Ce livre présente la décroissance, c'est-à-dire l'idéologie qui remet fondamentalement en question la croissance économique érigée en dogme comme elle l'est actuellement dans nos sociétés. L'idée clé est d'arrêter de faire de la croissance pour produire de la croissance et de remettre la nature et les humain⋅e⋅s au centre de notre attention. Le mouvement décroissant va donc au-delà de l'économie, il s'agit d'un modèle de société tout autre construit autour de l'idée "il faut être athée de la croissance", les idées brodées autour se discutent encore à l'heure actuelle. Les hypothèses posées sont celles de la croissance comme racine des maux constatés (délocalisations, exigence de flexibilité accrue, chômage en hausse depuis 30 ans, systèmes redistributifs en panne, précarisation, inégalités, épuisement précoce des ressources naturelles, rupture des liens sociaux / insensibilité au sort d'autrui, etc.) et le fait que les autres modèles échoueront à corriger tous ces maux car ils corrigent un à un les problèmes sans remonter à la cause racine de ces problèmes.
Le concept clé est la loi de l'entropie : issue de la thermodynamique, elle stipule que l'énergie utilisable devient peu à peu inutilisable et que l'énergie requise pour obtenir quelque chose augmente. Vu que l'univers est un système clos (il n'y a pas d'échange d'énergie et de matière avec "autre chose", l'énergie utilisable diminue donc l'entropie augmente donc l'univers va forcément se refroidir et s'éteindre. La question est donc de savoir si l'on va dans le mur demain (croissance effrénée) ou après-demain (décroissance ou autre modèle de société). Notons que le progrès technique peut être vu comme un ensemble de moyens pour trouver et exploiter de l'énergie encore utilisable qu'on ne savait pas exploiter avant… et tracer ainsi plus vite notre chemin vers notre tombe.
Il n'y a pas un mouvement pour la décroissance mais plusieurs, car il existe une multitude de pensées : culturalisme (l'humain⋅e doit changer de valeurs, les valeurs avant tout), rejet (ou non) du progrès technique asservissant pourtant vendu comme la solution à tous nos maux, priorité (ou non) à la préservation de la nature, faire passer (ou non) le social d'abord "moins de biens, plus de liens", contrôle fort (ou non) de la population mondiale, etc.
Hum, la décroissance, c'est un truc de gauchos, non ? Ce n'est pas clair… Certain⋅e⋅s auteur⋅e⋅s décroissant⋅e⋅s refusent la recherche de l'égalité (valeur plutôt attribuée à la gauche), d'autres l'individualisme (valeur plutôt attribuée à la droite). Parfois il⋅elle⋅s prônent l'amélioration des systèmes de répartition des richesses, parfois il⋅elle⋅s prônent l'entraide. La décroissance se cherche encore politiquement parlant.
On peut se demander si les objecteur⋅rice⋅s de croissance ne se trompent pas de combat :
Il n'existe pas de réponse tranchée, il y a tout un arc-en-ciel de positions décroissantes, de la plus consensuelle à la plus radicale. Un des arguments des décroissant⋅e⋅s radicaux⋅ales est de dire qu'on sait que le travail actuel est placé sous un régime de domination, d'aliénation et d'exploitation ; Les syndicats sont là pour établir un compromis ; Pourtant, ils échouent. Donc, il ne faut accepter aucun compromis.
La décroissante tente de remettre à plat les théories économiques : l'analyse économique classique repose sur les lois de la mécanique classique (action, réaction, tout ça) et fonctionne en vase clos (les schémas économiques illustrent le système présenté comme étant isolé dans son coin, sans interaction avec d'autres ni avec l'humain⋅e et l'environnement…). La décroissance explique l'économie par les lois de la thermodynamique et prévoit des échanges entre les systèmes étudiés et entre ces systèmes et l'extérieur.
Comment agit-on ? Il n'y a pas de scénario de transition pré-écrit et plusieurs voix se font entendre : intervention des États pour taxer les "mauvais" comportements et/ou financer les dégâts envisagés par certain⋅e⋅s auteur⋅e⋅s (perte d'emploi, répartition des richesses, etc.), remise en question profonde de nos modes de vie, des pratiques locales fédérées, etc. Concernant les pratiques locales / individuelles, c'est du très classique : autoproduction, simplicité volontaire (on consomme ce dont on a besoin, on répare ce qui peut l'être, on fuit les modes), favoriser la consommation locale, donner au lieu de jeter, réfléchir aux sujets importants, réduire son temps de travail pour se consacrer à d'autres choses, tisser des liens sociaux, etc.
Au moment de recommander (ou non) ce livre, je suis hésitant… Il s'agit en réalité d'une compilation d'écrits agrémentée de quelques réflexions des auteurs. Parfois, cela donne l'impression de lire un recueil de citations… Mais, d'un autre côté, ça permet de creuser les différents aspects couverts par la décroissance (économie, démographie, social, aspects politiques, aspects théoriques, etc.) en une seule fois.
Notes :