Un livre écrit par une ancienne députée 2012-2017 EELV puis Nouvelle Donne (apparenté écolo) qui avait fait le pont avec les défenseurs des libertés à l'heure du numérique (exemple) avant d'exposer ses désillusions sur notre système démocratique (regarder ça et/ou ça).
Elle ambitionne de réhabiliter le mot anarchie en nous le faisant découvrir progressivement à travers un résumé de son parcours intellectuel et politique. Ce bouquin n'est pas une autobiographie.
Définitions :
- Anarchie : organisation politique visant l'égalité, la liberté, la justice et l'indépendance (la structure ne prime pas sur l'individu). D'où l'absence de chef, l'autogestion (tout le monde participe à la prise de décision), le féminisme inclus de base, etc. Elle peut se mettre en œuvre à plusieurs échelles, du micro-local (société commerciale, association, etc.) au national. Il s'agit d'un système organisé, il y a des règles. Synonymes : libertaire (pas libertarisme qui est un courant de pensée de droite libérale) ou communisme-libertaire ;
- L'étatisation du socialisme de l'URSS est critiquée dès 1917 (par l'auteur Voline, par ex.). Trotski était opposé à ceux qui, comme l'anarcho-syndicaliste Makhno, voulait que l'intégralité du pouvoir revienne aux soviets c'est-à-dire aux conseils ouvriers locaux ;
- Écologie sociale : courant proche de l'éco-anarchisme ;
- Des auteurs anars usuels sont cités : Emma Goldman, Élisée Reclus, Murray Bookchin, Errico Malatesta, etc.
Le déjà-là anarchiste :
- Les communistes espagnols étaient d'accord avec les libéraux pour écraser la révolution anarchiste qui s'est déroulée pendant la guerre d'Espagne (1939) au motif que la priorité était la démocratie bourgeoise ;
- Mandchourie (Chine) écrasé par les Japonais et Staline ;
- 2 millions d'Ukrainiens anars écrasés par l'armée rouge ;
- Rojava (Syrie) : communalisme, c'est-à-dire communes locales fédérées + communes thématiques (jeunesse, cinéma, etc.) + assemblée nationale et exécutif. Les femmes participent à l'effort de guerre et éduquent, y compris les hommes, à la place des femmes dans l'histoire ;
- Chiapas (Mexique) : communautés + commune (conseil municipal élu) + fédération par zone + fédération "de bon gouvernement" (aucune idée de ce que c'est). Consensus, allers-retours entre les strates hautes / de pouvoir et les strates basses (boulot à la con), droit coutumier ;
- Les communautés libres à la fin du 19e / début du 20e siècle auraient échoué en partie car tout le monde n'adhère pas à l'amour libre ;
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Mon avis : c'est toujours les quelques mêmes exemples qui reviennent. Or, ils se placent chacun dans un contexte éco / géo / politique particulier (zone de guerre, absence de matières premières, etc.), une temporalité éphémère ou courte, et à une échelle micro-locale (donc l'intégralité de la division du travail n'est pas assumée, donc le développement sera limité). Pas sûr que ce soit transposable… Le Chiapas permet à Coca-Cola d'extraire 100 millions de litres d'eau par an… alors que 12 millions d'habitants n'ont pas accès à l'eau potable (source), donc on est loin de l'égalité et de l'indépendance.
- De même, l'autogestion d'une société commerciale coopérative ne remet pas forcément en cause le capitalisme, la compétitivité, etc., car les salariés voudront se dégager un salaire (et ne pas perdre de plume si participation au capital) donc être rentables, donc ils décideront ce qui va dans leur seul intérêt, sans respecter ce que veut le client ou les exigences du territoire. De même, comme dans toute entité, il y a des personnes plus responsables que d'autres déclarées aux autorités et qui assumeront les risques juridiques, donc celles-ci vont contraindre les actions afin de se protéger. C'est moins pire, ça permet de pratiquer le communisme-libertaire, donc de voir ce qui marche ou non, mais ce n'est pas une alternative en soi, car le problème est systématique.
