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  • Pour la liberté - Editions Tallandier

    Ce livre est un recueil de trois plaidoiries exprimées par l'auteur, François Sureau, devant le Conseil constitutionnel, durant les six premiers mois de 2017, pour contester des lois liberticides : le délit de consultation de sites web terroristes, ce qui caractérise la préparation d'un acte terroriste et l'interdiction administrative de séjour dans le département de toute personne cherchant à entraver l'action des pouvoirs publics.

    Les plaidoiries sont disponibles en vidéo sur le site web du Conseil constitutionnel (ici, là et là-bas). La force de ce livre, c'est que les références employées par l'auteur sont explicitées en note de bas de page. De même, il est possible de penser les propos de l'auteur, ce que ne permet pas une plaidoirie débitée à haut-débit entre expert⋅e⋅s du droit. Enfin, je conçois l'achat de ce livre comme une manière de recompenser l'auteur en manifestant un intérêt public pour la défense de nos libertés : nous sommes trop peu nombreu⋅x⋅ses à encore les chérir.

    Ce livre explicite plein de choses : l'origine des libertés, comment elles s'articulent, comment mettre en exergue les biais dans l'argumentation de nos élu⋅e⋅s, quelques principes du Droit, etc. C'est très intéressant.

    Bref, ce livre est court et très très enrichissant donc j'en recommande vivement la lecture.



    Quelques notes générales :

    • Le système des droits n'a pas été fait seulement pour les temps calmes, mais pour tous les temps. Rien ne justifie de suspendre de manière permanente les droits du citoyen. Cela n'apporte rien à la lutte contre le terrorisme. Cela lui procure au contraire une victoire sans combat en montrant à quel point nos principes sont fragiles. […] Le discours islamiste […] consiste à dire : au fond, les droits de l'Homme, c'est une religion de substitution, en Occident, et pire encore, c'est une religion de substitution à laquelle les gens ne croient même pas. La preuve, quand ça les atteint dans leurs intérêts, eh bien ils sont prêts à suspendre leur religion de substitution (les droits de l'Homme), alors que nous, il ne nous viendrait pas à l'idée de suspendre le Coran par exemple.

    • De l'époque de Beccaria où on ne pouvait traverser la forêt de Bondy sans escorte armée à aujourd'hui en passant par les attentats anarchistes à la fin du 19e siècle et aux attentats d'extrême-gauche de la fin du 20e siècle, rien n'a changé : « Les temps, au fond, sont toujours difficiles pour ceux qui n'aiment pas la liberté ».

    • Ici, le métier de l'avocat ne consiste pas à exposer des raisonnements auxquels les juges n'auraient pas pensé. Au début de ces neuf brèves audiences, je savais bien que les neuf juges constitutionnels avaient déjà pesé le pour et le contre. Le métier de l'avocat consiste seulement à donner à chacun de ces raisonnements un peu de vie, et même, peut-être, à s'adresser au citoyen derrière le magistrat. Le simple fait d'être écouté, et parfois entendu, suffit à son bonheur civique.

    • En 1971, le ministère de l'Intérieur refuse de délivrer un récépissé de déclaration [ NDLR : au motif de « dangerosité sociale ] de l'association « Les Amis de la Cause du peuple » [NDLR : mouvance maoïste d'extrême-gauche ] soutenue en particulier par Simone de Beauvoir. Le gouvernement fait voter une loi instituant un contrôle administratif de la déclaration des associations, dont les dispositions sont déférées au Conseil constitutionnel. Dans sa décision 71-44 DC du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel décide que la protection des droits et des libertés fondamentaux relève de son office : il confère pleine valeur constitutionnelle au Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et consacre, pour la première fois, un principe fondamental reconnu par les lois de la République, à savoir le principe de la liberté d'association. Sur ce fondement, il déclare la loi anticonstitutionnelle.

    • Que voulez-vous ? La liberté est partout en péril et je l’aime. Je me demande parfois si je ne suis pas l’un des derniers à l’aimer, à l’aimer au point qu’elle ne me paraît pas seulement indispensable pour moi, car la liberté d’autrui m’est aussi nécessaire.



    Quelques notes sur le délit de consultation de sites web terroristes qui est une atteinte à la liberté de penser :

    • Les exceptions « de bonne foi » prévues par les textes sont toujours des mirages : elles ne couvrent pas toutes les activités ni tout le monde (exemple : préjugés inspirés par un patronyme) ;

    • Une démarche cognitive (la lecture), ne peut pas être prise en compte comme un acte explicite de préparation d'un délit. On parle d'une simple lecture, même pas encore de la formation d'une opinion ! ;

    • De même qu'il n'était pas inutile de lire Mein Kampf pour se faire une idée d'un des futurs possibles, il n'est pas inutile de lire la prose dite terroriste. De même qu'il n'est pas vain de lire les pavés pondus par de futurs candidat⋅e⋅s à une élection. Marc Bloch, Résistant en 40, écrivit que la guerre était déjà perdue par incuriosité ;

    • La formation d'un jugement suppose de ne pas être limité dans la recherche des faits et des opinions relatifs au sujet auquel on s'intéresse. C'est l'évidence même, que nos élu⋅e⋅s ont pourtant oubliée ;

    • La liberté de penser ne permet pas uniquement le bien-être intellectuel de chacun, mais elle garantit aussi la possibilité d'évolution et de perfectionnement de nos sociétés : c'est parce que nous pensons différemment, que nous découvrons de nouveaux embranchements, de nouvelles manières de nous organiser collectivement, etc. ;

    • La lutte actuelle contre le terrorisme, au fond, n'est-ce pas « opprimer les hommes pour se venger de ne point pouvoir vaincre les choses », ne pas supporter son incapacité temporaire à ne pouvoir endiguer le terrorisme mais vouloir maintenir une illusion de pouvoir ? ;



    Quelques notes sur les soi-disant caractéristiques de la préparation d'un acte terroriste qui est une atteinte à l'existence d'un fait à reprocher et à la proportionnalité de la peine qui en découle :

    • Pour juger, il faut des preuves, on ne juge pas avant. Avant l'acte, il n'y a rien ;

    • Cet article de loi voulait s'attaquer à des cas pratiques effectivement constatés… sans les nommer, ce qui produit comme effet une loi des dispositions qui s'appliqueront à beaucoup plus de citoyen⋅ne⋅s que le cadre conceptualisé par le législateur. C'est ainsi que naît le contrôle social. L'enfer est pavé de bonnes intentions ;

    • Qu'est-ce que la préparation d'un acte mêlée à une intention ? Détenir tels produits ménager ? Détenir chez soi une bouteille (d'eau) avec du ruban adhésif ? Pratiquer un sport de combat ? ;

    • Un acte criminel, qu'il soit terroriste ou non, n'est pas un acte particulier dans notre système de droits : c'est un acte que l'on estime criminel par le mal qu'il cause. La peine proportionnée découle de cette graduation du mal causé à autrui. Tout cela est exposé pour la première fois par Beccaria dans son traité qui fonde le droit pénal moderne. Or, en droit français, le terrorisme est défini de manière particulière ;



    Quelques notes sur l'interdiction administrative de séjour dans un département de toute personne cherchant à entraver l'action publique qui est une atteinte à la liberté d'aller et venir

    • La législation de Vichy, par exemple, conçue pour réprimer la Résistance, a été largement utilisée pour poursuivre les femmes coupables d'avortements.

    • Qu'est-ce que l'action des pouvoirs publics ? La doctrine englobe tout, du Président de la République au garde champêtre en passant par les parlementaires et les tribunaux… Même les services publics pourraient en faire partie… Est-ce l'action régulière des pouvoirs publics ? Quid alors de l'action irrégulière et de l'action occasionnelle ? Qu'est-ce que tout cela signifie ? Plaider au Conseil constitutionnel pour abolir une disposition soi-disant antiterroriste, n'est-ce pas déjà entraver l'action des pouvoirs publics ?

    • Là aussi, ce texte veut punir l'intention, le fait de « chercher à entraver », pas les actes.

    • La liberté est indivisible. Toutes les pratiques de la liberté se valent en toute situation et se valent entre elles, de la plus commune à la plus ésotérique. Il ne peut y avoir des (sous-)licences « assister à un concert ». On ne peut en retrancher une partie sans la tuer toute entière.



    Je vous recommande également de lire la retranscription du passage de l'auteur sur les ondes de France Culture. Morceaux choisis :

    OG : Merci d'être avec nous. Trois questions de droit dont on tirera ensuite quelques grands principes et peut être aussi quelques matières à discussion si vous le voulez bien. La première, pour nos auditeurs : une incrimination de consultation habituelle de site terroristes, quel axe de défense avez-vous eu sur cette question ?

    […] Au delà, il y a une question de principe qui est fondamentale, c'est que quand vous avez autorisé l'État une fois à vous dire ce que vous pouvez aller lire ou voir, c'est fini pour toujours. C'est à dire qu'aujourd'hui, on vous dit : c'est pas bien d'aller sur les sites djihadistes, demain, une fois que ce verrou aura sauté, vous aurez des gens qui vous diront que c'est pas du tout bien d'aller sur des sites qui pensent que le capitaine Dreyfus était innocent par exemple, ou sur des sites qui critiqueraient le Front National. Et une fois que le premier verrou a sauté, vous n'avez plus aucune raison de principe pour vous opposer aux verrous ultérieurs. Je pense que c'est aussi ça quand le Conseil Constitutionnel a suivi.

    OG : Donc en défense d'une certaine liberté intellectuelle, liberté d'aller lire ce que l'on veut, et de se faire un jugement par rapport à cela, en tout cas ce n'est pas en amont que l'on peut juger d'intention de, le fait d'aller lire, tant qu'il n'y a pas d'acte répréhensible, ce qui nous amène peut-être, au second cas pratique, à la seconde question de droit.

    MS : Attendez, avant la seconde question, j'voudrais pouvoir revenir à la première. Est-ce que vous vous entendez parler ? Est-ce que vous vous rendez-compte que vous trouvez qu'il existe un objet normal de débat, qui est le point de savoir si un citoyen libre peut lire ce qu'il veut. Vous le posez volontairement à des fins pédagogiques, critiques et de discussion, mais ça a fini par faire partie de notre espace de pensée. Il a fallu arriver jusqu'au Conseil Constitutionnel pour que neuf juges viennent dire : « Il est inadmissible qu'on empêche les français de lire ce qu'ils veulent et de s'informer sur ce qu'ils veulent. » Est-ce que vous vous rendez-compte que le simple fait que ceci soit devenu un objet de débat, manifeste un point de dégradation civique probablement jamais atteint. On se pose la question. Est-ce que vous trouvez normal de me poser la question de savoir, par exemple, s'il ne faut pas revenir à une monarchie élective, ou si le catholicisme ne doit pas redevenir religion d'état ; vous trouveriez ça ahurissant. Et pourtant, vous venez de poser dans le débat une question que vous considérez comme normale, qui est la question que tout le monde se pose, que les politiques se posent, qui est : pour lutter contre le terrorisme, ne convient-il pas de supprimer la liberté d'information ? Le simple fait que cette question soit posée, qu'elle n'ait rencontré aucun obstacle sur son chemin, ni au gouvernement (qui était à l'époque un gouvernement de gauche, mais sur ces questions, la gauche et la droite c'est absolument pareil), ni au parlement, ni nulle part, jusqu'à la fin…

    […]

    Henri Le Blanc : comment vous l'expliquez ça, parce que c'est ça finalement le plus surprenant, comme vous le dites.

