    Quelques notes :

    • Bien sûr que les revendications des gilets jaunes ne sont pas nouvelles. Mais, le bas de la classe moyenne qui s'exprime aussi massivement fait disparaître la honte, ce qui libère la parole. Voilà la nouveauté. Ces gens-là se lèvent contre la suffisance de Macron qui n'a cessé de blesser leur égo et leur fierté ("c'est facile de trouver du travail, si vous n'y parvenez pas, c'est que vous êtes rien") ;

    • Sous Hollande, Macron occupait, à l'Élysée, le même bureau que François Perol du temps de Sarko. Perol et Macron, tous deux inspecteurs des finances passés chez Rothschild. Alternance de façade ? Laurence Boone, passée par les banques Barclays et Bank of America remplace Macron. Son collègue Barbéris part pour Amundi, qui gère des actifs pour la Société Générale et le Crédit Agricole. À Matignon, Jérôme Pellet ira chez BNP ;

    • Macron aime la mise en scène contre le réel. Cours de théâtre. Le président de la formation à l'ENS fera de Macron un normalien d'honneur au motif que la presse relaie qu'il a suivi quelques cours là-bas. Bruits évidemment saupoudrés par Macron et son entourage. Macron se vante, notamment dans le journal de Sciences Po de sa formation philosophique à Paris X. Balibar et autres personnes impliquées démentent l'ampleur de son apprentissage. Il a été archiviste, tout au plus, de Ricœur et sa pensée l'a tellement inspiré qu'il ne semble pas en retenir le concept de solidarité… Cela continuera pendant la campagne présidentielle (visite de l'usine Whirlpool d'Amiens sous la pression télévisée de Ruffin) puis durant la présidence (grand débat national, visite en sauveur aux Antilles, etc.) ;

    • Quand les politiciens disent qu'ils vont au contact du Peuple, ils ont raison : ils restent dans la superficialité, la brièveté d'un contact. Ils ne se nourrissent pas du vécu et des problématiques des gens du Peuple. Dans Le petite prince, on lit qu'apprivoiser, c'est créer des liens, c'est faire en sorte qu'une personne ne soit plus semblable à 1000 autres, mais qu'elle soit unique. Mais un politicien ne connaît pas le Peuple, pas plus que le PDG connaît ses salariés. Cette méconnaissance évite l'affect. Mais ce détachement, c'est ce qui rend l'autre inexistant selon la philosophe Arendt. Cette négation de l’humanité de quelqu’un est dangereuse (Arendt a écrit sur la montée des totalitarismes…) ;

    • La social-démocratie, ce n'est pas si mal. Marx a écrit la première déclaration du SPD allemand qui pousse à un vaste plan de sécurité sociale et à l'égalité (chez nous et au nord de l'Europe). Mais c'est un terme galvaudé ;

    • Ado, Ruffin se cherche et peine à trouver sa voie. Il trouve médiocres ses écrits. Il s'apitoyait sur son sort et celui des autres. Aujourd'hui encore, il lit les blessures des autres dans ses blessures.

    Bref, c'est un livre que l'on peut lire, mais sans plus. À mes yeux, seul le travail journalistique de rappel minutieux du CV de Macron est intéressant.

    Sun Aug 4 17:24:43 2019 - permalink -
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  • Michel LAFON - Eric Dupond-Moretti à la barre, ÉRIC DUPOND-MORETTI

    Ce livre contient les paroles de la pièce de théâtre interprétée par le célèbre avocat pénaliste (entre autres). Je n'ai pas assisté à une quelconque représentation.

    Cette pièce relate son enfance, le début de sa carrière, ses expériences professionnelles et surtout ses coups de gueule.

    La partie sur son enfance est courte : petit fils d'immigrés italiens qui vit la xénophobie de la France des années 60, l'assassinat de son grand-père et la mort de son père cancéreux. Autant d'injustices qui le motiveront, comme l'annonce de l'exécution de Ranucci et son intention de séduire les femmes par les mots, car il ne pense pas être capable de « pécho en teboi ». Le début de sa vie pro est résumée aux galères pour obtenir du travail d'un avocat qui veut se consacrer exclusivement au pénal (il échouera) et la prise sous son aile par l'avocat toulousain Alain Furbury.

    Concernant son expérience professionnelle et ses coups de gueule, les thématiques abordées sont le rôle de l'avocat défenseur, le blâme du rôle institutionnalisé de victime, le tribunal médiatique, la liberté d'expression et la délation, ainsi que la moralisation rampante de notre société (sur des œuvres, la cigarette est effacée du bec de fumeurs notoires comme Malraux ou Gainsbourg ; être vegan ou un gros crevard ; faire du sport, etc.).

    Je regrette que les définitions soient uniquement dégrossies par des exemples et que les prises de position soient aussi peu argumentées et aussi peu nuancées en mode "c'est comme ça et pis c'est tout". Comment convaincre quiconque que les déjà convaincus ?

    • Les lanceurs d'alerte sont assimilés, sans nuance, à la délation ;

    • Élise Lucet est uniquement présentée comme une grande méchante qui force les gens à parler contre leur gré, ce qui nuirait à la présomption d'innocence (que faire d'autre quand les autorités de contrôle sont inefficaces ?) ;

    • Il paraîtrait que, dans les bars populaires du 20e siècle, contrairement aux réseaux sociaux du 21e siècle, on faisait immédiatement taire les imbéciles. Sur la même période, je constate une propagation de l'antisémitisme partout en Europe et l'organisation des ouvriers pour tenir tête à leur patron… :

    • Le tribunal médiatique n'est pas vraiment défini et l'on mélange des pratiques saines comme la mise sous pression d'un procès (que l'auteur nomme procès combat) qui a pourtant permis d'éviter des dérives (Tarnac, libération de militants chopés en manifs), au mouvement #balancetonporc dont le manque de moyens et de considération de la justice ont été le lit, aux mises en scènes par les médias de coupables idéaux, qui, elles, me semblent scandaleuses.

    Quelques notes intéressantes sur le rôle de l'avocat, de la victime et du juge :

    • L'avocat doit être impertinent et insolent. Rectifier un juge ou dénoncer l'agissement d'un flic, ce n'est pas du courage, c'est inclus dans la profession d'avocat ;

    • L'acquittement, ça ne veut pas dire innocent, ça veut dire pas coupable par absence de preuves (ou par présence du doute). C'est le prix de la paix sociale. C'est le prix à payer pour ne pas sanctionner des innocents ;

    • Comment peut-on défendre un assassin d'enfants ou un terroriste ? « Rien n'est plus facile que de dénoncer un être abject. Rien n'est plus difficile que d'essayer de le comprendre » a écrit Dostoïevski. L'accusé a besoin d'une défense car, au tribunal, il devient le faible, tout est bon pour l'accabler, le lyncher ;

    • Le juge rend la justice en fonction de sa morale, alors que c'est celle de l'accusé qui compte. Exemple: pour démontrer que DSK est un proxénète, le juge explique qu'une sodomie sur une femme est forcément un acte payant. Autre exemple : le juge qui refuse sa remise en liberté à un assassin qui a tué l'amant de sa femme au motif que son acte est caractérisé, car il est lui-même infidèle… Quelques mois après, l'avocat appris l'infidélité du juge… et obtient la remise en liberté ;

    • Exiger de lourdes peines comme condition nécessaire pour être en mesure de faire son deuil revient à créer une nouvelle injustice pour soi-disant "réparer" l'acte fautif : la sanction doit être proportionnée, pas être modulée comme la dose d'un médoc administré au plaignant. L'avocat et l'institution ne doivent pas encourager la haine légitime de l'accusé par la victime. Exister en tant que ZE victime n'aide pas à faire le deuil ;

    • Il faut aimer les hommes pour les juger. Il ne faut pas vouloir régler des comptes. Il faut savoir qui l'on est, ne pas détester plus beau ou plus laid que soit, plus cultivé ou plus ignorant, etc. ;

    • Une décision prise à l'unanimité est-elle sage ? L'absence de voix discordantes ne signifie-t-elle pas que l'on est passé à côté de quelque chose ?

    Bref, c'est un livre que l'on peut lire, mais sans plus. Les non-initiés sont très peu pris en main dans la définition du rôle de l'avocat, de la victime et de l'institution judiciaire. Le reste n'est qu'une compilation de coups de gueule sans nuance enchaînés au débit d'une mitraillette. On est content quand ça s'arrête. Je recommande plutôt la lecture du recueil de trois plaidoiries de François Sureau orientées sur la question des libertés.

    Sun Aug 4 11:55:04 2019 - permalink -
    - http://www.michel-lafon.fr/livre/2270-Eric_Dupond-Moretti_a_la_barre.html
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  • [ Un autre regard sur le climat ] - librairies indépendantes

    Dans ce recueil de trois bandes dessinées inédites, la blogueuse Emma traite du réchauffement climatique sous trois angles : 1) comment en sommes-nous arrivés là ? 2) Flinguer les fausses solutions ; 3) Solutions. Il s'agit d'une compilation de ses lectures, donc il ne faut pas s'attendre à de l'original. Néanmoins, cela remet les idées en place, d'où j'en recommande la lecture.



    J'aime assez l'analyse sur l'origine du problème. La machine à vapeur fut d'abord rejetée par les industriels : pourquoi payer du charbon alors que nos machines hydrauliques actuelles nous coûtent rien en énergie ? Selon moi, il y a deux biais : la puissance motrice limitée de l'eau et l'espace géographique limité où un courant suffisant permet d'actionner les machines désirées. Les usines étaient donc proches des cours d’eau, à la campagne. Mais, il était difficile de trouver de la main d'œuvre docile. Les hommes préféraient s'occuper librement de leurs terres. Les femmes commençaient à comprendre leur exploitation. On inventera l'école moderne pour les calmer et les contrôler. Les campagnes de recrutement régulières, la construction de villages ouvriers et tout ce qu'il faut pour attirer le chaland coûtent cher. Les propriétaires d'usines décident de déménager dans les villes en expansion où la main d'œuvre ne manque pas et d'utiliser la machine à vapeur qui fonctionne partout, elle. Le coût du charbon est compensé par la docilité et la productivité du personnel.



    J'aime ce rappel des analyses du GIEC :

    • Si l'on dépasse une hausse de 2 degrés Celsius de la température moyenne sur la Terre d'ici la fin du siècle, la destruction des écosystèmes est irréversible et les conséquences, notamment la fonte des glaciers et la hausse du niveau des océans, sont ingérables ;

    • Si l'on contient la hausse des températures à 1,5 degrés Celsius, alors on pourra s'adapter aux inévitables changements et la probabilité d'un désastre sur les glaciers et sur les récoltes est limitée ;

    • Sauf que c'est 1,5 degrés Celsius depuis le début des mesures modernes de la température… Entre-temps, la température moyenne du globe a déjà augmenté de 1,1 degrés Celsius ;

    • Si les pays signataires de l'accord de Paris (avant le départ de tonton Trump) respectent leurs engagements (c'est mort puisque Trump est parti), le GIEC prévoit une hausse de 2,8 degrés Celsius. Perdu.



    J'aime bien le dézingage des solutions dites du capitalisme vert :

    • Le recyclage / l'économie circulaire, c'est mignon mais le tri est compliqué (il faut retirer les étiquettes, le gras, etc.) donc peu de plastique (6 %) est recyclé. Mais j'imagine que la science, avec son intelligence artificielle va résoudre ce problème, lol ;

    • La science arrive avec ses arbres artificiels, la capture du Co2 puis son immersion dans les océans et les énergies renouvelables. Sauf que l'on ne pourra matériellement pas capturer suffisamment de Co2. Les énergies renouvelables ne font que déporter le problème de la rareté des énergies fossiles vers la rareté des métaux nécessaires à leur fabrication ;

    • La responsabilisation du citoyen et les gestes du quotidien. C'est cool car ça titille notre égo, notre envie de faire, c'est gratifiant d'être un sauveur. En psychologie, ça se nomme le triangle dramatique. Les gestes quotidiens sont inefficaces face aux crises de surproduction qui entraînent la destruction d'invendus, à la construction d'infrastructures en double (réseaux de téléphonie mobile, réseaux fibre optique) et aux choix politiques comme celui d'utiliser du charbon plutôt que de respecter les travailleurs ou comme celui d'imposer la voiture sur le rail comme ce fut le cas aux USA (General Motors a été condamné en 1949 pour avoir démantelé le rail californien dans les années 40). Le boycott est utile pour récompenser un acteur vertueux et forcer les autres acteurs à l'imiter, mais c'est inutile quand tous les acteurs vont dans le mauvais sens ;



    Les solutions envisagées par l'auteure sont assez classiques : changer nos modes de vie (suppression de la publicité commerciale et de la mode vestimentaire, interdiction de l'obsolescence programmée, consommer moins, etc.) via des prises de décision collectives et solidaires (pour accompagner les destructions d'emplois…), refuser de marchander avec toutes les sociétés commerciales qui réclament un subventionnement avant de se mettre au vert (à quel niveau de résignation faut-il être pour accepter de payer pour que des millions de vie soient menacées ?) et manifester / faire grève / bloquer l'économie, même si l'auteure reconnaît que ça ne fonctionne pas en citant Ségolène Royal qui, quand on l'interroge sur les 2,8 degrés Celsius de hausse de la température moyenne du globe induite par le respect des accords de Paris, répond que la COP21, c'était quand même un « moment historique extraordinaire », comme si le but avait été de passer un bon moment entre potes…

    Fri Aug 2 16:49:28 2019 - permalink -
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  • [ La charge émotionnelle et autres trucs invisibles ] - librairies indépendantes

    Dans ce livre de la série « un autre regard » de la blogueuse féministe Emma, je retiens deux bandes dessinées inédites que j'ai envie de résumer ici. L'une porte sur la charge émotionnelle, la suite de la charge mentale ménagère. L'autre porte sur le complexe partage du travail domestique gratuit et invisible.



    Charge émotionnelle (lien vers la B.D. : Le pouvoir de l'amour):

    • Travail émotionnel : moduler nos sentiments, nos attentes, notre emploi du temps en fonction de l'attente d'autrui. Exemple : tous les emplois au contact du public dans lesquels il faut rester calme et courtois quoi qu'il advienne ;

    • Emma cite de nombreux exemples de travail émotionnel dans la vie quotidienne : s'intéresser aux autres ("t'as l'air soucieux" / "tiens, il faudrait que je prenne des nouvelles de X") ; se retenir de parler afin de ne pas vexer ; ne plus assister à des cours de danse afin de s'occuper des enfants, car quand c'est le conjoint qui s'en occupe, il est de mauvais poil ; apprendre l'existence d'un bien / service et penser à l'offrir à quelqu'un ; penser son emploi du temps en fonction de l'autre ("non, je ne viens pas picoler ce soir, mon mec avait l'air crevé, je vais rentrer pour l'aider à gérer le gamin) ; penser à l'enveloppe de départ d'un collègue ; penser à la décoration, y compris aux huiles essentielles qui réduisent les allergies ;

    • Le but de tout cela est d'huiler les interactions sociales. Répondre négativement à une invitation ou penser à un cadeau de naissance même si la personne prétend avoir besoin de rien ou… Ce n'est pas le geste qui compte, mais l'intention (y avoir pensé) qui signifie que je compte pour toi, que nous ne sommes pas n'importe qui, ce qui nous insère et nous maintient dans un groupe social restreint, ce qui procure un sentiment de sécurité et de stabilité (bulle de confort) ;

    • Quand le travail émotionnel est à sens unique, il devient une charge. Le temps qui y est consacré n'est pas consacré à autre chose. La personne donne sans recevoir, donc elle s'épuise ;

    • Dans la grande majorité des couples hétéro, la femme prend soin de l'homme en sacrifiant ses besoins. L'homme s'en nourrit pour prendre sa place dans le monde extérieur au lieu de retourner les soins à sa femme. On pense aux "grands hommes" récompensés pendant que leur femme repiquait leurs fringues. Les femmes payent pour obtenir de petites attentions : esthéticienne, coiffeuse, etc. Il est vain de rétorquer qu'on a rien demandé aux femmes, qu'elles ont qu'à ne plus le faire, car ce travail émotionnel est nécessaire en cela qu'il permet aux humains de se sentir exister et d'avoir la motivation pour faire des choses ;

    • La solution est un meilleur partage de ce travail émotionnel qui profite à tous ;

    • J'ai du mal avec certains exemples présentés par Emma. La femme qui envoie des SMS à son homme dans la journée afin de prendre de ses nouvelles ou de lui demander conseil pour une robe, ça serait pour maintenir maladroitement la communication au-delà de la soirée TV ou de la logistique parentale. Perso, je trouve ça excessif et proche de la possessivité. Ne vaudrait-il mieux pas se créer des moments communs en dehors de la TV et des enfants ? Préparer un repas qui tient compte des ennuis de santé du moment (léger car il a trop mangé à midi, fenouil car problèmes digestifs, etc.), rappeler de prendre rendez-vous chez le dermato, renouveler la lingerie car l'actuelle à des trous, etc., c'est prendre soin à la place de la personne, ce qui transforme la femme en mère et l'homme en enfant. Emma l'écrit.



    Répartition du travail productif et du travail reproductif (ÉDIT DU 06/10/2019 À 12 H 10 : lien vers la B.D. : Michelle. FIN DE L'ÉDIT.) :

    • Travail productif : travailler en dehors du foyer, en dehors des tâches ménagères. Salaire + statut social (ça dépend quand même du boulot…) + retraite/chômage. Travail reproductif : tâches ménagères et soins à la famille. Gratuit + invisible. Il y a donc un déséquilibre ;

    • La répartition de ces types de travail est genrée : les femmes sont assignées au travail reproductif, les hommes au travail productif. Pourtant, c'est bizarre, quand ils sont célibataires, les hommes trouvent le temps de s'occuper de leurs tâches ménagères… ;

    • Selon l'INSEE, en 2010, les femmes séparées (divorcées, rupture d'un pacse, etc.) voient leurs revenus diminuer de 14,5 %. Ceux des hommes séparés augmentent de 3 %. Pensions incluses. La retraite moyenne des femmes est 26 % inférieure à celle des hommes ;

    • Ainsi, des femmes sont en couple par nécessité, par dépendance, pas tellement par amour ;

    • Solutions ?

      • Réponse du féminisme de droite : la femme travaille en dehors du foyer et acquière ainsi son indépendance (et élargie ainsi la base des personnes exploitées par les patrons). Problèmes : plus (+) de femmes sur le marché = pas d'emplois pour tout le monde = précarité. De plus, elles doivent se farcir la charge mentale en sus de leur emploi… ou la déléguer à des personnes encore plus précaires (nounous, femmes de ménage, etc.). L'emploi n'est pas émancipateur pour toutes les classes sociales ;

      • Les femmes doivent réclamer un salaire (payé par l'État) pour le travail domestique qu'elles effectuent déjà et espérer ainsi que le coût induit réveille les hommes. Problèmes : cela aliénera encore plus les femmes car l'ennui demeurera, on leur demandera plus de boulot puisque, désormais, elles seront payées, tout en les confinant encore plus dans une répartition genrée du travail. Elles seront isolées, chacune chez elle, sans possibilité de se grouper pour réclamer des avancées ;

      • Salaire à vie ;

      • Meilleur partage du temps de travail, qu'il soit productif ou reproductif, entre les hommes et les femmes ;
    • Je suis en désaccord avec quelques-uns des exemples d'Emma, notamment celui sur son amie Michelle, qui s'est occupée, pendant 20 ans, du foyer, de son homme et de la comptabilité et de la paperasse de la société commerciale initiée par son mari alors qu'ils étaient ensemble, et qui se retrouve sans rien après le divorce. Le mariage civil est plus qu'une promesse bidon d'un soutien mutuel. Ce soutien est inscrit dans la loi et, s'il y a autant de paperasse lors d'un divorce, c'est justement parce qu'on est censé faire les comptes pour s'assurer qu'un des époux n'a pas trop profité de la relation au détriment de l'autre (exemple : il s'est enrichi avec le soutien de sa femme). Et si à cette occasion, l'on entend souvent les hommes rager "elle va me prendre tout mon pognon, c'te salope", c'est peut-être parce que les hommes ont conscience qu'ils ont bénéficié d'une relation déséquilibrée à leur avantage et que cela risque d'être remis en cause. Les types de mariage "protecteurs" comme la séparation des biens ne changent pas cet état de fait puisqu'ils portent sur les possessions acquises avant le mariage. Non, le mariage ce n'est pas uniquement la coûteuse cérémonie et la possibilité, pour les deux époux de prendre le nom de l'autre (si, si, l'homme peut prendre le nom de famille de la femme), c'est aussi un engagement dans le temps. J'aimerais donc avoir plus d'infos à propos des exemples donnés par Emma car je pense que les femmes citées auraient pu s'en sortir à meilleur compte sans aller pinailler 10 ans dans un procès aléatoire.
    Fri Aug 2 12:59:29 2019 - permalink -
    - https://www.librairiesindependantes.com/product/9791097160357/
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  • Fiche de lecture : les accords Toltèques

    La première fois que j'ai lu quelque chose sur les accords Toltèques, c'était chez Zythom. Il y a quelques mois, une collègue m'en a reparlé. Cela tombe bien puisque je lis actuellement d'autres livres de la catégorie développement personnel. Pas par passion, par besoin… J'essaye de trouver de la documentation potable pour améliorer mes relations avec autrui, qui ont pris une bonne dose de plomb dans l'aile ces dernières années, tendance perte de foi totale en l'humanité et cœur ostracé.

    Bon, je te rassure tout de suite, je ne perçois pas les accords Toltèques comme le Guide ultime, mais on y trouve tout de même des notions qui gagnent à être diffusées : le fait que les propos d'autrui, y compris les insultes, ne t'engagent pas tant que tu ne le décides pas, le fait que l'amélioration de tes relations avec autrui commence par l'amélioration de tes relations avec toi-même, le fait que tout le monde vit dans un monde qui lui est propre, créé par son interprétation du réel, etc.

    Il me reste un point d'incompréhension malgré mes quatre lectures : comment appliquer les accords toltèques au quotidien, c'est-à-dire comment effectuer un suivi de nos comportements ? Un suivi subjectif a-t-il un intérêt ?


    Les quatre accords Toltèques

    Le livre de référence de Don Miguel Ruiz. Il nous présente 4 accords qui forment une philosophie de vie qui nous aide à nous débarrasser des accords limitants que l'on a conclus (parole blessante que l'on a cru, croyance destructrice que l'on a cru, etc.) et à retrouver la liberté personnelle. Je le trouve moins bien écrit que Le cinquième accord Toltèque en cela qu'il n'explique rien : tout est présenté comme une évidence, une vérité incontestable. Quand l'auteur manipule des concepts de sociologie ou de psychologie, il ne les mentionne pas et il préfère les substituer par son propre jargon. Je trouve ça dommage, car ça empêche l'adhésion des personnes qui ont besoin de comprendre, de tout expliquer.

    Mes notes ci-dessous.

