Énième livre de François Ruffin pour lequel il n'y a pas de lutte climatique sans lutte des classes et sans lutte sociale. Le réchauffement climatique éteindrait la guerre des classes au nom d'un intérêt humain supérieur ? Sur les revenus, la fiscalité, etc. les dominants se moquent du sort commun, ils font sécession, mais il faudrait être écolos tous ensemble ? Cette fois-ci, ils vont accepter les nouvelles règles du jeu ?
Les arguments sont éculés (les riches polluent plus, etc.), sauf un : pour remporter la lutte climatique, il faudra au préalable changer d'imaginaire / de mentalité : adieu la société de consommation / de l'abondance, etc. Le sociologue Veblen a constaté qu'une classe sociale envie la classe immédiatement supérieure (un temps, Ruffin illustrait ça par les nobles français qui suivaient la mode impulsée par le roi). C'est en cela que la classe supérieure doit donner l'exemple : pour impulser le changement.
Ruffin propose de ne pas se fissurer sur les prolos pas écolos (ils voudraient le carburant pas cher, ils ne voudraient pas isoler leur maison, blablabla), car on a besoin des prolos et des intellos de gauche. Quand les Goodyear veulent préserver leurs emplois dans un secteur climaticide, bien sûr qu'ils pensent à leur gueule, et c'est le rôle des intellos et des politiciens d'accompagner la lutte, de parler de réduction du temps de travail (à rémunération égale ? Ruffin ne le dit pas) par ex., ce qui n'a pas été fait, et a donné une image individualiste à leur mouvement social. Quelles solutions (carotte et bâton) apporter pour initier le changement systémique ? Quelle direction, quel horizon ? Parce que si c'est pour avoir une taxe carbone sur les carburants qui n'est même pas affectée à des mesures pro-climat…
Ruffin pose également les premières briques de ce qu'il développera dans Fakir durant et après le Covid : quel est le sens de l'existence, qu'est-ce que le bonheur ? Découle-t-il du progrès technique ou de la consommation ? L'ONU, comme d'autres, rappelle que, si les premières étapes du développement économique procurent le bonheur, au-delà de 20-30 k$ de revenu national par habitant, il n'y a plus d'effet sur l'espérance de vie ni sur le ressenti (sondages "êtes-vous satisfait de votre vie ?").
Gramsci écrivait que, quand une classe est dominante par la coercition, c'est que le peuple ne croit plus en son idéologie. Ce qui fait dire à Ruffin que plus grand-monde ne croit à la croissance, à la compétitivité, à la mondialisation, etc. Reste l'hypothèse d'un système qui nous embarque tous, alors ?
Notes :
Modèle prédictif HANDY qui tient compte des effondrements sociétaux précédents (romains, mayas, etc.). Des disparités économiques trop fortes et une sur-exploitation de la nature peuvent toutes deux, et indépendamment, entraîner un effondrement de la société. Mais, en l'absence de stratification économique, le tir est plus facile à rectifier.
Ruffin s'étonne des sondages qui mesurent en même temps une défiance envers les partis politiques, et une confiance envers un gouvernement informé pour prendre les bonnes décisions sur le climat. Pour moi, c'est la lâcheté habituelle : "laissons d'autres personnes faire le sale boulot, et tant que ce n'est pas fait, ne pas changer mes pratiques". C'est oublier que l'action politicienne ne suffit pas :
P.-S. : j'ai lu ce livre en 2020.