    FS : Je l'explique, et c'est à mon avis le nœud du problème, je l'explique pour deux raisons -- par deux ou trois raisons -- qui sont des raisons successives. La première raison, c'est que la question des libertés publiques n'est pas soluble dans le terrorisme : le recul des libertés publiques a commencé avant. Quand, à l'époque du président Sarkozy, on a créé la rétention de sûreté pour permettre de conserver en prison des gens après l'expiration de leur peine, on s'est déjà totalement assis sur les principes fondamentaux du droit pénal. En réalité, dans une société vieillissante et incertaine, le désir de sécurité emporte tout, et il emportait tout avant déjà le terrorisme. Le recul des libertés publiques en France ne date pas du terrorisme. Le deuxième élément, c'est le manque d'autonomie intellectuelle des ministres. […] Ce que j'ai observé dans les vingt dernières années, c'est la réduction du délai utile de prise en main des ministres de l'intérieur successifs et des gouvernements auxquels ils appartiennent, par la fonction publique, la police et le corps préfectoral. Il a fallu une semaine à Nicolas Sarkozy pour être pris en main par la police, quatre jours à Hortefeux, trois jours à Manuel Valls, deux jours à Caseneuve, 48h à Collomb. Quand j'étais jeune, c'était globalement le ministre de l'intérieur qui gouvernait les préfets, maintenant c'est le préfet qui gouverne les ministres de l'intérieur. La deuxième raison, c'est l'affaiblissement de l'autonomie intellectuelle du personnel politique. Et puis la troisième raison, c'est une raison purement, démagogique, face à la crainte provoquée par ces attentats abjects, c'est l'idée de présenter une réponse. Or en France, qui est un pays où globalement on ne sait plus réorganiser la police ou lui donner les moyens pratiques de son action, on préfère faire ce qu'on fait ailleurs : de la politique normative. C'est quand même beaucoup plus simple d'aller bidouiller quatre articles de loi qui s'asseyent sur la Déclaration, plutôt que d'expliquer qu'on va réformer la police nationale. Voilà les trois raisons et ces raisons sont affligeantes.

    […]

    OG : et ça montre aussi, ça montre aussi François Sureau qu'il faut quand même s'interroger sur la réponse qui peut être donnée au terrorisme aujourd'hui. Or en se limitant, et c'est le cas dans le deuxième et le troisième point que vous évoquez, au passage à l'acte, on condamne toute possibilité pour les pouvoir publics d'élargir le champ de la prévention, c'est quand même étonnant que cette prévention on la mette en avant dans tous les domaines (la santé, l'environnement), et pas pour le terrorisme. Donc il faut toujours attendre que l'acte ait lieu, que l'attentat ait lieu pour pouvoir faire quelque chose.

    FS : Ah oui, c'est ce qu'on a voulu faire au dix-huitième siècle, sans ça y'a une autre solution, c'est comme ça que Mussolini a démantelé la mafia, c'est comme ça que Staline a réduit le taux de criminalité à l'intérieur de Moscou à partir de 1930. C'est sûr que si à chaque fois qu'un sous préfet ou un agent de police délégué par lui peut vous juger un tout petit peu inquiétant on pourrait effectivement vous fourrer au ballon à titre préventif. […]

    […]

    OG : Sur la consultation habituelle des sites terroristes, le premier cas que vous avez eu à plaider, quelle différence pour vous par exemple dans le fait que puisse être répréhensible aujourd'hui la production de contenus pédo-pornographiques et la consultation de ces sites, et la même chose pour des sites terroristes.

    FS : Alors il y a deux choses totalement différentes, c'est que la production et la diffusion de contenus pedo-pornographiques en réalité porte atteinte à des personnes réelles, à savoir les personnes des enfants qui sont utilisés pour produire les images, et pour être représentés dans ces images, ce qui permet d'incriminer les auteurs sur le terrain de la complicité, et ça me parait parfaitement justifié. La simple consultation est une consultation cognitive, qui n'implique pas d'adhésion positive à un réseau de trafic particulier. Au surplus d'ailleurs, je dois vous dire, au risque de vous faire bondir, que j'ai des doutes et j'ai toujours eu des doutes, mais qui n'engagent que moi, y compris en matière de pédo-pornographie, sur le lien ténu qui existe entre la simple consultation et l'exploitation des enfants, voilà. […] Ça veut dire que globalement, regarder des images, même blâmables pour en tirer une satisfaction sexuelle… […] Pour moi, ne correspond pas à un passage à l'acte réel au sens des grands principes de droit pénal. […] Je dit naturellement pareil pour les sites terroristes, je veux pouvoir, en tant que citoyen libre, continuer de regarder (ce que je fais de temps en temps pour m'informer) les grands sites djihadistes connus, c'est quand même très utile de savoir ce que ces gens pensent.

    […]

    HLB : Alors je voudrais revenir sur cette phrase que vous avez dites : « avant l'acte, il n'y a rien ». Mais l'acte, où commence-t-il, et où s'termine-t-il ? Est-ce que, justement, le débat ne peut pas avoir lieu, de savoir si les préparatifs d'un acte ne sont pas déjà l'acte, et cette frontière, que vous l'air de présenter comme absolument évidente, n'est-elle pas quand même floue ?

    FS : Vous avez raison et il y a une réponse à ça, c'est qu'on ne peut pas l'apprécier de manière générale, parce que ça dépend beaucoup des circonstances, et de temps, et de lieu et d'espèce, et du pedigree de la personne qu'on soupçonne de vouloir passer à l'acte et ainsi de suite, et c'est la raison pour laquelle, nos constituants, et la totalité de la tradition juridique française ont remis cette appréciation entre les mains d'une personnalité indépendante du gouvernement, et qu'on appelle : un juge. La caractéristique des lois d'exception, c'est qu'en réalité on se passe de la personnalité indépendante du gouvernement, et qu'on prend un fonctionnaire aux ordres. Le fonctionnaire aux ordres, eh bien il peut penser que vous là, êtes susceptibles de passer à l'acte, et il peut le penser simplement parce que son ministre lui aura donné l'ordre de le penser. C'est précisément la caractéristique d'une société non démocratique. C'est la raison pour laquelle le rôle de l'institution judiciaire, dont la constitution nous dit quelle est gardienne des libertés publiques, est un rôle absolument fondamental. Je vous rappellerai d'ailleurs sur le plan archéologique quand même quelque chose d'intéressant, c'est que cette disposition de constitution qui prévoit que l'autorité judiciaire est la gardienne des libertés publiques c'est exactement pour ça, il faut que cette appréciation à laquelle vous pensiez soit faite par un juge indépendant. Cette disposition a été écrite par Michel Debré, qui lui non plus n'était pas plus que Roger Frey un humaniste bêlant, et a été introduite par Michel Debré dans la constitution de 58, au moment de la guerre d'Algérie, où entre les attentats du FLN, les attentats de l'OAS et les morts au combats, il y avait peut être, et certainement même, plusieurs morts par jours. Ça ne l'a pas amené à dévier de cette idée fondamentale, que dès lors qu'il s'agit de porter atteinte à la liberté individuelle, ça ne peut être fait que par un juge indépendant. C'est quand même pas compliqué à faire. Le juge indépendant n'est pas lui non plus un humaniste bêlant. Vous avez déjà rencontré des magistrats anti-terroristes, ce ne sont pas des gens qui pensent qu'il faut se montrer mou sur la répression. La clé de notre liberté, c'est qu'un juge indépendant doit décider.

    […]

    OG : François Sureau, un corps social endolori et quelque part endormi…

    FS : J'suis d'accord avec ça. Y'a un élément qu'on oublie quand même assez souvent, mais c'est vrai que j'y suis sensible professionnellement, c'est quand on parle du couple "sécurité et liberté", d'abord on fait comme si c'était antinomique, alors que le rêve de notre démocratique politique c'est que les deux vont ensemble, la liberté et la sûreté, c'est le rêve de notre démocratie politique. On peut choisir d'y renoncer parce que 300 criminels font sauter une boîte de nuit, on peut choisir de renoncer au rêve de notre démocratie politique, celui qui nous anime, mais j'aimerais qu'on le sache et qu'on ne se paye pas de nous. Le deuxième élément c'est : y'a un tiers dans ces affaires, entre les individus (le corps social), et les terroristes (et c'est sans cesse oublié par les français), c'est l'état. En réalité, quand on augmente la partie "sécurité", ce qu'on augmente simplement c'est le pouvoir de l'État sur chacune de nos vies, à nous qui ne sommes pas des terroristes, ça n'est pas nécessairement qu'on diminue la sécurité dont les terroristes jouissent. Et c'est très très frappant parce que cette question de l'État comme tiers entre la liberté et la sécurité, c'est une question qui a été très bien vue par les révolutionnaires anglais de 1689, elle a été très vue par les déclarants américains (Jefferson et Hamilton), elle était très bien vue par les rédacteurs de la déclaration des Droits, et compte-tenu de la place symbolique très importante prise par l'État dans le système politique français, elle a fini par être légèrement oubliée. La vérité de tout cela c'est, encore plus à l'époque de l'interconnexion des fichiers, à l'époque du numérique et ainsi de suite, toute augmentation des prérogatives sécuritaires des pouvoirs publics aboutit simplement à la mise en place d'une société de surveillance par l'État, et je trouve qu'il est quand même un tout petit peu temps de s'en rendre compte.

    […]

    FS : […] Vous savez ce qui me frappe, c'est que, moi je fais partie des gens qui sont nés en 57, comme tous les gens qui sont nés en 57 et qui, en fonction des histoires familiales des uns et des autres, se sont demandés comment les choses du passé avaient été possibles (hein, je ne suis pas un partisan du point heu du théorème de Machin, heu Godwin ou de la répression…) enfin, quand même, j'ai passé ma jeunesse à me demander comment ça avait été possible. Je me suis demandé, qu'à fait grand papa pendant la guerre, qu'à fait l'oncle machin et toi, pourquoi tu n'as rien dit au moment de, hein ? […] Et ça, si vous voulez on a tous été élevés la dedans. La découverte douloureuse, des dix dernières années que nous venons de vivre, ça a été de voir la facilité avec laquelle ces principes cédaient chez ceux qui avaient la charge de les défendre. Ceux qui avaient été mes maîtres, ceux qui avaient été mes éducateurs, ceux avait été ceux que j'admirais quand j'étais jeune, ceux qui avaient été premier ministre, ministre, président du parlement, président de la chambre criminelle, le vice-président du Conseil d'État, etc. En réalité, l'option policière est rentrée là dedans comme dans du beurre, ce qui fait que je n'ai plus, en réalité maintenant je n'ai plus de surprise attristée quand je lis les récits du passé et je dis simplement : voilà, c'est à nous de faire ce que nos anciens n'ont pas toujours fait, ceux que certains d'entre eux ont fait avec héroïsme d'ailleurs et ceux à quoi ma génération est confrontée maintenant.

    Thu Oct 19 14:58:31 2017 - permalink -
    - https://www.tallandier.com/livre-9791021028883.htm
    fiche-lecture
  • Consommer moins pour vivre mieux ? - Le Cavalier Bleu

    Ce livre présente la décroissance, c'est-à-dire l'idéologie qui remet fondamentalement en question la croissance économique érigée en dogme comme elle l'est actuellement dans nos sociétés. L'idée clé est d'arrêter de faire de la croissance pour produire de la croissance et de remettre la nature et les humain⋅e⋅s au centre de notre attention. Le mouvement décroissant va donc au-delà de l'économie, il s'agit d'un modèle de société tout autre construit autour de l'idée "il faut être athée de la croissance", les idées brodées autour se discutent encore à l'heure actuelle. Les hypothèses posées sont celles de la croissance comme racine des maux constatés (délocalisations, exigence de flexibilité accrue, chômage en hausse depuis 30 ans, systèmes redistributifs en panne, précarisation, inégalités, épuisement précoce des ressources naturelles, rupture des liens sociaux / insensibilité au sort d'autrui, etc.) et le fait que les autres modèles échoueront à corriger tous ces maux car ils corrigent un à un les problèmes sans remonter à la cause racine de ces problèmes.