    Généralités :

    • Notre domestication (éducation) est basée sur la peur d'être puni ou de ne pas être récompensé. Cela nous amène à rechercher en permanence l'attention d'autrui, par peur d'en manquer. C'est aussi lors de la domestication que l'on inculque les croyances et les valeurs de la société (ce que l'auteur nomme le rêve de la planète). L'auteur accorde très peu de liberté à l'adulte moyen, qu'il ne semble pas croire capable de changer de valeurs ;

    • Cette domestication crée dans notre esprit un Juge et une Victime. Le premier juge tous nos comportements et actes à la lecture du Livre de la loi qui est la somme de nos croyances, de nos interprétations, etc. La deuxième subit la décision du premier « je ne suis pas assez bon », « je suis moche », etc. . L'auteur note que ce mécanisme n'est pas juste, car, contrairement à la justice, nous nous jugeons et nous nous punissons plusieurs fois pour un même comportement en nous en souvenant et/ou en rabâchant aux autres leurs erreurs passées ;

    • Nous recherchons la vérité, car nous ne contrôlons pas notre besoin de donner tort aux autres ;

    • La recherche de la perfection, inatteignable, provoque forcément des dégâts sur l'estime de soi… d'où un mal-être permanent ;

    • Il faut faire ce que l'on veut, ce dont on a envie, être soi-même, sauvage comme un enfant avant la domestication, il faut faire face à nos peurs. Il n'y a pas de liberté tant que nous agissons dans le but de plaire à quelqu'un d'autre que nous ;

    • Appliquer la recette Toltèque : dresser un inventaire des croyances limitatives et les briser une à une ;

    • Pardonner, ce n'est pas faire une fleur à autrui, c'est aussi agir par compassion avec soi-même ;

    • Les accords Toltèques ne consistent pas à réprimer ses émotions (elles sont utiles !), mais à les contrôler, c'est-à-dire de les exprimer au bon moment, sous le bon format ;

    • Les accords Toltèques consistent à jouir de la liberté dans la sagesse, non dans l'innocence comme le fait un enfant. La différence, c'est la connaissance de ce qui nous limite et l'action permanente pour tenter de s'en émanciper ;

    • Ne pas juger autrui, ne pas chercher à avoir toujours raison ;



    1er accord : que votre parole soit impeccable - parlez avec intégrité, dites uniquement ce que vous pensez, n'utilisez pas la parole contre vous-même ou pour médire autrui

    • Ne pas utiliser la parole dans un but de revanche, de peur, de haine, de médisance, de culpabilisation, de mensonge (même par omission) ;

    • Ne pas dire des choses contre soi (exemple : « je suis mauvais ») ;

    • Toujours exprimer précisément ce qui ne va pas. Ainsi, à un enfant bruyant alors qu'on a mal à la tête, ne pas dire « silence ! t'as une voix horrible ! », mais dire « silence ! j'ai mal à la tête ». La première formulation amène l'enfant à se forger une opinion négative de lui-même : quelqu'un m'a dit que j'ai une voix horrible, je ne prendrais plus la parole en public, je ne chanterai plus, et je souffrirai de ne pas le faire. La deuxième décrite mieux la réalité : le problème n’est pas la voix de l’enfant, mais le mal de tête ;

    • Je reste bloqué sur un point : dire « tu devrais faire ci ou ça » est une parole empoisonnée alors que dire « moi je fais comme ci, comme ça » ou « viens, on va faire ci ou ça » est une parole impeccable. Pour moi, dans les deux cas, le message de fond reste identique : tu fais mal… ;



    2e accord : quoi qu'il arrive, n'en faites pas une affaire personnelle - ce que les autres disent et font n'est qu'une projection de leur interprétation de la réalité, de leur rêve à eux

    • Une insulte ne te concerne pas. Elle est la parole empoisonnée d'autrui qui exprime un malaise. Elle est son interprétation de la réalité. Cette interprétation n'est pas meilleure que la tienne. Exemple : « t'es gros » est une croyance, un sentiment, la peur de ce qui est différent de soi. Gros par rapport à qui, à quoi ? Répondre à cela, c'est défendre un point de vue, vouloir avoir raison à tout prix et chercher à se faire accepter… alors que personne d'autre que nous sait qui nous sommes. L'auteur expose même que lui dire « Ho Miguel, tu es dégoûtant, comment peux-tu dire ça ! » ne l'affecte pas, pas plus que les remontrances d'un chef de bureau ;

    • Tout nous concerne, mais il faut sortir de l'idée que nous sommes responsables de tout ce qui arrive et, qu'en cela, nous y pouvons quelque chose. Notons que je déforme la parole de l'auteur : lui explique que rien de ce qui nous entoure nous concerne, mais je trouve ça dangereux (je pense au changement climatique, par exemple) ;

    • Il convient de ne pas en faire une affaire personnelle car, quand trop de voix intérieures nous parlent, on ne sait plus ce que l'on veut, donc on n'agit plus. C'est ce que l'auteur nomme le mitote ;

    • Il n'y a pas besoin de s'en remettre à autrui, pas besoin de faire confiance à ce qu'autrui dit ou fait, mais seulement de faire confiance à notre capacité de faire des choix responsables (en accord avec nos valeurs ? L'auteur n'explicite pas ce point) ;

    • Si autrui rejette ta demande, ce n'est pas grave, il n'a pas porté un jugement sur toi, mais sur l'intégration de ta demande à son rêve (ses croyances, son interprétation de la réalité, etc.) ;



    3e accord : ne faites pas de suppositions - ayez le courage de poser des questions et d'exprimer vos vrais désirs. Communiquez clairement avec les autres pour éviter tristesse, malentendu et drame

    • Exemple de poison : « on est ensemble depuis x mois, on s'aime, tu aurais dû savoir et combler mon attente ». Ceci ne fonctionne pas, jamais. Il faut avoir le courage de poser des questions, d'exprimer ce que l'on ressent, d'exprimer ce que l'on veut. Ne pas supposer qu'autrui pense et ressent comme nous ;

    • Nous recherchons des réponses à tout pour nous rassurer, alors autant trouver la bonne réponse, c'est-à-dire pas une de substitution qui nous permet d'éviter d'aller au front ;



    4e accord : faites toujours de votre mieux - votre « mieux » change d'instant en instant, quelles que soient les circonstances, faîtes simplement de votre mieux et vous éviterez de vous juger, de vous culpabiliser et d'avoir des regrets

    • L'auteur parle bien de « votre mieux », pas de « toujours mieux ». Il ne s'agit pas d'essayer de faire plus que ce dont on est capable, mais de s'assumer tel quel. Notre mieux fluctue. Exemple : si l'on est malade (toux carabinée), notre mieux est de rester au lit. Ce n'est pas glorieux, mais si c'est le maximum que nous pouvons faire, alors c'est OK ;

    • Il faut agir par envie, non par appât d'une récompense, sinon on court droit à la frustration ;

    • Il faut apprendre de ses erreurs, qui sont inévitables, ne pas se blâmer en boucle pour ça ;

    • Il ne faut pas vivre dans le passé, se souvenir en permanence de ce qui nous fait mal, de nos échecs, des paroles blessantes que l'on a reçues, etc. ;

    • Il faut appliquer les accords Toltèques progressivement : un jour entier, puis une semaine entière, puis un mois, puis… Il y aura forcément des échecs, des moments de rechute. Il faut accepter de tomber et de recommencer ;



    L'auteur énonce aussi des idioties :

    • « Quel animal peut parler ? ». Heu… Quasiment tous ? Même les arbres échangent de l'information… ;

    • Hitler aurait foutu la grouille tout seul rien qu'avec sa parole. Heu… L'auteur éclipse quand même tout le volet misère économique qui a entraîné une misère sociale donc une violence sociale… ;


    Le cinquième accord Toltèque

    Dans cet autre livre, Don Miguel Ruiz expose les 4 accords Toltèques sous un jour nouveau, y ajoute un cinquième accord à passer avec soi-même, et présente la Voie Toltèque (maîtrise progressive de soi). Je trouve cet ouvrage plus précis, mieux rédigé, plus agréable à lire et plus pédagogique que l'ouvrage de référence présenté ci-dessus. Même si l'auteur ne source toujours pas les notions de sociologie et de psychologie bien connues qu'il utilise, il explique beaucoup plus les notions qu'il manipule, assez pour qu'elles ne semblent plus tomber de nulle part.

    Bref, je recommande la lecture de ce livre, plutôt que du livre Les quatre accords Toltèques.

    Mes notes ci-dessous.

    • Autrui défini qui nous sommes par effet miroir, ce que l'on doit être, ce que l'on doit faire ou non, l'apparence à avoir ou non. Sauf que ce miroir est déformant, il correspond à la seule volonté de celui qui énonce. Tiens, on retrouve des concepts chers à Sartre :) ;

    • Il y a une contradiction de fond : nous recherchons la perfection pour plaire à autrui, mais, comme elle est inatteignable, cela diminue notre estime de soi (qui est la différence entre ce que nous croyons être et ce que nous voulons être), ce qui nous rend tristes ;

    • Nous recherchons la beauté, la liberté, le bonheur, etc. comme une échappatoire afin de revenir à un état de liberté personnelle, comme le bébé qui explore le monde, qui évite la douleur, qui profite de sa vie et qui ignore qui il est et à quoi il ressemble, état que nous avons perdu lors de notre domestication ;

    • Nos interprétations sont des accords en cela que nous les reconnaissons vraies, sans quoi elles ne peuvent pas nous affecter. Exemples d'interprétation : le sens d'un mot, d'une œuvre d'art, d'un arbre. Un arbre n'est pas beau, grand, petit, moche, il est l’ensemble des propriétés que nous rangeons sous le terme plus simple d’« arbre » (c'est la réalité), c'est nous qui le voyons petit et moche en fonction de nos croyances, des concepts que nous avons manipulés dans le passé (c'est une interprétation). Nous percevons la réalité, mais nous comprenons et exprimons un point de vue de la réalité, une interprétation. C'est que l'auteur nomme le rêve permanent ;

    • Nous préférons accuser les autres de la souffrance que nous cause notre propre rêve permanent au lieu d'en assumer la responsabilité puisque c'est notre rêve. Personne peut nous sauver. Le seul sauveur de notre monde, c'est nous même ;

    • Il n'y a pas un rêve permanent unique, mais un rêve permanent par personne. Chacun de nous vit dans un monde dédié, un rêve distinct, un film, une histoire propre. Chacun se soucie avant tout de lui-même. C'est pour ça qu'il ne faut pas se soucier de l'image que nous donnons de nous-même dans notre rêve : les autres s'en fichent, ils jouent dans leur film et re-interprêtent leur perception de nous-même pour l'intégrer à leur rêve, à leur film ;

    • Les conflits entre personnes viennent d'ici : on veut que les personnages secondaires de notre film (nous sommes le personnage principal) jouent dans notre film de la manière dont nous le voulons. Sauf qu'ils s'en fichent, ils jouent déjà dans un autre film dans lequel ils ont le rôle principal : leur film ;

    • Il faut ignorer le rejet, le refus, la médisance, les reproches, les opinions. Il ne faut pas y répondre. Il ne faut pas croire la déformation du réel que sont notre rêve et le rêve de la planète (l'ensemble des croyances communément admises). Si tu revenais au 14e siècle, les gens de l'époque auraient peur de tes croyances et de ton savoir ! Nous sommes toujours ignorants. Les croyances futures ne seront pas celles d'aujourd'hui. Il faut différencier le réel de l'interprétation, comprendre l'intention qui sous-tend les symboles (les mots, par exemple), c'est ce que l'auteur nomme la conscience ;

    • Ni mon rêve, ni le tien, ni le rêve de la planète sont vrais, mais nous le supposons, ce qui nous rend perméables. Ma souffrance, c'est moi. C'est moi qui la génère par mes interprétations ;

    • Autre supposition idiote : « il est méchant, mais il obtient tout ce qu'il veut », donc je vais me comporter de la sorte ». Faire ça, c'est se laisser consumer par l'envie et la colère, c'est notre ombre noire qui parle, qui exprime un malaise causé par la manière (extrême ?) dont nous pratiquons nos croyances ;

    • 5e accord : soyez sceptique, mais apprenez à écouter. Toujours se demander si quelque chose est réel ou s'il s'agit d'une interprétation. Il n'y a pas lieu d'émettre une opinion sur l'idée d'autrui qui est uniquement l'expression de son rêve personnel. Elle se respecte. Ne pas se croire soi-même. « Ce que je comprends est ce que l'autre semble exprimer » est une interprétation. « Je suis moche, gros, etc. » est un mensonge (car, pour l'auteur tout le monde est parfait dans l'absolu), une parole envers soi-même qui n'est pas impeccable. Toujours se demander si un message décrit la réalité ou est une interprétation. Apprendre à écouter signifie lire le rêve d'autrui, son intention et le respecter ;

    • On peut apprécier sa vie comme l'on apprécie un roman ou un film : on sait que ce n'est pas vrai, mais on en profite car ça nous fait plaisir ;

    • Voie Toltèque : passage de l'attention première (attention captée par le rêve de la planète, perte de sa liberté personnelle) à l'attention seconde (déclarer la guerre aux mensonges et aux croyances limitatives), puis à l'attention tierce (absence totale de jugement, de soi et des autres, vision des choses telles qu'elles sont) ;

    • Il n'y a pas besoin de symboles (comme des mots) pour justifier l'existence. L'existence est, tout simplement ;

    • Il faut arrêter de chercher du sens dans absolument tout… Et surtout, ne pas se mentir : tu sais ou tu ne sais pas quelque chose, mais dans les deux cas, tu dois accepter cet état de fait et ne pas essayer de compenser ;

    • Ce livre contient aussi quelques idioties, comme le fait que l'ADN serait composée de lumière, que tout serait lumière dans l'univers… ;


    Les accords Toltèques au quotidien

    Un livre pratique qui résume les accords Toltèques, les applique à la vie quotidienne, procure des conseils et fournis des exercices d'application. Ce livre est très bien structuré : une partie par accord, plusieurs chapitres pour exposer les notions sous-jacentes mais complémentaires. J'apprécie la taille de la police de caractères et la mise en emphase des notions importantes : cela donne envie de ré-ouvrir le bouquin afin d'y relire les notions oubliées. Je déplore l'absence d'une correction voire d'exemples pour la plupart des exercices…

    Je recommande la lecture de ce livre si t'as besoin d'une grille de lecture pratique des accords Toltèques.

    Mes notes ci-dessous.

    1er accord :

    • Une parole impeccable nécessite de prendre en compte que tout le monde n'accorde pas le même sens aux mots. Il faut donc reformuler, s'assurer que l'on a bien compris ce que l'autre dit, etc. La conversation prend alors une tournure pompeuse, mais c'est nécessaire ;

    • De même, il est nécessaire de prêter attention au ton employé, qui change tout le sens d'une phrase ;

    • Même chose avec l'intention : que voulons-nous créer, quel sentiment voulons-nous inspirer ? Une envie de faire quelque chose ? Une volonté de freiner un projet ou de déstabiliser une personne ? Participer à créer un monde meilleur ou propager la merde ambiante ? ;

    • Non seulement vous souffrez d'être ce que vous croyez être, mais, peu à peu, à force de ne pas vous apprécier, vous vous sentez tellement mal à l'aise que vous avez des difficultés à supporter votre environnement. Lentement, mais sûrement, vous finissez par en vouloir aux autres, à tous les autres : les gens, votre travail, votre vie, le gouvernement ! Bref, dans ce système rien ne va jamais, surtout vous, et vous souffrez en outre d'un isolement que vous avez vous-même créé.

    • En plus d'en vouloir aux autres, tu développeras une forme de cynisme noir : « je ne vaux rien et les autres pas davantage ! » ;

    • Une communication impeccable suppose une sincérité absolue, l'absence de tromperie, de manipulation, et la prise en compte de la sensibilité d'autrui ;

    • On ne peut pas donner à autrui ce que l'on se refuse à soi (amour, bienveillance, parole impeccable, etc.). Médire permet de s'échapper de nos jugements, de notre mal-être à notre sujet ;

    • Est-ce qu'une croyance que l'on a sur soi-même est formulée positivement ? Est-ce qu'elle permet d'avancer ? On peut utiliser les synonymes atténués : borné⋅e -> persévérant⋅e ;

    • Ne pas être sur ses gardes en permanence en présumant que l'autre va nous blesser / mal faire quelque chose ;

    • Si l'on passe du temps à médire sur soi, on finit par ne plus avoir envie de voir autrui puisque l'on n'aime pas ce que l'on a à offrir. On fera alors tout ce qu'il faut pour se faire détester ;

    • Il n'est pas possible d'éviter les jugements, mais il est possible de filtrer les jugements négatifs ;

    • Toujours exprimer les jugements et les interprétations à la première personne du singulier. « Tu es incompréhensible ! » devient « Je ne saisis pas ce que tu veux dire ». C'est une application directe du principe selon lequel chaque personne est dans son rêve permanent et exprime ce qui s'y passe. Évidemment, il faut s'adapter au contexte : un ami de longue date comprendra très bien l'intention qui sous-tend un « tu es incompréhensible ». Le ton joue beaucoup ;

    • Avant de formuler une critique, toujours se demander si cela est utile pour la personne, pour moi, pour notre relation. Inutile d'embêter une personne que l'on ne reverra plus, car il sera impossible de la convaincre en une fois.

    • Évidemment, on évite de couper la parole, de menacer, d'insulter… Mouais… Couper la parole permet de reprendre un peu le contrôle d'une conversation monopolisée par un moulin à paroles, ce n'est pas forcément négatif, je trouve ;

    • Essayer d'adopter un autre point de vue sur une personne que l'on apprécie pas trop : elle ne rate pas tout, elle a forcément des traits de caractères appréciables. Exemple : une personne démotivée à son travail peut être un parent idéal ;

    • Ne pas chercher à avoir raison. Tu as exprimé ton point de vue, fin. Si la personne veut à nouveau échanger sur ce sujet, elle sait où te trouver. Si elle n'est pas ouverte sur le sujet, ça ne sert à rien de partir dans une conversation qui énervera tout le monde : la personne ne changera pas d'avis ;

    • À quoi sert l'information que je colporte ? Est-ce vrai ? Est-ce utile que telle personne en soit informée ? Est-ce bienveillant (donne une bonne image d'une personne, procure du plaisir, etc.) ? ;



    2e accord :

    • Qui nous connaît réellement à part nous même ? Personne ;

    • La réalité est complexe, plusieurs interprétations combinées peuvent être nécessaires pour la percevoir : métaphore des aveugles et de l'éléphant ;

    • « T'es gros ! ». Par rapport à qui ? Pourquoi n'est-ce pas toi qui est trop maigre ?! ;

    • Il faut apprendre à ne pas être accro aux compliments et à la validation d'autrui, car cela crée une dépendance qui nous force à jouer un rôle dans le but de plaire et d'être complimentés ;

    • Tenter de comprendre le point de vue d'autrui : il a raison par rapport à quoi / à qui ? Selon quels critères ? Il est possible de remettre en question ces critères, même s'ils sont admis par la masse ;

    • Une excuse doit avoir une causalité directe et absolue avec la situation qu'elle doit excuser, sinon elle est un prétexte ;

    • Il ne faut pas prendre personnellement un reproche lié à une erreur. D'abord parce que c'est une erreur, ça arrive, ensuite parce que cette erreur en est une dans la tête d'autrui, tu peux ne pas être d'accord ;

    • Une dispute est toujours une lutte de pouvoir : nous interprétons ce qu'autrui dit, nous y accordons de l'importance, ce qui donne du pouvoir à autrui, celui d'altérer notre vision du monde, puis nous cherchons à prendre le dessus, à récupérer le pouvoir perdu… ;

    • Lâcher prise, ce n'est pas ignorer la parole d'autrui ou se contenter de répondre « c'est ton point de vue / interprétation », car c'est un manque de sincérité qui est contraire à une parole impeccable. On peut répondre « je vais t'expliquer ma vision des choses »… seulement si ça en vaut la peine (inutile de faire cela avec un inconnu qu'on ne reverra plus ou dans un contexte de stress qui ne permettra pas un dialogue serein, bref, c'est de la stratégie habituelle) ;



    3e accord :

    • On ne peut rien faire face à l'auto-conviction. Exemple : un amoureux suppose qu'il sera trompé lorsque sa copine lui annonce qu'elle va passer la fin de semaine chez un ami. Il n'y a rien à faire contre cette supposition basée sur une peur ;

    • Il faut apprendre à sortir du scénario catastrophique que nous avons tendance à concevoir en permanence en décrivant factuellement la situation, ce que nous ressentons, ce que peut supposer l'autre, etc. On peut aussi inverser les rôles : conseiller plusieurs brides de solution à un ami imaginaire qui rencontrerait la situation que tu vis ;

    • Nous avons tendance à faire des suppositions sur tout, y compris les faits divers : un camionneur a eu un accident -> c'est un chauffard ; une société commerciale licencie -> le patron est une pourriture, etc. ;

    • Chaque soir, se focaliser sur le bien, le positif, le plaisir pris au cours de la journée ;

    • Ne pas hésiter à poser des questions pour lever les incertitudes en faisant attention aux mots, à l'intention et à l'intonation. Il faut accepter la réponse quoi qu'il arrive. Un mensonge concerne la personne qui l'émet, pas celle qui le reçoit (mais elle peut agir en fonction) ;

    • Toujours se demander : quelle peur ai-je eue ? Quelle supposition ai-je faite ? Laquelle de mes valeurs a été atteinte ? ;

    • « J'aime / J'aime pas / boarf » ne sont pas des opinions structurées et argumentées, mais elles se respectent faute de mieux ;

    • Dans un couple, pour parvenir à accepter les différences, il faut qu'elles ne remettent pas en cause tes valeurs ou que cela ne génère pas chez toi un sentiment négatif. Sinon, il faut laisser tomber, ça ne sert à rien de persister ;

    • Une relation toxique est une relation qui ne t'apporte pas de choses positives, qui énonce ses problèmes, qui demande des choses en permanence sans rien te donner en retour, qui émet régulièrement des remarques blessantes, qui formulent des vérités uniques sans que tu puisses exprimer ton point de vue, etc. ;



    4e accord :

    • Faire ce qui est à faire en fonction des moyens disponibles (qui sont limités en cas d'une maladie, d'une fatigue, etc.) ;

    • Définir des objectifs atteignables, pas de vains idéaux ;

    • Accepter des émotions négatives donc des idées négatives avant de revenir à la normale. C'est un processus sain ;


    50 exercices pour pratiquer les accords Toltèques

    Ce livre ne m'a pas convaincu : il comporte très peu d'explications et d'applications pratiques des accords Toltèques. La majorité des exercices n'a pas de solution ni de pistes pour comprendre quel spectre de réponses va dans le bon sens… Je ne vois pas comment cela peut aider à progresser…

    Mes notes ci-dessous.

