Ce livre est un recueil de trois plaidoiries exprimées par l'auteur, François Sureau, devant le Conseil constitutionnel, durant les six premiers mois de 2017, pour contester des lois liberticides : le délit de consultation de sites web terroristes, ce qui caractérise la préparation d'un acte terroriste et l'interdiction administrative de séjour dans le département de toute personne cherchant à entraver l'action des pouvoirs publics.
Les plaidoiries sont disponibles en vidéo sur le site web du Conseil constitutionnel (ici, là et là-bas). La force de ce livre, c'est que les références employées par l'auteur sont explicitées en note de bas de page. De même, il est possible de penser les propos de l'auteur, ce que ne permet pas une plaidoirie débitée à haut-débit entre expert⋅e⋅s du droit. Enfin, je conçois l'achat de ce livre comme une manière de recompenser l'auteur en manifestant un intérêt public pour la défense de nos libertés : nous sommes trop peu nombreu⋅x⋅ses à encore les chérir.
Ce livre explicite plein de choses : l'origine des libertés, comment elles s'articulent, comment mettre en exergue les biais dans l'argumentation de nos élu⋅e⋅s, quelques principes du Droit, etc. C'est très intéressant.
Bref, ce livre est court et très très enrichissant donc j'en recommande vivement la lecture.
Quelques notes générales :
Le système des droits n'a pas été fait seulement pour les temps calmes, mais pour tous les temps. Rien ne justifie de suspendre de manière permanente les droits du citoyen. Cela n'apporte rien à la lutte contre le terrorisme. Cela lui procure au contraire une victoire sans combat en montrant à quel point nos principes sont fragiles. […] Le discours islamiste […] consiste à dire : au fond, les droits de l'Homme, c'est une religion de substitution, en Occident, et pire encore, c'est une religion de substitution à laquelle les gens ne croient même pas. La preuve, quand ça les atteint dans leurs intérêts, eh bien ils sont prêts à suspendre leur religion de substitution (les droits de l'Homme), alors que nous, il ne nous viendrait pas à l'idée de suspendre le Coran par exemple.
Ici, le métier de l'avocat ne consiste pas à exposer des raisonnements auxquels les juges n'auraient pas pensé. Au début de ces neuf brèves audiences, je savais bien que les neuf juges constitutionnels avaient déjà pesé le pour et le contre. Le métier de l'avocat consiste seulement à donner à chacun de ces raisonnements un peu de vie, et même, peut-être, à s'adresser au citoyen derrière le magistrat. Le simple fait d'être écouté, et parfois entendu, suffit à son bonheur civique.
En 1971, le ministère de l'Intérieur refuse de délivrer un récépissé de déclaration [ NDLR : au motif de « dangerosité sociale ] de l'association « Les Amis de la Cause du peuple » [NDLR : mouvance maoïste d'extrême-gauche ] soutenue en particulier par Simone de Beauvoir. Le gouvernement fait voter une loi instituant un contrôle administratif de la déclaration des associations, dont les dispositions sont déférées au Conseil constitutionnel. Dans sa décision 71-44 DC du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel décide que la protection des droits et des libertés fondamentaux relève de son office : il confère pleine valeur constitutionnelle au Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et consacre, pour la première fois, un principe fondamental reconnu par les lois de la République, à savoir le principe de la liberté d'association. Sur ce fondement, il déclare la loi anticonstitutionnelle.
Que voulez-vous ? La liberté est partout en péril et je l’aime. Je me demande parfois si je ne suis pas l’un des derniers à l’aimer, à l’aimer au point qu’elle ne me paraît pas seulement indispensable pour moi, car la liberté d’autrui m’est aussi nécessaire.
Quelques notes sur le délit de consultation de sites web terroristes qui est une atteinte à la liberté de penser :
Quelques notes sur les soi-disant caractéristiques de la préparation d'un acte terroriste qui est une atteinte à l'existence d'un fait à reprocher et à la proportionnalité de la peine qui en découle :
Quelques notes sur l'interdiction administrative de séjour dans un département de toute personne cherchant à entraver l'action publique qui est une atteinte à la liberté d'aller et venir
La législation de Vichy, par exemple, conçue pour réprimer la Résistance, a été largement utilisée pour poursuivre les femmes coupables d'avortements.
Je vous recommande également de lire la retranscription du passage de l'auteur sur les ondes de France Culture. Morceaux choisis :
OG : Merci d'être avec nous. Trois questions de droit dont on tirera ensuite quelques grands principes et peut être aussi quelques matières à discussion si vous le voulez bien. La première, pour nos auditeurs : une incrimination de consultation habituelle de site terroristes, quel axe de défense avez-vous eu sur cette question ?
[…] Au delà, il y a une question de principe qui est fondamentale, c'est que quand vous avez autorisé l'État une fois à vous dire ce que vous pouvez aller lire ou voir, c'est fini pour toujours. C'est à dire qu'aujourd'hui, on vous dit : c'est pas bien d'aller sur les sites djihadistes, demain, une fois que ce verrou aura sauté, vous aurez des gens qui vous diront que c'est pas du tout bien d'aller sur des sites qui pensent que le capitaine Dreyfus était innocent par exemple, ou sur des sites qui critiqueraient le Front National. Et une fois que le premier verrou a sauté, vous n'avez plus aucune raison de principe pour vous opposer aux verrous ultérieurs. Je pense que c'est aussi ça quand le Conseil Constitutionnel a suivi.
OG : Donc en défense d'une certaine liberté intellectuelle, liberté d'aller lire ce que l'on veut, et de se faire un jugement par rapport à cela, en tout cas ce n'est pas en amont que l'on peut juger d'intention de, le fait d'aller lire, tant qu'il n'y a pas d'acte répréhensible, ce qui nous amène peut-être, au second cas pratique, à la seconde question de droit.
MS : Attendez, avant la seconde question, j'voudrais pouvoir revenir à la première. Est-ce que vous vous entendez parler ? Est-ce que vous vous rendez-compte que vous trouvez qu'il existe un objet normal de débat, qui est le point de savoir si un citoyen libre peut lire ce qu'il veut. Vous le posez volontairement à des fins pédagogiques, critiques et de discussion, mais ça a fini par faire partie de notre espace de pensée. Il a fallu arriver jusqu'au Conseil Constitutionnel pour que neuf juges viennent dire : « Il est inadmissible qu'on empêche les français de lire ce qu'ils veulent et de s'informer sur ce qu'ils veulent. » Est-ce que vous vous rendez-compte que le simple fait que ceci soit devenu un objet de débat, manifeste un point de dégradation civique probablement jamais atteint. On se pose la question. Est-ce que vous trouvez normal de me poser la question de savoir, par exemple, s'il ne faut pas revenir à une monarchie élective, ou si le catholicisme ne doit pas redevenir religion d'état ; vous trouveriez ça ahurissant. Et pourtant, vous venez de poser dans le débat une question que vous considérez comme normale, qui est la question que tout le monde se pose, que les politiques se posent, qui est : pour lutter contre le terrorisme, ne convient-il pas de supprimer la liberté d'information ? Le simple fait que cette question soit posée, qu'elle n'ait rencontré aucun obstacle sur son chemin, ni au gouvernement (qui était à l'époque un gouvernement de gauche, mais sur ces questions, la gauche et la droite c'est absolument pareil), ni au parlement, ni nulle part, jusqu'à la fin…
[…]
Henri Le Blanc : comment vous l'expliquez ça, parce que c'est ça finalement le plus surprenant, comme vous le dites.