    Le concept clé est la loi de l'entropie : issue de la thermodynamique, elle stipule que l'énergie utilisable devient peu à peu inutilisable et que l'énergie requise pour obtenir quelque chose augmente. Vu que l'univers est un système clos (il n'y a pas d'échange d'énergie et de matière avec "autre chose", l'énergie utilisable diminue donc l'entropie augmente donc l'univers va forcément se refroidir et s'éteindre. La question est donc de savoir si l'on va dans le mur demain (croissance effrénée) ou après-demain (décroissance ou autre modèle de société). Notons que le progrès technique peut être vu comme un ensemble de moyens pour trouver et exploiter de l'énergie encore utilisable qu'on ne savait pas exploiter avant… et tracer ainsi plus vite notre chemin vers notre tombe.

    Il n'y a pas un mouvement pour la décroissance mais plusieurs, car il existe une multitude de pensées : culturalisme (l'humain⋅e doit changer de valeurs, les valeurs avant tout), rejet (ou non) du progrès technique asservissant pourtant vendu comme la solution à tous nos maux, priorité (ou non) à la préservation de la nature, faire passer (ou non) le social d'abord "moins de biens, plus de liens", contrôle fort (ou non) de la population mondiale, etc.

    Hum, la décroissance, c'est un truc de gauchos, non ? Ce n'est pas clair… Certain⋅e⋅s auteur⋅e⋅s décroissant⋅e⋅s refusent la recherche de l'égalité (valeur plutôt attribuée à la gauche), d'autres l'individualisme (valeur plutôt attribuée à la droite). Parfois il⋅elle⋅s prônent l'amélioration des systèmes de répartition des richesses, parfois il⋅elle⋅s prônent l'entraide. La décroissance se cherche encore politiquement parlant.

    On peut se demander si les objecteur⋅rice⋅s de croissance ne se trompent pas de combat :

    • Est-ce qu'il faut cesser le dogme de la croissance ou le continuer tout en réparant nos systèmes redistributifs de richesses ? Faut-il cesser le capitalisme (au motif que la croissance profite principalement aux détenteur⋅rice⋅s de moyens de production) ou le remodeler en considérant qu'en ce moment, plusieurs modèles capitalistes sont en œuvre sur la planète avec des variantes dans le degré de croissance, de redistribution des richesses, etc. dues à l'institutionnalisation dont font l'objet ces économies capitalistes (perso, je suis convaincu qu'il n'y a plus de contrôle social de la croissance dû à une perte de valeurs) ?

    • Faut-il, ou non, trouver des compromis tels que compétition / solidarité = commerce équitable ou éthique / finance = investissement socialement responsable, etc. ? Estime-t-on que le monde des sociétés commerciales ne peut apporter aucune solution et qu'il pourrit même la notion de développement durable (green-washing, motif pour produire toujours plus (notamment des gammes de produits "verts"), etc.) ?

    Il n'existe pas de réponse tranchée, il y a tout un arc-en-ciel de positions décroissantes, de la plus consensuelle à la plus radicale. Un des arguments des décroissant⋅e⋅s radicaux⋅ales est de dire qu'on sait que le travail actuel est placé sous un régime de domination, d'aliénation et d'exploitation ; Les syndicats sont là pour établir un compromis ; Pourtant, ils échouent. Donc, il ne faut accepter aucun compromis.

    La décroissante tente de remettre à plat les théories économiques : l'analyse économique classique repose sur les lois de la mécanique classique (action, réaction, tout ça) et fonctionne en vase clos (les schémas économiques illustrent le système présenté comme étant isolé dans son coin, sans interaction avec d'autres ni avec l'humain⋅e et l'environnement…). La décroissance explique l'économie par les lois de la thermodynamique et prévoit des échanges entre les systèmes étudiés et entre ces systèmes et l'extérieur.

    Comment agit-on ? Il n'y a pas de scénario de transition pré-écrit et plusieurs voix se font entendre : intervention des États pour taxer les "mauvais" comportements et/ou financer les dégâts envisagés par certain⋅e⋅s auteur⋅e⋅s (perte d'emploi, répartition des richesses, etc.), remise en question profonde de nos modes de vie, des pratiques locales fédérées, etc. Concernant les pratiques locales / individuelles, c'est du très classique : autoproduction, simplicité volontaire (on consomme ce dont on a besoin, on répare ce qui peut l'être, on fuit les modes), favoriser la consommation locale, donner au lieu de jeter, réfléchir aux sujets importants, réduire son temps de travail pour se consacrer à d'autres choses, tisser des liens sociaux, etc.

    Au moment de recommander (ou non) ce livre, je suis hésitant… Il s'agit en réalité d'une compilation d'écrits agrémentée de quelques réflexions des auteurs. Parfois, cela donne l'impression de lire un recueil de citations… Mais, d'un autre côté, ça permet de creuser les différents aspects couverts par la décroissance (économie, démographie, social, aspects politiques, aspects théoriques, etc.) en une seule fois.

    Notes :

    • La fécondité diminue au niveau mondial : de 6 enfants par femme en 1960 à 2,8 enfants de nos jours. 97 pays (développés et émergents) sont en dessous du renouvellement de la population (2,1 enfants par femme). 43 autres pays (Inde, Mexique, Afrique du Sud, etc.) ont une fécondité en baisse comprise entre 2 et 3 enfants par femme. 82 pays en développement (Congo, Bangladesh, Nigeria, etc.) ont une fécondité supérieure à 3 et amorcent une baisse. Le taux de croissance de la population mondiale a légèrement diminué ces 50 dernières années, d'environ 1,3 % à 0,8 % annuel.

    • Les reproches adressés au progrès technique par les partisan⋅e⋅s de la décroissance sont : quand la recherche de l'efficacité maximale est placée au-dessus de toute autre valeur humaine, alors il y a un problème ; il est aujourd'hui (et depuis trèèèèès longtemps) impossible, pour un⋅e humain⋅e de comprendre maîtriser tout le progrès technique. L'humain⋅e devient donc un rouage de la technique, ce qui n'est pas sain ;
    Sun Jul 16 20:53:42 2017 - permalink -
    - http://www.lecavalierbleu.com/livre/consommer-moins-pour-vivre-mieux/
    fiche-lecture
  • Livre : Quand le digital défie l'état de droit, par Olivier Iteanu - ITEANU - Avocats | Technologies, Informatique, Internet, Communications, Electroniques

    Dans ce livre, Olivier Iteanu constate que les conditions générales d'utilisation de la majorité des services web que nous utilisons tous les jours (Google Search, Google Youtube, Facebook, Uber, etc.) précisent que le tribunal compétent pour trancher un litige est un tribunal californien. De même, l'auteur constate que l'application du droit français par ces grosses plateformes en matière de retrait de contenus litigieux (racistes, antisémites, atteinte à la vie privée, etc.) est insuffisante. L'auteur s'interroge donc : est-ce qu'on va vers une américanisation du Droit européen et français ? Les plateformes de la Silicon Valley sont-elles le fer de lance de cette américanisation comme Hollywood rayonne sur la culture mondiale ? Si la loi est la codification suprême de la manière dont nous faisons société, est-il justifié qu'elle soit rendue inapplicable aux usages numériques les plus répandus ? Est-il souhaitable d'avoir une seule culture au niveau mondial destinée à cracher du fric ou faut-il tenir compte des valeurs différentes de chaque territoire ?

    J'aime ce bouquin car il expose bien les différents acteurs, leur hypocrisie et les bases du droit français applicable au numérique en matière de liberté d'expression, de droit d'auteur et de vie privée. Je ne pensais pas qu'il était possible de présenter aussi limpidement les principaux textes qui régissent cela. :) Contrairement à Stéphane, les propos volontairement légalitaires ne me dérangent pas puisque l'auteur déroule la thèse tenue dès le titre, "américanisation du droit oui ou non ? bien ou mal ?", thèse pour laquelle j'ai acheté le livre.

    Concernant les aspects négatifs :

    • Ce livre comporte quand même beaucoup de fautes comme des mots manquants ou des coquilles comme « le Moscou » ;

    • Oliver Iteanu met en question la gouvernance d'Internet en se concentrant exclusivement sur l'ICANN, c'est-à-dire la partie qui n'a aucun intérêt. Par consensus des technicien⋅ne⋅s, le besoin d'unicité (on ne doit pas distribuer pas un même nom ou une même adresse IP à deux personnes différentes) est assumé par l'ICANN et quelques autres organismes qui en profitent pour faire les intéressants et faire de la diplomatie excessive, essentiellement sur des questions pécuniaires sans intérêt (comme savoir si le .vin doit être géré par les vignobles français). On peut se passer d'eux, ces organismes ne sont que de la poudre aux yeux. D'autres organismes, comme l'IETF, qui produit les normes techniques de communication entre machines, sont bien plus importants que l'ICANN et questionner leur ouverture, leur représentativité, leur légitimité, etc. me paraît beaucoup plus important et constructif ;

    • Avancer les gardes-fous prévus par la loi sur la liberté d'expression pour défendre le système français de liberté d'expression sous conditions ne me semble pas être recevable étant donné que cela fait plusieurs années que nos parlementaires de tous bords politiques veulent adapter cette loi à l'ère du numérique et rognent sans cesse sur ces fameux garde-fous… Voir : http://shaarli.guiguishow.info/?9SkWIg et http://shaarli.guiguishow.info/?hAqu3A ;

    • L'auteur présente et assume sa vision du monde (loi > * malgré son imperfection à moitié avouée, monde plus apaisé si on limite la liberté d'expression) sans jamais revenir aux fondements de notre Droit romano-civiliste pour argumenter. Pourquoi cette vision du monde ? Pourquoi la loi est le ciment de nos sociétés ? Je reste sur ma faim. C'est fort dommage car ce bouquin s'adresse donc aux seul⋅e⋅s convaincu⋅e⋅s par le propos, pas aux personnes souhaitant se faire un avis afin de choisir un modèle de société (selon moi, l'américanisation dénoncée est valable si elle est consentie).


    Notes

    Généralités

    • Pourquoi les plateformes américaines n'appliquent pas le droit local ? Question de défense des intérêts économiques :

      • Afin de ne pas reconnaître que la fiscalité locale s'applique tout autant et ainsi devoir passer à la caisse ;

      • Choc culturel : il y a de profondes différentes entre les Droits des différents pays du monde et ça coûte moins cher de comprendre le Droit américain et de l'appliquer à toutes les sauces plutôt que de payer des experts de chaque droit local où est présent le service ;

      • Afin de dissuader les utilisateur⋅rice⋅s de grogner par découragement (déposer une plainte aux USA nécessitent des avances de frais supplémentaires (huissiers, traduction, etc.)), ce qui permet de réduire le nombre d'employé⋅e⋅s du service juridique et donc de réduire les dépenses ;

      • Le Droit européen (et particulièrement français) est craint de manière exagérée (affirmer la crainte du Droit étranger permet de servir les intérêts de ces groupes) ;

      • Les plateformes appliquent sans broncher et même de manière très volontaire la doctrine d'Hollywood. Pourquoi ? Car ils ont déjà perdu devant un tribunal local alors que ces plateformes savent qu'elles ne perdront pas des procès sur des abus de la liberté d'expression ou sur des atteintes à la vie privée car le droit américain les protège.
    • Les clauses des CGU qui affirment que le tribunal compétent est californien sont contraires au règlement européen 44/2001 et Facebook a déjà été condamné pour cela en France (en 2012à Pau, en 2016 à Paris)… … … sans effet sur la pratique du géant…

    • La Convention européenne des droits de l'Homme engage les pays membres du Conseil de l'Europe, qui regroupe 47 États membres dont la Suisse, la Turquie, la Russie, l'Azerbaïdjan, etc. Le juge suprême en charge de l'application de cette Convention est la CEDH. La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne engage les 28 États membres de l'Union (sauf 3 relous dont l'Angleterre qui en applique un fragment par dérogation…). Le juge suprême de la Charte est la CJUE ;

    • L'auteur identifie 3 acteurs majeurs :

      • L'idéologie libertarienne qui prône la liberté individuelle totale (au-delà de la seule liberté économique, mais aussi sociale, éthique, etc.), la collaboration, le consensus et la technologie comme seule garante efficace de la liberté totale ;

      • La Silicon Valley, libérale, prône la liberté économique totale et le marché comme seul garant efficace de cette liberté. Elle invoque l'idéologie libertarienne quand ça l'arrange. Elle partage, avec les libertarien⋅ne⋅s une grande défiance vis-à-vis des États ;

      • Le gouvernement américain, qui essaye d'arbitrer entre liberté et contrôle. D'ailleurs, le gouvernement américain détient quelques droits sur les brevets du PageRank. ;)
    • Pour recevoir les plaintes concernant des abus de la liberté d'expression et des atteintes à la vie privée, les plateformes mettent en place des formulaires hyper compliqués qui se perdent dans le néant. Pourtant, les formulaires servant à dénoncer une atteinte aux droits d'auteurs sont simples et efficaces. N'est-il pas amusant de constater que la Silicon Valley joue la surcharge administrative façon ex-Union Soviétique ? L'objectif est-il de faire oublier le réflexe "recours à la loi" chez le plus grand nombre ?