    1er accord :

    • La parole impeccable est forcément une parole consciente, donc il faut éviter la parole automatique. Cela nécessite de prendre le temps avant de parler ;

    • À quoi sert la critique permanente ? « T'as fait une faute d'orthographe », « Ton gâteau est trop cuit », « Tu es toujours en retard ». Est-ce que cela profite à la personne ? Est-ce que ça lui apporte quelque chose ? Souvent, elle le sait bien, le problème n'est donc pas là : elle ne veut peut-être pas changer, elle ne considère peut-être ne pas être en tort, elle ne sait peut-être pas comment changer ;

    • Chercher des côtés positifs à une personne qui t'énerve permet d'éviter l'effet bouc-émissaire. Si tu n'y arrives pas à propos d'une personne qui t'a blessé, c'est que tu n'as pas encore pardonné et que tu souffres toujours, car tu es liée à cette personne par une émotion négative ;

    • Le silence n'est pas forcément une parole impeccable : laisser faire une injustice, ne pas prendre position, mentir par omission sont tout autant des sources de souffrances ;



    2e accord :

    • Toujours prendre du recul spatio-temporel sur une situation en se demandant comment réagirait telle personne dans xxx temps ;

    • Tu es concerné par les affaires des autres et par les affaires de la réalité (faim dans le monde, par exemple), mais tu n'y peux rien ;

    • Dire « tu devrais… », « il faudrait que… », c'est s'occuper d'autre chose que de nos affaires ;



    3e accord :

    • Ne pas rester à la surface d'une affirmation qui sera sûrement une interprétation. Exemple : « xxx m'a fait mal ». Physiquement ou moralement ? Pour accident, en croyant aider, ou délibérément ? « Je suis gros ». Pourquoi ? Par rapport à quoi / qui ? ;

    • Il y a 4 types de projections sur autrui : les traits de caractère non assumés (reprocher la sensibilité à autrui quand on est soi-même sensible), les traits de caractère que l'on a réprimé (exemples : sexe, art, etc.), les schémas que l'on reproduit (rejeter pour ne pas se sentir rejeté), et les peurs (échec, jugement, perte, manque, rejet, abandon) ;

    • Une situation que l'on craint se produit généralement (prophétie autoréalisatrice). Il faut donc aborder une situation ou une personne avec un regard neuf ;

    • Il faut donner aux autres ce que l'on attend d'eux : amour, attention, écoute, temps, etc. ;

    • Les défauts et les qualités se lisent dans les deux sens : excès de prudence = couardise, doute = vigilance, perfectionnisme = rigueur, entêtement = persévérance, etc. ;



    4e accord :

    • Présupposer que chacun fait toujours de son mieux en fonction des choix disponibles. Exemple extrême : boire de l'alcool ou fumer (en grande quantité), ce n'est pas forcément pour se faire mal, mais aussi pour se faire du bien, à défaut d'autres moyens ;



    5e accord :

    • Ce 5e accord contrebalance le 2e qui pourrait aller jusqu'à nous couper des autres (oui, c'est aussi ce que je me suis dit à la lecture du 2e accord Toltèque… content de voir que je ne suis pas le seul à l'avoir interprété ainsi) ;

    • Toujours chercher à en savoir plus :
      • « C'est mal de faire ça » = d'après qui ?

      • « C'est bien de se lever tôt » = comment le savez-vous ?

      • « C'est comme ça » = est-ce votre avis ? N'est-il pas possible de faire autrement ?

      • « Il pleut, c'est une mauvaise journée », « elle ne sourit pas, elle n'est contente » = En quoi ceci (le fait qu'il pleuve ou qu'ellle ne sourie pas) signifie/prouve-t-il cela (que la jounée sera mauvaise ou qu‘elle n‘est pas contente) ?

      • « Il m'a fait des reproches, il me déteste » = n'avez-vous pas déjà adressé des reproches sans détester quelqu'un ? Était-ce votre personne ou une émanation de votre personne (comme le travail) qui était visée ?

      • « Il me rend triste » = en quoi ?

      • « Cela m'ennuie » = comment, spécifiquement ?

      • « Si j'échoue à ce test, alors ma vie est foutue » = qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Y'a-t-il une causalité directe ?

      • « Je sais ce qu'il a voulu dire » = Ha bon ? Comment le savez-vous ?

      • « Il fait cela parce que… » = qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Vous a-t-il dit quelque chose ?

      • « Si elle m‘aimait, elle ne me dirait pas ça » = qu'est-ce qui vous fait dire/croire cela ? Peut-être qu'elle a eu peur, justement par amour.

    Divers :

    • Transformer les objectifs de la forme « avoir / faire » en objectifs « être ». Exemple : arrêter de fumer (faire) = santé, estime de soi, indépendance = prendre soi de soi (être) ;

    • Ne pas transporter le passé avec soi et le ressasser, mais savoir le relire sous un jour nouveau pour en tirer des enseignements.
    Wed Sep 26 21:57:58 2018 - permalink -
    - http://shaarli.guiguishow.info/?So-Iog
    fiche-lecture
  • [ Face à la police / Face à la justice ] Guide d'autodéfense juridique 2ème édition | actujuridique

    Ce guide a pour objectif la réappropriation citoyenne d'une partie du droit pénal, celui utilisé par la répression policière courante (en manifestation, par exemple). Il couvre exclusivement le pénal, il n'apprend pas à rédiger des documents juridiques, et il ne couvre pas les cas pointus (aide des sans-papiers, aide au logement, etc.) ni ce qui sort de la répression usuelle de l'État comme les crimes de sang, les crimes financiers, etc. Il est actualisé sur un site web dédié.

    Il est disponible en téléchargement gratuit, au format PDF sur le site web dédié.

    Je trouve l'initiative excellente. Malheureusement, il n'atteint pas la qualité du guide d'autodéfense numérique, car il manque d'explications globales concernant la machine policière et judiciaire, il n'explique pas bon nombre de termes qui tombent comme des cheveux dans la soupe, et qu'il est fouillis (exemple : il expose que deux mécanismes sont environ similaires… sans en exposer les différences…).

    Néanmoins, on y apprend des termes et des choses intéressantes qui peuvent servir à décrypter ce que les médias nous présentent.

    J'en recommande le survol aux personnes qui passent leur temps à geindre que l'informatique c'est trop compliqué avec plein de décisions à prendre en permanence dans un environnement qui évolue en permanence. Elles découvriront que c'est tout pareil pour la loi. :)



    Mes notes ci-dessous.

    Déroulé d'une emmerde judiciaire :

    • Il existe trois degrés d'infraction : les contraventions, les délits (peine maximale : <= 10 ans de prison), et les crimes (peine max. : la perpétuité) ;

    • Il existe deux types de magistrats : les magistrats du Parquet (procureur général en haut de la pyramide puis procureur de la République et ses substituts, qui forme un ensemble indivisible pour prendre une décision) qui dépendent de l'exécutif, et les magistrats du Siège (présidents des tribunaux et leurs assesseurs + les juges spécialisés : juge d'instruction, juge d'application des peines, etc.) qui sont inamovibles et prétendument indépendants de l'exécutif (6 sur 16 membres du Conseil Supérieur de la Magistrature, qui les chapeaute, sont nommés par l'exécutif et le parlement) ;

    • Il existe trois types d'enquête : l'enquête de flagrance (une infraction est commise ou vient de l'être), l'enquête préliminaire (enquête courte d'une infraction passée) et l'instruction (enquête longue approfondie, obligatoire pour les crimes, possible pour les délits complexes) que l'on nomme aussi information judiciaire (et l'on dit que les flics agissent alors sur commission rogatoire). La première est supervisée par le procureur, la deuxième est pilotée par le procureur, la troisième est pilotée par un juge d'instruction désigné par le procureur ;

    • Contrôle d'identité : les motifs sont si nombreux que c'est open-bar. Que l'on prouve son identité ou non, le flic peut nous embarquer au poste selon son bon vouloir pour une retenue (4h max). On peut alors demander à aviser le procureur et/ou un proche. En théorie, une photo et le prélèvement des empreintes digitales peuvent être exigées seulement si tu refuses / mens. Si le flic décide de procéder ainsi et que tu refuses, c’est un délit. Donner une identité fictive est passible d'une amende, donner l'identité de quelqu'un d'autre est passible de prison. Les flics n'ont pas accès à l'état civil, mais au registre des permis de conduire, donc, si tu mens, prétend ne pas avoir le permis. Une identité, c'est un nom, un prénom, une date et un lieu de naissance, et le nom des parents. C'est tout. Rien oblige à répondre à d'autres questions. Rien oblige à signer le PV ;

    • Perquisitions : de jour (6h-21h) comme de nuit pour des exceptions. Sans accord des occupants pour une enquête de flagranceet pour les enquêtes préliminaires visant un délit dont la peine est > 5 ans de taule, accord écrit pour le reste. En cas d'absence, l'occupant peut nommer des représentants. À défaut, le flic prendra à témoin deux personnes qui ne sont pas à ses ordres. Toute infraction découverte est poursuivable, même si elle n'a aucun rapport avec le motif initial de la venue du flic. Rien oblige à répondre à des questions, rien oblige à signer le PV ;

    • Fouilles : il en existe deux types, la palpation de sécurité (tu vides tes poches et tu te fais palper) et la fouille au corps (fouille minutieuse parfois à nu). Les sacs et les bagages ne doivent pas être inspectés lors d'une palpation (le flic ruse souvent en te demandant d'ouvrir le sac, mais rien oblige à lui obéir). En revanche, c'est open-bar lors d'une fouille au corps. Un vigile ne peut pas ouvrir les sacs, ni mettre ses mains dedans, juste inspecter visuellement. La fouille d’un véhicule et la fouille au corps sont assimilables à une perquisition donc c'est openbar dans les enquêtes de flagrance et les instructions et c'est le même régime pour les représentants/témoins. La fouille corporelle et des véhicules est openbar pour un douanier en recherche d'infractions douanières ;

    • Témoin : un flic peut lui ordonner de ne pas s'éloigner et/ou le convoquer au commissariat. Ne pas se rendre à la convocation ne risque rien dans une enquête de flagrance ou une enquête préalable, mais une amende est prévue dans le cas d'une instruction. Rien oblige un témoin à signer quelle paperasse que ce soit, ni d'accepter une prise de photo et d'empreintes. Aucun sanction ;

    • Pour un suspect, il y a deux types d'interrogatoire : l'audition du suspect libre / audition libre et la garde à vue. Dans le premier cas, tu es convoqué et tu n'es pas contraint de rester, dans le deuxième, tu es amené de force et contraint de rester. L'audition libre permet au flic d'avoir moins de paperasse à remplir et de formalités à accomplir ;

    • Garde à vue (gav) : le délai max. avant prolongation court à partir de l'appréhension (donc s'il y a eu un contrôle d'identité, elle compte dans les 24 h). Un écrit doit t'être remis avec : infraction reprochée, motif de la garde (maintien à disposition, éviter l'effacement de preuve, etc.), la durée, le droit à un avocat, à un médecin, à un interprète, de prévenir un proche ou un employeur (par oral ou écrit, le flic ou toi, mais sous surveillance et pour une durée de 30 min), de se taire, de répondre aux questions ou de faire une déclaration, d’avoir un avocat, de voir un médecin, etc. Un PV doit consigner tout le déroulement (heures de repas, d'audition, de repos, prolongation, etc.). Les règles d'établissement de l'identité sont les mêmes que pour un contrôle. On a le droit à un entretien de 30 min avec un avocat. Chaque prolongation de la gav donne droit à un tel entretien. Toi et ton éventuel avocat n'avait pas accès au PV d'interpellation, ni aux déclarations des témoins (c’est donc difficile de se défendre)… Les flics ont plein de stratagèmes à leur disposition pour retarder l'arrivée de l'avocat et avancer l'heure de l'audition (qui est normalement fixée à deux heures après le contact établi avec un avocat), mais tu peux refuser de parler tant que l'avocat n'est pas là (et même s'il est là). Refuser la prise d'une photo et des empreintes digitales est un délit ;

      • Faire constater toute marque / coups sur le corps ou absence de marque sur le certif’ médical : cela permettra de prouver d'éventuelles violences policières. Exiger que le médecin écrive ça clairement sur le certif ;

      • Un avocat permet d'accéder au dossier après la phase policière alors que c'est quasi impossible dans les faits sans avocat. De plus, par corporatisme, les juges apprécient peu qu'un simple citoyen leur parle de droit. Les collectifs de défense ont parfois un accord tarifaire de groupe auprès d'avocats. Un nom d'avocat et son barreau d'appartenance suffit pour qu'un flic soit obligé de le contacter. Les commis d'office sont souvent blasés (ils conseillent de parler, d'éviter la procédure, etc.). Les flics sont en droit de refuser la présence d’un avocat qui a un conflit d'intérêt avec toi selon leur libre appréciation ;

      • Il ne faut rien céder aux flics. Il est inutile d'essayer d'apparaître comme sympathique, car ce n'est pas lui qui décide de te poursuivre en justice, c'est le procureur et il se basera sur le contenu du PV. Méfie-toi des mensonges des flics qui prêchent le faux pour savoir le vrai et inversement. Attention aux jeux de questions/réponses qui sont très prenants et qui peuvent faire avouer / donner des indices sans s'en apercevoir ;

      • Si tu choisis de ne pas parler, ne dis pas « Je ne sais rien », mais « Je n'ai rien à déclarer » ;

      • Avec l'accord du procureur (ou même à sa demande), les flics pourront proposer des alternatives aux poursuites en échange d'aveux) ;
    • Résumé des différentes procédures qui peuvent t'amener dans un commissariat : retenue suite à une vérification d'identité (4 h max), retenue douanière (24 h renouvelables), retenu pour les étrangers (16 h max), témoignage (4 h max), audition libre (pas de max), garde à vue (24 h renouvelables sur appel téléphonique au procureur puis au juge des libertés et de la détention pour renouveler au-delà de 96 h dans les cas de bande organisée, terrorisme, etc.), et retenue judiciaire (24 h max, si t'es en attente d'un procès et que la police te soupçonne de ne pas respecter ton contrôle judiciaire) ;

    • Suites possibles d'une garde à vue :

      • Sortie libre + classement sans suite. Il faut attendre la fin du délai de prescription de l’action publique avant d’être sûr d'être peinard ;

      • Sortie libre + rappel à la loi qui n'est pas consigné dans le casier judiciaire ;

      • Sortie libre + remise d'une convocation à un procès (citation à comparaître) ou à des alternatives à un procès (médiation, composition pénale, transaction pénale, CRPC) ;

      • Déferrement au Parquet c'est-à-dire présentation au procureur avec une retenue au tribunal en attendant sa disponibilité / heures de travail. Il décidera d'un classement sans suite, d'une poursuite, d'alternatives à la poursuite, d'une présentation à un juge d'instruction (obligatoire en cas de crime, possible en cas de délit complexe) ;
    • Alternatives à un procès. Elles reposent toujours sur le chantage : reconnais ta culpabilité et je serai peut-être gentil et/ou on évitera peut-être un procès qui laissera une trace dans ton casier judiciaire.

      • Médiation : rappel à la loi, stage de citoyenneté, stage de sensibilisation (être un bon parent / bon conducteur), etc. ;

      • Transaction pénale : amende (max : 1/3 du montant encouru) + réparation du dommage ;

      • Composition pénale : interdictions diverses, stage, amende, travail non rémunéré, etc. ;

      • Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité : proposition d'une peine allégée (amende, taule, etc.) homologuée par un juge lors d'une audience. Les dommages-intérêts restent dûs (ils seront réclamés durant l'audience d'homologation).

    Tous ces arrangements à l'exception de la CRPC ne sont pas inscrits au casier judiciaire. La CRPC est dangereuse car si elle n'aboutit pas, l'aveu de ta culpabilité sera difficile à nier devant le tribunal alors que le procureur est obligé d'ordonner une poursuite après une CRPC ;

    • Le procureur peut décider d'une comparution immédiate (si enquête de flagrance et peine encourue > 6 mois de taule ou si enquête préalable et >= 2 ans) ou différée. En attendant l'audience, il peut décider d'un contrôle judiciaire (assignation à résidence, bracelet électronique, interdiction de quitter un secteur géographique ou de parler à certaines personnes, pointer régulièrement au commissariat, etc.). La comparution immédiate doit être acceptée par le prévenu au début de l'audience. Généralement, une compa immédiate se passe mal : précipitation du juge, prévenu qui n'a pas préparé son dossier, etc. Si elle est refusée ou que le prévenu demande un renvoi du procès (report), le tribunal décide si le prévenu est mis en détention provisoire (goto jail) ou sous contrôle judiciaire. Pour ce faire, c'est principalement au faciès : pour échapper à la détention provisoire, il faut présenter des garanties de représentation (c'est-à-dire que tu assisteras bien au procès) et que l'infraction cesse (un contrat de taff, une carte d'étudiant, un casier judiciaire vierge, des membres de la famille lors de l'audience sont autant de signes appréciés). Il est possible de faire appel de la décision de mise en détention ou d'effectuer une demande de mise en liberté auprès du greffe de la taule ;

    • Notons que, si le procureur décide de classer sans suite, la victime peut te traîner devant le tribunal en procéder à une citation directe (si l'affaire est jugeable en l'état) ou en déposant une plainte avec constitution de partie civile (ce qui permet à un juge d'ouvrir une information judiciaire s’il le souhaite) ;

    • Au tribunal correctionnel.

      • Il y a plusieurs types de jugement :

        • Jugement par défaut (que l'on nommait « par contumace » en matière criminelle). Le prévenu est absent, car il ignorait la tenue de procès, car la citation à comparaître ne lui a pas été remise. Le prévenu peut former une opposition (= être re-jugé en première instance) quand il découvre un jugement par défaut le concernant. ;

        • Jugement contradiction à signifier : le prévenu n'est pas là, mais son avocat si  ;

        • Jugement contradictoire : le prévenu est là ou il s'absente par choix (c’est alors un jugement réputé contradictoire), mais il a bien reçu la convocation.
      • Déroulement. Les éventuelles nullités de la procédure se soulignent au début de l'audience. Le prévenu, la partie civile ou le tribunal peut demander un supplément d'information et ainsi donner des pouvoirs semblables à ceux d'un juge d'instruction à l'un de ses membres. Le tribunal peut également demander des investigations complémentaires au Parquet. On n'est pas obligé de se lever quand les juges entrent dans la salle d’audience. Une audience se compose d'un (procédure dite du juge unique) à trois juges. Le prévenu est interrogé par le juge, puis éventuellement par la partie civile puis les témoins puis… et le dernier mot revient au prévenu. Ensuite, le procureur fait son réquisitoire. Puis les avocats ont la parole, celui du prévenu en dernier. Un témoin cité à comparaître par huissier qui ne vient pas s'expose à une amende, sauf en comparution immédiate ;
    • Le jugement est rendu immédiatement ou en délibéré (différé). Il se compose de motifs (« attendu que ») et du dispositif (infraction, peine choisie, texte appliqué, etc.). Le juge peut utiliser ou éliminer des preuves selon sa seule intime conviction. Le jugement complet se nomme « minute ». Il est public en théorie, mais difficile à se procurer en pratique. Tu peux être reconnu non coupable et payer des dommages et intérêts (troubles psychiques, légitime défense, etc.) ou être reconnu coupable et être dispensé de peine. Le tribunal peut aussi prononcer la relaxe (fin des poursuites, ce que l'on nomme acquittement aux assises, en matière criminelle ou non-lieu quand un juge d'instruction clôt son enquête sans poursuivre) ;

    • Sorties du tribunal :

      • Si le prévenu était en détention provisoire ou s'il est jugé en comparution immédiate, alors il exécute sa peine de prison ferme dans la foulée (la détention provisoire est décomptée donc être condamné à 4 mois de taule quand on vient d'en passer 4 en détention provisoire revient à être libéré) ;

      • Le prévenu peut être arrêté au tribunal s'il est condamné à plus d'un an de taule ou s'il est récidiviste condamné à n'importe quel quota de taule. Le tribunal délivre alors un mandat de dépôt  ;

      • Sinon, la taule commencera quand le jugement deviendra définitif (après l'expiration du délai d'appel ou après l'appel) ;
    • Peines

      • Les frais de justice et les dommages et intérêts, tous deux dûs à une éventuelle partie civile (victime) ne sont pas des peines ;

      • Généralement, on est jugé pour plusieurs délits d'un coup, car un même acte enfreint souvent plusieurs bouts du Code pénal. Dans ce cas, les peines se confondent (confusion des peines) c'est-à-dire que le maximum encouru n'est pas la somme de la peine max encourue pour chaque délit, mais le maximum de ces peines (genre 3 de taule et 7 ans, ça fait pas 10 ans, mais 7 ans). À ne pas confondre avec l'aggravation des peines : la peine appliquée à un vol simple et à une violence entraînant plus de 8 jours d'Incapacité Totale du Travail) n'est pas 3 ans de taule (max des deux), mais 7 ans, car la violence aggrave le vol. Si plusieurs procédures ont lieu en même temps, il appartient au tribunal de confondre ou non, totalement ou partiellement, les peines. Si un jugement précédent est devenu définitif, il n’y a pas confusion des peines, mais un simple cumul ;

      • Toutes les peines sont aménageables par des Conseillers d'Insertion et de Probation (CIP), des Juges d'Application des Peines (JAP), et des Tribunaux d'Application des Peines (TAP). Une peine de prison inférieure ou égale à deux ans peut-être effectuée en dehors d’une taule (bracelet électronique, semi-liberté) ou être fractionnée sur 4 ans. De même, il existe de réductions de peine (automatiques, pour bonne conduite en taule, etc.) ;

      • Il existe des peines principales prévues par le Code pénal (amendes, prison), des peines complémentaires en plus ou en remplacement des peines principales (interdiction du territoire français, suivi socio-judiciaire, bracelet électronique, privation de droits civiques, interdiction de fréquenter certains lieux, interdiction d'exercer certaines professions, etc.), qui ne sont pas mentionnés à chaque article du Code pénal et d'autres peines dont certaines, comme le Travail d'Intérêt Général (TIG), permettent d'éviter la taule : contrainte pénale (contrôle et assistance socio-éducatif) ; TIG (dans une association ou une administration, non rémunéré, cumulable avec un emploi, le prévenu doit être volontaire) ; jours-amende (xx € par jour, x jours = montant à payer à la fin) ; stage de citoyenneté (le prévenu doit être volontaire) ; sanction-réparation (exemple : réparer un bien dégradé) ;

      • Sursis (avec ou sans mise à l'épreuve), sursis-TIG et ajournement (avec ou sans mise à l'épreuve) : épée de Damoclés, au moindre faux pas, c'est la taule ou l'amende.

