Un livre sur la communication non-violente (CNV) rédigé par son concepteur. Un militant m'a parlé de cette méthode il y a quelques années, donc j'ai eu envie d'approfondir ce sujet.
La CNV est une manière de s'exprimer et de mener à bien des interactions humaines qui renforce notre aptitude à donner avec bienveillance et à inspirer à autrui le désir d'en faire autant. Contribuer sans contrepartie au bien-être d'autrui contribue à notre bien-être (satisfaction procurée par un geste désintéressé). Résoudre nos différends sans violence (au sens large). La CNV n'est pas une méthode pour forcer quelqu'un à faire quelque chose ou pour l'y conduire par la ruse et la connaissance des failles humaines. Selon moi, la CNV est l'une des méthodes pour mettre en pratique le premier des accords Toltèques, « que votre parole soit impeccable ».
La CNV s'oppose aux actions effectuées dans l'attente d'une contrepartie c'est-à-dire des actions effectuées afin de ne pas éprouver de honte ou de la culpabilité, de se dégager de contraintes, d'obtenir quelque chose en échange d'un geste. Elle s'oppose aussi aux insultes, au dénigrement, aux reproches, aux diagnostics et aux jugements qui expriment qu'autrui est une mauvaise personne ou qu'une action est bonne ou mauvaise. La communication non-violante s'oppose à tout déni de responsabilité, c'est-à-dire effectuer une action en prétextant qu'autrui en est à l'origine (« je l'ai giflé, car il a fait ceci… »), ou en invoquant une force impersonnelle (« je l'ai fait car il fallait que ça soit fait ») ou en justifiant le présent par un passé rendu immuable (« je picole car je suis un alcoolo ») ou en invoquant la pression d'un groupe (« je fume car toute la bande de potes fume »), ou en invoquant des pulsions incontrôlables (« j'ai mangé ce chocolat parce que c'était plus fort que moi ») ou en se cachant derrière une quelconque autorité (hiérarchie, ordres, règlements, etc.). Enfin, la communication non-violente s'oppose aux exigences, c'est-à-dire à toute demande formulée à autrui que celui-ci ne peut refuser sans risquer une quelconque sanction.
Pour ce faire, le principe clé est de faire la différence entre ce que j'observe (les faits), mon interprétation et mes déductions des faits, les sentiments que les faits génèrent en moi en rapport avec mes valeurs et mes souhaits, les besoins que cela soulève et ce que je demande à autrui pour satisfaire mes besoins et accroître ainsi mon bien-être. Selon l'auteur, nous confondons tout en permanence (fait et opinion, opinion et sentiment, etc.) dans notre expression quotidienne, ce qui rend les échanges humains imbitables. Évidemment, la réciproque s'impose : dans ce qu'exprime autrui, il faut distinguer ce qu'il observe, ce qu'il interprète, les sentiments que ça génère en lui… Il faut donc apprendre à écouter les bonnes informations dans les propos d'autrui (je vais y revenir dans quelques paragraphes).
« Elle est irresponsable », « il se croit seule au monde », « tu ne m'aimes pas », « tu es toujours occupé », etc. Tout cela sont des interprétations, des déductions, des évaluations, pas des faits. « Tu ne m'as pas donné de tes nouvelles ces deux derniers mois » (équivalent de « tu ne m'aimes pas ») , « les trois dernières fois où je t'ai proposé une activité, tu as dit que tu ne voulais pas y participer » (équivalent de « tu fais rarement ce que je veux »), sont des faits. Les opinions se détectent facilement : emploi de « tu es » et d'adjectifs sans mise en contexte, emploi de verbes du champ lexical de l'évaluation, etc.
Il ne faut pas mélanger une opinion (« je sens que ce n'est pas bien de mettre la musique aussi forte ») et un sentiment (« cette musique m'inconforte voire m'énerve »). Les phrases « je sais que … » expriment souvent des opinions et des jugements. Il convient d'éviter les phrases génériques pour décrire nos sentiments comme « je me sens mal / bien / con ». « Je me sens incompris » est une évaluation (du niveau de compréhension d'autrui), « je suis en colère / frustré » est un sentiment. Se sentir ignoré peut être agréable dans certaines situations, ce qui montre que ce n'est pas l'origine du mal-être.
