Au fil des années, j'ai lu tout et son contraire. J'ai besoin de faire le point.
Concrètement
Il y a la photographie, les empreintes digitales et/ou palmaires (aka biométriques) et l'empreinte génétique (aka ADN). La prise des empreintes digitales et de la photo est nommée relevé signalétique.
Fichiers :
- Pour les empreintes digitales (+ traces d'inconnus et de cadavres relevées au cours des enquêtes, cf. article 3 décret 87-249) : FAED. Durée de conservation variable depuis 2015 (gravité, âge). Effacement auto (au-delà du délai max de conservation de 25 ans ou si pas poursuivi ou innocenté) ou sur demande au procureur (aucune chance que ça aboutisse avant la fin des délais). Voir les décrets 87-249 et 2015-1580 ;
- Pour l'empreinte génétique (+ les mêmes traces + celles des victimes de meurtre, viol, séquestration, etc., cf. 7e alinéa du 706-54 CPP + les victimes de catastrophe naturelle et leurs descendants / ascendants si consentement, cf. R53-10 CPP + ascendants / descendants d'un disparu si consentement, cf. R53-10 CPP) : FNAEG. Durée de conservation variable depuis 2021 (âge, et dans une moindre mesure, gravité). Effacement auto (au-delà du délai max de conservation variable ou si innocenté) ou sur demande au procureur (pour les suspects non poursuivis et pour les condamnés). Voir le décret 2021-1402, ainsi que les articles 706-54 et 706-54-1 CPP ;
- Pour la photo : TAJ.
Dans tous les cas, l'effacement auto repose sur la bonne volonté du ministère de l'Intérieur (qui gère les fichiers) en ce qui concerne le respect de la durée maximale de conservation, et sur la bonne transmission des décisions judiciaires et la bonne volonté du ministère de l'Intérieur en ce qui concerne l'effacement en cas d'innocence ou d'absence de poursuite. À mon avis, il est utile de formuler une demande explicite d'effacement dans ces cas-là.
Prise de la signalétique (empreintes digitales, palmaires et/ou photo) :
- Le refus est un délit (article 55-1 du Code de procédure pénale) quand les flics ont des raisons plausibles de soupçonner qu'une personne a commis ou tenter de commettre un délit ou un crime (les contraventions sont exclues par le décret 2015-1580). Du coup, les condamnés, les détenus, etc. en font partie ;
- A priori, les flics sont obligés d'alimenter les fichiers de police (deuxième alinéa du 55-1 CPP). Source. Est-ce conforme au droit de l'UE ? Cf. section suivante ;
- En 2021, la CNIL rapelait à l'ordre le ministère de l'Intérieur (la légende raconte qu'il s'est torché avec la décision) : stockage de données non prévues par la loi, trop longtemps, même quand il n'y a pas eu de suite ou que le justiciable a été innocenté (la loi prévoit l'effacement automatique dans ces cas-là, cf. ci-dessus), sécurité compromise (mdp faible) ;
- Depuis la loi de sécurité intérieure 2022 (article 30), les flics peuvent collecter par la force (y compris sur les mineurs) quand : délit ou crime > 3 ans de taule + unique moyen d'identifier (si refus de filer son identité ou mensonge sur celle-ci) + sur autorisation écrite du procureur (obtenue par demande motivée, lolilol), cf. 55-1 CPP. Le Conseil constitutionnel a interdit cela en audition libre (donc, possible uniquement en garde à vue), et a forcé la présence de l'avocat / des représentants légaux. Une collecte de force n'interdit pas une poursuite pour refus de prélèvement ;
- L'article 20 de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI) 2023 ajoute la comparaison des empreintes avec les fichiers de police. C'était pratiqué avant, c'est rendu explicite. La comparaison existe depuis longtemps pour l'empreinte génétique.
Prise de l'empreinte génétique :
- Le refus est un délit (article 706-56 du Code de procédure pénale) quand les flics ont des indices graves ou concordants (alinéa 2 du 706-54 CPP) d'une commission des infractions prévues au 706-55 CPP (dont le vol, la dégradation ou la menace de dégradation de biens, les violences, genre même des coups de parapluies en direction des flics, etc.) ou des raisons plausible de soupçonner la commission des mêmes infractions (alinéa 3 du 706-54 CPP). Dans ce dernier cas, l'empreinte peut être comparée au FNAEG mais pas stockée. Du coup, les condamnés, les détenus, etc. en font partie ;
- Les flics peuvent prélever ou non (mais ils le feront) ;
- Le prélèvement peut être pratiqué sur du matériel qui s'est naturellement détaché du corps ou sur des objets perquisitionnés ou portés / utilisés en garde à vue ;
- Le prélèvement peut être réalisé par la force si la personne est reconnue coupable de crime ou délit > 10 ans de taule, cf. 706-54 CPP. Mêmes conditions pour les personnes poursuivies déclarées irresponsables pénalement. En pratique, les flics font ce qu'ils veulent ;
Dans les deux cas, le fait que l'infraction initiale ne soit pas poursuivie ou que la personne soit innocentée n'empêche pas la collecte et le fichage, et donc la condamnation d'un refus, d'après la Cour de cassation (voir ci-dessous).
Comme d'habitude, rien empêche les aberrations, comme d'être poursuivi pour refus alors qu'on a justifié de son identité avec son permis de conduire et son passeport biométrique. (Ben oui, au cas où tu filerais de faux papiers, voyons), mais, après tout, la loi ne dispose pas que communiquer son identité exacte permet de s'opposer aux prélèvements (cela rend caduque la seule collecte de force de la signalétique).
La CEDH a apporté une partie des procédures d'effacement et de variation de la durée de conservation, mais ça s'arrête là (le principe est entendu). Lire ci-dessous.
Historique
Source transversale : EN GAV, t’es fiché·e – ÉPISODE 2 : les empreintes – La Quadrature du Net.