La fiche S est une sous-catégorie d’un fichier bien plus large : celui sur les « personnes recherchées » – ou FPR.
Comme le détaillait Camille Polloni en 2013, on trouve un peu de tout dans le FPR : mineurs, fugueurs, interdits de stade, débiteurs du trésor... Et donc des personnes jugées susceptibles de « porter atteinte à la sûreté de l’Etat ». En tout, ce listing comporterait plus de 400 000 entrées, et a fait l’objet, en 2012, de 85 millions de consultations par les forces de l’ordre.
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C’est d’ailleurs à ce titre qu’elle est une branche du FPR, que les forces de l’ordre consultent en permanence. Comme nous l’écrivions en 2013 :
Lors d’un contrôle routier ou d’un contrôle d’identité de routine, si le gendarme s’éloigne avec vos papiers et reste quelques minutes dans son véhicule, c’est souvent le temps de passer un appel pour consulter le Fichier des personnes recherchées (FPR).
Depuis la création de l’espace Schengen, ce fichage ne se limite plus aux frontières françaises : il est européen. Et est mis à disposition aux différents membres de Schengen, au sein d’une base commune, rappelait Le Monde il y a quelques mois. Suivant cette même logique, le FPR est consulté aux aéroports.
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Contrairement à ce que l’actualité pourrait suggérer, les fiches S ne visent pas uniquement des potentiels terroristes, ou des individus proches de mouvements djihadistes.
Le décret de 2010 précise qu’il s’agit de « personnes faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard ».
En d’autres termes, il s’agit de tout individu sur lequel se porte l’attention des services de renseignement : elles émanent le plus souvent de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure).
Autant dire que la fiche brasse large. Comme le rappelait Le Figaro en juin :
Y figurent aussi des militants, des activistes politiques ou encore des hooligans.
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Le plus souvent, les estimations oscillent autour de 5 000 personnes. Mais en août, Jean-Jacques Urvoas (député socialiste porteur de la loi renseignement il y a quelques mois), évoquait le chiffre de 10 000. Samedi soir sur TF1, Manuel Valls avançait le même chiffre.
A en croire L’Express en 2013, la moitié de ces fiches porteraient sur des islamistes radicaux.
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La fiche S a donc un rôle de mouchard : suivre discrètement un suspect, jugé capable de passer à l’acte, sans pour autant l’avoir fait. [...] Néanmoins, chaque fiche indique aux forces de l’ordre la marche à suivre, si la personne qui en fait l’objet venait à passer devant les douanes, ou à un simple contrôle de routine.
C’est pour cette raison que ces fiches vont de « S1 » à « S16 ». Le ministre de l’Intérieur s’oppose à l’idée que ces échelles correspondent chacune à un niveau de dangerosité, et indique qu’elles pointent plutôt vers une marche à suivre et un profil spécifiques.
Le Monde, toujours, précisait par exemple :
Ainsi, S14 correspond depuis peu aux combattants djihadistes revenant d’Irak ou de Syrie.
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Dans la mesure où elle ne se fonde que sur des suspicions, la fiche S a donc un caractère temporaire. Et est donc régulièrement actualisée, comme l’écrit Le Monde :
Si une personne fichée ne commet aucune infraction et se fait oublier, sa fiche sera effacée au bout d’un an.
Dans sa quête pour déterminer si elle oui ou non est fichée, Camille Polloni a ainsi rappelé que bon nombre de fichiers de police comportent des erreurs. Sur le cas particulier du renseignement, elle souligne :
L’histoire de la Ve République montre [que ces fiches] ont toujours regorgé de ragots, confondu bruits de couloir et faits consolidés, vie privée et sûreté de l’Etat. De l’ “Enquête de police sur Le Canard enchaîné” (éd. Jean-Picollec, 1980) à l’affaire Rebelle (2007), les exemples d’imprécisions et de raccourcis ne manquent pas. »
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Suivies de près, mais auteurs d’aucun crime ; suspects mais pas coupables : voilà pourquoi les personnes fichées S ne sont pas arrêtées. Ou flanquées d’un bracelet électronique, comme l’a réclamé Christian Estrosi il y a quelques mois – sans compter que l’affaire n’aurait rien de discret et serait donc contre-productive. [ NDLR : ni enfermées dans des centres comme le veut la droite ]