    • La Silicon Valley ne veut pas d'États ni de lois autres que celle du marché économique. Pourtant, elle est très friande et demandeuse d'États à même de protéger ses marques, ses inventions (avec des brevets), etc. Ce n'est pas tellement que la Silicon Valley ne veut pas de lois, elle veut simplement celles qui l'arrangent et lui permette de faire du fric, comme tout le monde. D'où l'importance de la faire redescendre sur terre ?


    Liberté d'expression

    • Dans le Droit tel qu'il se pratique en Europe, on a établi qu'un⋅e humain⋅e pense puis s'exprime puis agit. C'est pour cela qu'on a choisi de réguler l'expression en interdisant un certain nombre de propos (portant sur la race, la religion, le handicap, etc.) : car ils peuvent créer et alimenter un arrière-plan inconscient délétère qui peut devenir le terreau d'atteintes physiques sur les personnes ;

    • Une erreur fondamentale du livre est de prétendre que la liberté d'expression est totale aux USA. NON. Le premier Amendement dispose que l'État ne peut mettre en œuvre une quelconque restriction. Il ne dispose pas qu'une société commerciale ou un groupe d'individus ou autre ne doit pas limiter cette liberté ! La Cour suprême a même posé une limite à la liberté d'expression lorsque les propos amènent directement à commettre une action violente.


    Vie privée

    • Données personnelles : tout morceau d'information qui permet d'identifier une personne et dont la divulgation / croisement / combinaison entraînerait une atteinte à la vie privée de cette personne ;

    • La vie privée, qui n'est d'ailleurs pas définie dans notre droit français, n'existe pas sous cette forme aux USA. Là-bas, la privacy désigne un prolongement du droit de propriété. Il a pour vocation à empêcher une intrusion arbitraire de l'État dans les données persos comme dans la propriété privée physique. Les données personnelles peuvent se vendre comme une propriété et n'ont pas une protection spécifique. Il n'existe pas de loi fédérale américaine qui protège les données personnelles (pas de loi Informatique et Libertés, en gros) ;

    • L'auteur expose que les plateformes ont intérêt à ce que le droit personnel inaliénable sur les données persos se transforme en un droit patrimonial qui permettrait aux plateformes d'acheter les données persos. Je suis mitigé : dans la mesure où le droit européen reste botté en touche, il est largement plus rentable de rester en l'état plutôt que de devoir payer pour les données persos ;

    • Le règlement européen sur les données personnelles (RGPD) impose que la conception des systèmes d'information stockant des données personnelles protège la vie privée. Il faudra donc in fine fournir des preuves de conformité qui seront créées/mesurées par des consultant⋅e⋅s. Les tribunaux trancheront les différends. Cela signifie que la source du Droit sera la jurisprudence, ce qui est source d'insécurité juridique… Ce qui est ressemble fort au Common Law, système juridique issu du droit anglais dans lequel la jurisprudence occupe une place plus importante que la loi.


    Droit d'auteur

    • Différences droit d'auteur / copyright :

      • Le droit d'auteur a été conçu pour protéger l'auteur⋅e contre les exploitants (éditeur, interprète, etc.). Le copyright a été conçu pour protéger l'ayant-droit (distributeur, diffuseur, etc.) ;

      • Le copyright prévoit un droit moral réduit à la simple paternité et ce droit peut être cédé. Le droit d'auteur prévoit un droit moral large (paternité + la faculté de refuser des utilisations jugées immorales / pas conformes à l'esprit de l'œuvre) qui ne peut être cédé ;

      • Le copyright prévoit les usages transformatifs (c'est ainsi que Google a pu lancer son service Books : la justice a considéré que constitue un usage transformatif d'un livre). le droit d'auteur est trèèèèès restreint sur ça (parodie, etc.) ;
    • Quelques ajouts récents dans notre droit d'auteur sont imprégnés de l'idéologie du copyright. Exemples : le droit d'auteur sur les bases de données protège l'exploitant de la base, pas les auteurs ; le droit moral sur un logiciel est limité puisqu'il revient par défaut (y'a des exceptions) à l'entreprise pour laquelle travaille l'auteur du logiciel ;
    Sun Jul 16 17:06:02 2017 - permalink -
    - http://www.iteanu.com/livre-digital-defie-letat-de-droit/
    fiche-lecture
  • ÉDITIONS B42 ♦● Celui qui pourrait changer le monde

    Un livre qui rassemble quelques-uns des écrits d'Aaron Swartz, informaticien, penseur, militant.

    Ce qui m'a le plus déçu est le fait que ni la traduction, ni les contributions externes comme la préface ne sont diffusées sous une licence libre alors que les billets de blog originaux d'Aaron sont sous licence CC-BY-NC-SA. De plus, Larry Lessig sait pertinemment que ce livre n'aurait pas plu à Aaron (il l'écrit dans la préface), car ressortir de vieux écrits et les exposer à la vue de plus de personnes que l'auteur en attendait lors de la publication initiale est une forme d'atteinte à la vie privée.

    D'un autre côté, sans ce livre, je ne me serais jamais intéressé aux écrits d'Aaron. Et quels écrits ! Ceux d'un insatiable penseur. De la culture à l'économie en passant par la politique et le social, Aaron s'intéressait à tous ces sujets.

    Pour le travail documentaire, le style et la diversité des sujets abordés, je recommande vivement la lecture de ce livre.



    Quelques notes :

    • Lessig émet l'idée que le suicide d'Aaron n'est peut-être pas totalement lié à son procès judiciaire dont ses avocats finirent par être convaincus de le remporter, mais aussi à l'épuisement de sa fortune personnelle (issu de la vente de Reddit) qui l'aurait contraint à mener une vie dédiée à autre chose qu'à la défense des idées qu'il estimait être justes et à ne plus approfondir ses réflexions ;

    • Quand les lobbies culturels dénoncent le téléchargement illégal d'œuvres, ils évoquent toujours les ventes que le téléchargement leur aurait fait perdre. Cela veut dire que ces lobbies culturels veulent des condamnations pénales pour compenser des ventes probables. N'est-ce pas là un fonctionnement autoritaire à la Minority Report ? "Tu as peut-être lésé quelqu'un⋅e, mais on ne sait pas avec certitude si le délit a bien eu lieu" ;

    • La protection sociale existait aux USA avant Obama. Depuis 1937. Comment se fait-il qu'un pays aussi libéral ait un semblant de système de santé public ? Parce que de riches industriels, comme John D. Rockefeller ne voulaient plus consacrer une partie de leurs bénéfices à payer des compléments de retraite à leur salarié⋅e⋅s, autant que ça soit l'État qui le fasse en prélevant les sommes adéquates sur le salaire des travailleur⋅euse⋅s dans le cadre du New Deal ;

    • La licence globale est entachée par des attentes contradictoires : il faut rémunérer ceux et celles qui participent à la création d'œuvres sans nuire à la vie privée (il n'est pas sain qu'une quelconque entité connaisse les lectures et visionnages de toute une population), de manière fiable (il faut que chacun⋅e déclare sa consommation car procéder par échantillonnage n'est pas pertinent car les contenus sur Internet forment une série longue traîne : des contenus sont peu vus et des contenus sont beaucoup vus) et sécurisée (on ne veut pas que les artistes déclarent plus de lecture que leurs œuvres en ont fait ni que les rémunérations soient truquées au profit d'une minorité). Aaron propose un système de bons d'achat dont la cryptographie permet d'assurer toutes ces propriétés, mais je trouve son système affreusement complexe (plusieurs aller-retours entre chaque individu et l'organisme de collecte mandaté, par exemple) ;

    • J'ignorais qu'Aaron avait théorisé un mécanisme acentré et basé sur une blockchain pour l'enregistrement des noms de domaine quelques mois avant l'apparition de NameCoin ;

    • Le taux de participation aux élections pour la première Chambre des représentants (équivalent, aux USA, de notre Assemblée nationale) était de 1,3 % (40 000 électeurs pour 3 millions de citoyens). Alors, oui, c'était un peu le zouk à l'époque (répartition géographique et moyens de communication, nouveauté du système, etc.), d'où ce chiffre, mais ça permet d'illustrer qu'un très faible taux de participation à une élection ne semble pas enlever la légitimité d'action de nos représentant⋅e⋅s. Abstention, solution ou non, du coup ?

    • Faut-il vraiment réduire le nombre de nos député⋅e⋅s et sénateur⋅rice afin de faire des économies comme on l'entend souvent ? Dans la première Chambre des représentants des USA, il y avait 1 élu pour 600 électeurs / pour 46 000 citoyens (tenir compte du taux de participation exposé au point précédent !). En 2008, il y avait 1 élu pour près de 700 000 électeur⋅rice⋅s. Au temps de la première Chambre des représentants, l'élu avait une vision d'à quoi ressemble vaguement ses électeurs, de ce qui les intéresse, de leurs idées politiques, etc. Cela forme un même tissu social cohérent. L'électorat loge laaaaaaaargement dans les tribunes d'un stade de foot d'une petite ville. Ce n'est plus le cas. Donc, forcément que l'élu⋅e moderne n'est plus humainement en capacité de savoir à quoi ressemble son électorat et s'accroche donc aux généreux donateurs qui sont en nombre beaucoup plus réduit.