FS : Je l'explique, et c'est à mon avis le nœud du problème, je l'explique pour deux raisons -- par deux ou trois raisons -- qui sont des raisons successives. La première raison, c'est que la question des libertés publiques n'est pas soluble dans le terrorisme : le recul des libertés publiques a commencé avant. Quand, à l'époque du président Sarkozy, on a créé la rétention de sûreté pour permettre de conserver en prison des gens après l'expiration de leur peine, on s'est déjà totalement assis sur les principes fondamentaux du droit pénal. En réalité, dans une société vieillissante et incertaine, le désir de sécurité emporte tout, et il emportait tout avant déjà le terrorisme. Le recul des libertés publiques en France ne date pas du terrorisme. Le deuxième élément, c'est le manque d'autonomie intellectuelle des ministres. […] Ce que j'ai observé dans les vingt dernières années, c'est la réduction du délai utile de prise en main des ministres de l'intérieur successifs et des gouvernements auxquels ils appartiennent, par la fonction publique, la police et le corps préfectoral. Il a fallu une semaine à Nicolas Sarkozy pour être pris en main par la police, quatre jours à Hortefeux, trois jours à Manuel Valls, deux jours à Caseneuve, 48h à Collomb. Quand j'étais jeune, c'était globalement le ministre de l'intérieur qui gouvernait les préfets, maintenant c'est le préfet qui gouverne les ministres de l'intérieur. La deuxième raison, c'est l'affaiblissement de l'autonomie intellectuelle du personnel politique. Et puis la troisième raison, c'est une raison purement, démagogique, face à la crainte provoquée par ces attentats abjects, c'est l'idée de présenter une réponse. Or en France, qui est un pays où globalement on ne sait plus réorganiser la police ou lui donner les moyens pratiques de son action, on préfère faire ce qu'on fait ailleurs : de la politique normative. C'est quand même beaucoup plus simple d'aller bidouiller quatre articles de loi qui s'asseyent sur la Déclaration, plutôt que d'expliquer qu'on va réformer la police nationale. Voilà les trois raisons et ces raisons sont affligeantes.
[…]
OG : et ça montre aussi, ça montre aussi François Sureau qu'il faut quand même s'interroger sur la réponse qui peut être donnée au terrorisme aujourd'hui. Or en se limitant, et c'est le cas dans le deuxième et le troisième point que vous évoquez, au passage à l'acte, on condamne toute possibilité pour les pouvoir publics d'élargir le champ de la prévention, c'est quand même étonnant que cette prévention on la mette en avant dans tous les domaines (la santé, l'environnement), et pas pour le terrorisme. Donc il faut toujours attendre que l'acte ait lieu, que l'attentat ait lieu pour pouvoir faire quelque chose.
FS : Ah oui, c'est ce qu'on a voulu faire au dix-huitième siècle, sans ça y'a une autre solution, c'est comme ça que Mussolini a démantelé la mafia, c'est comme ça que Staline a réduit le taux de criminalité à l'intérieur de Moscou à partir de 1930. C'est sûr que si à chaque fois qu'un sous préfet ou un agent de police délégué par lui peut vous juger un tout petit peu inquiétant on pourrait effectivement vous fourrer au ballon à titre préventif. […]
[…]
OG : Sur la consultation habituelle des sites terroristes, le premier cas que vous avez eu à plaider, quelle différence pour vous par exemple dans le fait que puisse être répréhensible aujourd'hui la production de contenus pédo-pornographiques et la consultation de ces sites, et la même chose pour des sites terroristes.
FS : Alors il y a deux choses totalement différentes, c'est que la production et la diffusion de contenus pedo-pornographiques en réalité porte atteinte à des personnes réelles, à savoir les personnes des enfants qui sont utilisés pour produire les images, et pour être représentés dans ces images, ce qui permet d'incriminer les auteurs sur le terrain de la complicité, et ça me parait parfaitement justifié. La simple consultation est une consultation cognitive, qui n'implique pas d'adhésion positive à un réseau de trafic particulier. Au surplus d'ailleurs, je dois vous dire, au risque de vous faire bondir, que j'ai des doutes et j'ai toujours eu des doutes, mais qui n'engagent que moi, y compris en matière de pédo-pornographie, sur le lien ténu qui existe entre la simple consultation et l'exploitation des enfants, voilà. […] Ça veut dire que globalement, regarder des images, même blâmables pour en tirer une satisfaction sexuelle… […] Pour moi, ne correspond pas à un passage à l'acte réel au sens des grands principes de droit pénal. […] Je dit naturellement pareil pour les sites terroristes, je veux pouvoir, en tant que citoyen libre, continuer de regarder (ce que je fais de temps en temps pour m'informer) les grands sites djihadistes connus, c'est quand même très utile de savoir ce que ces gens pensent.
[…]
HLB : Alors je voudrais revenir sur cette phrase que vous avez dites : « avant l'acte, il n'y a rien ». Mais l'acte, où commence-t-il, et où s'termine-t-il ? Est-ce que, justement, le débat ne peut pas avoir lieu, de savoir si les préparatifs d'un acte ne sont pas déjà l'acte, et cette frontière, que vous l'air de présenter comme absolument évidente, n'est-elle pas quand même floue ?
FS : Vous avez raison et il y a une réponse à ça, c'est qu'on ne peut pas l'apprécier de manière générale, parce que ça dépend beaucoup des circonstances, et de temps, et de lieu et d'espèce, et du pedigree de la personne qu'on soupçonne de vouloir passer à l'acte et ainsi de suite, et c'est la raison pour laquelle, nos constituants, et la totalité de la tradition juridique française ont remis cette appréciation entre les mains d'une personnalité indépendante du gouvernement, et qu'on appelle : un juge. La caractéristique des lois d'exception, c'est qu'en réalité on se passe de la personnalité indépendante du gouvernement, et qu'on prend un fonctionnaire aux ordres. Le fonctionnaire aux ordres, eh bien il peut penser que vous là, êtes susceptibles de passer à l'acte, et il peut le penser simplement parce que son ministre lui aura donné l'ordre de le penser. C'est précisément la caractéristique d'une société non démocratique. C'est la raison pour laquelle le rôle de l'institution judiciaire, dont la constitution nous dit quelle est gardienne des libertés publiques, est un rôle absolument fondamental. Je vous rappellerai d'ailleurs sur le plan archéologique quand même quelque chose d'intéressant, c'est que cette disposition de constitution qui prévoit que l'autorité judiciaire est la gardienne des libertés publiques c'est exactement pour ça, il faut que cette appréciation à laquelle vous pensiez soit faite par un juge indépendant. Cette disposition a été écrite par Michel Debré, qui lui non plus n'était pas plus que Roger Frey un humaniste bêlant, et a été introduite par Michel Debré dans la constitution de 58, au moment de la guerre d'Algérie, où entre les attentats du FLN, les attentats de l'OAS et les morts au combats, il y avait peut être, et certainement même, plusieurs morts par jours. Ça ne l'a pas amené à dévier de cette idée fondamentale, que dès lors qu'il s'agit de porter atteinte à la liberté individuelle, ça ne peut être fait que par un juge indépendant. C'est quand même pas compliqué à faire. Le juge indépendant n'est pas lui non plus un humaniste bêlant. Vous avez déjà rencontré des magistrats anti-terroristes, ce ne sont pas des gens qui pensent qu'il faut se montrer mou sur la répression. La clé de notre liberté, c'est qu'un juge indépendant doit décider.
[…]
OG : François Sureau, un corps social endolori et quelque part endormi…
FS : J'suis d'accord avec ça. Y'a un élément qu'on oublie quand même assez souvent, mais c'est vrai que j'y suis sensible professionnellement, c'est quand on parle du couple "sécurité et liberté", d'abord on fait comme si c'était antinomique, alors que le rêve de notre démocratique politique c'est que les deux vont ensemble, la liberté et la sûreté, c'est le rêve de notre démocratie politique. On peut choisir d'y renoncer parce que 300 criminels font sauter une boîte de nuit, on peut choisir de renoncer au rêve de notre démocratie politique, celui qui nous anime, mais j'aimerais qu'on le sache et qu'on ne se paye pas de nous. Le deuxième élément c'est : y'a un tiers dans ces affaires, entre les individus (le corps social), et les terroristes (et c'est sans cesse oublié par les français), c'est l'état. En réalité, quand on augmente la partie "sécurité", ce qu'on augmente simplement c'est le pouvoir de l'État sur chacune de nos vies, à nous qui ne sommes pas des terroristes, ça n'est pas nécessairement qu'on diminue la sécurité dont les terroristes jouissent. Et c'est très très frappant parce que cette question de l'État comme tiers entre la liberté et la sécurité, c'est une question qui a été très bien vue par les révolutionnaires anglais de 1689, elle a été très vue par les déclarants américains (Jefferson et Hamilton), elle était très bien vue par les rédacteurs de la déclaration des Droits, et compte-tenu de la place symbolique très importante prise par l'État dans le système politique français, elle a fini par être légèrement oubliée. La vérité de tout cela c'est, encore plus à l'époque de l'interconnexion des fichiers, à l'époque du numérique et ainsi de suite, toute augmentation des prérogatives sécuritaires des pouvoirs publics aboutit simplement à la mise en place d'une société de surveillance par l'État, et je trouve qu'il est quand même un tout petit peu temps de s'en rendre compte.