        • L'ajournement consiste, pour le tribunal, à reporter sa décision sur une éventuelle peine ;

        • Le sursis consiste en une exemption de peine sauf si tu fais une connerie. Un sursis avec mise à l'épreuve est un ensemble d'obligations (résidence, fréquentation, activités, etc.) pendant une période donnée qui, si elles ne sont pas respectées valent révocation du sursis et donc application de la peine. Dans le sursis-TIG, les obligations sont remplacées par l’obligation d’effectuer un TIG et l’enjeu est le même. La révocation d'un sursis simple (sans mise à l'épreuve) n'est plus automatique, c'est le tribunal qui examine la nouvelle affaire qui peut décider de révoquer le sursis d'une affaire précédente. Le sursis s'applique sur une seule des peines prononcée et il n'est pas applicable pour des peines supérieures à 5 ans de taule. Il ne peut pas être appliqué à une peine identique à une peine reçue il y a moins de 5 ans (prison, amende, etc.).
      • Récidive : aggravation des peines encourues si un même délit ou assimilé (exemple : le vol est assimilé à l'escroquerie et au chantage) est commis dans les 5 ans qui suivent l'exécution de la peine précédente (ou 10 ans si l'on a été condamné à 10 ans et que l'on fait une nouvelle connerie punie de plus d'un an de taule) ;

      • Une libération conditionnelle peut être demandée à la moitié de l'exécution d'une peine de taule. La libération devient effective si le détenu ne fait pas de conneries pendant une période de mise à l'épreuve (obligation de soins, suivi socio-judiciaire, etc.) ;
    • Appel. Tout le monde peut faire appel : prévenu, Parquet, partie civile. La partie civile peut le faire uniquement sur les dommages et intérêts, les autres sur une peine, plusieurs, sur les dommages ou sur tout. Plusieurs parties peuvent faire appel. Une partie qui fait appel a un mois pour se désister. Si le prévenu purge une peine de prison décidée en première instance, on considère qu'il est encore en détention provisoire en attendant l’appel, donc il peut adresser une demande de mise en liberté au greffe de sa taule. Une partie peut faire un appel incident : un appel joint à un autre appel qui est automatiquement retiré si celui auquel il est joint est retiré. Cela permet de mettre la pression à la partie qui a fait appel, souvent la partie civile, en lui faisant courir un risque, qu'elle peut éviter en retirant son appel ;

    • Fichiers

      • Le casier judiciaire recense toutes les condamnations pénales définitives y compris les contraventions de classe 5. Il y a plusieurs niveaux : B1 : uniquement accessible par la justice , B2 : accessible par certaines professions, la fonction publique et les administrations (cas de l’immatriculation d’une société commerciale), B3 accessible par le condamné et ceux à qui il choisit de le communiquer (employeur). Le B3 recense seulement les peines de taule > 2 ans. Le B1 est effacé au bout de 40 ans voire aux 100 ans de la personne… Le B2 et le B3 sont effacés régulièrement par réhabilitation (entre 3 et 10 ans après l'exécution de la peine) ;

      • TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires) : depuis 2014, nouveau nom de STIC-Judex (fichiers de la police et de la gendarmerie) qui est connecté avec Cassioppée (fichier des magistrats). Il regroupe les victimes, les suspects, les prévenus… Ce fichier permet d'utiliser la reconnaissance faciale… Il contient des énonciations de caractéristiques physiques (l’existence d’un tatouage, par exemple). Les victimes y sont conservées pendant 15 ans et peuvent s'en faire effacer avant la fin de ce délai en s'adressant au procureur… Pour les autres, les délais de rétention vont de 5 à 40 ans… La réforme de 2014 a fait augmenté à 40 ans la rétention de tout un tas d'infos… ;

      • FAED (Fichier Automatisé des Empreintes Digitales) : empreintes digitales des 10 doigts des suspects et des détenus + traces & motifs relevés au cours d'enquêtes. La durée de conservation est de 25 ans… On peut s'en faire effacer avant la fin de ce délai en s'adressant au procureur… ÉDIT DU 05/09/2023 : il y a eu de "récentes" évolutions. FIN DE L'ÉDIT ;

      • FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques). Conçu pour contenir l'ADN des délinquants sexuels en 1998, étendu aux vols, aux menaces, aux dégradations et à plein d’autres infractions dès 2003… Il regroupe les suspects, les coupables et d’autres personnes. Durée de conservation : entre 25 (suspects) et 40 ans (coupables)… On peut s'en faire effacer avant ces délais en s'adressant au procureur… En théorie, les empreintes des suspects doivent être effacés s'ils sont innocentés (relaxe, acquittement, non-lieu, abandon des poursuites). Pour savoir si tu dois donner ton ADN ou non, il y a 4 cas :

        • Cas où les flics ne peuvent pas prendre l'ADN de force, mais où le refus est un délit qui vaut risque de taule et d'amende : personnes déclarées coupables (par un tribunal, que les personnes ait été sanctionnées par une peine ou non) ou soupçonnées des crimes et délits mentionnés à l'article 706-55 du Code de procédure pénale (infractions sexuelles, violence, menaces de violence, vol, dégradation, recel, blanchiment, etc., etc.). Si l'on est faiblement soupçonné (raison plausibles de croire que…), alors l'ADN doit être comparé au FNAEG, mais pas stocké. Si l'on est fortement soupçonné (indices graves ou concordants qui laissent à penser que…) alors l'ADN doit être stocké ;

        • Cas où les flics peuvent prendre l'ADN de force (le refus préalable reste sanctionnable) : personnes déclarées coupables (des crimes et délits mentionnés au 706-55 du CPP) avec une peine >= 10 ans de taule ou personnes poursuivies qui ont fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale ;

        • Cas où les flics peuvent prendre l'ADN par la ruse (le refus préalable reste sanctionnable) : personnes déclarées coupables ou soupçonnées des crimes et délits mentionnés à l'article 706-55 du CPP. L'ADN peut être prélevé sur des objets perquisitionnés ou sur des objets / vêtements que la personne détient avec elle en garde à vue ou ceux qu’elle utilise en garde à vue, comme les couverts utilisés lors des repas ;

        • Cas où les flics ne peuvent pas prendre l'ADN de force et où le refus n'est pas sanctionné : tous les autres cas. Exemple : un membre de la famille d'une personne recherchée peut s'opposer au prélèvement ;

        • ÉDIT DU 05/09/2023 : il y a eu de "récentes" évolutions. FIN DE L'ÉDIT.



    Divers :

    • « se constituer partie civile » signifie ajouter une part de civil (un règlement entre personnes) dans un procès pénal (un règlement de compte entre un individu fautif et la société). Cela permet de réclamer des dommages et intérêts (car l'amende n'est pas destinée à la victime, mais au Trésor public) ;

    • En théorie, les enquêtes policières et judiciaires doivent être impartiales : les flics doivent chercher des éléments de preuve et des éléments prouvant l'innocence… Évidemment, c'est un principe tout théorique ;

    • Les mineurs ne sont pas responsables sur le plan civil. Ce sont donc leurs parents (ou tuteurs) qui doivent payer les dommages-intérêts. En revanche, les mineurs sont responsables sur le plan pénal sauf si leur discernement est jugé insuffisant ou inexistant. Les parents ne sont pas responsables sur le plan pénal ;

    • En théorie, « il n'y a point de délit ou de crime sans intention »… Pourtant, des pans entiers du code pénal sanctionnent l'imprudence ou le manquement à une obligation de sécurité ;

    • On peut bénéficier de 20 % de réduction sur une amende (dans la limite de 1500 €) en la payant dans le mois. On peut également demander au fisc un paiement en plusieurs fois ;

    • Les grâces présidentielles du 14 juillet ont disparu lors de la réforme constitutionnelle de 2008. Une grâce présidentielle ne dispense pas de payer des dommages et intérêts ;
    Sun Aug 26 12:24:33 2018 - permalink -
    - https://www.actujuridique.com/2eme-edition
    fiche-lecture
  • Pourquoi faudrait-il punir ? Sur l'abolition du système pénal - éditions tahin party

    Ce livre, sans droit d'auteur, disponible en PDF sur le site web de l'éditeur, nous parle de la nécessité d'abolir la peine de prison et même toute forme de peine, toute forme de système pénal au motif (je simplifie) que la peine est nécessairement inhumaine.

    C'est un excellent ouvrage, j'en recommande vivement la lecture.

    Mes notes ci-dessous.



    Définitions :

    • Compenser un mal par un mal a toujours existé, dans toutes les civilisations humaines. Cela nous vient en partie du châtiment religieux. Évolution : plaire aux dieux en punissant les offenses -> féodalité à la justice imprévisible, car le droit coutumier était de rigueur -> droit écrit -> la peine doit être proportionnée (Cesare_Beccaria, 18e) et socialement utile -> futur = estimation prédictive d'une dangerosité ? ;

    • Il y a 3 grandes justifications de la peine :

      • Légalisme, moralisme et non utilitarisme : la loi c'est la loi, elle exprime une forme de bien universel, il faut punir tout manquement. La peine ne doit avoir aucune utilité que celle d'être une peine ;

      • Individualisme, réalisme et utilitarisme individuel : l'individu éprouve un profond malaise, il faut donc le punir pour expier son malaise par la souffrance et ainsi le faire revenir à un état nominal de socialisation. La peine doit donc être utile et profitable à l'individu (formations en prison, aménagements pour que la prison ne soit pas trop dure, etc.). Les sanctions découlent des droits de l'homme en cela qu'elles humanisent le châtiment. Pour Kant, la raison dépasse les désirs, donc suivre la loi morale qui en découle apporte la liberté à l'individu. La loi consiste donc à faire bénéficier du discernement de tous au mécréant ;

      • Humanisme et utilitarisme social : la fédération d'individus en société nécessite des valeurs communes qui forment une croyance (sociologue Durkheim), donc on doit être puni si l'on refuse de jouer le jeu. La société veut rassurer et récompenser les "bons" : la société les protège des troubles-fêtes. Ainsi, la prison est utile, car elle permet de protéger la société contre les "méchants" par éloignement. Il faut punir afin que l'acte ne se reproduise pas. Mécaniquement, l'individu cherche à échapper à ce poids de la société et aux peines. Cela conduit la société à rechercher une dangerosité innée et à vouloir du prédictif, afin d'avoir la sensation de se protéger toujours plus ;
    • Aujourd'hui, 5 fonctions sont attribuées à la peine : la neutralisation (faire cesser un comportement), l'exemplarité (faire en sorte que le comportement ne soit pas reproduit par d'autres), l'intimidation (afin que l'individu cesse son comportement), l'amendement (l'individu s'améliore, change de comportement) et la rétribution (les personnes au bon comportement se sentent valorisées dans leurs choix et actes par la condamnation d'un déviant).



    Prisons :

    • L'auteure expose ce que j'avais déjà appris dans cet épisode de Datagueule : Prisons : l'écrou et ses vices. Taux de récidive, lieux de radicalisation criminelle, torture par l'ennui, l'intimidation, l'abus de pouvoir, etc. ;

    • On interne de plus en plus de manière abusive pour motif psychiatrique à la fin des lourdes peines dans l'optique de ne pas les libérer afin de préserver la société contre un méchant individu ;

    • Les prisons ne contiennent pas les profils auxquels on s'attend : il n'y avait que 6 % de meurtriers au début des années 2000 dont 3/4 seraient des accidents / impulsifs / passionnels. Il y a beaucoup de violeurs, de voleur et de dealers ;

    • Les gardiens qui réclament d'être masqués et que tout soit pilotable à distance de manière électronique courent vers le danger : en effet, l'absence de contact générera de l’inconnue (donc de la peur) et de la provocation au tabassage. Le fait de ne pas connaître l'autre, sa vie en dehors du pénitencier, permet de lui mettre sur la gueule plus facilement ;

    • Ces dernières décennies, on a augmenté les peines, le public concerné (mineurs et malades psy, par exemple) par une infraction et le nombre d'infractions. La perpétuité et les peines sèches de 20-30 ans ont remplacé la peine de mort. La prison se remplace doucement par des peines tout aussi violentes : contrôle judiciaire, ajournement de peine (la peine est décidée après-coup en fonction du comportement), suivi psycho dans les terribles centres spécialisés, bracelet électroniques, etc. C'est pour ça que, pour l'auteure, il ne faut pas combattre la prison, mais la notion même de peine, sinon un nouveau glissement vers de nouvelles peines sera opéré dès que la prison sera abolie ;



    Pourquoi abolir toute forme de peine ?

    • Qu'est-ce que le bien ? C'est forcément relatif. Qu'est-ce qui est éthique ? La justice est ainsi le processus de mise en conformité de l'individu à la norme sociale établie par la puissance dominante dans la société. Le contrat social n'est pas vraiment consenti par l'individu : il peut ne pas y reconnaître ses valeurs, mais il est quasiment impossible de trouver un pays où toutes les lois nous conviennent ;

    • De même, qu'est-ce qui est juste ? Est-il plus juste de ne rien posséder que de voler le bien d'autrui afin de posséder un peu ? Un criminel peut aussi chercher une forme de justice, de paix intérieure, d'égalité, de liberté, dans l’acte criminel qu’il a commit ;

    • Une peine, c'est l'incarnation d'une lutte impuissante contre l'adversité. On tuait les oracles qui se trompaient dans leurs prédictions pour masquer l'impuissance à agir face "au destin". L'impuissance à endiguer sa colère ou un autre sentiment peut conduire à décocher une baffe impulsive. Un meurtre nous rappelle l'imprévisibilité de la menace et la mortalité humaine et nous nous sentons impuissants, ce que nous ne supportons pas. Une peine nous permet d'expier chez quelqu’un d’autre une frustration née d'une transgression que nous ne nous autorisons pas ;

    • Dans l'acte de punir, il y a toujours une relation de pouvoir, de domination, d'humiliation. Le condamné doit capituler, il doit renier certains de ses faits comme étant externe à l’huamin qu'il est devenu afin d'espérer une libération conditionnelle ou tout autre traitement de faveur ;
    • Il n'existe pas de sanction lorsque l'on trompe son mari ou sa femme. Les deux personnes se pardonnent ou cesse de se voir. Il existe des sanctions lorsque l'on trompe son associé ou un client. On constate qu'il y a une valeur marchande associée à la peine, même si je nuance en disant que ces deux types d'actes ne sont pas forcément de la même gravité. Mais, oui, j'ai toujours trouvé curieux les dédommagements financiers de meurtres… ;

    • Les procès aux assises (ou en comparution immédiate, même si l'auteur n'en parle pas) sont des pièces de théâtre dans lesquelles il faut faire apparaître un criminel au lieu d'un homme. On ignore ses bons côtés, car la foule est là pour jubiler ;

    • La justice entretient et propage la vengeance de pair à pair : la famille du condamné, ses amis, les personnes qui pratiquent les mêmes actes (car elles sentent l'étau se refermer), etc. ;

    • La justice est sélective, surtout en comparution immédiate : les pauvres, les jeunes désorientés par le monde qui les entoure, les opprimés, les malades psychologiques ou sexuels sont âprement condamnés à de la prison. Le reste de la population (cadres, politiciens, criminels en col blanc, etc.) échappe aux sanctions, c'est même un jeu pour ces personnes ;

    • Il existe un précipice entre l'équité à laquelle chacun aspire et le fonctionnement de la justice qui fait fonctionner la machine sociale au détriment de relations libres entre les êtres ;

    • Nous sommes dans une société sadique : on constate une hausse du plaisir de punir en dehors de la justice. Le châtiment est jouissance ;



    Alternatives aux peines :

    • Limiter le nombre de lois. Une loi est éthique (elle va de soi) ou elle est ignorée. J'ai du mal à suivre l'auteure sur ce point : une peine est-il plus juste quand elle venge une loi considérée comme éthique / saine par un plus grand nombre de gens ? C'est très bancal, je trouve ;

    • Prévenir les facteurs sociaux qui sont à la source du crime (misère sexuelle pour les viols, répartition des richesses pour les vols, etc.). Il nous faudrait malgré tout apprendre à vivre avec les quelques délinquants qui se rebelleront contre des injustices que nous n'aurions pas encore constatées et/ou traitées ;

    • Appliquer des solutions matérielles : un rond-point pour forcer les conducteurs à ralentir, une porte blindée et ranger son porte-feuilles dans sa poche de pantalon pour se protéger du vol, etc. Personnellement, je n'ai pas envie de faire ces efforts-là, je veux juste que mon prochain me foute la paix. J'ai pas envie que des infrastructures techniques nous contraignent à bien agir sinon on court à la disparition de la morale humaine (plus d'infras = je vais nawak) et à un transfert de la responsabilité de ce qu'est être un être libre vers des fabricants d'infrastructures qui nous contrôleront afin d’éviter des sanctions ;

    • Apprendre à maîtriser sa violence, à l'exprimer autrement : danse, sport de combat, critique littéraire / cinéma, etc. L'auteur ne le mentionne pas, mais cela peut être mené à bien uniquement si l'on réduit les facteurs sociaux de la violence auparavant ;

    • L'auteure préconise des relations humaines dans le respect, l'attention de l'autre, la compréhension, l'explication en cas de différends, notamment dès l'enfance. Je pense que c'est louable, mais que ça ne protège pas du pire, c'est-à-dire de quelqu'un qui ne pense pas pareil… Autrement dit, cette démarche fonctionne uniquement si tout le monde la pratique. S’il y a des exceptions, des personnes qui ne pratiquent pas, pouf, c'est foutu, tu ne sauras pas les gérer ;

    • Organiser des médiations entre le criminel et la victime ou sa famille, comme ce fût le cas à la fin de l'apartheid en Afrique du Sud ou comme c'est le cas au Canada (on notera que c'est vaguement inefficace puisque l'auteure nous informe qu'il y avait 129 détenus pour 100 000 habitants au Canada au début des années 2000, alors que ce ratio était de 90 pour 100 000 en France).

      • Attention à ne pas trop institutionnaliser ces médiations, sinon ça générera mécaniquement de la violence dès lors qu'un groupe social s'octroiera le droit de réparer le tissu social (on retomberait alors sur le problème de la justice des dominants) ;

      • Comme le reconnaît l'auteure, ces médiations restent dans le registre de la peine puisqu'on y inflige, implicitement une forme de honte / humiliation semi-publique et qu'il faut tout autant y renier ses actes, c'est-à-dire renier une partie de soi et adopter la version de ce qu'est le bien et le mal selon autrui ;

      • Il faudrait remettre au goût du jour les lieux d'asiles qui seraient un refuge pour le criminel en attendant la médiation. Objectif : éviter le justicier sauvage.
    • Supprimer le système pénal ne signifie pas qu'il n'y a plus de justice. Il reste le civil, c'est-à-dire réparer la faute commise, sans y ajouter une peine, sans y ajouter une souffrance pour en soulager une autre. J'ai du mal à concevoir comment réparer un viol ou un meurtre, m'enfin… ;

    • À mon avis, il y a des peines dans tous les domaines de notre vie : réprobation sociale par nos amis ou collègues, marchandage avec nos collègues et notre partenaire, etc. Je pense qu'il va être très difficile de sortir d'un système pénal, fût-il implicite…



    Erreurs :

    • L'auteure utilise à mauvais escient l'adage « nul n'est censé ignorer la loi ». Voir : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/citoyennete/definition/devoirs-definition/que-signifie-nul-n-est-cense-ignorer-loi.html ;

    • L'auteure semble considérer, comme Rousseau, que l'homme naît bon et que c'est la société qui le corrompt. Ainsi, elle voit, à presque juste titre, aucun criminel en puissance, juste des humains qui ont perdu pied compte-tenu de leur passé, du contexte social et d'autres facteurs. Il m'apparaît qu'elle élude quand même les crimes crapuleux mafieux : une même personne qui réitère une série de crimes et de délits, ça existe bel et bien, de même que les meurtres avec préméditation qui vont donc au-delà du crime passionnel ou impulsif…



    Divers :

    • Rousseau était un humaniste, mais il ne peut pas être considéré comme faisant partie du courant des Lumières en cela qu'il refusait la réponse du progrès technique contre tout mal ;

    • Nomenclature des prisons :
      • Maison d'arrêt : courte peine (< 5 ans) ou en attente de jugement. Elles sont situées au cœur des villes. Elles sont dirigées in fine par le puissant lobby des matons ;

      • Centres de détention : peines > 5 ans et < 15 ans ou fin d'une longue peine ;

      • Centrales (une douzaine en France) : les longues peines. Elles, tout comme les centres de détention, sont plus proches du ministère et plus dirigé par celui-ci ;
    Sat Aug 18 17:06:09 2018 - permalink -
    - http://tahin-party.org/baker.html
    fiche-lecture
  • Bitcoin, la monnaie acéphale – Le site de l'ouvrage co-signé par Adli TAKKAL BATAILLE et Jacques FAVIER à propos de Bitcoin.

    Un livre sur Bitcoin : la monnaie numérique sans autorité centrale, son code informatique et son réseau.

    Ce livre est très intéressant, car il démonte nos croyances monétaires, ce qui permet de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons et de ne plus colporter les idioties qui se racontent sur Bitcoin.

    Malgré les efforts des auteurs, vu les références utilisées, ce livre s'adresse tout de même à un public jeune et technophile.

    Ce livre se répète beaucoup, vraiment trop. C'est pénible.

    J'en recommande vivement la lecture.



    Mes notes ci-dessous.

    Croyances monétaires et technologiques :

    • Le bitcoin n'est pas virtuel, il est réel, il existe dans les lois mathématiques, mais il est intangible. Tout comme l'euro ou le dollar : tu ne détiens pas l'argent mentionné sur ton compte bancaire, tu détiens une créance en euros sur ta banque et la croyance que celle-ci pourra toujours l'honorer. Nous ne possédons plus l'argent comme on possédait l'or ;

    • La valeur du bitcoin (c'est-à-dire celle d'un jeton cryptographique) est définie par un marché. Oui, comme celle du dollar ou de l'euro. Entre 1946 et 1971, la valeur d'une monnaie se définissait par rapport à celle du dollar, seule monnaie convertible en or. Depuis que les USA ont renoncé à cette convertibilité du dollar en or en 1971, toutes les monnaies sont dites flottantes : leur valeur est définie sur le marché des changes, elles n'ont plus une valeur intrinsèque ;

    • Le bitcoin n'est pas certifié par un État. Comme les autres monnaies : l'écrasante majorité de la création monétaire (en dollar, en euro, en yen, etc.) provient des crédits accordés par les banques privées. De plus, des monnaies sans banque centrale, sans régulation publique, et gérées par des banques privées ont existées : monnaie privée en Écosse de 1716 à 1846 et au Canada de 1891 à 1934. Les auteurs nuancent : une monnaie a du pouvoir si elle permet de payer le percepteur. Bitcoin ne satisfait pas encore ce critère. Enfin, la politique économique conduite par les États produiront autant d'effet sur Bitcoin que sur le monnaie officielle ;

    • La valeur du bitcoin est garantie par personne. Comme les autres monnaies : les fonds de garanti sont insuffisamment provisionnés pour garantir que personne soit lésé, l'argent des particuliers peut être saisi pour rembourser de la dette (Chypre 2013, directive européenne de 2015 transposée fin 2016 en droit français). De plus, les taux d'intérêts sur les produits d'épargne ne sont pas conçus pour enrichir les épargnants, mais pour conserver la valeur de leur argent à travers le temps. Ces dernières années, le taux d'un livret A est inférieur à l'inflation, l'argent épargné dessus perd donc de sa valeur ;

    • Une banque n'est plus un intermédiaire entre épargnants et empruntant : l'époque des banques de dépôt est révolu, ce n'est pas l'argent de ton voisin que l'on te prête, c'est de l'argent créé ex-nihilo que l'activité industrielle et commerciale transforme ensuite en dépôts dans d'autres banques ;

    • Bitcoin a une masse monétaire finie, donc c'est une monnaie déflationniste, alors que les autres monnaies sont soit inflationnistes (on régule / répare le système en émettant de la monnaie) soit fondantes (cas des monnaies complémentaires, pour éviter que l'argent dorme). Oui, mais la possibilité de diviser un bitcoin sur 10 chiffres permettra de s'adapter. Un peu comme si le prix de l'or s'envolait, on achètait un même bien pour 0,02 g au lieu de 1 g d'or, sauf qu'on ne peut pas réduire infiniment la quantité d'or dans un échange car elle n'est alors plus manipulable facilement ;

    • Bitcoin c'est le mal incarné. L'euro et le dollar ne servent évidemment jamais à acheter de la drogue, des armes, du sexe ni à corrompre des gens. La masse monétaire totale du Bitcoin en 2016 représentait 3 % du trafic de drogue mondial. Autrement dit, même en considérant que tous les usages de Bitcoin étaient malsains, 97 % du trafic de drogue n'était pas payé en bitcoin ;



    Bitcoin :

    • Avant Bitcoin : 1991-1993 : horodatage dans une chaîne cryptographique ; 1997 : conception de la preuve de travail ; essais de crypto-monnaies : digicash, expérimentation de la Citibank, b-money, bitgold, etc. ;