      • Pour comparer, en France, en 2017, il y a un⋅e élu⋅e à l'Assemblée pour 79 000 électeur⋅rice⋅s / pour 117 000 citoyen⋅ne⋅s (et j'ai compté toute la population française, même les personnes qui ne sont pas en âge de voter ou qui n'ont pas le droit de vote). Il faut donc 2 stades de foot d'une grande ville (ou le stade de France) pour loger les électeur⋅rice⋅s d'un⋅e seul⋅e élu⋅e. C'est déjà énorme si l'on cherche à obtenir un lien de proximité entre élu⋅e⋅s et citoyen⋅ne⋅s. Faut-il encore plus réduire les effectifs au risque d'obtenir un pouvoir encore plus dilué ?
    • Aaron émettait l'hypothèse qu'il ne peut exister un intérêt commun sur les questions majeures d'intérêt public : riches, pauvres, jeune, vieux, entreprises, syndicats, gauche, droite, tout le monde pense qu'il représente l'intérêt général : tout patron est aussi sincèrement convaincu que n'importe quel syndiqué⋅e⋅s qu'il⋅elle prend des décisions qui, même si elles sont difficiles, vont dans l'intérêt du plus grand nombre genre licencier pour espérer être plus productif… Tout le monde essaye de se réclamer de l'intérêt commun afin de dénoncer ses détracteurs comme étant des représentants d'intérêts particuliers. En conséquence, l'intérêt commun est forcement confisqué par le groupe dominant dans la société. Exemple : ceux et celles qui ont voté Macron sont des personnes qui vivent bien (j'ai pas écrit riche ;) ), à qui le monde actuel convient, donc l'intérêt commun sera celui-ci pendant 5 ans : faire en sorte que rien ne change donc conserver une société violente dans laquelle le tissu social et les libertés s'érodent, entre autres ;

    • Aaron pensait que l'Open Data (et la transparence en général) ne rendra pas les élu⋅e⋅s plus ouverts, démocrates et responsables, car les chiffres publiés seront maquillés et/ou les magouilleur⋅euse⋅s trouveront des astuces afin d'utiliser des méthodes qui ne sont pas comptées dans les chiffres publiés. C'est vrai. L'Open Data ne rend pas automatiquement, le monde meilleur comme par magie. Un peu comme le logiciel libre ou la culture libre ou… ne rendent pas automagiquement le monde meilleur (ou même moins mauvais). Mais sans la transparence en politique, on n'obtiendra rien de plus. La transparence de la vie politique est une condition nécessaire mais pas suffisante afin d'avoir des élu⋅e⋅s ouverts, démocrates et responsables. Un peu comme le logiciel libre n'est pas une garantie d'absence de failles de sécurité ou de logiciel gentil pour l'utilisateur ou d'adaptabilité aux besoins, mais sans le logiciel libre, nous sommes incapables d'obtenir cela facilement. La transparence en politique permettra aux journaux de quantifier plus facilement des événements et de mettre plus facilement en exergue les manquements de nos élu⋅e⋅s. Si les chiffres sont véridiques, il suffira de dire à l'élu⋅e : "non mais regardez, vos propres chiffres officiels disent que c'est la catastrophe". Si les chiffres sont maquillés, il suffira de pointer du doigt la contradiction des chiffres, plus besoin de faire appel à un "sens moral" ou à l'éthique" pour décider si c'est bien ou mal, on sanctionnera (médiatiquement ou plus) le défaut de transparence. Si les chiffres sont inexistants, il suffira également de blâmer l'élu⋅e pour manquement à la transparence. La transparence en politique n'est qu'une brique : nécessaire pour construire quelque chose mais pas suffisante ;

    • Que faire pour laisser un héritage ? Gutenberg n'était pas le seul à bosser sur l'imprimerie. Newton était suivi de Leibniz sur le calcul infinitésimal. Darwin était suivi d'Alfred Russel Wallace pour la sélection naturelle. Alexander Graham Bell était suivi (ou précédé) par Elisha Grey pour l'invention du téléphone. Marx n'était pas le seul à arriver à la conclusion que la non détention des moyens de production par les salarié⋅e⋅s conduit à leur exploitation. On le voit, il y a des idées dont le temps est venu et que si les découvreurs initiaux avaient échouées, ces découvertes auraient quand même eu lieu, à la même période, réalisées par d'autres. Il est donc compliqué de revendiquer ces héritages. Aaron exposait que le plus important, c'est de faire des choses qui vont à l'encontre du système plutôt que dans son sens. C'est beaucoup plus difficile que de suivre le chemin qui semble prédestiné mais il s'agit là d'un vrai héritage. À mon sens, un⋅e informaticien⋅ne qui réfléchit, avant de pisser du code, à l'impact sur la société de son travail répond à cette définition. Larry Lessig, que ses travaux et ses compétences destinées à siéger à la Cour Suprême (le Conseil constitutionnel des USA) qui choisi de se servir de ses compétences en Droit pour militer et tenter d'affaiblir la corruption lors des élections américaines, répond aussi à cette définition, selon moi ;

    • ÉDIT DU 25/09/2022 : pour initier une conversation et/ou pour jauger une personne, la question la plus pertinente serait « À quoi réfléchissez-vous récemment ? ». FIN DE L'ÉDIT.
    Fri Jun 30 19:45:27 2017 - permalink -
    - http://editions-b42.com/books/celui-qui-pourrait-changer-le-monde/
    fiche-lecture
  • Un livre de Mediapart: «Qu'ont-ils fait de nos espoirs?» | Le Club de Mediapart

    Ce livre couvre la première moitié du quinquennat Hollande, de mi 2012 à fin 2014.

    Je l'avais acheté car, justement, je me souviens à peine de cette première moitié de quinquennat (pas de problème pour la deuxième, j'ai bien en tête les régressions sociales, en termes de libertés et en termes de désignation d'un méchant ennemi intérieur). Sur ce point, je ne suis pas déçu.

    En revanche, dès le début, dès la première phrase du bouquin, on te cause du danger Le Pen en 2017. Ça sera répété tout au long du livre. Ça fait plus de 40 ans qu'on nous gonfle avec ça, que ça éclipse tout dans les médias (genre pourquoi les médias vont systématiquement demander son avis sur tout à MLP et pas à Mélenchon ou à un autre représentant minoritaire ?!). Ça fait plus de 40 ans qu'on se fait enfumer et serrer la vis par d'autres guignol-e-s d'autres partis qui sont tout aussi dangereux-euses (quand l'UMP nous parle de camps d'enfermement administratif ou de déchéance de nationalité, hein, sérieux) ! C'est bon, il faut passer à autre chose. Le danger c'est pas tant celui ou celle qui récoltera les fruits de la tempête que ceux et celles qui la sème en ce moment. C'est de ces dernier-e-s dont il faudrait avant tout se méfier.

    De même, je m'interroge sur l'intérêt des reportages larmoyants "c'est la misère dans telle ou telle cité". Oui, il est important de documenter cela sinon il n'y a pas de prise de conscience et donc pas d'action pour tenter d'endiguer ce phénomène. Mais, dans ce recueil de dépêches, est-ce que leur nombre ne constitue pas du journalisme facile ? Le récueil de témoignage de terrain, c'est bien mais quid du constat macroscopique ?

    Quelques notes :

    • « Il ne faut pas tout attendre de l'État » / l'État ne peut pas tout. Jospin, à propos de la fermeture d'une usine Michelin à la fin des années 90. On l'a beaucoup latté à l'époque mais, en vrai, ce n'est pas faux : au-à-la citoyen-ne de flécher sa consommation, à l'État de flécher sa commande publique, au Parlement de créer le contexte favorable à l'existence décente d'une multitude de sociétés commerciales locales, mais après, interdire des fermetures d'usines, mouais, ça sonne comme une sanction inutile.

    • Dans son intervention à Pas Sages en Seine 2015, Isabelle Attard conseillait de cartographier les conseillers et les directeurs de cabinets, bref, toutes les personnes qui agissent dans l'ombre des ministres et du Président et qui ont le pouvoir. La liste des nominations est publiée au Journal Officiel. En 2012, Mediapart a tissé les liens pour savoir qui vient d'où, qui a fait quoi avant ce poste, qui vient de quel milieu/contexte culturel, etc. : https://generationchangement.wordpress.com/2012/06/18/les-cabinets-sans-curiosite-du-nouveau-pouvoir/ . Je trouve que cette démarche est primordiale mais la présentation, tout en texte, est totalement imbitable. Si l'on veut prévoir une partie de ce qu'il nous tombera sur le museau, il nous faut une cartographie pour rendre ce travail brut exploitable et présentable.

    • Il ne suffit pas de regarder les taux des impôts pour en déduire leur efficacité, mais il faut aussi regarder l'assiette (celle de l'IRPP est faible, par exemple) et le type d'impôt : proportionnel (tout le monde paie le même montant (comme la TVA ou la TICPE ou la CSPE ou la CSG)) ou progressif (comme l'IRPP). Une fusion de deux impôts, genre l'IRRP et la CSG peut être plus redistributif (compense mieux les inégalités de revenus qu'on peut estimer être socialement nuisibles) qu'un IRPP à taux plus fort.

    • Choc de compétitivité = crédit d'impôt aux entreprises sans contrepartie ; pacte de responsabilité = allégement des cotisations sociales patronales sans contrepartie. Le tout pour faire une relance par l'offre c'est-à-dire "soulager" les entreprises pour qu'elles embauchent magiquement (qu'est-ce qui les empêchent de distribuer la richesse aux actionnaires ?) et que ça relance la consommation des ménages.

    • J'avais oublié ce sombre épisode de 2012 : http://www.liberation.fr/societe/2012/09/17/manifestation-salafiste-a-paris-retour-sur-un-emballement_846902 . Ils manifestent pacifiquement, vlam, c'est des salafistes c'est-à-dire des radicalisés. Heu ? Lol. En comparaison, la manif' pour tous n'était pas du tout des chrétien-ne-s défenseur-se-s d'une foi originelle, nooooooon.

    • Salaire mensuel brut d'un-e ministre : 9 940 € (contre 14 910 € sous Sarko). Premier ministre : 14 910 € (contre 21 300 €). Président : comme le Premier ministre. Évidemment, c'est sans les à côté : logement de fonction, véhicule de fonction, coiffeur / maquilleuse à 8-10 k€/mois, etc.

    • Transparence de la vie politique : que pour quelques élu-e-s (les maires et les conseillier-e-s de tout poil ne sont pas concerné-e-s), transparence de la vie parlementaire, etc.

    • Vote truqué & bourrage d'urnes (détectés mais rester sans conséquences pour les auteur-e-s, osef de la sincérité du scrutin) dans les 3 grosses fédérations PS en nombre d'adhérent-e-s. Ce fût déjà le cas à l'époque Mitterrand…

    • Les universités sont toujours dans le rouge financièrement genre pas de fonds de roulement. C'est voulu genre allouer 5 milliards aux sociétés commerciales au titre du crédit d'impôt recherche, c'est un choix. Du coup, les universités doivent développer leurs fonds propres : formation continue, levées de fonds auprès de sociétés commerciales, augmenter les frais d'inscription (ce qui réjouit le lobby bancaire car ça signifie plus de crédits étudiant ;)), etc.

    • La taxe poids-lourds, suspendue depuis fin 2014, fût la première externalisation de l'organisation et de la collecte de l'impôt, jusque-là compétence régalienne par excellence. Oui, il s'agit d'un PPP avec la société commerciale Écomouv' (avec de gros industriels derrière…).

    • L'État perd en souveraineté : renforcement des régions, Europe, finance toute puissante, perte du pouvoir de battre monnaie, etc. Le seul pouvoir régalien qui reste, c'est la police, l'autorité. On peut alors penser que l'État laisse (et provoque) la montée du racisme, de la xénophobie, de l'homophobie, etc. afin de retracer des frontières, des lignes qui séparent les bons gens des méchants et ainsi pouvoir manifester son pouvoir de police, d'oppression, de la violence d'État qui est tout ce qui reste à l'État en perte de souveraineté. On cherche à « maintenir l'ordre » c'est-à-dire contenir la tension sociale, pas à la faire disparaître avec un traitement sensé à la racine.

    • On reproche à tout président de ne pas tenir le programme sur lequel il a été élu. Encore faudrait-il que celui-ci soit en capacité de le faire. Des engagements du candidat Hollande n'ont pas pu être tenus faute des 3/5 de parlementaires nécessaires. Exemple : supprimer la Cour de Justice de la République.

    • Hollande essaye toujours de faire une synthèse de tout et notamment pour régler les conflits et désaccords ministériels, ce qui donne des réponses bizarres aux problèmes. Exemples : Valls et Ayrault étaient en déssacord sur l'expulsion de Léonarda. Solution hollandaise : Léonarda peut revenir… … … mais sans sa famille. Même chose sur le dossier Florange (désaccord Ayrault/Montebourg). Peut-on toujours faire une synthèse pertinente de tout ? Est-ce toujours pertinent de couper la poire en deux en faveur d'un consensus mou ?