[…]
FS : […] Vous savez ce qui me frappe, c'est que, moi je fais partie des gens qui sont nés en 57, comme tous les gens qui sont nés en 57 et qui, en fonction des histoires familiales des uns et des autres, se sont demandés comment les choses du passé avaient été possibles (hein, je ne suis pas un partisan du point heu du théorème de Machin, heu Godwin ou de la répression…) enfin, quand même, j'ai passé ma jeunesse à me demander comment ça avait été possible. Je me suis demandé, qu'à fait grand papa pendant la guerre, qu'à fait l'oncle machin et toi, pourquoi tu n'as rien dit au moment de, hein ? […] Et ça, si vous voulez on a tous été élevés la dedans. La découverte douloureuse, des dix dernières années que nous venons de vivre, ça a été de voir la facilité avec laquelle ces principes cédaient chez ceux qui avaient la charge de les défendre. Ceux qui avaient été mes maîtres, ceux qui avaient été mes éducateurs, ceux avait été ceux que j'admirais quand j'étais jeune, ceux qui avaient été premier ministre, ministre, président du parlement, président de la chambre criminelle, le vice-président du Conseil d'État, etc. En réalité, l'option policière est rentrée là dedans comme dans du beurre, ce qui fait que je n'ai plus, en réalité maintenant je n'ai plus de surprise attristée quand je lis les récits du passé et je dis simplement : voilà, c'est à nous de faire ce que nos anciens n'ont pas toujours fait, ceux que certains d'entre eux ont fait avec héroïsme d'ailleurs et ceux à quoi ma génération est confrontée maintenant.
Ce livre présente la décroissance, c'est-à-dire l'idéologie qui remet fondamentalement en question la croissance économique érigée en dogme comme elle l'est actuellement dans nos sociétés. L'idée clé est d'arrêter de faire de la croissance pour produire de la croissance et de remettre la nature et les humain⋅e⋅s au centre de notre attention. Le mouvement décroissant va donc au-delà de l'économie, il s'agit d'un modèle de société tout autre construit autour de l'idée "il faut être athée de la croissance", les idées brodées autour se discutent encore à l'heure actuelle. Les hypothèses posées sont celles de la croissance comme racine des maux constatés (délocalisations, exigence de flexibilité accrue, chômage en hausse depuis 30 ans, systèmes redistributifs en panne, précarisation, inégalités, épuisement précoce des ressources naturelles, rupture des liens sociaux / insensibilité au sort d'autrui, etc.) et le fait que les autres modèles échoueront à corriger tous ces maux car ils corrigent un à un les problèmes sans remonter à la cause racine de ces problèmes.
Le concept clé est la loi de l'entropie : issue de la thermodynamique, elle stipule que l'énergie utilisable devient peu à peu inutilisable et que l'énergie requise pour obtenir quelque chose augmente. Vu que l'univers est un système clos (il n'y a pas d'échange d'énergie et de matière avec "autre chose", l'énergie utilisable diminue donc l'entropie augmente donc l'univers va forcément se refroidir et s'éteindre. La question est donc de savoir si l'on va dans le mur demain (croissance effrénée) ou après-demain (décroissance ou autre modèle de société). Notons que le progrès technique peut être vu comme un ensemble de moyens pour trouver et exploiter de l'énergie encore utilisable qu'on ne savait pas exploiter avant… et tracer ainsi plus vite notre chemin vers notre tombe.
Il n'y a pas un mouvement pour la décroissance mais plusieurs, car il existe une multitude de pensées : culturalisme (l'humain⋅e doit changer de valeurs, les valeurs avant tout), rejet (ou non) du progrès technique asservissant pourtant vendu comme la solution à tous nos maux, priorité (ou non) à la préservation de la nature, faire passer (ou non) le social d'abord "moins de biens, plus de liens", contrôle fort (ou non) de la population mondiale, etc.
Hum, la décroissance, c'est un truc de gauchos, non ? Ce n'est pas clair… Certain⋅e⋅s auteur⋅e⋅s décroissant⋅e⋅s refusent la recherche de l'égalité (valeur plutôt attribuée à la gauche), d'autres l'individualisme (valeur plutôt attribuée à la droite). Parfois il⋅elle⋅s prônent l'amélioration des systèmes de répartition des richesses, parfois il⋅elle⋅s prônent l'entraide. La décroissance se cherche encore politiquement parlant.
On peut se demander si les objecteur⋅rice⋅s de croissance ne se trompent pas de combat :
Il n'existe pas de réponse tranchée, il y a tout un arc-en-ciel de positions décroissantes, de la plus consensuelle à la plus radicale. Un des arguments des décroissant⋅e⋅s radicaux⋅ales est de dire qu'on sait que le travail actuel est placé sous un régime de domination, d'aliénation et d'exploitation ; Les syndicats sont là pour établir un compromis ; Pourtant, ils échouent. Donc, il ne faut accepter aucun compromis.
La décroissante tente de remettre à plat les théories économiques : l'analyse économique classique repose sur les lois de la mécanique classique (action, réaction, tout ça) et fonctionne en vase clos (les schémas économiques illustrent le système présenté comme étant isolé dans son coin, sans interaction avec d'autres ni avec l'humain⋅e et l'environnement…). La décroissance explique l'économie par les lois de la thermodynamique et prévoit des échanges entre les systèmes étudiés et entre ces systèmes et l'extérieur.
Comment agit-on ? Il n'y a pas de scénario de transition pré-écrit et plusieurs voix se font entendre : intervention des États pour taxer les "mauvais" comportements et/ou financer les dégâts envisagés par certain⋅e⋅s auteur⋅e⋅s (perte d'emploi, répartition des richesses, etc.), remise en question profonde de nos modes de vie, des pratiques locales fédérées, etc. Concernant les pratiques locales / individuelles, c'est du très classique : autoproduction, simplicité volontaire (on consomme ce dont on a besoin, on répare ce qui peut l'être, on fuit les modes), favoriser la consommation locale, donner au lieu de jeter, réfléchir aux sujets importants, réduire son temps de travail pour se consacrer à d'autres choses, tisser des liens sociaux, etc.
Au moment de recommander (ou non) ce livre, je suis hésitant… Il s'agit en réalité d'une compilation d'écrits agrémentée de quelques réflexions des auteurs. Parfois, cela donne l'impression de lire un recueil de citations… Mais, d'un autre côté, ça permet de creuser les différents aspects couverts par la décroissance (économie, démographie, social, aspects politiques, aspects théoriques, etc.) en une seule fois.
Notes :
Dans ce livre, Olivier Iteanu constate que les conditions générales d'utilisation de la majorité des services web que nous utilisons tous les jours (Google Search, Google Youtube, Facebook, Uber, etc.) précisent que le tribunal compétent pour trancher un litige est un tribunal californien. De même, l'auteur constate que l'application du droit français par ces grosses plateformes en matière de retrait de contenus litigieux (racistes, antisémites, atteinte à la vie privée, etc.) est insuffisante. L'auteur s'interroge donc : est-ce qu'on va vers une américanisation du Droit européen et français ? Les plateformes de la Silicon Valley sont-elles le fer de lance de cette américanisation comme Hollywood rayonne sur la culture mondiale ? Si la loi est la codification suprême de la manière dont nous faisons société, est-il justifié qu'elle soit rendue inapplicable aux usages numériques les plus répandus ? Est-il souhaitable d'avoir une seule culture au niveau mondial destinée à cracher du fric ou faut-il tenir compte des valeurs différentes de chaque territoire ?
J'aime ce bouquin car il expose bien les différents acteurs, leur hypocrisie et les bases du droit français applicable au numérique en matière de liberté d'expression, de droit d'auteur et de vie privée. Je ne pensais pas qu'il était possible de présenter aussi limpidement les principaux textes qui régissent cela. :) Contrairement à Stéphane, les propos volontairement légalitaires ne me dérangent pas puisque l'auteur déroule la thèse tenue dès le titre, "américanisation du droit oui ou non ? bien ou mal ?", thèse pour laquelle j'ai acheté le livre.