    • Bitcoin est une combinaison de technologies et de mathématiques. Arbre de Merkel (pour grouper les transactions deux à deux et obtenir ainsi un seul condensat représentant toutes les transactions d'un bloc, ce qui permet aux clients légers de vérifier la validité des transactions sans valider l'intégralité de la chaîne de blocs), ECDSA (signature), SHA256 (proof of work), RIPE-MD160 + base58Check (mise en forme d'une adresse), etc. ;

    • Le minage est décentralisé (réalisé par certains), pas distribué (réalisé par tous) ;

    • La proof of work, preuve de travail (résolution d'un problème mathématique difficile), résout l'attaque Sybil (plusieurs identités pour une même personne afin de compromettre le réseau), car l'énergie n'est pas infinie et coûteuse. L'autre mécanisme, proof of stake, preuve d'intérêt (droit de vote contre la possession d'une part de la monnaie), n'a pas encore fait preuve de la même efficacité ;

    • Même si leur nombre est plus limité qu'avec Ethereum, Bitcoin propose quelques smart contracts : adresse mutualisée par plusieurs personnes, payment channels, colored coins (qui permette,t de faire du financement participatif ou de l'acquisition de parts sociales ;

    • Si l'on prend les 3 critères qui définissent ce qu'est une monnaie, Bitcoin s'en sort bien. C'est une monnaie-étalon sur les places de marchés d'échange de crypto-monnaie, mais si ce n'est pas (encore ?) vrai au-delà. On peut payer ses achats partout (via des intermédiaires tout de même), on ne peut pas (encore ?) payer ses dettes, car bitcoin n'est pas vraiment prévu pour cela. C'est une valeur de réserve, car le Bitcoin est rare et inaltérable. En ce sens, il est plus proche de l'or que le dollar ;

    • Quels autres adjectifs conviennent à la monnaie bitcoin ? Intangible (voir ci-dessus), numérique (contrairement aux monnaies tangibles qui n'ont qu'une transcription numérique), accessible (dans les pays en voie de développement, un forfait téléphonique revient moins cher qu'un compte en banque et les frais de transfert pays riche vers pays en voie de développement !), programmable (voir les smart contracts ci-dessus), et, bien sûr, acéphale (sans chef). Les auteurs parlent même de méta-monnaie, car ses usages dépassent les fonctions monétaires habituelles et car elle transforme la notion même de monnaie ;

    • Une arnaque de Ponzi suppose une tromperie permettant d'amener de nouveaux acheteurs en permanence sans quoi le système s'effondre. Bitcoin n'est pas basé sur une tromperie, et sa valeur ne dépend pas de nouveaux arrivants. On peut se dire « mouais, enfin les premiers arrivés quand même bien profiter de l'arrivée des suivants ». Les auteurs répondent : récompense de la prise de risque (laquelle puisqu'il était facile de miner des bitcoins ?!) et actualisation, comme une monnaie épargnée standard. Pour ma part, je pense que Bitcoin transpose notre système inégalitaire de création monétaire et de répartition des richesses ;

    • Bitcoin consomme beaucoup d'électricité afin d'assurer la sécurité du réseau par le mécanisme de proof of work (voir ci-dessous). Les auteurs répondent : moins que les banques. Notamment, les distributeurs automatiques de billets consommeraient plus que le réseau Bitcoin en 2016. Mouais, faudrait comparer le nombre de transactions de chaque (Bitcoin perd largement, exemple). PrimeCoin et GridCoin sont des crypto-monnaies avec des preuves de travail plus utiles : la première identifie de très grands nombres premiers, la deuxième utilise une preuve de travail fournie à la plateforme BOINC qui compte quelques projets utiles.



    Futurs possibles :

    • Des problèmes à résoudre : le pouvoir est détenu par très peu de mineurs et rejoindre la course est impossible sans finances conséquentes ; Bitcoin n'est pas facile à utiliser pour le grand public ; il y a un service bancaire que Bitcoin ne remplace pas : la récupération. Si tu perds ta clé privée, c'est perdu. Si tu perds ton numéro de compte ou ta CB, ta banque te permet de retrouver un accès. Bitcoin permet aussi cela en ajoutant des intermédiaires… ;

    • La taille d'un bloc est limitée, donc le nombre de transactions également. Pour aller au-delà, on peut changer la taille du bloc, mais il faut choisir entre rendre plus égalitaire l'accès à Bitcoin (de gros blocs évitent l'attente et la hausse des frais de transaction) ou rendre plus égalitaire le minage (de gros blocs favorisent les mineurs de bitcoin déjà en position de force car ils seront mieux rémunérés) ;

    • Lightning : réseau en surcouche de Bitcoin, avec des nœuds différents, des transactions en dehors de la blockchain Bitcoin, mais rattachées à la blockchain Bitcoin. Il pourrait permettre un volume de transactions plus élevées ;

    • Sidechains : bloquer des jetons sur une chaîne afin de les jouer sur une autre. Ainsi, une nouvelle monnaie et/ou un nouveau réseau peut disposer de règles différentes tout en assurant sa sécurité grâce à la blockchain Bitcoin ;

    • Rootstock : permettre d'avoir un nombre infini de smart contracts comme Ethereum, mais en utilisant la blockchain Bitcoin. Il s'agit d'une sidechain Bitcoin ;

    • Une blockchain privée est une plaisanterie, même au sein d'un consortium réunissant plusieurs entités. L'aspect privé permet une tricherie interne ou une tricherie par fusion-acquisition au sein d'un consortium ou une entente crapuleuse (comme plusieurs dizaines de banques qui ont manipulé le cours du Libor…).



    Les auteurs commettent quelques erreurs :

    • Bitcoin ne réduit pas les inégalités, mais il les rend plus justes, car l'émission monétaire est basé sur le minage. Mouais… On passe de quelques acteurs qui peuvent émettre de la monnaie (6 groupes en France) à quelques centaines de personnes équipées de matos spécifiques. Qu'il y a-t-il de juste à cela ? Je mine donc je suis ? C'est de la possession matérielle (de matériel dédié) qui permet d'exister dans le monde Bitcoin… ;

    • Le jeton bitcoin est non reproductible et ça serait une première. D'autres tokens cryptographiques ne peuvent être rejoués. C'est là-dessus que repose les parades aux attaques par rejeu. Il n'y a donc rien de nouveau. De plus, un bitcoin existe en plusieurs exemplaires, un dans chaque machine qui participe au réseau, en cela que tous ont une copie de la chaîne de blocs qui permet l'apparition d'un bitcoin en suivant la chaîne. Une règle codée empêche la duplication, le consensus garantit son application ;

    • Les auteurs expliquent que l'on peut avoir confiance en Bitcoin car le code est disponible et il fait la loi. C'est simpliste. Le code peut changer. Les règles de la communauté peuvent changer. Nous l'avons constaté avec The DAO ;

    • De même, les auteurs nous expliquent qu'il n'est pas possible de réécrire le passé, de changer des conséquences financières. Là encore, The DAO met l'inverse en exergue et les auteurs en diront un petit mot dans la partie 3 ;

    • Les frères Winklevoss sont présentés comme co-fondateurs de Facebook ;

    • Bitcoin permettrait d'organiser des votes électroniques plus fréquents. Mouais… Ce sera des votes sans secret du scrutin, alors, même si l'on pourra contourner un flicage de tous les votes en changeant d'adresse…



    Divers :

    • Carte Xapo : carte de paiement qui permet de payer partout avec un compte bitcoin, un intermédiaire de paiement effectue le change automatiquement ;

    • Ethereum a réalisé un financement participatif exclusivement en bitcoin. L'équivalent de 18 millions d'euros à taux de change d'alors ont été récoltés ;

    • Parmi les autres crypto-monnaies, les auteurs citent ByteCoin qui se veut plus égalitaire, car le minage ne peut être optimisé pour des ASIC, et Monero, qui serait vraiment anonyme.



    Via http://www.bortzmeyer.org/bitcoin-acephale.html

    Mon Aug 13 16:04:32 2018 - permalink -
    - https://bitcoinlamonnaieacephale.fr/
    fiche-lecture
  • [ Pour tout résoudre, cliquez ici ] L'aberration du solutionnisme technologique. Evgeny Morozov | FYP Editions - Questions de société - Prospective - Cultures numériques - Nouvelle économie

    Un livre qui cause de l'inconscience technologique (on va résoudre tooooous nos problèmes avec la technologie genre un pad, un wiki, un réseau social !), du réductionnisme que constitue une analyse chiffrée de tout, du paternalisme numérique, mais pas que, qui nous empêche de comprendre le monde et d'interagir avec lui, de la ludification de tout dans l'optique de faire participer le citoyen que l'on dénude de tout sens civique, de nos comportements de rats de laboratoires qui réagissons uniquement à des impulsions constamment renouvelées émises par nos joujous numériques, etc.

    Si je devais résumer ce livre en quatre phrases :

    • « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » ;

    • Il ne suffit pas d'acheter sa nourriture à Biocoop pour résoudre les problèmes de la paysannerie et de la production alimentaire, il faut déconstruire les processus et les structures cachés derrière la jolie façade du supermarché, quel qui soit ;

    • L'inefficacité nous protège de l'inhumanité du taylorisme et des marchés financiers (entre autres) ;

    • La technologie ne devrait pas apporter de réponses fermes, mais plutôt de nouvelles questions, de nouveaux débats, de nouvelles délibérations.

    Bien que ce livre soit pompeux, que son auteur soit excessivement agressif dans la manière de présenter les théories et les auteurs qu'il va tenter de déconstruire, il est rigoureux et sourcé, donc j'en recommande vivement la lecture, notamment aux personnes qui pensent qu'un outil numérique (Wikipedia, Internet, le fact-checking, etc.) peut, en lui-même, en dehors d'une analyse plus poussée, résoudre un problème complexe. Comme ceux qui pensent que l'on peut remplacer les agents de la DGCCRF par une FAQ sur le net : un moteur de recherche ne sait pas analyser une situation et y appliquer des compétences juridiques, il sert uniquement à pointer de l'information. Ce n'est pas le même service. Comme ceux qui pensent traiter les problèmes de solitude, de rejet, de manque de confiance en soi dans les relations amoureuses en vendant des poupées gonflables hyper giga mega réalistes. Ce n'est pas du tout la même chose (sans compter la réduction amour = sexe).

    Mes notes ci-dessous.

    Généralités :

    • L'auteur déconstruit deux courants de pensée qui sont liés : le solutionnisme et le webcentrisme.

      • Solutionnisme : idéologie consistant à vouloir quantifier et optimiser tout problème immédiat, de manière superficielle, sans questionner l'éthique de la solution proposée, sans s'intéresser aux structures (sociales, économiques, politiques, économiques, historiques, etc.) dans lesquelles s'inscrit le problème. Recherche de la perfection, de l'efficacité et d'une récompense immédiate en tout temps, pour toute chose, car l'efficacité est considérée comme étant supérieure à l'éthique. Le tout s'inscrit dans la certitude que nous vivons une époque formidable et unique dans l'histoire qui suffit à justifier la solution incomplète proposée. Le solutionniste voit souvent des problèmes où il n'y en a pas. Exemple : vouloir réduire les conflits et l'inefficacité des systèmes politiques est une erreur, car la vie en commun cause des divergences difficilement arbitrables d'où en ressors une vision arbitraire de la politique menée d'où l'on se sent impuissant. La politique est justement le nom de l'on donne à la manière de débarre et de gérer ces conflits.

      • Webcentrisme (que l'auteur aurait dû nommer « internet-centrisme…) : déterminisme technologique. Idéologie selon laquelle ce n'est pas Internet qui doit être régulé, normé, etc., mais les structures existantes qui doivent évoluer. Inutile de préserver la vie privée, Internet l'a transformé en vestige du passé, il faut faire avec ! Non, les échanges numériques de contenus sous droit d'auteur ne doivent pas être régulés, c'est à l'industrie du disque de s'adapter ! Même chose pour le monde de l'édition ou la politique ! L'auteur n'admet pas que les outils techniques comme Internet soient considérés comme étant figés, sur lesquels les hommes ne pourraient rien, comme si ces outils étaient externes à l'histoire, à la culture et aux pratiques humaines. Le webcentrisme est la croyance en laquelle toute chose doit forcément adopter les caractéristiques que l'on prête à Internet (ouverture, transparence, horizontalité, etc.) sans qu'il y ait besoin de s'interroger, car cela découle naturellement. Pourtant, n'y a-t-il pas des cas où l'horizontalité aide à la prise de décision, étant entendu que l'horizontalité la ralentit ? Même remarque pour les autres qualités prétendument intrinsèques à Internet. L'auteur nous invite à faire la distinction entre ce que permet une technologie et ce que nous en faisons. L'auteur note avec malice que la plupart des qualités que l'on associe à Internet sont fantasmées. L'horizontalité ? Essaye d'envoyer un mail au président de la République ou à un chef d'entreprise : t'auras des intermédiaires humains entre toi et lui. L'ouverture ? Celles des normes pour construire le réseau, oui, mais pas le fonctionnement des entités qui jouent sur le net. Le collaboratif d'égal à égal ? Sur Wikipedia / OpenStreetMap, t'as des petits chefs qui censurent et décident de la ligne éditorial.

    • Selon moi, l'auteur n'est pas technophobe. Comme il l'expose, il est de ceux qui préfèrent la cuisine basse température ou la cuisine moléculaire, qui reposent sur de la technologie (circulateurs thermiques, impression de papier comestible, seringues, etc.) et qui contribuent à perfectionner un art et des pratiques, à une cuisine assistée par une application smartphone voire par un ensemble de caméras qui te corrigent le moindre de tes mouvements afin de les optimiser. De même, je préfère une ville intelligente bardée de capteurs (sous réserve de respect de la vie privée) dans laquelle les capteurs récoltent des informations, mais où la décision de s'il faut changer quelque chose, quoi et comment est prise par les citoyens, pas par une machine.

    • L'auteur déconstruit les "politiques du chiffre". D'abord, car toute donnée, y compris chiffrée, doit être interprétée dans son contexte socio-éco-politique. Que nous dit le taux de présence à l'Assemblée nationale ou le taux de réussite à l'école ou le taux d'incarcérations ? Exemple des tendances Twitter : Twitter a fait des hypothèses sur ce qu'est une tendance dans un échange d'idées. Il a choisi une mesure résultant de son hypothèse, il réalise la mesure puis il diffuse ce qui en résulte. Ce n'est donc pas une analyse statistique de tout ce qui est échangé sur le réseau Twitter, juste le regard au travers d'un filtre prédéfini en amont qui biaise la réalité. On réduit donc la qualité d'une information. Ensuite, car chiffrer ne permet pas de résoudre un problème. On mesure les inégalités, les émissions carbones, la hausse de l'obésité et puis ? On a des chiffres, mais plus de compréhension de notre monde. On ignore ce qui se passe derrière notre arrivée d'eau potable, derrière notre arrivée électrique, derrière la collecte de nos ordures, derrière le mot cloud… Or, ce qui se passe derrière tout ça (les processus, les structures, etc.) pourrait avoir un impact environnemental, bien plus qu'une réduction d'une consommation individuelle. Enfin, les chiffres restent dans le carcan de nos normes. Exemple : pour réduire notre impact environnemental, ne devrions-nous pas remettre en question nos pratiques comme laver notre linge après un unique usage, cesser d'utiliser la clim et changer nos méthodes de construction, etc. au lieu de mesurer et réduire nos consos ? Enfin, les chiffres sont une absence de sens qui nous paralyse : « que faire ?! » Sans compter l'effet trompe-œil : réduire notre consommation de graisse ne dit rien de notre consommation de sel. Réduire notre consommation en eau ne dit rien sur la qualité de la production et de la qualité du circuit de livraison… S'il perd 40 % de la flotte, nos petites économies ne pèseront pas lourd.

    • Pour l'auteur, l'autosuivi avec des capteurs corporels constitue du solutionnisme car c'est basé sur une politique du chiffre et ça ne prend pas en compte le contexte socio-économique. En effet, que fait-on des pauvres ou des malades qui n'ont pas le temps de se mettre à l'autosuivi, car ils font plusieurs jobs pour survivre ? Et s'ils s'y mettent, que vont-ils découvrir ? Qu'ils manquent mal avec trop de graisse, par manque de revenus pour se payer mieux ? Qu'ils ne vont jamais au club de gym car l'adhésion est chère et qu'ils manquent de temps ? L'autosuivi profite aux riches et aux bien portant. Pour les autres, ça sera une prime d'assurance en hausse, une confirmation de leur impuissance en ce monde qui déclenchera peut-être une dépression. Sans compter que les capteurs peuvent relever de la prophétie autoréalisatrice : si les capteurs de qualité du sommeil détectent un truc qui nous a échappé jusque-là, cela peut générer de l'anxiété… à même de causer des troubles du sommeil…

    • Pour déconstruire la prédiction du crime, l'auteur la considère comme une incapacité morale. Elle empêchera le citoyen d'être disposé à l'honnêteté. Elle mettra la morale en pilote automatique. Dès lors, la responsabilité sera transférée au créateur de l'objet qui était censé empêcher ce citoyen de faire une action. Pour se protéger, ce créateur aura tendance a vouloir toujours plus maîtriser et contrôler le citoyen.

    • La mémoire infinie constituera une tyrannie de commodités sociales. L'auteur cite l'exemple d'une personne qui prend toute sa vie en note et en photo (1 toutes les 30 secondes). Lors de l'anniversaire d'un ami, celle-ci s'est senti obligée de faire un discours avec tout un tas de références à des moments vécus avec son ami… C'est quand même la moindre des choses, non, quand on a une bonne mémoire ? Je pense pour ma part que l'on entrera dans une tyrannie du non pardon et de la rancune. La nostalgie ne consiste pas à se souvenir de tout avec précision, mais consiste à sélectionner des moments forts d'un temps révolu et à les déformer.

    • La ludification, c'est-à-dire de faire de toutes les situations du quotidien un jeu avec des récompenses, fera que la réflexion et l'éthique ne détermineront plus la vie politique. Elles seront remplacées par une combinaison d'incitations (et non plus d'arguments) qui seront détournées pour le profit d'un petit nombre de personnes. Cela constitue une fuite de nos responsabilités citoyennes. Deviendrions-nous incapables de résoudre des problèmes qui n'auraient pas étaient transformés en jeu au préalable ? La ludification constitue une coercition douce. L'URSS attribuait des points et des badges aux étudiants afin de les forcer à la récole dans les champs.

    • L'auteur nous parle également des infrastructures de contrôle. Il compare ainsi le métro de New York à celui de Paris. L'architecture de celui de New York est construit pour éviter toute fraude (les portiques sont complets, impossible de jouer à saute-mouton avec). Celui de Paris est plus libre et repose sur des contrôles a posteriori (et un peu de surveillance, l'auteur oubli de le mentionner). L'auteur expose que l'architecture de New York constitue du solutionnisme : elle a était construite dans un but chiffré de rentabilité sans se poser plus de questions. L'auteur trouve cela dangereux car il pense que nous allons devenir incapable d'avoir un bon comportement quand l'infrastructure ne nous y contraindra pas.

    • Au final, l'auteur nous expose qu'aucune des solutions modernes que nous trouvons géniale n'est vraiment innovante. Le LiquidFeedback du Parti Pirate est l'équivalent des réunions des permanences locales d'un parti politique traditionnel, des enquêtes et des sondages qui y circulent pour connaître les sujets d'intérêt de la base. Il faut plus qu'une plateforme comme cela pour politiser les citoyens avant l'action. De même, toute l'action du Parti Pirate, l'idée de croire que les gens peuvent transcender les partis, constituer leurs propres petits groupes pour défendre leurs intérêts particuliers, découle de la philosophie du volontarisme veille de plusieurs décennies. Il n'y a rien de neuf non dans l'autosuivi : Galton comptait et notait les femmes qu'il croisait et son ennui, Fletcher comptait sa mastication pour trouver celle qui serait idéale, etc. Tout ça prend place fin 19e siècle, début 20e… Le télégraphe, la radio, le cinéma et la TV ont aussi étaient perçues comme des manières de communiquer plus, de manière plus ouverte et de partager des cultures différentes, donc de réduire les malentendus entre peuples et ainsi de créer une meilleure humanité… Au final, même ce débat sur la technologie et le déterminisme technologie n'est pas nouveau : Voltaire et Rousseau avait déjà débattu dessus. Rousseau pensait que le progrès est libérateur. Voltaire non. Kant pensait que le progrès technique entraîne forcément un progrès moral, donc qu'il n'y a pas de déterminisme.



    Je pense que l'auteur se trompe sur plusieurs points :

    • Je pense que le besoin de réparer les choses (politique, éducation, culture, transmission du savoir, etc.) est induit par le côté encapacitant d'Internet, de sa structure qui incite à être actif, au faible coût pour intervenir sur le réseau. Ainsi, contrairement à l'auteur, je ne pense pas qu'une culture "je veux réparer le monde" constitue du webcentrisme.

    • L'auteur nous explique que les webcentristes sont des imbéciles, car ils ne voient pas la fin de leur invention. Il prétend que si l'on retournait dans le passé, qu'on informait les bidouilleurs de radios que leur techno sera supplantée, ils réagiraient forcément en mettant fin à leur invention, pas en voulant imposer à tout prix leur invention, comme ce que l'on fait aujourd'hui avec Internet. Je réponds que c'est impossible : Internet et ses caractéristiques leur seraient inconcevables. Nous passerions pour des fous et ils ignoreraient complètement notre tentative de les informer.

    • L'auteur confond parfois les usages qu'Internet peut avoir (casino, La Poste, supermarché, etc.) et ses propriétés (acentré, favorisant l'horizontalité, etc.).

    • L'auteur confond parfois le fait que nous nous engouffrions dans des pratiques technocratiques au motif que c'est nouveau, avec l'envie de tenter des choses. C'est ainsi le cas quand il évoque le parti pirate et sa volonté de faire de la politique autrement.

    • Pour nous faire constater la folie actuelle, l'auteur nous expose qu'il n'y a pas si longtemps encore, l'innovateur était considéré comme un tricheur, comme un hérétique. Je réponds que c'est la conséquence d'un contexte religieux pesant, pas d'une prise de conscience morale des sociétés passées.

    • L'auteur se contredit parfois, notamment quand il expose qu'on ne devrait pas réclamer la transparence pour la transparence, avant de le faire lui-même à propos des algorithmes Facebook qui devraient être connus de tous compte tenu de leur impact sur nos vies, ou quand il expose qu'une démocratie autre que représentative ne peut pas fonctionner car les citoyens ne sont pas omniscients, ils ont autre chose à faire… parce que les politiciens sont plus omniscients, peut-être ?



    Divers :

    • L'auteur confond solutionnisme et avis divergeant. Tout dépend de ce que l'on cherche à obtenir. Exemple : en ce qui me concerne, Yelp (une agglomération de l'avis des foules sur des restaurants) convient beaucoup plus à mes désirs qu'un guide gastronomique. Simplement, car je n'aime pas manger raffiné, je me moque de manger, je mange par nécessité. Suis-je solutionnisme pour autant ?

    • Problème de la démocratie liquide : comment, sur quels critères expertiser l'expert à qui l'on délègue tel ou tel sujet ? Où les trouver ? Celui qui gueule plus fort ? Celui qui est dans la même caste que la mienne ?