    • L'accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l'emploi de 2014 octroyait déjà de la flexibilité aux employeurs en bonne santé financière en termes de licenciement économiques massifs avec des plans sociaux au rabais. CGT et FO n'ont pas signé. Dans l'usine Elba située dans le Puy-de-Dôme, un seul salarié syndiqué FO a participé aux manifestations. Tout le monde se moquait gentiment de lui… … … Sauf que cette usine a été la première en France à fermer grâce aux largesses permises par cet accord… … … LALA.

    • Bilan (très partiel et je ne reprends pas les idioties que j'ai déjà écris ci-dessus) : des dictateurs sont toujours accueillis à l'Élysée (pour les "aider à évoluer", sans doute ;)), banalisation des démantèlement de camps de réfugié-e-s et des expulsions tout en accusant la droite, mesures de façade genre bricolage des impôts et des allocs familiales au lieu d'une CSG fusionnée et progressive ou de revoir le quotient familial qui redistribue aux plus riches, ratification du TSSG européen, etc.

      • Quelques maigres bonnes nouvelles : fiscalité du capital alignée sur celle du travail et suppressions des assouplissements ISF. Fin de la circulaire sur les étudiant-e-s étranger-e-s qui demandait aux préfets d'instruire avec vigueur et forts contrôles les changements de statuts (pourtant, les conditions et les délais pour passer d'étudiant-e-s étranger-e-s à travailleur sont toujours aussi relous et inadmissibles)
    • Licenci'elles : collectif regroupant, au début, les managers licenciées par les 3 Suisses qui militent pour leurs droits (licenciement abusif), contre tous les licenciements abusifs et pour l'émergence d'une loi contre les licenciements boursiers. Collectif féminin, décentralisé, qui utilisent les outils numériques, qui s'émancipent des syndicats ancestraux qui les ont snobées. Difficultés rencontrées : concilier vie de famille et vie amicale avec la lutte (les proches soutiennent mais ne comprennent pas la lutte) + se montrer crédibles face à ceux qui ont des décennies de lutte comme les métallurgistes. Au moins, la justice a définitivement reconnu que les licenciements des 3 Suisses étaient abusifs. 5 ans de lutte… GG.

    • Un gouvernement qui amalgame antisionisme et antisémisme et qui assimile les manifestations pro-Palestine à une montée de l'antisémitisme… Quel rapport entre refuser une guerre sans fin qu'implique la création d'un État uniquement juif qui expulse une Palestine annexée et l'antisémitisme ? On peut être juif et antisioniste. On peut protester contre les violations des libertés et du droit international commises par l'Israël. Voir de l'antisémitisme partout au nom du souvenir du génocide dont l'Europe fut coupable tout en désignant les musulmans comme ennemis intérieurs et extérieurs, c'est oublier la leçon du passé : toute discrimination est malsaine, pas uniquement celles à l'encontre des juifs.
    Sat Mar 4 21:51:14 2017 - permalink -
    - https://blogs.mediapart.fr/la-redaction-de-mediapart/blog/220115/un-livre-de-mediapart-quont-ils-fait-de-nos-espoirs
    fiche-lecture
  • MENACE SUR NOS LIBERTÉS - Julian ASSANGE,Jacob APPELBAUM,Andy MÜLLER-MAGUHN,Jérémie ZIMMERMANN

    Encore un epub qui traînait.

    Ce livre est la retranscription d'un échange entre 4 militants en faveur des droits et des libertés qui a eu lieu en mai 2012 à l'initiative de l'un d'eux pour son émission sur les ondes de « Russia Today ». Plusieurs thématiques seront traitées : surveillance de masse, censure, hacker la politique, chiffrement complet comme seule alternative à une surveillance et à une industrie devenues trop puissantes, violence coercitive des États, effacement de la limite entre surveillance étatique et privée, est-on encore libre quand le système monétaire et financier est totalement possédé par autrui (cas du blocus financier de Wikileaks ordonné par Washington), etc.

    Sur la forme, c'est la première fois que je lis un livre centré sur une retranscription. Ça se lit plutôt bien. En revanche, des erreurs de traduction (« crypter » au lieu de chiffrer, « interception en bloc », etc.) et des problèmes de sémantique (« l'univers, la nature croit en la crypto » alors que l'univers ne croit pas, il est ; utilisation du mot « déchiffrer » en lieu et place de « décrypter » ce qui génère une inversion complète des propos) sont à déplorer.

    Sur le fond, c'est très intéressant, ça n'a pas vieilli mais il faut avoir un corpus minimal de connaissances pour suivre aisément ce qui se raconte, notamment les faits qui sont évoqués. Les références permettent de s'y retrouver mais pas d'avoir une aisance leur d'une première lecture par un-e non-initié-e.

    Malgré les réserves ci-dessus, je recommande la lecture de ce bouquin.



    Quelques notes :

    • Petit rappel de la violence des États contre Wikileaks : jury d'accusation (pas de juge ou d'avocat de la défense dans la place), blocage financier, 800 jours de prison sans procès pour Bradley/Chelsea Manning + des conditions de détention jugées inhumaines par le rapporteur de l'ONU, appel public au meurtre extrajudiciaire d'Assange par des politiques US, pressions sur l'hébergeur web et DNS, interdictions de lire les documents publiés (même dans les journaux bien établis) adressée aux employés fédéraux, injonction à des tiers (Twitter/Google) de fournir des données selon une procédure peu commune, etc.

    • Les outils de surveillance de masse n'entrent pas dans l'Arrangement de Wassenaar car ça arrange tous les États en termes de stratégie géopolitique : la vente et la configuration de ces outils permettent de récolter de précieuses informations comme savoir quelles menaces / quels groupes sont redoutés par tel État, prédire la propagation des idées, monter des opérations d'aide ou, au contraire, de déstabilisation des régimes, avoir des informations en cas de futur conflit avec un ex-allié, etc.

    • La crypto serait un moyen de sortir de la servitude volontaire. Mouiiii enfin la crypto ne protège pas contre la clé à molette (https://xkcd.com/538/) ni contre les attaques légales. Tous les systèmes cryptographiques n'incorporent pas le déni plausible, c'est même parfois l'inverse (exemple d'une signature électronique). Ce n'est pas la crypto qui maintient en """"liberté"""" Assange mais bien les jeux habituels entre États, par exemple ;

    • Les nouvelles techniques créent toujours des centres dans un premier temps avant de libérer dans un deuxième temps grâce au savoir versé aux générations suivantes. Exemple : les moulins vont de pair avec la féodalité car il faut des investissements énormes et le lieu physique est assez facile à contrôler. Découverte - centralisation - démocratisation. Aujourd'hui, on observe la même chose avec les puces élémentaires de tous nos ordinateurs qui sont produites par très peu d'organisations comme Intel. La différence, ce serait qu'aujourd'hui, le contrôle et la limitation de la compréhension du fonctionnement serait intégrée, conçue en même temps que le produit. Perso, je ne suis pas convaincu qu'on te laissait comprendre les engrenages du moulin de ton bled à l'époque donc égalité avec aujourd'hui ;

    • Stocker tous les appels téléphoniques (fixes et mobiles) de toute l'Allemagne sur un an coûterait environ 50 millions d'euros en incluant les frais administratifs et d'exploitation (local, salaires, etc.). C'est moins cher que tout avion militaire. Cette estimation rejoint celle de Benjamin Soontag qui estimait que les métadonnées appels + SMS représentaient 2k€/an de matos. Voir : https://shaarli.guiguishow.info/?q0W_Eg . Stocker les métadonnées et les conversations, c'est largement faisable. Ce n'est probablement pas encore fait pour la voix à cause de la difficulté à analyser ça de manière automatique.

    • Les actions automatiques (fermeture (ou gêle des avoirs) d'un compte bancaire, déploiement de forces de l'ordre, marginalisation de groupes, etc.) prises à partir de la surveillance de masse vont bientôt arriver : en 2012, Siemens savait déjà envoyer un mail si des individus (identifiés préalablement pour l'instant) sont proches, si un individu (identifié préalablement) reçoit un mail, etc. À titre personnel, ça ne me semble pas nouveau : les radars routiers répondent à cette logique. On nous parle d'amendes de stationnement automatisées à partir de la vidéo-surveillance depuis des années, etc.

    • L'ordre 2703d (et suivants genre 2709) du Stored Communications Act de 1986, mis à jour par le Patriot Act de 2001, permet aux autorités des USA de récupérer les données et les métadonnées stockées par un tiers concernant une personne. Donc les messages privés Twitter, par exemple. Cela est nommé : National Security Letters (NSL). Évidement, ces injonctions obtenues sans passer par un juge judiciaire sont destinés à rester secrets. Le tiers qui le reçoit ne peut pas vous protéger (sa coopération est exigée) et si la personne visée par ces ordres apprend leur existence, elle ne peut pas vraiment contester car elle n'est pas concernée : c'est entre l'autorité fédérale et le tiers Cela signifie que toute délégation de données d'un-e citoyen-ne USA à un tiers numérique équivaut à une forme de publication du contenu. À ce compte-là, même un numéro de téléphone composé est la propriété d'un opérateur téléphonique ;

    • Bush a autorisé le contournement du FISA c'est-à-dire de la protection des résidents américains contre la surveillance étatique. Première étape : il n'y a plus besoin de mandats ; Deuxième étape : en 2008, immunité rétroactive pour les cas révélés publiquement de non-respect du FISA.

    • L'administration Obama, dont le président fut élu sur un programme de transparence, a poursuivi plus de lanceurs d'alertes que ces prédécesseurs. Oui, comme pour le nombre de frappes par drone (voir https://www.youtube.com/watch?v=dzCmhUAzseI ).

    • Ce qui ralentit la progression de la surveillance de masse et toute sorte de connerie de manière générale, c'est que chaque gouvernement est pluriel et que tout le monde en leur sein passe son temps à se tirer dessus pour ramener toute la couverture à lui-elle ;

    • Un des cables publiés par Wikileaks montrerait que toutes les transactions Visa et MasterCard sont forcément traitées, à moment donné aux USA car le gouvernement des USA voudrait garder la main. Même la Russie n'aurait pas réussie à négocier ce point-là. Perso, j'ai beaucoup de mal à y croire car le réseau Visa c'est environ 2000 transactions par secondes. Bon courage pour transporter tout ça. Sans compter les pays où il y a d'autres acteurs impliqués comme le GIE CB en France.

    • La censure revient à effacer l'histoire, à faire que celle-ci n'a jamais existé. Pour 2 des auteurs, même la mise hors ligne des serveurs hébergeant du contenu pedo-pornographique (on ne parle pas de censure côté FAI, donc) est une hérésie car il s'agit d'une preuve d'un crime odieux qui a bel et bien été commis. Faut-il effacer l'histoire de ces crimes ? Les générations futures n'ont-elles pas à juger sur pièce si notre société était plus ou moins pédophile que la leur ni de constater si le nombre de contenus pedo-pornographiques a évolué au cours du temps ? On reconnaît-là la vision américaine de la liberté d'expression. D'un autre côté, il y a les plaisirs que ces contenus peuvent produire si l'on les laisse en ligne. Sans compter la douleur "permanente" des victimes.