Concernant les aspects négatifs :
Pourquoi les plateformes américaines n'appliquent pas le droit local ? Question de défense des intérêts économiques :
La Convention européenne des droits de l'Homme engage les pays membres du Conseil de l'Europe, qui regroupe 47 États membres dont la Suisse, la Turquie, la Russie, l'Azerbaïdjan, etc. Le juge suprême en charge de l'application de cette Convention est la CEDH. La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne engage les 28 États membres de l'Union (sauf 3 relous dont l'Angleterre qui en applique un fragment par dérogation…). Le juge suprême de la Charte est la CJUE ;
L'auteur identifie 3 acteurs majeurs :
Différences droit d'auteur / copyright :
Un livre qui rassemble quelques-uns des écrits d'Aaron Swartz, informaticien, penseur, militant.
Ce qui m'a le plus déçu est le fait que ni la traduction, ni les contributions externes comme la préface ne sont diffusées sous une licence libre alors que les billets de blog originaux d'Aaron sont sous licence CC-BY-NC-SA. De plus, Larry Lessig sait pertinemment que ce livre n'aurait pas plu à Aaron (il l'écrit dans la préface), car ressortir de vieux écrits et les exposer à la vue de plus de personnes que l'auteur en attendait lors de la publication initiale est une forme d'atteinte à la vie privée.
D'un autre côté, sans ce livre, je ne me serais jamais intéressé aux écrits d'Aaron. Et quels écrits ! Ceux d'un insatiable penseur. De la culture à l'économie en passant par la politique et le social, Aaron s'intéressait à tous ces sujets.
Pour le travail documentaire, le style et la diversité des sujets abordés, je recommande vivement la lecture de ce livre.
Quelques notes :
Le taux de participation aux élections pour la première Chambre des représentants (équivalent, aux USA, de notre Assemblée nationale) était de 1,3 % (40 000 électeurs pour 3 millions de citoyens). Alors, oui, c'était un peu le zouk à l'époque (répartition géographique et moyens de communication, nouveauté du système, etc.), d'où ce chiffre, mais ça permet d'illustrer qu'un très faible taux de participation à une élection ne semble pas enlever la légitimité d'action de nos représentant⋅e⋅s. Abstention, solution ou non, du coup ?
Faut-il vraiment réduire le nombre de nos député⋅e⋅s et sénateur⋅rice afin de faire des économies comme on l'entend souvent ? Dans la première Chambre des représentants des USA, il y avait 1 élu pour 600 électeurs / pour 46 000 citoyens (tenir compte du taux de participation exposé au point précédent !). En 2008, il y avait 1 élu pour près de 700 000 électeur⋅rice⋅s. Au temps de la première Chambre des représentants, l'élu avait une vision d'à quoi ressemble vaguement ses électeurs, de ce qui les intéresse, de leurs idées politiques, etc. Cela forme un même tissu social cohérent. L'électorat loge laaaaaaaargement dans les tribunes d'un stade de foot d'une petite ville. Ce n'est plus le cas. Donc, forcément que l'élu⋅e moderne n'est plus humainement en capacité de savoir à quoi ressemble son électorat et s'accroche donc aux généreux donateurs qui sont en nombre beaucoup plus réduit.
Ce livre couvre la première moitié du quinquennat Hollande, de mi 2012 à fin 2014.
Je l'avais acheté car, justement, je me souviens à peine de cette première moitié de quinquennat (pas de problème pour la deuxième, j'ai bien en tête les régressions sociales, en termes de libertés et en termes de désignation d'un méchant ennemi intérieur). Sur ce point, je ne suis pas déçu.
En revanche, dès le début, dès la première phrase du bouquin, on te cause du danger Le Pen en 2017. Ça sera répété tout au long du livre. Ça fait plus de 40 ans qu'on nous gonfle avec ça, que ça éclipse tout dans les médias (genre pourquoi les médias vont systématiquement demander son avis sur tout à MLP et pas à Mélenchon ou à un autre représentant minoritaire ?!). Ça fait plus de 40 ans qu'on se fait enfumer et serrer la vis par d'autres guignol-e-s d'autres partis qui sont tout aussi dangereux-euses (quand l'UMP nous parle de camps d'enfermement administratif ou de déchéance de nationalité, hein, sérieux) ! C'est bon, il faut passer à autre chose. Le danger c'est pas tant celui ou celle qui récoltera les fruits de la tempête que ceux et celles qui la sème en ce moment. C'est de ces dernier-e-s dont il faudrait avant tout se méfier.
De même, je m'interroge sur l'intérêt des reportages larmoyants "c'est la misère dans telle ou telle cité". Oui, il est important de documenter cela sinon il n'y a pas de prise de conscience et donc pas d'action pour tenter d'endiguer ce phénomène. Mais, dans ce recueil de dépêches, est-ce que leur nombre ne constitue pas du journalisme facile ? Le récueil de témoignage de terrain, c'est bien mais quid du constat macroscopique ?
Quelques notes :
Bilan (très partiel et je ne reprends pas les idioties que j'ai déjà écris ci-dessus) : des dictateurs sont toujours accueillis à l'Élysée (pour les "aider à évoluer", sans doute ;)), banalisation des démantèlement de camps de réfugié-e-s et des expulsions tout en accusant la droite, mesures de façade genre bricolage des impôts et des allocs familiales au lieu d'une CSG fusionnée et progressive ou de revoir le quotient familial qui redistribue aux plus riches, ratification du TSSG européen, etc.
Encore un epub qui traînait.
Ce livre est la retranscription d'un échange entre 4 militants en faveur des droits et des libertés qui a eu lieu en mai 2012 à l'initiative de l'un d'eux pour son émission sur les ondes de « Russia Today ». Plusieurs thématiques seront traitées : surveillance de masse, censure, hacker la politique, chiffrement complet comme seule alternative à une surveillance et à une industrie devenues trop puissantes, violence coercitive des États, effacement de la limite entre surveillance étatique et privée, est-on encore libre quand le système monétaire et financier est totalement possédé par autrui (cas du blocus financier de Wikileaks ordonné par Washington), etc.
Sur la forme, c'est la première fois que je lis un livre centré sur une retranscription. Ça se lit plutôt bien. En revanche, des erreurs de traduction (« crypter » au lieu de chiffrer, « interception en bloc », etc.) et des problèmes de sémantique (« l'univers, la nature croit en la crypto » alors que l'univers ne croit pas, il est ; utilisation du mot « déchiffrer » en lieu et place de « décrypter » ce qui génère une inversion complète des propos) sont à déplorer.
Sur le fond, c'est très intéressant, ça n'a pas vieilli mais il faut avoir un corpus minimal de connaissances pour suivre aisément ce qui se raconte, notamment les faits qui sont évoqués. Les références permettent de s'y retrouver mais pas d'avoir une aisance leur d'une première lecture par un-e non-initié-e.
Malgré les réserves ci-dessus, je recommande la lecture de ce bouquin.
Quelques notes :
Mon expérience ne cesse de me démontrer que les pays occidentaux sont simplement bien plus sophistiqués au niveau de la désinformation et de la dissimulation de la réalité. Il y a une multiplicité de niveaux qui permettent de nier l’existence de la censure. La censure est comme une pyramide enfouie. Seule la pointe émerge du sable, et pour cause. Seule la pointe est publique – procès en diffamation, assassinats de journalistes, caméras saisies par les militaires et ainsi de suite –, il s’agit de la censure publiquement reconnue. Mais ce n’est qu’une infime partie de l’ensemble. Sous la pointe, la couche suivante est celle de toutes ces personnes qui préfèrent ne pas être vues, qui pratiquent l’autocensure pour éviter de se retrouver sur la pointe. La couche suivante contient toutes les formes d’incitations économiques et d’aides que l’on accorde aux gens pour parler de telle chose plutôt que de telle autre. Plus bas encore se trouve la couche de l’économie brute – les sujets sur lesquels il est économique d’écrire, même si vous ne tenez pas compte des facteurs économiques qui proviennent des niveaux supérieurs de la pyramide. La couche suivante, ce sont les préjugés des lecteurs avec un faible niveau d’éducation, qui sont donc des cibles faciles pour la désinformation, et à qui l’on ne peut même pas expliquer des choses sophistiquées. La dernière couche est celle de la distribution – certaines personnes, par exemple, n’ont tout simplement pas accès à de l’information dans une langue donnée. C’est ça, la pyramide de la censure. Quand il censure les télégrammes du Cablegate, le Guardian s’inscrit dans le deuxième niveau.