    • Automated Insight & Narrative Science pondent des articles de presse automatiques. L'auteur prédit que, bientôt, nous allons avoir des articles personnalisés selon les centres d'intérêt de chacun grâce au pistage. Ainsi, on renie toute volonté de changement, de s'ouvrir d'un citoyen.

    • Le numérique est-il vraiment synonyme de désintermédiation ? On passe d'un réseau de pair voire d'une agence matrimoniale à Meetic. On a ajouté un intermédiaire. On passe certes d'un éditeur+libraire+diffuseur à Amazon+opérateur réseau. On a concentré des fonctions, des rôles dans un même acteur. Sans compter tous les intermédiaires numériques (FAI, hébergeurs, fournisseurs de services)… Pour aller à la librairie, j'utilise une route financée par mes impôts.

    • Il existe des systèmes d'exclusion brutale (que l'on nomme « stratégie du videur ») ou une ambiance d'exclusion (exemple : un restaurant qui choisi sa clientèle par le prix, l'obligation de réserver, l'exigence d'une certaine tenue vestimentaire, des menus raffinés qui dissuadent les gens humbles, etc.). L'auteur cite par exemple les plages américaines réservées à telle ou telle communauté sur lesquelles il n'est quand même pas interdit de tenter de s'intégrer, alors que la stratégie du videur, préventive, ne donne aucun espoir. La stratégie du videur donne plus de contrôle à l'entité qui l'emploie. Dans le monde numérique, le videur a besoin de plus de données sur nous afin de mener à bien son tri.

    • L'auteur expose que le Printemps Arabes a été amoindri par l'horizontalité des militants utilisant Internet, car, quand il a fallut se structurer pour entrer dans le processus d'élection, vlam, le mouvement s'est heurté à son incompétence en la matière et a donc perdu face à des partis déjà très bien structurés pour ce type de combat. Mon avis est qu'il est très réducteur de penser qu'Internet a eu un impact décisif sur le Printemps Arabe, qui était avant tout un ensemble de révolutions conduites par des gens AFK motivés.
    Sun Aug 5 19:31:53 2018 - permalink -
    - http://www.fypeditions.com/resoudre-laberration-du-solutionnisme-technologique-evgeny-morozov/
    fiche-lecture
  • 99 dessins pour ne plus faire de fautes - - Sandrine CAMPESE (EAN13 : 9782360753611), Éditions de l'Opportun : découvrir, rire et surprendre

    Ainsi que 99 nouveaux dessins pour ne plus faire de fautes.

    L'auteure nous propose d'utiliser des dessins mnémotechniques afin de se souvenir de la graphie des mots. J'ai trouvé l'idée originale, d'où ma lecture de ces deux ouvrages. D'autant que je me trouve trop dépendant des correcteurs orthographique et grammatical…

    Ces livres se concentrent essentiellement sur les homophones, c'est-à-dire des mots qui se prononcent de la même façon, mais qui s'écrivent différemment (cession / session, pause / pose, quand / quant, détonant / détonnant, etc.), et sur des mots qui ont une orthographe proche mais un sens différent (exhausser / exaucer, discerner / décerner, collision / collusion, hiverner / hiberner, etc.). On y trouve aussi des rappels de règles d'utilisation des mots (comme le bon usage des verbes apporter un objet / amener une personne ou de naguère / jadis (plus vieux dans le temps) ou le fait que « autre alternative » et « double alternative » sont des pléonasmes), des rappels orthographiques (connexion, accueil, câlin, aborigène, marc de café, acquit de conscience, etc.) voir des rappels concernant des noms propres (Victor Hugo, Simone Weil (philosophe) / Simone Veil (IVG), etc.).

    Ces livres devraient être lu par les opposants à la féminisation des mots et des expressions voire à toute forme d'évolution de la langue. Les nombreuses explications de l'auteure leur montrerait que notre langue a beaucoup évolué, avec de nombreuses guéguerres de linguistes / grammairiens : sens dessus dessous (c'en -> sans -> sens pendant plus de 7 siècles), amende / amande et ancre / encre (qui ont pris l'orthographe de l'autre au fil des siècles), etc.

    Sat Aug 4 12:47:52 2018 - permalink -
    - https://www.editionsopportun.com/produit/82/9782360753611/99-dessins-pour-ne-plus-faire-de-fautes
    fiche-lecture
  • Contre l'état d'urgence - Paul Cassia - Dalloz - Grand format - Dalloz Librairie PARIS

    Ce livre nous propose un bilan de l'état d'urgence qui a été instauré en France entre le 14 novembre 2015 et le 31 octobre 2017.

    Il s'agit d'un bilan à mi-parcours : le livre ayant été publié en 2016, il ne prend pas en compte les derniers dénouements comme la censure constitutionnelle du fait que les préfets pouvaient autoriser les contrôles d'identité + les fouilles de bagages + les fouilles de véhicules sur de longues durées (24 heures renouvelables) et sur de larges zones géographiques (jusqu'à l'intégralité du département), ou le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » qui transpose toujours plus de mesures exceptionnelles de l'état d'urgence dans le droit ordinaire, ou la confirmation que le régime des perquisitions administratives est soi-disant conforme à notre Constitution sauf la copie / saisie de données informatiques qui nécessite une autorisation d'exploitation d'un juge (administratif) et qui ne peut pas être conduite si la perquisition ne permet pas de découvrir des infractions.

    J'avais besoin de ce livre-bilan afin de sortir mon nez du guidon, d'avoir un panorama de tout ce qui a été fait pendant l'état d'urgence, et de m'en souvenir à l'avenir. En cela, ce livre, bien qu'un peu pompeux à lire, atteint son objectif : il donne une vision plutôt claire de tout ce merdier.

    Je retiens : une législation d'exception inutile pour lutter contre le terrorisme, mais qui a bien servi contre des militants, un emballement de tous bords politique pour conduire une course à l'armement législatif, et des autorités de contrôle (Parlement, Conseil d'État, Conseil constitutionnel) dépassées par les événements.

    Ci-dessous, mes notes.

    Généralités :

    • Nous avons entendu beaucoup d' hyperboles (fin de l'état droit, etc.), mais qu'est-ce que l'état d'urgence ? C'est l'ajout et l'activation d'une législation exceptionnelle. L'état de droit est conservé, mais des garanties changent et les mesures répressives sont élargies à tout le monde au lieu d'être cantonnés à des suspects prévus par la loi (fiscalité, immigration, etc.). C'est un nouvel équilibre entre libertés individuelles et ordre public (ce dernier a toujours été privilégié par la France, par tradition). Dès sa création en 1955, les députés sont honnêtes sur la nature de l'état d'urgence : l'état d'urgence institue un état intermédiaire entre la situation normale et l'état de siège. Le second perturbe trop la vie du pays, la première ne permet pas de répondre au climat d'insécurité car le gouvernement est « entravé par le fait que le régime normal dans un pays de liberté a pour fondement le respect strict des droits individuels » ;

    • L'article 15 de la Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée en 1974 par la France, prévoit qu'un État peut déroger aux droits et libertés qu'elle protège en cas de péril tout ça. La France a indiqué au Conseil de l'Europe que l'état de siège, l'article 16 de notre Constitution (plein pouvoir au Président) et l'état d'urgence entre dans ce cadre ;

    • Rappelons qu'il n'y a pas de définition de ce qu'est le terrorisme en droit français ;

    • Les mesures aggravées de l'état d'urgence (perquisitions, fouilles, etc.) sont prises dans un deuxième décret que celui qui instaure l'état d'urgence. Ce deuxième décret précise les territoires d'application de ces mesures aggravées.

    Inefficacité et dérives des mesures utilisées

    • Les mesures les plus utilisées durant l'état d'urgence ont été les perquisitions administratives, les assignations à résidence et les interdictions de séjour. Les deux dernières ont permis de boucler chez eux les contestataires politiques (COP 21, loi Travail). Les premières ont permis aux services de mettre à jour leurs bases de données. C'est pour ça que, dès novembre 2015, un régime de copie des données numériques locales et distantes a été introduit dans la loi. Les attentats contre Charlie et celui du Bataclan ont été organisés depuis la Belgique… À laquelle notre état d'urgence ne s'applique pas… Les terroristes sont venus en France au dernier moment, en mission éclaire. La DGSI l'a déclaré au Parlement : « Il n'y a pas de cellule logistique en France ». À quoi bon les perquisitions, alors ? ;

    • À quoi servent les assignations à résidence ? 81 % des assignés à résidence étrangers en attente de renvoi vers leur pays se font la malle. Durant l'état d'urgence, on a donc bien enfermé des innocents, sinon ils se seraient tiré pour commettre leur acte ou s'enfuir. De même, le couple de policiers tué le 13 juin 2016 à Magnanville était voisin de leur meutrier. L'assassin du curé de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray portait un bracelet électronique, il était dans son délai de sortie de quatre heures par jour et dans son périmètre de sortie (liberté conditionnelle, soupçonné d'appartenir à une association de malfaiteurs en relation avec entreprise terroriste) ;

    • 88 % des perquisitions conduites jusqu'en mai 2016 ont visé des personnes irréprochables sur le plan pénal. 100 % de ses perquisitions n'avaient aucun lien avec le terrorisme ;

    • Et là, dans cette précipitation, il a fallut obéir à une politique des quotas comme le révèle le syndicaliste Alexandre Langlois, en poste aux Renseignements Territoriaux des Yvelines. « Lorsque l'État d'urgence a été décrété, notre chef de service nous a réunis pour nous transmettre les instructions ministérielles. Il nous a dit : « Maintenant, il faut faire des perquisitions administrative en masse. On doit donner au ministère un nombre de perquisitions à faire. Organisez-vous, il nous fait trois objectifs par nuit ! » Les premiers temps, ça allait. Les gens que l'on choisissait étaient des suspects sérieux. Petit à petit, on a fait le tour et le choix des objectifs a été de moins en moins pertinent ». L’état d’urgence s’éternise. Une nouvelle réunion a lieu. « Il nous a été dit : “Là, il faut ralentir la cadence. Il faut qu’on tienne sur le temps médiatique. Alors n’en faites pas trop car après on n’aura plus personne. Désormais, ce sera une perquisition par nuit ! Il faut que ça dure !” Mais, même comme cela, c’est devenu n’importe quoi. Je me souviens que pour l’un des perquisitionnés, cela reposait sur le simple fait qu’au travail, il avait refusé de serrer la main d’une femme mais c’était sa supérieure. Donc peut-être qu’il avait refusé de serrer la main, non pas parce que c’était une femme mais parce qu’il ne s’entendait pas avec son chef. C’est plutôt léger comme soupçon. Notre travail, en principe, c’est de faire la part des choses entre les gens vraiment dangereux et ceux qui ne le sont pas. Les commissariats locaux désignent eux aussi des objectifs à perquisitionner. « Mais, eux, leur filon d’islamistes s’est épuisé encore plus vite que nous, poursuit Alexandre Langlois. Alors pour remplir les quotas, certains ont fini par mettre sur la liste des gens qui n’avaient rien à voir avec l’islam radical ou le terrorisme. Les mauvais coucheurs de leurs circonscriptions, les petits délinquants qui leur pourrissent la vie, ceux insuffisamment condamnés à leur goût, etc. Les collègues des commissariats me racontaient : “Tiens, lui, le juge ne lui a pas mis le compte. Très bien, on va aller péter sa porte.” Voilà, c’est ça, l’état d’urgence. » Plusieurs policiers, dans différents services de renseignement, nous ont confirmé la pertinence très aléatoire des cibles choisies pour les perquisitions nocturnes. Sollicité par mail, le ministère de l’intérieur n’a pas répondu à notre proposition de commenter nos informations. (source)

    • Tout l'arsenal de l'état d'urgence a pour effet de transférer une dangerosité collective, une responsabilité collective vers l'individu. De même, on mélange le comportement passé et des intentions futures présumées pour prendre des mesures de restriction de libertés (c'était déjà le cas lors de l'interdiction du spectacle de Dieudonné en 2014…) ;

    • L'état d'urgence a été appliqué aux départements d'outre-mer alors que les services de renseignement n'avaient pas d'alerte concernant ces localités ;

    • Le championnat de foot, qui a justifié une prolongation de l'état d'urgence pouvait être traité par la loi 2016-564.

    Malgré tout, l'état d'urgence est élargit sans cesse… sans plus de résultats :

    • L'élargissement des mesures répressives a été permanent en moins d'un an. On est passé d'une fouille des bagages autorisée par le procureur à une fouille autorisée par le préfet ; On est passé d'une fouille autorisée pour les véhicules et lieux de transport en commun (loi 2016-339) à une fouille de tout véhicule en tout lieu ; On est passé d'une interdiction de sortie du territoire limitée dans le temps en 2014 à une interdiction renouvelable à l'infini en 2016, etc. ;

    • On a un pêle-mêle de dispositions législatives : geler les avoirs financiers de personnes susceptibles de financer le terrorisme (loi antiterro de 2014) ; sanctionner l'entrave au blocage de site web faisant l'apologie du terrorisme (loi de réforme pénale de 2016) ; utiliser les techniques de renseignement (comme les données de connexion) pour prévenir le maintien d'une association dissoute (article 6.1 de la loi du 3 avril 1955 modifiée par la loi du 20 novembre 2015) ; le ministre de l'Intérieur peut ordonner le filtrage des sites web faisant l'apologie du terrorisme sans avis de la personne qualifiée de la CNIL, avis qui est nécessaire si l'on utilise la LCEN modifiée par la loi antiterro de 2014 (II de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 modifiée par la la loi du 20 novembre 2015) ;

    • Manuel Valls nous a vendu un attentat déjoué avant l'Euro… C'est vrai, mais ce n'est pas grâce aux mesures de l'état d'urgence, mais grâce au travail judiciaire des flics et juges dans le cadre d'une procédure judiciaire. Même chose pour Boulogne-Billancourt-Argenteuil ; La commission d'enquête parlementaire a identifié 10 projets d'attentats entre janvier 2015 et juin 2016, dont 5 se sont déroulés durant l'état d'urgence, et un seul lui semble réaliste (cas de MIK de Tours), bien qu'on lui prête de nombreuses intentions… ;

    • La DGSI et la DGSE ont déclaré au Parlement que toutes les mesures de l'état d'urgence sont inutiles, qu'il faudra utiliser d'autres méthodes pour endiguer le terrorisme. Voir : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20160215/etr.html#toc3 . Elles sont rejointes par la NSA pour indiquer que le chiffrement rend la surveillance de masse de plus en plus inefficace. Voir : Attendats et chiffrements.

    Les autorités de contrôle sont défaillantes :

    • Dès 1999, le Conseil constitutionnel a restreint son interprétation de l'article 66 de notre Constitution qui prévoit que le juge judiciaire est garant des libertés individuelles. Petit à petit, il rattache la vie privée, la liberté d'aller et venir, l'inviolabilité du domicile, la retenue administrative durant une perquisition, la fouille de bagages & véhicules, etc. à d'autres articles Constitution et de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Il fait la différence entre une privation de liberté (qui nécessite un juge judiciaire) et une restriction (qui n'en nécessite pas). Cette différence est parfois contestable : une assignation de 12h (compromis entre les 8h voulu par le gouvernement et les 16h voulues par l'opposition) est une restriction, au-delà ce serait une privation. Ouais, les politiciens ont obtenu ce qu'ils voulaient, quoi.

    • Comme on le constate au point précédent, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont transpiré pour justifier des mesures de l'état d'urgence… Ainsi, les dispositions législatives des perquisitions conduites entre le 14 et le 20 novembre 2015, placées sous le cadre de 1955, étaient illégales. Le Conseil constitutionnel l'a reconnu, mais il a refusé de les abroger, car ça aurait eu des effets démesurés. De même, l'interdiction de sortie du territoire, reconnue constitutionnelle, pourrait ne pas être conforme à la convention européenne des droits de l'homme qui dispose que toute personne peut quitter tout territoire… Le gouvernement craint son illégalité depuis le début… On peut supposer que les abrogations consenties (voir début de ce shaarli) l'ont été avec l'accord du gouvernement ;

    • Dans la loi de 1955, des délais étaient prévus pour que la justice administrative se prononce sur des interdictions de séjour et assignations. Si le délai était dépassé, cela profitait aux victimes de ces mesures : les mesures prenaient fin. Aujourd'hui, on fait confiance aux référé-liberté et référé-suspension… Qui ne s'appliquent pas à tout (notamment pas aux perquisitions qui ne peuvent être suspendues puisque elles sont terminées avant que le juge soit saisi…) et dont le délai prévu par les textes, 48h, est indicatif. Beaucoup de dossiers ont ainsi traîné durant l'état d'urgence…

    • Un juge judiciaire saisi a priori ne pourrait peut-être pas éviter les dérives que nous avons connues, car il sera saisi sur des notes blanches émanant des services de renseignement et il n'aura pas le temps de mener une enquête… Or, ces notes sont bâties exclusivement à charge et pour faire peur. Le livre expose le cas d'une personne accusée de monter des vidéos mettant en scène des référents religieux impliqués dans le djihad, de tenir des prêches à caractère prosélyte prônant l'instauration de la charia et le djihad armé, et de s'être rendu récemment en Syrie… Le juge administratif saisi après coup a constaté que tous ces éléments étaient faux… Ces notes blanches sont difficiles à démonter puisque l'accusé doit prouver ce qu'il n'a pas fait… ;

    • Malgré tout ça, 8 des 9 interdictions de séjour prises à l'encontre de militants anti loi Travail ont été cassées par les tribunaux. De même pour de nombreuses assignations à résidence de militants écolos. Notons l'argument employé devant le Conseil d'État pour justifier les assignations à résidence de militants écolos : leur mouvement contestataire pourrait détourner l'attention des flics, ce qui nuit à la lutte contre le terrorisme donc augmente le risque d'atteinte à l'ordre public…

    Divers :

    • Le fichier des personnes recherchées dont les fiches S sont une sous-section est maintenu par 13 agents, qui ajoutent des fiches suite à des soupçons émis par la famille et/ou les amis. Ces soupçons sont souvent n'importe quoi… ;

    • Un cavalier législatif, c'est-à-dire l'insertion, dans un texte en débat au Parlement, d'une disposition qui n'a aucun lien / rapport avec l'essence du texte en débat ne peut pas être retoqué lors d'une QPC. Seule une saisie du Conseil constitutionnel par le Parlement permet de faire analyser cette disposition…
    Sat Aug 4 12:39:57 2018 - permalink -
    - https://www.librairiedalloz.fr/livre/9782247168750-contre-l-etat-d-urgence-paul-cassia/
    fiche-lecture
  • Livre Surveillance:// de Nitot - C & F Éditions

    Un livre de Tristan Nitot, publié sous une licence libre (CC BY-NC), qui nous cause de la surveillance marchande et étatique des services numériques. Les risques qui pèsent sur nos données personnelles (piratage, constitution d'un dossier à charge à partir de ce que nous publions en ligne afin de nous faire chanter, employé malhonnête, dénonciation de comportements aux autorités par les services numériques selon leur propre morale interne, surveillance étatique) sont très bien exposés. Les pistes évoquées pour éviter de subir tout ça se trouvent dans un consensus acceptable donc atteignable par des débutants… même s'il ne me paraît pas sain d'encenser le modèle économique d'Apple basé sur la vente de matérielle plutôt que la revente en douce de nos données personnelles.

    Je recommande la lecture de ce livre par des débutants.

    Mes notes :

    • Les données personnelles affectent la relation de pouvoir entre un citoyen et l'État et entre un citoyen et une société commerciale qui publie un service numérique. Exemples : comment puis-je avoir confiance en une société commerciale si je ne peux pas comprendre comment elle prend des décisions me concernant ? Comment vais-je réagir face à Facebook qui cachent certains messages de mes amis et m'en montre d'autres sans que je sache pourquoi ? Ces relations déséquilibrées sont frustrantes, car elles créent chez chacun de nous un sentiment de faiblesse et d'impuissance. La surveillance étatique augmente la défiance du citoyen envers l'État.

    • La vie privée est relative à un cercle d'individus : je partage ce que je veux, à qui je veux. En cela, nous avons tous quelque chose à cacher à quelqu'un.

    Je relève quelques fautes :

    • Le GPS ne permet pas de nous localiser. Le positionnement GPS est passif, l'équipement (comme un smartphone) récupère des ondes émises à touuuut le monde par des satellites et effectue une triangulation. Ce sont certaines applications qui font fuiter la position GPS, ce n'est pas une propriété intrinsèque d'un récepteur GPS ;

    • Le croisement des données personnelles de différents citoyens, bien que possible, serait imaginaire. Heeeeeeeeeeeeu… Quand on voit que quelques gros acteurs (Google, Facebook, Amazon, etc.) dominent l'écosystème numérique, c'est évident qu'un tel croisement se fait, juste nous n'en avons pas encore d'illustration, tout comme nous refusions de croire à une surveillance de masse étatique avant que Snowden nous montre les documents qui attestent son existence.
    Fri Aug 3 15:48:16 2018 - permalink -
    - https://cfeditions.com/surveillance/
    fiche-lecture
  • Injuriez-vous ! - Julienne FLORY - Éditions La Découverte

    La quatrième de couverture de ce livre évoque l'analyse des injures (qui « renfermeraient des mystères »). Il n'en est rien, il y a des dictionnaires des injures pour ce faire. Non, ce livre nous expose ce qu'est une injure, dans quel contexte, quelles est sont ces utilités, etc. Malgré cela, ce livre est intéressant.