    • Quand on parle de censure et la désinformation, on évoque généralement les dictatures mais en fait, la censure est beaucoup plus insidieuse donc violente dans nos démocraties car elle est organisée et minutieuse. Quand la Grande Encyclopédie soviétique était censurée, la modification était collée au dessus de la page concernée donc ça se voyait. Aujourd'hui, on a tout un système pyramidal et organisé de la censure :

      Mon expérience ne cesse de me démontrer que les pays occidentaux sont simplement bien plus sophistiqués au niveau de la désinformation et de la dissimulation de la réalité. Il y a une multiplicité de niveaux qui permettent de nier l’existence de la censure. La censure est comme une pyramide enfouie. Seule la pointe émerge du sable, et pour cause. Seule la pointe est publique – procès en diffamation, assassinats de journalistes, caméras saisies par les militaires et ainsi de suite –, il s’agit de la censure publiquement reconnue. Mais ce n’est qu’une infime partie de l’ensemble. Sous la pointe, la couche suivante est celle de toutes ces personnes qui préfèrent ne pas être vues, qui pratiquent l’autocensure pour éviter de se retrouver sur la pointe. La couche suivante contient toutes les formes d’incitations économiques et d’aides que l’on accorde aux gens pour parler de telle chose plutôt que de telle autre. Plus bas encore se trouve la couche de l’économie brute – les sujets sur lesquels il est économique d’écrire, même si vous ne tenez pas compte des facteurs économiques qui proviennent des niveaux supérieurs de la pyramide. La couche suivante, ce sont les préjugés des lecteurs avec un faible niveau d’éducation, qui sont donc des cibles faciles pour la désinformation, et à qui l’on ne peut même pas expliquer des choses sophistiquées. La dernière couche est celle de la distribution – certaines personnes, par exemple, n’ont tout simplement pas accès à de l’information dans une langue donnée. C’est ça, la pyramide de la censure. Quand il censure les télégrammes du Cablegate, le Guardian s’inscrit dans le deuxième niveau.


      Cette censure est facile à nier, soit parce qu’elle se fait à l’abri des regards, soit parce que aucune instruction n’est jamais donnée de censurer telle ou telle affirmation. Il est rare qu’on dise à un journaliste: « N’écris rien là-dessus » ou : « Ne parle pas de ça. » Ils savent très bien ce qu’ils sont censés faire et ne pas faire sans qu’on ait besoin de leur dire parce qu’ils comprennent les intérêts de ceux qu’ils souhaitent satisfaire ou dont ils souhaitent se rapprocher. Si vous vous conduisez bien, on vous donnera une petite tape sur la tête et on vous récompensera, sinon, ça sera moins sympa.


      Les sociétés occidentales se sont fait une spécialité du blanchiment de la censure en structurant les affaires des puissants de sorte qu’aucune voix qui perce dans le débat public ne puisse réellement modifier les relations de pouvoir parce que ces relations sont camouflées sous de multiples couches de complexité et de secrets.

    Fri Dec 23 23:00:15 2016 - permalink -
    - http://www.laffont.fr/site/menace_sur_nos_libertes_&100&9782221135228.html
    fiche-lecture
  • Piratons la démocratie | Blog perso de Paul Da Silva

    Là encore, un PDF que j'ai sur mon disque dur depuis mi-2011…

    Le titre respire bon le Parti Pirate et entretient la confusion entre hacker et pirater… … …

    Ce livre nous présente un projet de société, celui dans lequel Internet, en tant que technologie et en tant que réseau humain, permet de faire évoluer la société vers quelque chose de moins mauvais : plus de liberté d'expression pour chacun-e, fraternité, collaboration, diffusion inédite du savoir, etc.

    Ce projet de société est pauvrement rédigé, présenté uniquement à des initié-e-s en cela que rien n'est expliqué, tout (les effets produits par Internet, par exemple) est censé être évident. Les sujets s'enchaînent sans transition, sans réel sens. Aucune piste n'est donnée, rien. Nous sommes en présence d'un brouillon.

    Je recommande de passer son chemin.



    Quelques notes :

    • Le collectif d'auteur-e-s semble avoir du mal à assumer sa position "il ne faut rien censurer" et choisit donc d'écrire, dans le même temps, que le premier amendement de la Constitution des USA (liberté d'expression avec beaucoup moins d'exceptions que chez nous) est peut-être trop extrême ;

    • Différence entre la loi et les protocoles Internet : les deux sont incontournables pour faire société ensemble mais on vulgarise ces derniers mais pas la loi. Et, en effet, je n'ai pas connaissance de l'existence de structures qui diffusent les outils, les techniques et les méthodes permettant au plus grand nombre de citoyen-ne-s de comprendre la loi. Je ne parle pas de conseiller pour un problème donné, ça c'est le boulot des avocats et il y a des permanences gratuites dans un grand nombre de villes, pour info ;

    • Attention aux nouveaux systèmes de répartition des droits d'auteur que l'on propose : un fléchage par tout un chacun-e peut entraîner des dérives comme celles autour de la taxe professionnelle pour laquelle il y a des yeux doux de la part d'établissements d'enseignement supérieur pour en récupérer le plus possible. Au final, les grosses organisations sont favorisées. Même chose pour une répartition selon l'affection : combien d'artistes de la variété française, pour ne citer qu'eux-elles ont fait de gros bide à leurs débuts ? Leur travail ne méritait donc pas rémunération ? ;

    • « À l’inverse la surveillance d’un ou plusieurs citoyens, le rattachement de sa vie sur le réseau à son identité physique, morale ou pénale ne peuvent être faits que dans l’intérêt de la société basée sur un système démocratique. ». L-O-L. Qu'est-ce que l'intérêt de la société ? C'est une notion floue et très fluctuante : ces derniers temps, la "société" a visiblement choisi "sécurité > *". Là aussi, attention au projet de société que nous formulons ;

    • Dans le monde idéal rêvé par le collectif d'auteur-e-s, les guerres ne pourraient plus exister car il y aurait le respect du Peuple dans chaque coin du globe. En quoi ça empêche l'existence de guerres pour s'accaparer des ressources naturelles ou pour le profit de quelqu'un-e-s ? En quoi cela empêche l'existence de guéguerres idéologiques ? Celles-ci sont inévitables et, de mémoire, ont fait que Paul a quitté le Parti Pirate.
    Fri Dec 23 17:28:12 2016 - permalink -
    - http://www.paulds.fr/publications/piratons-la-democratie/
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  • Hackers - EDEN | Amaelle GUITON - Hackers, au cœur de la résistance numérique ]

    J'ai ce livre au format epub depuis avril 2013. Il était grand temps de le lire. :D

    Les définitions des termes (hacker, fablab, hackerspace, logiciel libre, etc.) sont irréprochables. Les exemples de projets pour illustrer les pratiques présentées sont nombreux. L'auteure a bougé entre l'ouest de la France (Bretagne en force !) et l'Allemagne pour gratter le sujet avec les principaux-ales intéressé-e-s.

    Le livre est rempli de références vers des projets, permettant ainsi au lectorat de continuer de creuser le sujet en toute autonomie. L'exemple qui m'a le plus marqué est le projet de sextoys DIY, peut-être parce qu'on est au zénith d'un projet DIY qui fait plaisir à toutes les étapes (conception->utilisation), mais bref. :)

    Je trouve que l'auteure manque globalement d'un un peu de recul et de mise en contradiction des propos récoltées, on est clairement dans une vision idéalisée du monde du hacking avec très peu d'interrogations, de remise en question, de questionnement des pratiques constatées.

    Malgré quelques références obscures qui ne pourront être comprises par un-e non-initié-e lors de sa première lecture, je recommande vivement la lecture de ce livre à toute personne qui croit que hacker = pirate ou qui a du mal à voir les contours du concept de hacking ou qui a du mal à concevoir comment cela se concrétise.



    Quelques notes :

    • À propos du Parti pirate : il fut un temps où les trublions au parlement allemand, c'était les Verts puis la formation politique s'est structurée et a abandonné les jeans pour les costards. Le Parti Pirate se fera-t-il institutionnalisé ou les parlements se feront radicaliser ? Un peu des deux, probablement ;

    • Est-ce que les hackers seraient aussi inventifs et créatifs s'il-elle-s se professionnalisaient (même au sein d'une ONG) ? En gros, est-ce que c'est le cadre (horizontalité, relative liberté, etc.) qui fait le hacker ou est-ce que c'est le hacker qui fait son nid où que ce soit ? ;

    • Les hackers influent sur la société mais la société influe très clairement sur eux-elles. Quand les politocard-e-s viennent les consulter comme en Allemagne, ce n'est pas neutre et on retombe sur la question de l'institutionnalisation. Quand le hacking devient un phénomène de mode selon les agences de communication, ce n'est pas sans conséquence sur le monde du hacking qui doit se conformer ou repousser une image calquée, etc.
    Fri Dec 23 15:54:09 2016 - permalink -
    - https://vitrine.edenlivres.fr/resources/9782846265027
    fiche-lecture
  • Discours de la servitude volontaire — Wikipédia

    Ça faisait un moment que je voulais lire cet essai de La Boétie dans lequel il nous explique que la servitude envers un tyran (que l'on peut entendre aujourd'hui au sens d'une autorité quelconque) est volontaire et qu'il n'y a pas besoin d'une révolution dans le sang pour défaire un tyran.

    Quelques notes sur La Boétie :

    • 16e siècle, 1530-1563.

    • Conseiller du Roi au Parlement de Bordeaux. Un parlement était une cour pour dispenser la justice royale (pénale et civile) par délégation, enregistrer les ordonnances royales, faire régner l'ordre dans la province ;

    • Traits de caractère : tolérant (période de la Réforme ;) ), loyaliste, non-violent et légaliste (paix et loi, disait-il), notions d'éthique ;

    • Ami de Montaigne. Ce qui m'a fait me replonger dans la définition de l'amitié donnée par ces deux-là : estime mutuelle, assurance mutuelle de l'intégrité de l'autre. Il n'y a pas d'amitié entre des malfaiteurs, juste une crainte et un intérêt commun à avancer de manière ordonnée. Montaigne écrira : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : Parce que c’était lui, parce que c’était moi ».



    Quelques erreurs à propos du Discours de la servitude volontaire :

    • Ce texte n'est pas un appel à la sédition, à un soulèvement contre un pouvoir établi, qu'il soit royal ou non. Cet aspect lui sera conféré après la mort de La Boétie ;

    • Ce texte n'est pas non plus un appel "fuck toute forme d'État et de pouvoir" ;

    • Ce texte est un essai de réflexion doctrinale de philosophie politique qui cherche à expliquer les causes de la servitude ;

    • Quand La Boétie évoque le peuple, c'est péjoratif, c'est pour dire masse informe, grouillot de base. Il est aucunement question de souveraineté ou de citoyenneté à l'époque.



    Quelques notes sur le discours :

    • République = res publica = chose publique. Une monarchie n'est pas adaptée pour gérer la chose publique en cela qu'il n'y a rien de public dans ce mode de gouvernance mais la volonté privée d'un seul. De même, il y a des rapports publics entre l'État et les individus contrairement au patronat ou au paternalisme qui sont des rapports privés entre les individus. De là découle que les citoyen-ne-s ne sont pas lié-e-s à l'État mais que l'État est une émanation collectiviste du citoyen-ne ;

    • Il n'y a pas de bon ou de mauvais tyran : le simple fait de placer quelqu'un-e au sommet d'une pyramide est le problème en lui-même. En effet, même si cette personne a toujours fait le bien, elle pourra faire le mal. C'est en gros ce que j'exprimais dans le shaarli suivant : De la violence politicienne ;

    • Les humain-e-s sont différent-e-s par nature. La tolérance et la fraternité permettent leur complémentarité. Je trouve ça très joliment formulé sous la plume de La Boétie ;

    • La liberté est naturelle, elle s'exprime même chez l'animal. Exemple de l'éléphant qui négociera son ivoire contre sa vie sauve face à un braconnier et de la domestication animalière en général ;

    • La servitude des Peuples ne peut pas être de la lâcheté ni uniquement de l'admiration envers un-e ni une résignation face à une force militaire imposante car elle concerne trop de personnes à travers le monde et que les tyrans qui ont des facultés exceptionnelles réelles admirables sont très rares ;

    • Du coup, qu'est-ce qui explique la servitude des peuples ?