Cette censure est facile à nier, soit parce qu’elle se fait à l’abri des regards, soit parce que aucune instruction n’est jamais donnée de censurer telle ou telle affirmation. Il est rare qu’on dise à un journaliste: « N’écris rien là-dessus » ou : « Ne parle pas de ça. » Ils savent très bien ce qu’ils sont censés faire et ne pas faire sans qu’on ait besoin de leur dire parce qu’ils comprennent les intérêts de ceux qu’ils souhaitent satisfaire ou dont ils souhaitent se rapprocher. Si vous vous conduisez bien, on vous donnera une petite tape sur la tête et on vous récompensera, sinon, ça sera moins sympa.
Les sociétés occidentales se sont fait une spécialité du blanchiment de la censure en structurant les affaires des puissants de sorte qu’aucune voix qui perce dans le débat public ne puisse réellement modifier les relations de pouvoir parce que ces relations sont camouflées sous de multiples couches de complexité et de secrets.
Là encore, un PDF que j'ai sur mon disque dur depuis mi-2011…
Le titre respire bon le Parti Pirate et entretient la confusion entre hacker et pirater… … …
Ce livre nous présente un projet de société, celui dans lequel Internet, en tant que technologie et en tant que réseau humain, permet de faire évoluer la société vers quelque chose de moins mauvais : plus de liberté d'expression pour chacun-e, fraternité, collaboration, diffusion inédite du savoir, etc.
Ce projet de société est pauvrement rédigé, présenté uniquement à des initié-e-s en cela que rien n'est expliqué, tout (les effets produits par Internet, par exemple) est censé être évident. Les sujets s'enchaînent sans transition, sans réel sens. Aucune piste n'est donnée, rien. Nous sommes en présence d'un brouillon.
Je recommande de passer son chemin.
Quelques notes :
J'ai ce livre au format epub depuis avril 2013. Il était grand temps de le lire. :D
Les définitions des termes (hacker, fablab, hackerspace, logiciel libre, etc.) sont irréprochables. Les exemples de projets pour illustrer les pratiques présentées sont nombreux. L'auteure a bougé entre l'ouest de la France (Bretagne en force !) et l'Allemagne pour gratter le sujet avec les principaux-ales intéressé-e-s.
Le livre est rempli de références vers des projets, permettant ainsi au lectorat de continuer de creuser le sujet en toute autonomie. L'exemple qui m'a le plus marqué est le projet de sextoys DIY, peut-être parce qu'on est au zénith d'un projet DIY qui fait plaisir à toutes les étapes (conception->utilisation), mais bref. :)
Je trouve que l'auteure manque globalement d'un un peu de recul et de mise en contradiction des propos récoltées, on est clairement dans une vision idéalisée du monde du hacking avec très peu d'interrogations, de remise en question, de questionnement des pratiques constatées.
Malgré quelques références obscures qui ne pourront être comprises par un-e non-initié-e lors de sa première lecture, je recommande vivement la lecture de ce livre à toute personne qui croit que hacker = pirate ou qui a du mal à voir les contours du concept de hacking ou qui a du mal à concevoir comment cela se concrétise.
Quelques notes :
Ça faisait un moment que je voulais lire cet essai de La Boétie dans lequel il nous explique que la servitude envers un tyran (que l'on peut entendre aujourd'hui au sens d'une autorité quelconque) est volontaire et qu'il n'y a pas besoin d'une révolution dans le sang pour défaire un tyran.
Quelques notes sur La Boétie :
Quelques erreurs à propos du Discours de la servitude volontaire :
Quelques notes sur le discours :
Du coup, qu'est-ce qui explique la servitude des peuples ?
Et donc, comment on se libère ?
Merci à HS-157 ( http://hs-157.moe/ ) pour le prêt du bouquin (d'où la motivation pour le lire :P ).
Un bouquin écrit par Laurent Obertone (pseudonyme) qui a déjà écrit plusieurs brûlots dont j'ignorais l'existence. Celui-ci aborde la domestication de l'Homme par l'Homme, c'est-à-dire la transformation désirée de la société française à l'état d'esclave par le pouvoir de la volonté générale (c'est ce que l'auteur nomme Big Brother). Pour l'auteur, tout ce qui sort de notre nature est bidon et il nous faut revenir à cet état de nature. Ainsi, les hommes doivent être virils et être des gardiens/protecteurs/chasseurs. Les femmes sont assignées à la reproduction et à la sélection naturelle. Bref, Laurent est là pour nous prévenir : nous nous faisons dévorer tout crû par la morale établie bien-pensante que nous avons collectivement instauré. L'école (et la formation continue), les médias, les politocards, l'art, la bien-pensance bobo, etc. voudraient, selon l'auteur, arracher tout individu à tous ses déterminismes qu'ils soient sociaux, culturels, ethniques, intellectuels, familiaux, etc. pour en faire un être policé à la morale commune, banalisée, inapte à la révolte/rébellion.
Toute l'argumentation de l'auteur repose, au bout du bout, sur le pivot « ce n'est pas naturel ». La méritocratie est justifiée car le fort doit écraser le faible car c'est naturel. L'homme doit se bastonner, s'imposer, notamment pour séduire sa femelle parce que c'est naturel (la testostérone n'est pas là par hasard, n'est-ce pas ?). La solidarité organique est un concept stupide car, à cause d'elle, très peu de personnes savent chasser et/ou se défendre d'une agression. On se fait donc domestiquer, on est dépendant. Une égalité en droit serait stupide pour compenser une inégalité de fait : y'a des gens moins intelligents que d'autres, y'a des gens moins musclés que d'autres, les femmes sont inférieures car elles peuvent procréer moins souvent, etc. et il faut faire avec, laisser la sélection naturelle opérer (ce qui fait qu'aux yeux de l'auteur, les prestations sociales sont une hérésie car elles servent à entretenir des personnes déficientes qu'il faudrait laisser de côté).
L'intégralité du livre est le reflet d'un mode de pensée très libéral mais aussi très conservateur d'un point de vue social, très orienté autour de la morale judéo-chrétienne en mode la vie c'est la souffrance, il faut souffrir pour vivre (d'où l'euthanasie est vue par l'auteur comme la domestication suprême), mériter ce que l'on est et ce que l'on a. Le progressisme serait un truc de bobos qui passent à la TV, le vieux cliché s'il en est. En gros : c'était mieux avant, quand l'Homme tapait sur des cailloux et montrait qui est le vrai Mâle alpha. On retrouve également des principes anarchistes : fuck l'État qui n'est qu'un maître de trop et dont la providence nous asservie, se dresser soi-même au lieu de se faire dresser par quelqu'un-e d'autre, etc.