Parcours politique d'Attard :
- Des huissiers de l'Assemblée nationale, le bâtonnier de Paris, et autres la prenne pour une assistante. D'autres, surtout des mecs la cinquantaine passée, se montrent impolis avec ses collaboratrices (et les prennent de haut) alors qu'ils sont tout mielleux avec elle (elle les recadre) ;
- Ça a été une tannée pour participer à l'Assemblée lorsqu'elle s'est retrouvée temporairement en fauteuil roulant suite à un accident ;
- Elle a distribué sa réserve parlementaire à des projets choisis par des citoyens tirés au sort (parmi bien peu de volontaires) ;
- Elle percevait à la fois de la défiance des citoyens (à Nuit debout, par ex.) et des politiciens (ses prises de position sur l'état d'urgence, le numérique, l'usage des deniers publics, etc. l'en éloigne), au point de se demander quelle était sa place ;
- Désillusions : mésusages des frais de mandat (IRFM) ; Assemblée = chambre d'enregistrement de l'exécutif ; logiques des partis (je vote pour sauver ma prochaine investiture) ; chiffon rouge (insérer un article scandaleux dans un projet de loi afin d'exciter tout le monde et d'occuper le temps de parole) ; logique de la maigre avancée (dans un projet de loi, insérer une disposition clé des oppositions afin qu'elles votent le texte au nom de cette petite avancée alors que tout le reste est une régression) ; cirque / théâtre permanent (prises de parole, mais tout est joué d'avance, etc.) ; désillusion aussi sur Nouvelle Donne (choix opaque des statuts, gestion calamiteuse des salariés et de la thune) et sur la possibilité d'existence d'un parti réellement démocratique ;
- Malgré tout, elle se présente à un deuxième mandat en 2017. Cela m'a fait tiquer à l'époque : au début, elle avait dit se présenter pour un unique mandat, et revenir sur sa parole n'est généralement pas bon signe. Elle s'en justifie dans ce livre : elle voulait donner de la voix aux conventions citoyennes pour élaborer la loi et à des projets locaux. Mouais…
Quelques pratiques d'autogestion :
- Pas de sachant. Un capitaine tournant afin de donner confiance en soi et de développer la réflexion et l'analyse. Ne pas rabaisser. CNV. Rôles tournant dans une réunion (gardien du temps, animateur, pousse-décision, coach, etc. Laisser le temps (les collègues ne vont pas participer tout de suite). Avec le recul (et une légère pratique), je ne suis pas convaincu : au final, le dernier mot va au chef, il est responsable de l'équipe, et si la solution proposée ne répond pas aux besoins ou objectifs définis par son chef, il la retoquera… Du coup, impossible de s'opposer à une décision idiote ou contre-productive, les sous-fifres pourront juste arrondir les angles ;
- Ne pas obéir aveuglement, travailler moins, saboter, boycotter.
Baratin :
- Athènes au 5e siècle serait une vraie démocratie, blablabla. Réfutation ici et là ;
- Attard nous ressort le mythe du nuage de Tchernobyl qui s'arrête aux frontières. Aucun officiel français n'a dit ça ;
- Attard nous joue Calimero : "c'est difficile de parler d'anarchie, la preuve, quand je l'ai fait, à la fin de mon mandat, de potentiels employeurs m'ont boudé". Mouais, ça me semble être une conséquence à plusieurs facteurs : d'autres députés ont eu du mal à retrouver du taff ; Ça dépend aussi du taff recherché (directrice de musée = peu de places, la place est cher, les élus locaux ont toujours quelqu'un à caser), du carnet d'adresses politique (et de sa volonté ou non de le faire fructifier), de la capacité de l'employeur à admettre qu'un unique mandat politique ne signifie pas être nul, etc.
Divers :
- Carnet B : principal fichier de surveillance de la 3e République française. Tous les perturbateurs de l'ordre public donc antimilitaristes, anars, etc. ;
- Droit d'accès à la nature : droit, dans les pays nordiques, de profiter de la nature et de ses fruits sans respecter la propriété privée, sous conditions (loin des habitations, ne pas saccager, etc.) ;
- Stuga : maison secondaire suédoise soi-disant pour faire des retraites nature, mais Wikipédia laisse à penser que l'aspect "strict nécessaire" a disparu ;
- Servir, c'est plus qu'obéir, c'est devancer les désirs, c'est donner des gages, c'est recevoir les ordres avec gratitude ("trop content que tu me demandes ça"), c'est sur-obéir ;
- Emma Goldman à propos des poseurs de bombes anars durant la propagande par le fait (1890-1914, attentats ciblés contre les chefs d'État, les patrons, les magistrats, etc. afin de convaincre les ouvriers de la nécessité d'une insurrection) : personnalités excessivement sensibles qui ne peuvent vivre dans l'indifférence face à la misère et à l'iniquité humaine et dont le déchirement de leur âme torturée se traduit par un acte violent.
P.-S. : j'ai lu ce livre en 2020.