Ne pas faire porter la responsabilité de nos sentiments à autrui. « Papa est malheureux que tu aies de mauvaises notes à l'école » est une motivation par la culpabilisation, l'enfant cherchera à échapper à la culpabilité, pas à s'impliquer dans son travail. Il convient de lier un sentiment à une explication de ce qui se passe en nous (quel est le besoin insatisfait) en utilisant « parce que / car » suivi d'autre chose que « tu / vous » : « tu m'as déçu en ne venant pas ce soir, car je voulais te parler d'un truc qui me préoccupe », « lorsque je trouve l'évier plein de vaisselle sale, je me sens agacé car j'ai besoin d'ordre et de propreté », « quand tu es arrivé 30 minutes en retard, j'ai été contrarié, car je voulais m'en tenir à mon emploi du temps afin d'avoir la sensation d'avoir accompli quelque chose de ma journée ».
Exprimer clairement ce que nous attendons de l'autre pour satisfaire nos besoins. Ne pas dire « je veux que tu passes moins de temps au taff » à la place de « je veux que tu passes moins de temps au taff afin de passer plus de temps avec moi », car, dans la première formulation, autrui peut très bien quitter le taff plus tôt et s'inscrire à un club de golf, ça respecte le souhait formulé. Exprimer des actions concrètes : « je veux être traité plus équitablement » ne permet pas à l'autre d'agir… Sur quel plan ? Par rapport à qui ? Etc. Ne pas émettre d'exigence, autrui satisfait notre demande seulement s'il a envie de contribuer à notre bien-être. On peut argumenter, bien entendu, mais seulement après avoir compris la raison précise du refus de notre demande. Plus on interprète un refus comme un rejet, plus les gens se braqueront lors de nos demandes ultérieures, car ils sentiront que ce sont des exigences.
Laisser l'autre s'exprimer. Lui laisser le temps et l'espace. Ne pas juger. Ne pas conseiller. Ne pas rassurer. Laisser nos sentiments de côté (pas de « ho, ma pauvre chérie ! »). Ne pas surenchérir (« c'pas pire que ce qui m'arrive »). Ne pas raconter d'histoires équivalentes (c'est le tour de parole d'autrui, pas le tien !). Ne pas moraliser (« tu pourrais tirer parti de ça si tu … »). Ne pas consoler (« tu as fait de ton mieux ». Ne pas clôturer le sujet (« remet-toi et passe à autre chose ! »), autrui le fera de lui-même (il arrêtera de parler). L'empathie, c'est chercher le sentiment et le besoin de l'autre. Exemple : au jugement « je suis moche ! » émis par quelqu'un, ne pas répondre « mais non, tu es trés belle », car cela met encore plus la pression, mais s'intéresser au sentiment et au besoin sous-jacents (« tu es déçu de la tête que t'as aujourd'hui ? », besoin d'attention ? Besoin d'un nouveau style vestimentaire ? Etc.). On ne peut pas arranger les choses à la place d'autrui. Afin d'être sûr d'avoir bien écouté et compris l'autre, on peut paraphraser et reformuler. On peut également poser des questions, mais uniquement sur les faits, les sentiments, les besoins ou les demandes qu'autrui formule. Il convient d'éviter les questions vagues (« que veux-tu que je fasse ? », « à quoi fais-tu allusion ? », etc.).
Si nous ne savons plus offrir d'empathie, alors c'est que nous en manquons et il faut alors s'administrer les premiers soins : questionner nos sentiments et nos besoins.
Je recommande la lecture de ce livre, car je trouve très pertinentes la séparation faits / interprétations / sentiments / besoins ainsi que l'analyse du déni constant de nos responsabilités. Il est court (80 pages) et il va à l'essentiel. Il est une introduction aux stages et formations payants animés par le réseau d'associations officielles et officieuses, donc il ne faut pas s'attendre à des miracles à sa lecture (comprendre : la lecture ne suffit pas, il faut pratiquer, pratiquer, et encore pratiquer).