L'auteur joue dans tous les registres : absence de sources pour les affirmations chocs (l'auteur se contente d'une vague description comme « une étude démontre que », charge à nous de retrouver la référence, LOL), déformation des résultats de recherche et des termes pour servir son propos (exemples : effet Pygmalion, anisogamie), exagération des faits (notamment sur l'ajustement du barème de l'épreuve de maths du Bac S de 2014), personnification du Mal (le Mal, c'est BHL, Plenel, Hollande et quelques autres noms qu'il faudra envoyer au peloton), théorie du complot (tou-te-s les boss de la presse seraient membres du Siècle ou Francs-maçons, personne sauf l'auteur n'aurait évoqué la présence d'Hollande, de Mélenchon et de tant d'autres au pot de départ d'une journaliste de l'AFP sauf que : https://www.google.fr/#q=pot+de+d%C3%A9part+AFP+m%C3%A9lenchon+hollande …), précipitation (exemple : l'auteur évoque ce qui serait un faux document publié par Médiapart dans l'affaire du financement libyen de la campagne de Sarko alors que l'affaire est toujours en cours et que le motif de faux n'a pas été retenu jusqu'à présent par la justice, voir http://www.lesechos.fr/03/06/2016/lesechos.fr/021995324202_financement-libyen---le-document-entre-sarkozy-et-kadhafi-est-authentique--selon-la-justice-francaise.htm ), utilisation de faits divers pour généraliser (j'ai beaucoup rit avec "on trouve parfois des câbles d'ascenseur rongés par l'urine des usagers [...] donc c'est la tragédie des communs, omg", par exemple …) et, enfin, l'auteur agit précisément de la manière qu'il dénonce (exemples : critiquer les spécialistes que nous vendent les médias pour faire autorité mais en appeler soi-même à la rescousse, lynchage de personnes ("booooouh telle personne n'a pas fait d'études supérieures !") en mode TPMP dont l'auteur dénonce préalablement les méthodes, se dresser contre la pensée unique tout en en proposant une autre en filigrane, la tolérance serait le masque de l'intolérance, etc.). Bref, ce livre est plus de la soupe qu'autre chose. :-
Pour l'auteur, tout est de la servitude sans aucune nuance. Militer pour obtenir des droits ou ne pas en perdre ? De la servitude aux grands syndicats bien établis qui toucheront des thunes de l'État tout en prétendant lutter contre ses réformes + de la servitude envers l'État : on lui demande une faveur + le Système est conçu pour tolérer les gentilles manifs et oppositions qui ne le menacent pas. Donc ne faisons rien ou faisons des révoltes dans le sang ? Défendre la liberté d'expression ? De la servitude aux grands médias bien établis qui toucheront de la thune de l'État et/ou des Puissants de ce monde car eux-seuls ont une capacité de diffusion de masse. Sauf que je peux défendre la liberté d'expression et être opposé aux aides d'État à la presse. Je peux vouloir défendre les micro-journaux locaux, pas que les grands médias bien établis. Je peux vouloir défendre la liberté du plus grand nombre à s'exprimer sur le net (voir https://shaarli.guiguishow.info/?2ZpWQA ). Bref, pour l'auteur, tout et son contraire est le Système, tout et son contraire fait le jeu du Système. ÉDIT DU 11/12/2016 À 12H : Par contre, cela m'inspire qu'il faut roder nos communications militantes. Exemple concret pour aider à la compréhension : quand le Peuple demande à être plus souvent écouté, on lui propose du référendum (c'est dans le programme de plusieurs candidats à la présidentielle 2017) et des consultations publiques (ça a été la mode ces dernières années). Sauf que quand le Peuple est noyé sous des consultations purement consultatives pour lesquelles les délais pour participer sont scandaleusement courts comme le fût la loi République numérique en France ou la réforme actuelle du droit d'auteur dans l'UE (voir http://shaarli.guiguishow.info/?VZhgmw ) alors le Peuple a perdu. On a avancé mais on a aussi beaucoup reculé. Pourtant, les élu-e-s ont écouté. Juste, nous n'avons pas la même notion de ce qu'est l'écoute d'autrui. Là où je veux en venir, c'est qu'il faut être clair sur nos exigences et ce, dès le début de toute action militante. Est-ce que ces consultations biaisées dès leur conception ne sont pas le reflet de notre inaction initiale ? Je veux dire, on a demandé à être écouté au lieu de prendre directement la parole (en contactant, chacun-e nos élu-e-s ou en proposant des actions de terrain, par exemple). Le Maître État a satisfait à notre demande de la manière qui l'arrange, pour reprendre la terminologie d'Obertone. Si l'on avait directement pris la parole, il n'y aurait pas eu cette dérive. Si le nombre de citoyen-ne-s qui se bougent le cul spontanément pour participer à la vie politique était plus important, les élu-e-s pourraient-il-elle-s encore les ignorer au point de forcer ces citoyen-ne-s à demander des consultations ? Pas sûr du tout. FIN DE L'ÉDIT.
En revanche, là où je suis d'accord avec l'auteur, c'est sur sa conclusion : qu'on partage ou non l'analyse qu'il dresse, les situations présentes n'existent que parce que le plus grand nombre de personnes le veut ou, tout du moins, ne fait rien ni ne propose rien pour aller dans une autre direction. L'exemple le plus flagrant est que l'on demande aux politocard-e-s « que comptez-vous faire sur le sujet X ? ». On attend tout d'eux-elles. On attend des solutions et de la considération des Puissants. C'est à eux-elles de créer de l'emploi, d'enlarger les pénis, etc. On attend le mensonge des Puissants, qui doit être toujours plus parfait. Pour moi, la bonne méthode est : faire (make) sans attendre quoi que ce soit et militer auprès des politocard-e-s. Ces deux modes d'action sont complémentaires. Voir : http://shaarli.guiguishow.info/?xo1oaQ
Sur la forme, le ton percutant ne me dérange pas mais le paquet de répétitions, si. Elles doivent représenter 150-200 pages. De plus, la 4e de couverture est plutôt trompeuse : « enquête sur un sujet tabou » + « Recueillant les confidences de journalistes, politiques et hommes d'influence repentis, [...] » + « République des écrans ». Je n'ai rien lu de cela. Je n'ai lu que des propos issus de coupures de presse, des pensées de l'auteur et des propos non sourcés. De plus, en quoi cela forme-t-il une enquête ? Il s'agit une analyse toute personnelle de la société française étayée par des coupures de presse, rien de plus.
Au moment de conseiller ou non la lecture de ce bouquin, je suis mitigé. D'un côté, lire une analyse et des postulats totalement différents des siens, c'est important pour l'esprit critique, c'est formateur. D'un autre côté, quand c'est si mal écrit sur la forme et le fond, quel intérêt ? :/
L'instrument de contrôle social le plus puissant, c'est que l'humain-e a peur d'être sanctionné-e par le groupe, a peur d'être isolé-e par le groupe. Cette réflexion de l'auteur me fait penser, qu'en effet, notre solution à tout est l'exclusion : l'exclusion d'un groupe social (association, par exemple mais il faut prendre groupe social au sens abstrait), l'exclusion de la société (prison, voir https://www.youtube.com/watch?v=AtI_CQuBxlI ), l'exclusion de la Nation (déchéance de nationalité). Est-ce bien raisonnable ? :/
P.-S. : ce shaarli pointe sur la première édition mais j'ai lu l'édition de poche publiée par La Mécanique Générale. Je ne trouve pas le bouquin sur le site web de celle-ci et j'ai pas franchement envie de faire un lien vers Amazon ou la FNAC.
Un bouquin écrit par François Elie (agrégé de philosophie, ancien conseiller municipal orienté NTIC d'Angoulême ;) ) qui nous présente l'économie du logiciel libre en insistant très lourdement sur ce qu'il considère être la prochaine vague c'est-à-dire la mutualisation par la demande afin que les clients de logiciels réalisent des économies et de faire émerger des logiciels métier en logiciel libre.
Ce livre date de 2009. Je l'ai acheté fin 2010 mais je ne l'avais pas encore lu jusqu'à aujourd'hui : des déménagements successifs l'avaient fait prisonnier dans des cartons durant de longues années. :D
Ce livre est intéressant pour quiconque ne s'est jamais vraiment intéressé au financement des logiciels libres (comme moi) et qui croit que le logiciel libre peut être financé uniquement par de l'assistance payante / double licence.
Le militantisme de l'auteur en faveur de l'émergence de la mutualisation par la demande afin de faire émerger des logiciels métier est très intéressante. Le livre explique très bien les blocages : problème d'image, problème d'intérêt à agir, etc. Je nuancerai en disant que l'auteur en attend à mon avis beaucoup trop de la puissance publique qui pourrait jouer le jeu, faisant ainsi des économies, ce qui ferait apparaître cette mutualisation par la demande.
Au-delà de ça, ce livre, qui mélange économie et parfois philosophie, est parfois un peu difficile à suivre par son côté très abstrait. Beaucoup de répétitions sont également à signaler.
François Elie analyse le "marché" du logiciel libre en trois acteurs : le développeur amateur (que l'auteur nomme hacker… … …), le marchand et le client. Tous trois poursuivent des intérêts forts différents : le premier cherche la reconnaissance, le deuxième espère un gain, le troisième espère faire des économies. Le développeur amateur et le marchand des alliés quand il faut dire au client que libre ne signifie pas gratuit. Marchand et client sont de mèche quand il s'agit de dire que bénévolat, ce n'est pas assez sérieux, qu'il faut de l'assurance, de la garantie, de la maintenance. Le développeur amateur et le client sont d'accord quand il s'agit de rappeler au marchand qu'il ne sert à rien d'être un crocodile ou un ogre. C'est de là que viennent les tensions.
Le logiciel libre est partit des infrastructures (informatique générale pour l'informaticien) puis a conquis le middleware (informatique intermédiaire pour l'informaticien au service de quelqu'un genre genre un connecteur standard pour un SGBD). Pour les logiciels métier, c'est plus compliqué car personne n'a d'intérêt ce qu'ils soient libres à part le client : le marchand veut vendre du temps de travail donc il ne doit pas dire qu'il dispose de briques génériques pour développer le logiciel demandé et le bénévole ne voit rien de fun dans le développement d'un logiciel de gestion de la cantine scolaire ou de la gestion de stocks ou de celle d'un réseau de parcmètres, par exemple.