    Mes notes :

    • Existe-t-il une différence entre insultes et injures ? Il n'y a pas d'accord entre les linguistes. Le droit français reconnaît seulement les injures. Contrairement au juron, l'injure et l'insulte présupposent un destinataire, c'est toute la différence entre un « putain ! » ou « merde ! » (jurons) et « putain, va ! » ou « grosse merde, va ! » (injures). Les injures forment un ensemble de mots et d'expressions plus vaste que les insultes, car elles reposent sur l'interprétation de l'énonciation (« pauvre cloche ! » peut être vu comme une insulte ou comme une injure, car elle ne nécessite pas d'interprétation : « ta mère est plus souvent au bistrot qu'au boulot » est une injure, car il faut interpréter). L'injure peut être perçue comme étant plus intentionnelle que l'insulte dans la volonté de blesser autrui ;

    • Les injures permettent de faire court quand il n'est pas possible d'établir un dialogue sur le temps long. Exemple typique : deux automobilistes s'injurent, car ils n'ont que quelques secondes pour échanger à propos de leur différend ;

    • Les injures reposent sur des tabous, sur des non-dits. C'est pour cela qu'elles sont très souvent à connotation sexuelles. Les injures sont donc des marqueurs de l'évolution de nos sociétés ;

    • Injurier peut être vu comme de l'anti-politesse, c'est-à-dire refuser le langage courant normé pour lui préférer, celui tout aussi normé, des tabous. D'où un petit côté « cool » quand cela est bien fait. De même, l'injure, tout comme le langage courant, permet d'identifier l'appartenance sociale d'une personne. Que dire de l'outrage envers le président de la République (qui n'existe plus depuis 2013) ? Un président peut poursuivre quelqu'un pour outrage tout en étant lui-même couvert de toute procédure pénale ;

    • Injurier peut tout aussi signifier que l'on essaye de s'auto-convaincre de notre propre domination (ce qui explique, là encore, la connotation sexuelle de la majorité de nos injures). C'est le principe même de l'humiliation, objectif recherché des injures. De même, nos peurs transparaissent au travers les injures que nous disons : peur de la passivité (« pédé »), de la crasse (« salope », « grosse merde », « sale chien »), de l'inceste (« va niquer ta mère »), de notre animalité (« fils de chien », « sale chien »), de la liberté sexuelle d'autrui (« pédé », « fils de pute », « salope », « sale chienne »). À ce sujet, voir : « Et tout le monde s'en fout #9 - La salope » ;

    • Une injure prend forme dans un contexte socio-culturel complexe : pays (un « sale chien » n'aura pas d'effet en Angleterre où le chien n'est culturellement pas perçu comme un truc crade qui doit rester en dehors du lieu de vie, « vache, va ! » n'aura pas d'effet en Inde où cet animal est vénéré) voire communauté (un « mange tes morts » ou « nique tes morts » sera perçu comme très véhément dans la communauté Manouche, compte-tenu de leur culture de grand respect des morts), temporalité (« démocrate » était une injure y'a encore 3 siècles), politique (« sale coco » fonctionne mieux aux USA qu'en France), etc. C'est l'habitus, qui doit être partagé entre l'injurieur et l'injurié, qui permet de distinguer ce qui est une injure ou non et de lui donner un sens. De même, des accords tacites ou non entre personnes peuvent rendre caduques des injures (injures sexuelles dans un contexte intime, « negro » quand c'est dit par un Noir, des mouvements sociaux ont repris à leur compte les injures proférées à leur égard, etc.) ;

    • « pédé », diminutif de pédéraste signifiait pédophile. « salope » est la juxtaposition de « sale hoppe », « hoppe » étant le nom lorrain de la « huppe », un oiseau réputé comme vivant dans la crasse. « poulet » vient du déménagement temporaire de la préfecture de Paris durant la Commune (1871) dans une caserne construite sur l'île de la Cité qui est… un ancien marché volaillé, avant que nous transposions aux flics les préjugés que l'on prête aux volailles (manque d'intelligence) ;

    • En droit français, le juge ne recherchera pas la véracité d'une injure, car ce n'est pas le sujet. Notons que la notion d'outrage envers des fonctionnaires met en exergue le fait que notre société considère que la fonction prévaut sur le reste.
    Fri Aug 3 15:07:06 2018 - permalink -
    - http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Injuriez_vous____-9782359250527.html
    fiche-lecture
  • Indignez-vous ! – indigène éditions

    J'ai lu cet ouvrage que tout le monde s'arrachait il y'a 7-8 ans.

    Je le trouve mal écrit (mais après tout, il s'agit de notes prises lors d'une entrevue, ce n'est pas rédigé par Hessel), ça tourne en boucle sans rien argumenter dans l'objectif de justifier un précepte du genre « Indignez-vous, c'est bon pour la société et pour vous-même ». Je reste sur ma faim : pourquoi diable chercherai-je à m'indigner ? Ma vie de peigne-cul est bien, en vrai, non ?

    L'idéal de société d'Hessel semble construit exclusivement sur le programme national de la Résistance qui, selon moi, a fait son temps. Oui, parce que bon, parler de respect de la dignité humaine pour ensuite galérer sur la décolonisation africaine (que ce soit avec le franc CFA/comorien ou la lutte pour l'Algérie algérienne…). Oui, parce que bon, parler de liberté de la presse vis-à-vis de l'État et des puissances d'argent pour ensuite créer le ministère de l'information (avec le sinistre Peyrefitte qui se ramène au journal TV pour exposer sa nouvelle formule dudit journal) puis l'ORTF… Bref, l'écart entre le programme du CNR et ce que ses membres et soutiens en ont fait est notable, d'où ce programme ne me fait pas plus rêver que tout autre programme politicien.

    Néanmoins, je rejoins Hessel sur plusieurs points :

    • Chacun⋅e de nous est responsable à titre personnel de l'évolution de notre monde. On ne peut pas se cacher derrière un quelconque pouvoir ou un quelconque dieu ;

    • L'indifférence est destructrice en cela qu'elle coupe l'élan de l'indignation donc de l'envie de faire des choses ;

    • L'Histoire, et notamment celle occidentale, est une histoire de violences assumées : le productivisme, la financiarisation, le creusement des inégalités, la fuite en avant technologique dépourvue de toute éthique, l'impérialisme qui consiste à civiliser autrui en le bombardant, etc.

    Point philosophie :

    • Hegel pensait que l'histoire de l'humanité a un sens : la liberté de l'Homme progresse étape par étape, les chocs historiques sont des prises en compte de défis nouveaux, mais, à la fin, l'Homme atteint sa liberté complète ;

    • Walter Benjamin pensait que les progrès, et notamment ceux faits par la liberté, la compétition et le "toujours plus", sont un ouragan destructeur. Le sens de l'histoire est un cheminement irrésistible de catastrophe en catastrophe.
    Sun Jul 8 12:22:46 2018 - permalink -
    - http://www.indigene-editions.fr/ceux-qui-marchent-contre-le-vent/indignez-vous.html
    fiche-lecture
  • Insoumission à l'école obligatoire - Catherine Baker - éditions tahin party

    Je suis radicalement opposé à l'école (que ce soit celles de l'éduc' nat' ou celles sous contrat ou celles hors contrat) depuis ma scolarité. À la fin de la version papier du guide d'autodéfense numérique, dans la section « du même éditeur », ce livre de Catherine Baker était référencé. Je m'étais dis que ça serait cool de lire ce que d'autres ont écrit afin de formaliser et affûter mes arguments anti-école.

    Entre temps, j'ai lu le livre-recueil de quelques écrits d'Aaron Swartz (mes notes) dont certains ont l'école comme sujet. Ce dernier se concentre sur les faits historiques pour illustrer que l'école a été conçue, au moins aux États-Unis, comme un moyen de contrôle social au service du patronat. Il effleure aussi la psychologie pour expliquer l'échec de l'école à instruire depuis 2 siècles ainsi que la volonté implicite de domination de celle-ci.

    Dans ce livre, l'auteure étudie le sujet sous les angles de la philosophie, de la morale et de la psychologie. Elle nous y parle de l'école comme lieu de maintien du Système, comme d'un empêchement de l'enfant de réfléchir au monde qui l'entoure et de se construire (ce qui en fera un⋅e citoyen⋅ne passif⋅ve). Tout comme Aaron, elle expose la violence de l'école (domination, humiliation, etc.). Elle réfute les arguments pro-école classiquee "l’école n’est plus comme ça de nos jours !" et "il n'y a pas d'uniformisation puisque il y a la liberté de l'enseignant⋅e". Au final, l'auteur⋅e explique que l'enfant est un adulte à part entière et qu'il ne faudrait pas le considérer comme un être diminué, donc il faut lui reconnaître sa capacité de réflexion, sa liberté totale, sa possibilité de travailler et de baiser, etc. ainsi que de participer aux choix qui construisent son environnement. Ce livre et les écrits d'Aaron sont complémentaires.

    Ce qui manque à ce livre, c'est un contrepoint : ni l'école, ni l'instruction en famille ne sont parfaites, mais l'auteure s'acharne uniquement sur la première. Dans certains chapitres, l'auteure semble réfuter implicitement l'autorité (parfois sous la forme de manipulation pour tromper l’enfant dans ses choix afin de le conduire à faire ce que l'on veut) et la reproduction sociale qui sévit dans certaines (toutes ?) familles. L’auteure n’écrit pas un mot sur le fait que tout le monde n'a pas le temps d'instruire son enfant. De même, tout le monde ne sait pas instruire sans forcer ni vivre en groupe (famille) sans imposer à l'autre. Je n'ose pas croire que la vie des instruit⋅e⋅s en famille est aussi idyllique que celle décrite par l'auteure ("je ne t'ai jamais rien ordonné, on a toujours discuté, sauf une fois où je ne voulais pas que tu achètes des boucles d'oreille", "tu décides librement de tout, d'ailleurs tu vas te coucher bien après moi depuis tes 4 ans").

    Le style littéraire (l'auteure s'adresse à sa fille à travers ce livre) rend certaines pages vraiment pénibles à lire, mais on les repère vite (début/fin de chapitre, par exemple), donc on peut les ignorer. En effet, l'auteure en fait parfois des tonnes sur les dommages que provoquerait l'école sur les enfants et sur les (ir)responsabilités qu'on lui prêtera concernant la non-scolarisation de sa fille. Mais, d'un côté, je comprends cette forte externalisation des sentiments… Après tout, je suis celui qui a écrit, dans un courrier à des élu⋅e⋅s, que « l'école de la République [est] une machine à échecs qui broie des âmes. » et qui assume ces propos. Mais je comprends qu’ils puissent faire peur en apparaissant « too much ».

    Je recommande vivement la lecture de ce livre.



    Quelques notes :

    • L'auteure s'oppose à toute forme d'éducation et de journalisme : la transmission des savoirs devrait seulement se faire en discutant de gré à gré entre personnes égales. Sinon, le rapport de force ne permet pas la remise en question ("tu exagères" "tu as mal interprété", "tu te trompes", "tu oublies de mettre en perspective"), ce qui est possible dans un rapport entre pairs ;

    • L'école est un investissement pour que l'enfant obtienne un rang dans la société productiviste. Ce rang dépend d'un diplôme donc d'un examen qui est en fait un contrôle de conformité de l'individu : on choisit ce qui est utile à la société. Jadis on apprenait le tricot ou la mécanique, aujourd'hui, c'est l'informatique. Il s'agit aussi de transmettre de la morale afin que la société ne s'effondre pas : l'amour de la patrie en 1913, la rentabilité de nos jours (d'où le système de compétition à laquelle ;) ). Jules Ferry (si, si !) disait que l'État s'occupe de l'éducation « pour y maintenir une certaine morale d'État, certaines doctrines d'État qui importent à sa conservation ». Ce n'est donc pas une erreur, l'éducation nationale n'a pas déviée, elle a été conçue comme cela ;

    • La crèche libère les femmes afin qu'elles puissent retourner travailler. Il en va de même pour l'école. Là encore, l'école est un mécanisme pour améliorer la productivité nationale ;

    • Partout, on enseigne de gré ou de force « pour le bien de l'humanité ». Partout, tu trouveras sous toutes les latitudes, les mêmes règles scolaires : on te fait entrer dans le troupeau des gens nés la même année que toi, on t'oblige à écouter quelqu'un, ce quelqu'un que tu n'as pas choisi et qui ne t'a pas choisie est payé pour te mettre, quels qu'en soient les moyens, certaines choses dans le crâne, lesquelles choses sont choisies par les États qui, en fin de course, sélectionnent par les diplômes la place qu'ils t'assignent dans leur société. Ton espace est aussi clôturé que ton temps : tu ne peux participer d'aucune manière à la vie de ceux qui ne sont pas en âge d'être scolairement conscrits.

    • En réalité, l'école est là pour apprendre aux enfants l'autorité, l'oppression, l'obéissance. Apprendre à aire plaisir au maître, puis au prof puis aux parents en montrant son intérêt et en ayant de bonnes notes. Apprendre à se taire, apprendre la servitude (exemple : pour aller aux toilettes, il faut demander la permission… et parfois s'entendre répondre « D'accord, mais en revenant, tu me récites la table de sept, t'avais qu'à prendre tes précautions ! » [ Note : je suis content d'apprendre que je ne suis pas la seule personne au monde à avoir subit ça ! ]). Bref, on apprend ce dont la société a besoin pour se maintenir ;

    • Libérale ou non, l'école postule l'inachèvement de la jeunesse. Elle doit avoir une action « maturante ». Bien sûr, me dit-on, que les fruits de toute façon mûriront, mais ils seront plus beaux si on a mis de l'engrais aux arbres ! Peut-être, mais vos fruits n'ont plus de goût.

    • L'auteure met le doigt sur le fait que les adultes qui défendent l'école obligatoire bec et ongle sont ceux et celles pour qui l'école s'est plutôt bien passée et leur a apporté une position décente dans la société. De même, si l'école s'est plutôt mal passée, mais que la personne a obtenu un rôle décent dans la société, elle considérera que l'école a été un investissement douloureux, mais qu'il en valait la peine. En gros, ceux et celles qui défendent l'école utilisent le même procédé cognitif que les personnes qui défendent un monde libéral sur le plan économique et conservateur sur le reste : ils et elles savent que ce modèle détruit des gens, mais, boarf, qu'est-ce que ça peut faire puisque ce modèle leur a environ bien réussi ? Tu parles d'un argument… ;

    • Il faut garder la jeunesse du vrai savoir (alors on lui donne du savoir « placebo » pour canaliser ses curiosités) afin qu'elle ne rivalise avec ses aînés que sur des sujets sans grand intérêt.

    • L'Éducation nationale croit tout faire pour la réussite des enfants avec ses redoublements, son collège unique, ses filières adaptées, etc. Donc, si t'échoues, c'est que t'es mauvais. On intériorise l'échec donc on fait naître de l’agressivité ;

    • Quand on critique négativement l'école, on s'entend répondre que l'école a bien changé depuis le temps où on y était. En lisant ce livre, on comprend que les grandes lignes et les petits exemples (comme la sanction pour la pause pipi impromptue) n'ont pas changé entre les années 50-60 (scolarisation de l'auteure), les années 1970-1980 (là d'où elle tire ses exemples actualisés), et 1990-2000 (ma scolarité). De plus, oui, on était heureux à l'école, c'est vrai. La satisfaction d'être bien noté est le meilleur moyen dont dispose l'école pour éviter les remises en question de ses méthodes, de son utilité et de son fondement : rien ne fait plus plaisir un⋅e humain⋅e que de satisfaire un⋅e autre humain⋅e. Ainsi, en apprenant, en faisant la pute auprès du prof (comme l'écrit l'auteure), en ayant de bonnes notes, on se récompensait nous-mêmes à travers la satisfaction du corps enseignant. C'est ce qu'on nomme la soumission consentie, très répandue dans notre société ;

    • Le deuxième retour de flammes, quand on critique négativement l'école est que si l'école uniformisait autant de cela, comment se fait-il que lui aime ceci et cela et suit tel courant de pensée alors qu'elle aime cela et ceci et suit tel autre courant de pensée sur un même sujet. [Foucault]( a déjà répondu à tout ça : le système s'en fiche qu'ils y ait quelques profs qui sortent un poil des sentiers battus, qui présentent des choses que le programme ne prévoit pas ou qui disent quelques vérités, car le système n'a pas besoin d'une uniformisation complète, sinon elle se fait démasquée et devient inutile, mais il a besoin d'une soumission à des schémas généraux. Donc, l'école uniformise tout en conservant les singularités nécessaires et suffisante à l'exercice et au maintien de son pouvoir et de celui du système. En revanche, les profs qui vont au-delà, qui tentent quelque chose de dangereux pour le maintien du système (comme ceux et celles qui refusent de noter leurs élèves, exemple choisi par l'auteure) sont mis au placard assez vite ;

    • Les profs, comme tout le monde, sont victimes de l'effet Pygmalion : si quelqu'un croit qu'une personne possède une qualité que l'on recherche (intelligence ou facilité à apprendre des pavés, par exemple), ce quelqu'un changera son attitude et permettra ainsi à la personne de développer la qualité rechercher. Cela signifie donc qu'il faut disposer d'un préjugé favorable de la part du prof si l'on espère progresser… ;

    • On occupe un enfant comme on occupe un pays, pour que ni l'un ni l'autre ne fasse chier le pauvre monde, pour empêcher l'enfant de faire des bêtises, dit-on poliment ;

    • D'une manière générale, l'auteure dénonce la domination de l'adulte sur l'enfant comme si l'adulte connaissait LA grande vérité et qu'il se devait d'y conduire l'enfant. Or, l'enfant n'est pas une embauche ni un projet d'adulte : il est un être total et présent à part entière. L'enfant, comme l'adulte est doté de raison, de volonté, de conscience, de culture, etc. Stop aux remarques déplacées des adultes que les enfants ne peuvent leur retourner par manque d'autorité (arrête de bouge ! mange ! etc.). Stop aux phrases comme « arrête de faire l’enfant ! ». L'enfant doit forcément participer aux choix qui construisent son environnement.

    • Les enfants peuvent travailler. Le travail des enfants ne devraient pas être interdit. Leur exploitation doit l'être, tout comme pour les adultes. Pour éviter que les enfants de familles pauvres ne soient contraints de travailler et donc d'être exploités (puisqu'aucun contrôle n'empêchera l'exploitation étant donné que le rapport de force entre employeur et enfant sera totalement déséquilibré), on peut penser à une allocation individuelle à l'enfant, au salaire de base, etc.

    • Réserver un comportement à une tranche d'âge prédéfini et nommer « régression » les personnes qui le pratique en dehors de cette norme est une idiotie : on ne retourne pas en arrière, on tire de notre expérience passée ce qui est le mieux pour notre avenir. « Si je joue ou que je fais un câlin « comme quand j'étais petite », c'est bien dans mon âge que je le fais, et c'est ma façon, consciente de tout ce qui s'est passée après mon enfance, de vivre au mieux la situation présente. ».

    • L'individualisation de chaque être ne mène pas à une solitude pire. Au contraire, seul l'être humain dégagé de son animalité sociale (de sa bêtise organisée) donne une chance à chacun de vivre dans un monde où peuvent enfin s'aimer des individus délivrés des mécanismes.

    Sun Oct 22 14:27:02 2017 - permalink -
    - http://tahin-party.org/cbaker.html
    fiche-lecture
  • Podemos, la politique en mouvement - ladispute

    Je me posais beaucoup de questions sur le mouvement social espagnol des Indignés et sur Podemos, le parti politique engendré par ce mouvement. J'ai déniché ce livre alors que je flânais dans une librairie…

    Après lecture, je suis toujours aussi mitigé sur Podemos…

    D'un côté, il fait de la politique autrement (populisme de gauche, outils numériques, cercles locaux de réflexion, style vestimentaire populaire au parlement, etc.), il a fait exploser le bipartisme gauche socialiste + droite libérale historique, il a rendu vivante la démocratie participative pendant quelques temps, etc.

    De l'autre, il n'y a rien de neuf dans la formation du mouvement : les fondateurs mouillent dans le milieu intellectuel aisé (coucou, les bobos), les discussions sur les places et les outils collaboratifs ont été utilisés avant Les Indignés, le mouvement s'est très vite compromis pour devenir un parti "classique" (vertical, éloigné de sa base, le mode représentatif remplaçant le mode participatif et les cercles locaux devenant vite des antennes locales du parti, etc.) dans l'optique de remporter les élections (adieu, l'encapacitation citoyenne initiale, adieu élections basées sur des idées, bonjour élections basées sur le charisme et la popularité, etc.).

    Tout ça, tous ces renoncements pour finalement reconduire les partis politiques historiques (PP et PSOE) dans leurs fonctions et se payer une présence locale par-ci, par-là… Le FN fait tout pareil en France… Je crois de plus en plus au plafond de verre qui empêche toute formation politique qui ne fait pas partie du bipartisme, sorte "d’ordre naturel des choses", d'arriver au pouvoir au niveau national. Pour le confirmer, il faut attendre les prochaines élections et vérifier que Podemos s’inscrit durablement dans le paysage politique espagnol.

    Pour résumer : je salue l’immense travail abattu par Podemos, mais je reste déçu : fallait-il vraiment se compromettre, renoncer au participatif pur et à l’encapacitation citoyenne comme premier objectif pour parvenir à ce stade ? Était-il vraiment plus important de tenter de gagner les élections que d’encapaciter les citoyen⋅ne⋅s ? Ce faisant, n'a-t-il pas perdu son utilité (encapaciter les citoyen⋅ne⋅s) ? Une démarche puriste n'était-elle pas envisageable pour parvenir au même point ?

    J'aime beaucoup ce livre, car il ne se contente pas de présenter les Indignés / Podemos, mais il présente aussi le contexte politique et social qui a permis l'émergence et la croissance de Podemos. Il décrit Podemos comme un grain de sable dans un ensemble plus vaste. Il reste relativement honnête sur les apports et les résultats de Podemos.

    J'en recommande vivement la lecture.



    Quelques notes :

    • Contexte international qui fait naître les Indignés / Podemos : la crise grecque et l'évidence que l'Espagne sera la suivante, le référendum constitutionnel islandais, le Printemps arabe, les crises portugaise et chilienne ;

    • Contexte national (liste non ordonnée) :

      • La crise économique et sociale qui fait exploser le chômage et la misère et illustre la corruption des élites qui continuent à renflouer les banques, qui continuent de jouer aux portes-tournantes (aller-retour entre responsabilités politiques et poste grassement payé au sein du CA d'entreprises qu'elles ont privatisés durant leur mandat), qui continuent de détourner des fonds publics, notamment les fonds de préretraite censés venir en aide aux victimes de licenciement économiques, financement douteux/illégaux des partis politiques traditionnels, etc.

      • 4 crises de confiance : la guerre d'Irak (qui fait prendre conscience du fossé qui sépare le peuple et les élites gouvernantes), les attentats islamistes de 2004 (après lesquels le gouvernement ment ouvertement en accusant l'ETA dans le but de se maintenir et de remporter les élections qui approchent, ce qui suppose que le bon peuple ne fasse pas le lien entre cet attentat et l'engagement de l'Espagne en Irak), crise du logement (bulle immobilière découlant d'une loi de 1998 rendant tout terrain constructible par défaut, sans l'avis de la mairie, ce qui entraîne de l'investissement et de la construction en masse), et loi Sinde (HADOPI-like, qui fait naître le militantisme en ligne sur lequel s’appuiera Podemos) ;

      • Rupture du consensus autour du régime de la Transition. À la chute du francisme, il a fallut négocier un accord entre francistes et républicains pour, soi-disant, éviter une guerre civile. Nouvelle Constitution, réforme économique, amnistie des bourreaux. Tout ça n'a jamais été remis en question pendant 30 ans, toutes les décisions politiques étaient justifiées par ce "nouvel ordre national", par ce récit national.
    • Face à tout ça, il y avait déjà eu des mouvements sociaux d'occupation de l'espace public et des places, des défilés au son de casseroles, des plateformes citoyennes en ligne, etc.

    • Début (vers 2008-2009) : des enseignants-chercheurs veulent expérimenter de nouveaux lieux de débats et acceptent de créer et d’animer une émission sur une chaîne TV locale (2010). Objectifs : discuter en dehors des sentiers battus et formater le discours pour donner du sens aux idées ;

    • Suite aux mouvements sociaux découlant des événements listés aux points précédents, ces mêmes intellectuels décident de tenter de convertir l'indignation générale en changement politique lors des élections européennes de 2014. C'est la naissance de Podemos. Ce parti répond à un appel d'air, à un besoin : les cercles locaux se sont créés dès la publication du manifeste et avant l'officialisation du parti (sauf dans les régions dans lesquelles d'autres projets de gauche forte existaient antérieurement, comme en Galice). ;

    • Fonctionnement de Podemos :

      • Outils : pads, agora voting (discuter et voter), reddit, l'institut 25M pour la démocratie (proposer des textes de réflexion, des analyses de fond, des débats, faire naître et entretenir un mouvement de pensée critique, etc.), etc. ;

      • Discours : « populisme de gauche » (comme Ruffin) : construire des identités fortes pour fédérer la caste : "ceux d'en bas versus ceux d'en haut", "riches contre pauvres", etc. Reformuler la lutte des classes façon Marx, en somme. Je m'interroge : est-ce ce discours qui attire (il n'est pourtant pas nouveau…) ou l'affect, le fait de se sentir concerné (étant donné les retombées espagnoles de la crise économiques de 2008…) couplée à l’absence d'une extrême-droite espagnole forte et structurée au plan national ?