Un bouquin provenant de Mediapart qui évoque la loi Renseignement (et celle de Surveillance internationale) votée en France en 2015 ainsi que la surveillance américaine et la surveillance étatique dans son ensemble.
Ce que j'ai apprécié, c'est la bonne définition, dès la préface, des termes manipulés et la contextualisation des sujets abordés et de la surveillance c'est-à-dire que l'on voit d'où ça vient la surveillance étatique et le fil rouge suivi.
Ce livre met aussi en évidence les jeux de pouvoir / amitiés politiques et les jeux des partis politiques dans le vote de la loi Renseignement et c'est un gros morceau qui explique bien des choses et qui m'avait échappé en très grande partie dans le feu de l'action.
Enfin, ce livre expose très bien en quoi la loi Renseignement constitue un changement de paradigme et s'insère dans une société dans laquelle une petite oligarchie se construit son opacité et son impunité vis-à-vis des citoyen-ne-s. J'vais revenir sur ce point plus loin
Ce que je n'ai pas apprécié, c'est le nombre élevé de répétitions. C'est normal pour un recueil de publications passées mais c'est assez pénible à lire, en fait donc il faut le savoir.
D'autre part, le nombre de typos et de fautes (principalement d'orthographe) est élevé, ce n'est pas sérieux. :/
Je recommande la lecture de ce livre.
Il n’est pas étonnant que la plèbe n’ait ni vérité ni jugement, puisque les affaires de l’Etat sont traitées à son insu, et qu’elle ne se forge un avis qu’à partir du peu qu’il est impossible de lui dissimuler. La suspension du jugement est en effet une vertu rare. Donc pouvoir tout traiter en cachette des citoyens, et vouloir qu’à partir de là ils ne portent pas de jugement, c’est le comble de la stupidité. [...]
Spinoza
Cette loi [ Renseignement ] est fondamentalement opposée à l’esprit même de la Révolution républicaine. La République, en France, en 1789, s’est fondée contre l’absolutisme royal. Elle se fixait comme première revendication libératoire la revendication de la sûreté. La sûreté, c’est très simple, c’est ce qui permet à chacune, à chacun, de savoir qu’il pourra rentrer chez lui le soir sans être arrêté, sans être réveillé au milieu de la nuit et sans que ses propriétés, ses effets, son intégrité morale soient d’un seul coup détruites par l’emprisonnement ou par la disparition.
Or, aujourd’hui, avec cette loi, ce soir, chez moi, quelqu’un peut rentrer, observer mes enfants et mon ordinateur, goûter ma soupe pour voir si elle est bien salée, vérifier que je fais ce que j’ai à faire, ne pas m’en vouloir si je ne le fais pas mais le noter et puis quitter mon domicile et passer chez mon voisin sans que même j’aie eu la moindre conscience de sa présence, c’est-à—dire que ma sûreté en tant que citoyen n’est plus garantie. Non seulement elle n’est plus garantie mais elle est violée. Moi, si je n’avais rien à cacher, je n’aimerais pas que cela se sache. C’est-à—dire qu’on est au cœur de l’intimité et de l’image que l’on a de soi-même.
Pierre Tartakowsky, président de la LDH.
Citation aménagée de Laurent Chemla : quand l'exécutif est maître à la fois de la surveillance des citoyens, du texte qui est voté par le législatif, de l'application et du contrôle juridictionnel (le recours contre les écoutes se fait auprès de l'administration donc de l'exécutif), on ne se retrouve plus dans une démocratie du tout.
L’un des problèmes avec les signaux faibles est le critère de «faiblesse » des données nécessaires à l’analyse. Jusqu'à quel niveau de sensibilité, et donc d’intrusion dans la vie privée, les algorithmes auront-ils besoin de descendre ? Le fait d’acheter des falafels, par exemple, peut-il transformer une personne en possible terroriste ? L’idée peut sembler ridicule. Elle a pourtant germé dans le cerveau de quelques responsables du FBI qui, en 2005 et 2006, avaient mis en place dans la région de San Francisco un programme de collecte des données des magasins d’alimentation moyen-orientaux. En épluchant les listes de ventes, les agents espéraient pouvoir repérer des « pics » pour certains produits et, en combinant ces données avec d’autres, remonter jusqu'à des agents secrets iraniens vivant dans la région. Alertée, la direction du FBI avait d’elle-même interrompu ce programme.
En 2009, la DST et les RG sont fusionnés pour devenir la DCRI. Objectif affiché ? Éviter de nouvelles barbouzeries des RG + concevoir un grand service de renseignement intérieur similaire à ce qu'est la DGSE pour l'extérieur. Résultat concret ? Instrumentalisation au profit du chef de l'État de l'époque, Sarko. Je parie que ça n'a pas changé.
Quelques abus documentés des services de renseignement.
Le think tank New America Foundation, de son côté, a passé en revue les cas de 225 individus appréhendés depuis 2001 pour suspicion d’activités terroristes et traduits devant la justice américaine : la collecte des métadonnées par la NSA sur le sol national a joué un rôle dans 1,8 % des cas, et les écoutes de personnes étrangères dans 4,4 % des cas. Autrement dit, selon ce rapport, « la surveillance téléphonique ou la collecte de métadonnées n’a eu aucun impact tangible pour prévenir des actes de terrorisme et uniquement un impact marginal pour prévenir les activités connexes comme le financement du terrorisme ».
Un bouquin, écrit par un journaliste du Point spécialiste des questions de défense, de police et de renseignement et un romancier, qui part du big data pour décrire une société dystopique despotique, totalitaire, induite par la surveillance massive de chacun-e d'entre nous.
Les avantages proposés par les nouveaux maîtres du monde sont trop attrayants et la perte de libertés trop diffuse pour que l'individu moderne souhaite s'y opposer.
Gouvernance par algorithmes : « gouvernement opérant par configuration anticipative des possibles, plutôt que par réglementation des conduites et ne s'adressant aux individus que par voie d'alertes provoquant des réflexes, plutôt qu'en s'appuyant sur leurs capacités d'entendement et de volonté ».
Les GAFA ne veulent pas de réglementations strictes car ces sociétés pensent pouvoir en créer de meilleures que le gouvernement. Elles ne veulent pas non plus que la société civile leur impose des règles éthiques car elles pensent que leur jugement éthique est supérieur par définition même. C'est vrai mais ça ne concerne pas que les GAFA : l'industrie d'Hollywood est persuadée de diffuser la bonne parole, les bonnes valeurs, dans le monde entier. Big Pharma et l'industrie agro-alimentaire ne veulent pas non plus de réglementations, c'est tout l'enjeu des traités de libre échange à outrance !
Big data : collecte massive de données sur tout le monde pour analyse. L'idée et d'affiner les statistiques et surtout les probabilité : si l'on a des données sur tout le monde, on perd la marge d'erreur liée à la qualité de l'échantillon. L'idée est de faire des corrélations entre toutes les données capturées et archivées afin d'en déduire des tendances (foyers des épidémies, prix de l'immobilier, etc.) mais aussi de personnaliser toujours plus les services auprès de chaque individu dans les domaines de la santé, de la sécurité, etc. L'objectif final est une rationalisation ultime de tout ce qui peut l'être, d'effacer la notion de risque, d'effacer les émotions, d'effacer le hasard. C'est-à-dire effacer la créativité humain-e et ce que fût l'évolution humaine jusqu'ici (suite de hasards, notamment génétiques). Notons que la fiabilité de la prévision des foyers d'épidémies ne fait pas l'unanimité : http://science.sciencemag.org/content/343/6176/1203 .
D'un côté, ce livre est plutôt confus, surtout au niveau des premières (et dernières) définitions données : big data = GAFA = géants américains du net, Deep web = Darknet = web caché. Bon, je suis mauvaise langue, le terme « hacker » est remarquablement bien expliqué. On mélange toute forme de surveillance : privée (GAFA, etc.), étatique (lois privatrices de libertés, déploiement massif de caméras de surveillance dans l'espace public, etc.), on fait le lien entre GAFA et renseignement (ce lien est avéré, on est bien d'accord), on fait le lien entre GAFA et problèmes écologiques. Tout ça pour arriver à une vision despotique et dystopique du monde : une seule société humaine asservie par une oligarchie technocratique mondiale transcendant les États. Tout est mélangé sans dire si les auteurs pensent que tout cela est la face d'un même objet aka une société qui va aller encore plus mal ou si c'est lié à une incompréhension des origines multiples des multiples maux de la part des auteurs, par exemple.
D'un autre côté, les auteurs accablent les GAFA de tous les maux du monde alors que la plupart des maux pré-existaient, ce qui n'aide pas à poser le bon diagnostic. Petite sélection :
Enfin, quand on commence à lire et que l'on voit la noirceur du tableau (je ne dis pas que c'est faux factuellement parlant, hein), on se demande si les auteurs parleront un jour des solutions. Hé bah oui. \o/ À la fin, quelques solutions abstraites (mais nécessaires) sont proposées : se réapproprier l'espace et le temps, lutter contre l'uniformisation, accepter l'imprévisibilité et l'imperfection humaine, remettre l'humain-e au centre du système en lieu et place des robots. Des solutions concrètes sont également proposées : TOR, logiciels libres (nommés logiciels ouverts mais l'objectif est très bien expliqué) et chiffrement.
Au final, les enjeux derrière le big data sont très bien expliqués et c'est en cela que j'ai envie de recommander la lecture de ce livre. D'un autre côté, les références sont parfois inexpliquées ou survolées rapidement, ce qui fait qu'un bagage préalable semble utile (mais pas indispensable). Le tableau est volontairement noirci. Le texte est parfois confus (transitions difficiles). Etc. Tout cela me fait me demander si je conseillerai ce livre à des personnes non initiées… Le côté "paranoïaque" et le côté "impuissance de chacun-e dans ce problème global" peuvent faire perdre pied. Pour les initié-e-s, on y apprend quand même des choses.
Je recopie quelques points de l'avant-propos qui m'ont marqué :
Il est certes loin le temps (il faut remonter à la 3e République) où un beau discours ou même une apostrophe vengeresse pouvait conduire un ministre à la démission ou provoquer la chute d'un gouvernement [...]
Le rire et par voie de conséquence l'humour, a entre autres avantages de rapprocher l'émetteur et le récepteur. Si le quidam rit avec vous, il partage déjà quelque chose avec vous.. C'est pour cela qu'on ne peut pas rire de tout avec tout le monde. Le rire renforce le lien d'humanité et suppose des valeurs sinon communes du moins susceptibles d'être mises en commun.
Hop, les citations qui m'ont marqué :
Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 % ; moi je fais campagne auprès des cons.
Georges Frêche, ancien maire de Montpellier
Nous gagnons grâce aux peu éduqués. J'aime les peu éduqués.
Donald Trump.
Je vais essayer de retrouver le pigeon, car je cherche vraiment tous les électeurs en ce moment.
François Hollande, 2015. Bon, il y a un contexte bien particulier : http://lelab.europe1.fr/la-petite-theorie-de-francois-hollande-sur-lincomprehension-entre-les-electeurs-et-les-politiques-1371260
Les électeurs votent même s'ils ne comprennent pas. Et quand ils votent, on ne les comprend pas toujours.
François Hollande, 2015. Gros +1.
Pour gagner, il faut se salir les mains. Et je veux gagner. Il faut dire aux gens ce qu'ils veulent entendre.
Nicolas Sarkozy, 2015. Biiiiiiiiieeeeen.
Mitterrand est aujourd'hui adulé, mais il a été l'homme le plus détesté de France. Ce qui laisse pas mal d'espoir pour beaucoup d'entre nous.
Laurent Fabius, 2011
La meilleure façon de résoudre le chômage, c'est de travailler.
Raymond Barre. Emmanuel Macron en a fait un echo en mai 2016 (voir http://shaarli.guiguishow.info/?-NVJtw )
Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, c'est ce que j'ai toujours dit.
Jacques Chirac.
Ça m'en touche une sans faire bouger l'autre.
Jacques Chirac. Je l'ai souvent utilisé sans en connaître l'origine :D
Les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent.
Jacques Chirac. Même chose. :O
Je ne ferai pas de la politique toute ma vie. J'ai un métier, je suis avocat, je sais faire autre chose.
Nicolas Sarkozy, avant l'élection présidentielle de 2007. :DDDD
Je n'y suis pour rien si j'ai été elevée dans un hôtel particulier de 3000m² du 16e, et si, enfant, j'allais en Rolls à l'école !
Isabelle Balkany, 2015. Modestie. Mais ça explique les magouilles du couple : il fallait bien entretenir la princesse. :)
Les Français se disent : « Au fond, il ne fait une politique que pour quelques-uns. ». S'ils croient ça, et ils ont raison de le croire, je dois en tirer les conséquences. »
Nicolas Sarkozy, en avril 2008, semble-t-il.
Il faut pousser les autobus propres.
Ségolène Royal, alors sinistre de l'écologie. J'aime l'idée. :D
Mgr Decourtray n'a rien compris au préservatif. La preuve, il le met à l'index.
André Santini (maire-ministre-député-etc.), 1990. Excellent mot pour faire bouger sur un sujet fort sérieux.
Je connais bien DSK : je l'ai mis en examen.
Eva Joly. J'ai trouvé ça drôle. :D
Il y a ceux qui n'attendent plus rien ; je fais en sorte de leur apporter ce qu'ils attendent.
François Hollande, 2015, apparemment. Du coup, c'est le meilleur président que le pays n'a jamais eu, non ? :D
Si on n'investit que ceux qui n'ont pas été condamnés par la justice, on n'a plus de candidats dans les Hauts-de-Seine.
Quand on a rien à se reprocher, on se sent bien.
Patrick Balkany, 2013 et 2014, apparemment. Elles piquent un peu par leur franchise-réalité, celles-ci. :(
Il y a aussi le défi de la mondialisation, parce que le monde n'est pas facile et, parfois, il n'est pas gentil.
François Hollande, 2015. J'ai dit au début de ce shaarli que je ne tirerai pas sur les ambulances mais pour le coup, j'ai bien aimé ce petit moment de naïveté. :)
Le fait de m'incarcérer, à la rigueur, ça réglera le problème du QG de campagne.
Jové Bové, en 2007, apparemment.
On peut toujours débattre, mais pour ce qui est du gouvernement, le débat est clos.
Manuel Valls, 2015. Alors, pour le coup, celle-là on l'a beaucoup entendue lors des débats sur la loi Renseignement puis sur les prolongations de l'état d'urgence.
Quel est le féminin de candidat aux cantonales ? C'est suppléante.
Cécile Duflot, 2011. Cette citation conclut la première partie des citations misogynes du bouquin, du coup elle vient comme un soulagement. Et je la trouve élégante pour dénoncer un vrai problème.
Mes chers compatriotes, je suis heureux de vous annoncer que je viens de signer un décret proclamant la Russie hors la loi, pour toujours. Le bombardement commencera dans cinq minutes.
Ronald Reagan, pendant les tests de micro précédant un discours à la radio.
Chez nous, il n'y a pas de parti d'opposition parce que nous pensons qu'une opposition pourrait troubler les rapports affectueux qui unissent le gouvernement au peuple.
Leonid Brejnev, secrétaire général du parti communiste soviétique. Best excuse ever. Mais en France, on dit plutôt la citation suivante :
Quand vous êtes aux affaires, vous manquez de souffle ; quand vous êtes dans l'opposition, vous ne manquez pas d'air.
Xavier Darcos, à des élus PS, 2004.
Les djihadistes britanniques sont des tocards obsédés par la pornographie, car ils n'y arrivent pas avec les filles.
Boris Johnson, maire de Londres, 2015. Ha mais pourtant je croyais que la censure UK bloquait tout bien le porn (et même plus, surblocage, tout ça) ?! On nous aurait menti ?!
La femme est un sujet brûlant sur lequel j'aimerais m'étendre longuement.
Kaïd Ahmed, responsable algérien, en 1968.
En politique, on n'est jamais fini. Regardez-moi !
Alain Juppé, 2014. Prophétique ? :/
Ministre, c'est bien mais ancien ministre, ça dure plus longtemps !
André Santini, tout juste débarqué du gouvernement. :)
Il faut lutter contre l'emploi.
Manuel Valls. Je ne suis pas fan des lapsus mais celui-là, j'ai juste envie de dire : gros +1. :D
Le travail le dimanche, c'est plus de liberté, et la liberté, c'est une valeur de gauche.
Emmanuel Macron, 2014. La liberté, c'est l'esclavage, tout ça, oui.
Les rues de Philadelphie sont sûres, ce sont les gens dans les rues qui les rendent dangereuses.
Fank Rizzo, ancien maire et chef de la police de Philadelphie. Joli truisme. \o/