      • Financement par des dons, des petits prêts et le financement participatif (pour l'achat d'une fourgonnette ou la location d'une salle de meeting, par exemple) afin de ne pas subir de pressions politiques des banques qui, en général, exigent du parti vainqueur des mesures législatives ou réglementaires en échange d'une remise de dette ou d’un refinancement de celle-ci.
    • Limites de Podemos :

      • Podemos s'est très vite compromis dans l'espoir de remporter les élections : Pablo Iglesias renonce à son look habituel pour ne pas faire fuir les votant⋅e⋅s potentiel⋅le⋅s ; Le visage d'Iglesias est imprimé sur les bulletins de vote pour bénéficier de sa popularité (acquise avec l'émission TV, voir points précédents) au lieu du logo du mouvement, comme la base le voulait ; Délai trop court (1 semaine) pour présenter des listes de candidats (avec un programme), ce qui entraîne le choix forcé de la liste conduite par Iglesias… ; Ce ne sont plus les idées qui percent mais le charisme et la popularité médiatique de ceux qui les défendent… ; Jeu des alliances (et donc dissolution des idées) afin d'espérer gouverner ; etc. ;

      • Le fonctionnement démocratique au sein de Podemos change aussi du tout au tout durant les campagnes électorales. Le débat entre « on est là pour gagner » et « on est là pour encapaciter les citoyen⋅ne⋅s et accessoirement pour gagner » fait rage. Finalement, c'est la verticalité, les chef⋅fe⋅s élu⋅e⋅s qui l'emporte. Iglesias dira : « Le ciel ne se prend pas par consensus, le ciel se prend d’assaut »… Aucune chance que les mesures permettant à la base de se faire entendre, comme le référendum, puissent être activées, étant donné les seuils imposés dans les statuts… Podemos perd son aspect participatif pour devenir représentatif. Certes, moins que tout autre parti politique, mais quand même… Dommage… ;

      • La caste (la minorité de gens qui vit bien) dénoncée par Podemos, c'est aussi Podemos. Le parti est tenu par des intellectuel⋅le⋅s et des enseignant⋅e⋅s-chercheur⋅se⋅s (qui représentent une petite frange de la population), par des consultant⋅e⋅s, etc. qui ont des beaux trains de vie (exemple : le numéro 3 de Podemos fût consultant pour le Venezuela de Maduro et fût rémunéré 425 000 € … … …). Cela sera utilisé par les vieux partis pour tenter d’illustrer que Podemos est tout autant de la veille politique qu’eux ;
    • Pour décrédibiliser Podemos durant les campagnes électorales, les vieux partis joueront la partition habituelle : assimiler Podemos à la dictature de Maduro (à cause des activités du numéro 3 de Podemos, lire ci-dessus), flinguer, au niveau de l'UE (le PP, parti au pouvoir est, à ce titre membre du Conseil de l'UE ;) ) les initiatives de refinancement de la dette grecque initié par SYRIZA afin de dénoncer le manque de sérieux politique d’un projet politique identique en Espagne, assimilation à l'ETA quand Podemos dénonce simplement les conditions d'enfermement loin de leur famille des membres d'ETA… ;

    • Stratégie et résultats électoraux :

      • Élections européennes 2014 : 5/54 sièges ;

      • Élections municipales 2015 : Podemos fait le choix de soutenir des candidatures locales auto-organisées, car il est impossible de vérifier le passé de 8 000 maires et de 67 000 conseillers et si un⋅e seul⋅e candidat⋅e corrompu⋅e passe, la réputation du mouvement en prendrait un coup. De plus, la logistique est intenable au niveau national, il faut de l'activisme local. Grace à cette stratégie et au mode de scrutin (la personne arrivée 2e aux élections peut être maire), Podemos devient le troisième parti ;

      • Élections générales 2015-2016 : 20 % des sièges. Podemos provoque la fin du bipartisme historique. Aucune majorité ne se dégage pour obtenir le quorum pour nommer le président du gouvernement, ni une alliance PP + Ciudadanos, ni une alliance PSOE + Podemos + Izquierda Unita. Aux nouvelles élections forcées, PP + PSOE l'emporte, reformant ainsi la coalition gouvernementale historique, signe que rien ne changera d’aussi tôt en Espagne… Notons toutefois que Podemos a réuni la même proportion de voix que le PSOE historique ;
    • La citation approximative de la fin : le pouvoir réside là où les Hommes croient qu'il réside. C'est une ombre : une petite personne peut avoir une ombre imposante.
    Sat Oct 21 13:49:58 2017 - permalink -
    - https://ladispute.atheles.org/changerlapolitique/podemoslapolitiqueenmouvement/
    fiche-lecture
  • Rien à déclarer ? Si ! Les droits de l'Homme, Collectif, Hors collection

    Alors que je cherche toujours à approfondir ma compréhension des droits de l'Homme (origine, contexte, signification, justifications philosophiques, etc.), je suis tombé sur l'accroche de ce livre qui se propose d'illustrer la déclaration des droits de l'Homme (celle de l'ONU, en 1948) avec des dessins et des sélections de textes.

    Les dessins présents dans le livre sont plutôt réussis : ils transmettent de l'émotion et/ou se montrent critiques sur l'application effective de tel ou tel droit ou liberté. L'absence d'explication de fond des articles de la Déclaration est un manque patent. Les textes d'illustration permettent de se forger une opinion, mais ils manquent de diversité : les corpus proposés pour un article de la Déclaration vont souvent dans le même sens et des auteurs reviennent très très très souvent. D’autres textes sont plutôt méconnus donc il est intéressant de les trouver ici.

    Bref, c'est un livre que l'on peut lire, mais sans plus.



    Quelques notes :

    • La Déclaration n'a aucune valeur juridique, elle ne prévoit aucune sanction, aucune obligation, rien. En la lisant, on comprend pourquoi : elle protège tant de choses qu'il n'y a pas une démocratie moderne qui la respecte entièrement (ni à moitié, ni même à 1/4, d'ailleurs :- )…

    • Les libertés et droits fondamentales sont protégés contre les abus des pouvoirs par un régime de droits ;

    • La liberté s'exprime dans le rapport aux autres, dans la vie en société (Hannah Arendt) :

      Nous prenons conscience d'abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce avec d'autres, non dans le commerce avec nous-mêmes. Avant de devenir un attribut de la pensée ou une qualité de la volonté, la liberté a été comprise comme le statut de l'homme libre, qui lui permettrait de se déplacer, de sortir de son foyer, d'aller dans le monde et de rencontrer d'autres gens en actes et en paroles. Il est clair que cette liberté était précédée par la libération : pour être libre, l'homme doit s'être libéré des nécessités de la vie. Mais le statut d'homme libre ne découlait pas automatiquement de l'acte de libération. Être libre exigeait, outre la simple libération, la compagnie d'autres hommes, dont la situation était la même, et demandait un espace public commun où les rencontrer — un homme politiquement organisé, en d'autres termes, où chacun des hommes libres pût s'insérer par la parole et par l'action.


    • L’égalité naît du caractère identique de nos existences, elle disparaît avec la vie en société et renaît par les lois (Louis de Jaucourt) :

      L'égalité naturelle ou morale est donc fondée sur la constitution de la nature humaine commune à tous les hommes, qui naissent, croissent, subsistent et meurent de la même manière [ NDLR : malgré des différences biologiques ]. […] je connais trop la nécessité des conditions différentes, des grades, des honneurs, des distinctions, des prérogatives, des subordinations, qui doivent régner dans tous les gouvernements ; et j’ajoute même que l’égalité naturelle ou morale n’y est point opposée. Dans l’état de nature, les hommes naissent bien dans l’égalité, mais ils n’y sauraient rester ; la société la leur fait perdre, et ils ne redeviennent égaux que par les lois.


    • Les droits et libertés fondamentales sont l’idéal à atteindre et les limites à ne jamais dépasser alors que la loi est une implémentation imparfaite à un instant T (Victor Hugo) :

      Le droit et la loi, telles sont les deux forces ; de leur accord naît l’ordre, de leur antagonisme naissent les catastrophes. Le droit parle et commande du sommet des vérités, la loi réplique du fond des réalités ; le droit se meut dans le juste, la loi se meut dans le possible ; le droit est divin, la loi est terrestre. Ainsi, la liberté, c’est le droit ; la société, c’est la loi. De là deux tribunes ; l’une où sont les hommes de l’idée, l’autre où sont les hommes du fait ; l’une qui est l’absolu, l’autre qui est le relatif. De ces deux tribunes, la première est nécessaire, la seconde est utile. De l’une à l’autre il y a la fluctuation des consciences. L’harmonie n’est pas faite encore entre ces deux puissances, l’une immuable, l’autre variable, l’une sereine, l’autre passionnée. La loi découle du droit, mais comme le fleuve découle de la source, acceptant toutes les torsions et toutes les impuretés des rives. Souvent la pratique contredit la règle, souvent le corollaire trahit le principe, souvent l’effet désobéit à la cause ; telle est la fatale condition humaine. Le droit et la loi contestent sans cesse ; et de leur débat, fréquemment orageux, sortent, tantôt les ténèbres, tantôt la lumière. […] La persistance du droit contre l’obstination de la loi ; toute l’agitation sociale vient de là.


    • La loi doit encadrer, pas aller à l'encontre des droits et libertés fondamentaux (Marx et Engels) :

      Que les droits de l'homme ne délivrent pas l'homme de la religion, mais lui offrent la liberté religieuse ; qu'ils ne le délivrent pas de la propriété, mais lui offre la libre propriété ; qu'ils ne le délivrent pas du sordide gagne-pain, mais lui accordent au contraire la liberté de la profession.


    • À propos des exilé⋅e⋅s (Albert Camus) :

      Ils éprouvaient ainsi la souffrance profonde de tous les prisonniers et de tous les exilés, qui est de vivre avec une mémoire qui ne sert à rien. Ce passé même auquel ils réfléchissaient sans cesse n'avait que le goût du regret.


    • Sur le jugement des actes et la présomption d'innocence :
      • Souei-chou :

        Diriger les subordonnés avec simplicité, gouverner le peuple avec générosité. La punition n'atteint pas les descendants, les récompenses s'étendent aux héritiers. Pardonner les erreurs, quelle que soit leur gravité ; punir les crimes intentionnels, quelque légers qu'ils soient. Traiter comme légers les crimes dont la gravité est douteuse et comme grands les mérites dont l'importance n'est pas évidente. Il vaut mieux négliger une irrégularité que de tuer un innocent.

      • Cesare Beccaria :

        Quel est donc le droit, si ce n’est celui de la force, qui peut donner à un juge le pouvoir de faire subir un châtiment à un citoyen, alors qu’on est encore dans le doute quant à sa culpabilité ou à son innocence ? Le dilemme n'est pas nouveau : ou le délit est certain, ou il ne l'est pas ; s'il est certain, il ne faut pas lui appliquer d'autre peine que celle qu'ont fixée les lois, et la torture est inutile, puisque l'aveu du coupable n'est plus nécessaire ; s'il est incertain, on ne doit pas torturer un innocent, puisque tel est, selon la loi, un homme dont les délits ne sont pas prouvés.


    • Sur l'importance des voyages, de la découverte d'autrui, de la mixité culturelle :
      • François-Jacques Deseine :

        Tant il est vrai qu'on est persuadé que les voyages forment le jugement et perfectionnent l'homme, qu'on prétend être comme ces plantes qui ne peuvent porter de bons fruits qu'après avoir été transplantées.

      • Nicolas Bouvier :

        Certains pensent qu'ils font un voyage, en fait, c'est le voyage qui vous fait ou vous défait.

      • Victor Serge :

        Il élargit la vision du monde et la connaissance des hommes, ; il dissipe les brouillards des conformismes et des particularismes étouffants ; il préserve d'une suffisance patriotique qui n'est en vérité que médiocre contentement de soi-même.


    • Sur la propriété :
      • Denis Diderot :

        C'est la propriété acquise par le travail, ou par droit de premier occupant, qui fit sentir le premier besoin des lois. Deux hommes qui semèrent chacun un champ, ou qui entourèrent un terrain d'un fossé, et qui se dirent réciproquement : Ne touche pas à mes graines ou à mes fruits et je ne toucherai pas aux tiens, furent les premiers législateurs.

      • John Locke :

        Celui qui se nourrit des glands qu'il a ramassés sous un chêne, ou des pommes qu'il a cueillies aux arbres d'un bois, se les est certainement appropriés. Personne ne peut nier que ces aliments soient à lui. Je demande donc : Quand est-ce que ces choses commencent à être à lui ? Lorsqu'il les a digérées, ou lorsqu'il les a mangées, ou lorsqu'il les a fait bouillir, ou lorsqu'il les a rapportées chez lui, ou lorsqu'il les a ramassées ? Il est clair que si le fait, qui vient le premier, de les avoir cueillies ne les a pas rendues siennes, rien d'autre ne le pourrait. Ce travail a établi une distinction entre ces choses et ce qui est commun; il leur a ajouté quelque chose de plus que ce que la nature, la mère commune de tous, y a mis ; et, par là, ils sont devenus sa propriété privée. Quelqu'un dira-t-il qu'il n'avait aucun droit sur ces glands et sur ces pommes qu'il s'est appropriés de la sorte, parce qu'il n'avait pas le consentement de toute l'humanité pour les faire siens ? Était-ce un vol, de prendre ainsi pour soi ce qui appartenait à tous en commun ? Si un consentement de ce genre avait été nécessaire, les hommes seraient morts de faim en dépit de l'abondance des choses [...]. Nous voyons que sur les terres communes, qui le demeurent par convention, c'est le fait de prendre une partie de ce qui est commun et de l'arracher à l'état où la laisse la nature qui est au commencement de la propriété, sans laquelle ces terres communes ne servent à rien. Et le fait qu'on se saisisse de ceci ou de cela ne dépend pas du consentement explicite de tous. Ainsi, l'herbe que mon cheval a mangée, la tourbe qu'a coupée mon serviteur et le minerai que j'ai déterré, dans tous les lieux où j'y ai un droit en commun avec d'autres, deviennent ma propriété, sans que soit nécessaire la cession ou le consentement de qui que ce soit. Le travail, qui était le mien, d'arracher ces choses de l'état de possessions communes où elles étaient, y a fixé ma propriété.


    • Il n'y a point de sociétés sans croyances communes (Alexis de Tocqueville) :

      Les croyances dogmatiques sont plus ou moins nombreuses, suivant les temps. Elles naissent de différentes manières et peuvent changer de forme et d’objet ; mais on ne saurait faire qu’il n’y ait pas de croyances dogmatiques, c’est-à-dire d’opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Si chacun entreprenait lui-même de former toutes ses opinions et de poursuivre isolément la vérité dans des chemins frayés par lui seul, il n’est pas probable qu’un grand nombre d’hommes dût jamais se réunir dans aucune croyance commune. Or, il est facile de voir qu’il n’y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances semblables, ou plutôt il n’y en a point qui subsistent ainsi ; car, sans idées communes, il n’y a pas d’action commune, et, sans action commune, il existe encore des hommes, mais non un corps social. Pour qu’il y ait société, et, à plus forte raison, pour que cette société prospère, il faut donc que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales ; et cela ne saurait être, à moins que chacun d’eux ne vienne quelquefois puiser ses opinions à une même source et ne consente à recevoir un certain nombre de croyances toutes faites. Si je considère maintenant l’homme à part, je trouve que les croyances dogmatiques ne lui sont pas moins indispensables pour vivre seul que pour agir en commun avec ses semblables.


    • Sur la liberté d'expression :
      • Jean-François Revel :

        Rappelons-le : dans l'acception du dictionnaire, on est intolérant quand on combat des idées contraires aux siennes par la force, et par des pressions, au lieu de se borner à des arguments. La tolérance n'est point l'indifférence, elle n'est point de s'abstenir d'exprimer sa pensée pour éviter de contredire autrui, elle est le scrupule moral qui se refuse à l'usage de toute autre arme que l'expression de la pensée.

      • John Stuart Mill :

        Si tous les hommes moins un partageaient la même opinion, et si un seul d’entre eux était de l’opinion contraire, la totalité des hommes ne serait pas plus justifiée à imposer le silence à cette personne, qu’elle-même ne serait justifiée à imposer le silence à l’humanité si elle en avait le pouvoir. Si une opinion n’était qu’une possession personnelle, sans valeur pour d’autres que son possesseur, et si le fait d’être gêné dans la jouissance de cette opinion constituait simplement un dommage privé, il y aurait une certaine différence, suivant que le dommage serait infligé seulement à peu ou beaucoup de personnes. Mais le mal particulier qui consiste à réduire une opinion au silence revient à voler le genre humain : aussi bien la postérité que la génération présente, et ceux qui divergent de cette opinion encore plus que ces détenteurs. Si l’opinion est juste, ils sont privés de l’opportunité d’échanger l’erreur contre la vérité ; si elle est fausse, ils perdent un avantage presque aussi grand : celui de la perception plus claire et de l’impression plus vive de la vérité, que produit sa confrontation avec l’erreur.


    • Les libertés, c'est bien tant que ça ne dérange pas les personnes dominantes de la société (Pierre Kropotkine) :

      Voilà à quoi se réduisent ces soi-disant libertés politiques. Liberté de la presse et de réunion, inviolabilité du domicile et de tout le reste, ne sont respectées que si le peuple n'en fait pas usage contre les classes privilégiées. Mais, le jour où il commence à s'en servir pour saper les privilèges - ces soi-disant libertés sont jetées par-dessus bord.


    • Sur l’intérêt de la sécurité sociale :
      • Ordonnance de 1945 :

        La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère.

      • Nicolas de Condorcet :

        Il existe donc une cause nécessaire d’inégalité, de dépendance et même de misère, qui menace sans cesse la classe la plus nombreuse et la plus active de nos sociétés. Nous montrerons qu’on peut la détruire en grande partie, en opposant le hasard à lui-même ; en assurant à celui qui atteint la vieillesse un secours produit par ses épargnes, mais augmenté de celles des individus qui, en faisant le même sacrifice, meurent avant le moment d’avoir besoin d’en recueillir le fruit. […] C’est à l’application du calcul aux probabilités de la vie et aux placements d’argent que l’on doit l’idée de ces moyens, déjà employés avec succès, sans jamais l’avoir été cependant avec cette étendue, avec cette variété de formes qui les rendraient vraiment utiles, non pas seulement à quelques individus, mais à la masse entière de la société qu'ils délivreraient de cette ruine périodique d’un grand nombre de familles, source toujours renaissante de corruption et de misère.

      • Robert Castel :

        Il faut rappeler avec fermeté que la protection sociale n'est pas seulement l'octroi de secours en faveur des plus démunis pour leur éviter une déchéance totale. Au sens le plus fort du mot, elle est pour tous la condition de base pour qu'ils puissent continuer d'appartenir à une « société de semblables ».

      • Organisation Internationale du Travail :

        L’erreur principale de l’époque fut de persister à croire que, si les travailleurs étaient livrés à eux-mêmes, ils feraient preuve de suffisamment d’imagination pour s’assurer individuellement ou par l’intermédiaire de dispositions collectives volontaires. L’erreur aurait dû être évidente. Les travailleurs étaient tellement absorbés à survivre au jour le jour qu’ils avaient à peine le temps de considérer les éventualités lointaines. Subvenir aux dépenses du jour avait la priorité sur épargner pour demain. Ils n’avaient pas non plus d’argent disponible en cas de maladie ou de chômage.


    • Sur la valeur du temps dans le contexte du travail (Jean Baudrillard) :

      Le repos, la détente, l'évasion, la distraction sont peut-être des « besoins » : mais ils ne définissent pas en eux-mêmes l'exigence propre du loisir, qui est la consommation du temps. Le temps libre, c'est peut-être toute l'activité ludique dont on le remplit, mais c'est d'abord la liberté de perdre son temps, de le « tuer » éventuellement, de le dépenser en pure perte. (C'est pourquoi dire que le loisir est « aliéné » parce qu'il n'est que le temps nécessaire à la reconstitution de la force de travail - est insuffisant. L'« aliénation » du loisir est plus profonde : elle ne tient pas à sa subordination directe au temps de travail, elle est liée à l'impossibilité même de perdre son temps. La véritable valeur d’usage du temps, celle qu’essaie désespérément de restituer le loisir, c’est d’être perdu. Les vacances sont cette quête d’un temps qu’on puisse perdre au sens plein du terme, sans que cette perte n’entre à son tour dans un processus de calcul, sans que ce temps ne soit (en même temps) de quelque façon « gagné ». Dans notre système de production et de forces productives, on ne peut que gagner son temps : cette fatalité pèse sur le loisir comme sur le travail. On ne peut que « faire valoir » son temps, fût-ce en en faisant un usage spectaculairement vide. Le temps libre des vacances reste la propriété privée du vacancier, un objet, un bien gagné par lui à la sueur de l’année, possédé par lui, dont il jouit comme de ses autres objets – et dont il ne saurait se dessaisir pour le donner, le sacrifier (comme on fait de l’objet dans le cadeau), pour le rendre à une disponibilité totale, à l’absence de temps qui serait la véritable liberté.


    • La culture de l'humanité comme finalité de l'Homme ? (Johann Gottffried von Herder) :

      C'est l'humanité qui caractérise notre espèce : elle n'est en nous qu'une virtualité native et doit être proprement cultivée. Nous ne l'apportons pas toute faite en venant au monde : elle doit devenir le but de nos efforts terrestres, la somme de nos activités, notre valeur […]. Même ce qu'il y a de divin dans l’espèce résulte de la culture de l'humanité en nous […]. Cette culture est une œuvre à poursuivre sans fin ni cesse, ou bien nous sombrons, grands et petits, dans la bestialité et la brutalité primitives.


    • Sur le déracinement et l'importance d'une nationalité (Simone Weil) :

      Le déracinement est de loin la plus dangereuse maladie des sociétés humaine, car il se multiplie lui-même. Des êtres vraiment déracinés n’ont guère que deux comportements possibles : ou ils tombent dans une inertie de l’âme presque équivalente à la mort, comme la plupart des esclaves au temps de l’Empire romain, ou ils se jettent dans une activité tendant toujours à déraciner, souvent par les méthodes les plus violentes, ceux qui ne le sont pas encore ou ne le sont qu’en partie. Les Romains étaient une poignée de fugitifs qui se sont agglomérés artificiellement en une cité ; et ils ont privé les populations méditerranéennes de leur vie propre, de leur patrie, de leur tradition, de leur passé, à un degré tel que la postérité les a pris, sur leur propre parole, pour les fondateurs de la civilisation sur ces territoires. Les Hébreux étaient des esclaves évadés, et ils ont exterminé ou réduit en servitude toutes les populations de Palestine. Les Allemands, au moment où Hitler s’est emparé d’eux, étaient vraiment, comme il le répétait sans cesse, une nation de prolétaires, c’est-à-dire de déracinés ; l’humiliation de 1918, l’inflation, l’industrialisation à outrance et surtout l’extrême gravité de la crise de chômage avaient porté chez eux la maladie morale au degré d’acuité qui entraîne l’irresponsabilité.

    Fri Oct 20 14:11:06 2017 - permalink -
    - http://www.editionsduchene.fr/livre/collectif-rien-declarer-si-les-droits-de-lhomme-3751105.html
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