      • L'humain-e a une paresse naturelle et est soumis aux coutumes et aux habitudes. Je ne sais plus où j'ai lu que notre cerveau est inapte au changement en cela que ça lui coûte du temps de calcul d'où il préfère recréer des habitudes et se conformer aux habitudes présentes à sa naissance (de plus, sur ce point précis : on ne se bat pas, on ne revendique pas, ce que l'on ne connaît pas ;) ) ;

      • Endormir les masses laborieuses avec des jeux, des loisirs (théâtre, etc.), des festins et des récompenses ;

      • Un tyran n'agit pas seul : il a 5-6 personnes envieuses de son statut qui sont très proches de lui, qui sont complices et qui le servent dans l'espoir de pecho des biens (richesse), un statut social et l'espérance de dominer à leur tour autrui en échange. 600 personnes dociles entourent ces 5-6 personnes. 6000 personnes flattées, ravies de gérer les deniers "publics" et de gouverner une province, entourent ces 600 personnes. Etc, etc. C'est ainsi que la servitude se propage de proche en proche dans la population. Qui n'a jamais entendu « lui, faut aller dans son sens car il connaît les bonnes personnes » ? Bah voilà, c'est précisément cela ;
    • Et donc, comment on se libère ?

      • Le savoir permet de lutter contre la tyrannie (on retrouvera plus tard cela dans la philosophie des Lumières) : si l'on connaît la liberté, on y renoncera uniquement sous la contrainte. Sans compter qu'on ne se laisse plus manipuler par une personne qui se prétend d'origine divine ou guérisseuse ;

      • C'est le Peuple qui fait et défait les tyrans : investiture, soutien, flatterie, attention. On retrouve ici la philosophie classique du 18e siècle (et Grecque, aussi, il me semble) dans laquelle le Maître est décrit comme dépendant de ses esclaves car il n'est rien sans eux : il ne sait rien faire et il a besoin des flatteries. Sans compter le nombre de tyrans qui se sont fait tués par leur premier cercle de relations voire par leurs gardes. Si l'on actualise ça : il ne s'agit pas tant d'ignorer les élections ou d'être absentéiste volontaire que de faire (make) ce que nous pensons important indépendamment d'un quelconque pouvoir et de militer pour nos idées en attendant que le changement de société opère. Participer à la vie politique et non pas à la vie politicienne. Tout pouvoir n'y résistera pas ;

      • Il ne s'agit pas d'aller décapiter le tyran, de lui retirer ce qu'il a, mais plutôt de ne rien lui donner. On retrouve ce que l'on nomme aujourd'hui la désobéissance civile ;

      • Ce n'est pas écrit dans l'œuvre de La Boétie, mais je pense qu'il faut également démolir les strates qui entourent tout pouvoir. En effet, nous avons tendance à être attirer par le pouvoir comme si c'était un objet brillant. Nous créons nous même les tyrans en leur conférant de l'importance (en reconnaissant leur prétendue unicité, par exemple), en les flattant ou en diffusant abondamment leurs faits et gestes comme s'ils étaient importants. Il s'agit de ne pas créer nous même des tyrans et c'est valable au boulot, en associatif tout comme en politique (au sens noble). Et là encore, ça se fait de manière pacifique.

    • La personnification du régime, dont la 5e République est une illustration parfaite (on vote pour un-e Président-e, son programme alors qu'il y a toute une équipe derrière lui, d'avant son élection jusqu'à la fin de son mandat, dont on entend jamais parler), n'est pas nouvelle : Pyrrhus attribuait à son gros doigt des pouvoirs de guérison, les rois de France se prétendaient d'origine divine et prêtaient des pouvoirs magiques à la fleur de lys, etc. On voit donc une envie de faire le show, de se démarquer. Leur solitude, crée par leur sentiment d'unicité est la source de leur pouvoir. Mais c'est du flan ;

    • Les mauvaises institutions sociales et politiques entraînent inévitablement les humain-e-s dans des sentiers dangereux. Oui, je le pense aussi. C'est pourquoi il faut être minutieux lors de l'écriture de documents fondateurs de structures sociales comme une Constitution ou les Statuts d'une association. C'est pourquoi, il faut toujours tenter de créer l'écosystème (associatif, humain, etc.) le plus pur, le plus complet qui puisse exister et qui respecte des principes fondamentaux banaux comme l'indépendance ou la séparation des pouvoirs ou l'existence de contre-pouvoirs effectifs. Car sinon, la dérive sera facilitée.



    Merci à HS-157 ( http://hs-157.moe/ ) pour le prêt du bouquin (d'où la motivation pour le lire :P ).

    Tue Dec 13 20:53:03 2016 - permalink -
    - https://fr.wikipedia.org/wiki/Discours_de_la_servitude_volontaire
    fiche-lecture
  • RING - Livre : La France Big Brother | auteur : Laurent Obertone | genre : Document

    Un bouquin écrit par Laurent Obertone (pseudonyme) qui a déjà écrit plusieurs brûlots dont j'ignorais l'existence. Celui-ci aborde la domestication de l'Homme par l'Homme, c'est-à-dire la transformation désirée de la société française à l'état d'esclave par le pouvoir de la volonté générale (c'est ce que l'auteur nomme Big Brother). Pour l'auteur, tout ce qui sort de notre nature est bidon et il nous faut revenir à cet état de nature. Ainsi, les hommes doivent être virils et être des gardiens/protecteurs/chasseurs. Les femmes sont assignées à la reproduction et à la sélection naturelle. Bref, Laurent est là pour nous prévenir : nous nous faisons dévorer tout crû par la morale établie bien-pensante que nous avons collectivement instauré. L'école (et la formation continue), les médias, les politocards, l'art, la bien-pensance bobo, etc. voudraient, selon l'auteur, arracher tout individu à tous ses déterminismes qu'ils soient sociaux, culturels, ethniques, intellectuels, familiaux, etc. pour en faire un être policé à la morale commune, banalisée, inapte à la révolte/rébellion.

    Toute l'argumentation de l'auteur repose, au bout du bout, sur le pivot « ce n'est pas naturel ». La méritocratie est justifiée car le fort doit écraser le faible car c'est naturel. L'homme doit se bastonner, s'imposer, notamment pour séduire sa femelle parce que c'est naturel (la testostérone n'est pas là par hasard, n'est-ce pas ?). La solidarité organique est un concept stupide car, à cause d'elle, très peu de personnes savent chasser et/ou se défendre d'une agression. On se fait donc domestiquer, on est dépendant. Une égalité en droit serait stupide pour compenser une inégalité de fait : y'a des gens moins intelligents que d'autres, y'a des gens moins musclés que d'autres, les femmes sont inférieures car elles peuvent procréer moins souvent, etc. et il faut faire avec, laisser la sélection naturelle opérer (ce qui fait qu'aux yeux de l'auteur, les prestations sociales sont une hérésie car elles servent à entretenir des personnes déficientes qu'il faudrait laisser de côté).

    L'intégralité du livre est le reflet d'un mode de pensée très libéral mais aussi très conservateur d'un point de vue social, très orienté autour de la morale judéo-chrétienne en mode la vie c'est la souffrance, il faut souffrir pour vivre (d'où l'euthanasie est vue par l'auteur comme la domestication suprême), mériter ce que l'on est et ce que l'on a. Le progressisme serait un truc de bobos qui passent à la TV, le vieux cliché s'il en est. En gros : c'était mieux avant, quand l'Homme tapait sur des cailloux et montrait qui est le vrai Mâle alpha. On retrouve également des principes anarchistes : fuck l'État qui n'est qu'un maître de trop et dont la providence nous asservie, se dresser soi-même au lieu de se faire dresser par quelqu'un-e d'autre, etc.

    L'auteur joue dans tous les registres : absence de sources pour les affirmations chocs (l'auteur se contente d'une vague description comme « une étude démontre que », charge à nous de retrouver la référence, LOL), déformation des résultats de recherche et des termes pour servir son propos (exemples : effet Pygmalion, anisogamie), exagération des faits (notamment sur l'ajustement du barème de l'épreuve de maths du Bac S de 2014), personnification du Mal (le Mal, c'est BHL, Plenel, Hollande et quelques autres noms qu'il faudra envoyer au peloton), théorie du complot (tou-te-s les boss de la presse seraient membres du Siècle ou Francs-maçons, personne sauf l'auteur n'aurait évoqué la présence d'Hollande, de Mélenchon et de tant d'autres au pot de départ d'une journaliste de l'AFP sauf que : https://www.google.fr/#q=pot+de+d%C3%A9part+AFP+m%C3%A9lenchon+hollande …), précipitation (exemple : l'auteur évoque ce qui serait un faux document publié par Médiapart dans l'affaire du financement libyen de la campagne de Sarko alors que l'affaire est toujours en cours et que le motif de faux n'a pas été retenu jusqu'à présent par la justice, voir http://www.lesechos.fr/03/06/2016/lesechos.fr/021995324202_financement-libyen---le-document-entre-sarkozy-et-kadhafi-est-authentique--selon-la-justice-francaise.htm ), utilisation de faits divers pour généraliser (j'ai beaucoup rit avec "on trouve parfois des câbles d'ascenseur rongés par l'urine des usagers [...] donc c'est la tragédie des communs, omg", par exemple …) et, enfin, l'auteur agit précisément de la manière qu'il dénonce (exemples : critiquer les spécialistes que nous vendent les médias pour faire autorité mais en appeler soi-même à la rescousse, lynchage de personnes ("booooouh telle personne n'a pas fait d'études supérieures !") en mode TPMP dont l'auteur dénonce préalablement les méthodes, se dresser contre la pensée unique tout en en proposant une autre en filigrane, la tolérance serait le masque de l'intolérance, etc.). Bref, ce livre est plus de la soupe qu'autre chose. :-

    Pour l'auteur, tout est de la servitude sans aucune nuance. Militer pour obtenir des droits ou ne pas en perdre ? De la servitude aux grands syndicats bien établis qui toucheront des thunes de l'État tout en prétendant lutter contre ses réformes + de la servitude envers l'État : on lui demande une faveur + le Système est conçu pour tolérer les gentilles manifs et oppositions qui ne le menacent pas. Donc ne faisons rien ou faisons des révoltes dans le sang ? Défendre la liberté d'expression ? De la servitude aux grands médias bien établis qui toucheront de la thune de l'État et/ou des Puissants de ce monde car eux-seuls ont une capacité de diffusion de masse. Sauf que je peux défendre la liberté d'expression et être opposé aux aides d'État à la presse. Je peux vouloir défendre les micro-journaux locaux, pas que les grands médias bien établis. Je peux vouloir défendre la liberté du plus grand nombre à s'exprimer sur le net (voir https://shaarli.guiguishow.info/?2ZpWQA ). Bref, pour l'auteur, tout et son contraire est le Système, tout et son contraire fait le jeu du Système. ÉDIT DU 11/12/2016 À 12H : Par contre, cela m'inspire qu'il faut roder nos communications militantes. Exemple concret pour aider à la compréhension : quand le Peuple demande à être plus souvent écouté, on lui propose du référendum (c'est dans le programme de plusieurs candidats à la présidentielle 2017) et des consultations publiques (ça a été la mode ces dernières années). Sauf que quand le Peuple est noyé sous des consultations purement consultatives pour lesquelles les délais pour participer sont scandaleusement courts comme le fût la loi République numérique en France ou la réforme actuelle du droit d'auteur dans l'UE (voir http://shaarli.guiguishow.info/?VZhgmw ) alors le Peuple a perdu. On a avancé mais on a aussi beaucoup reculé. Pourtant, les élu-e-s ont écouté. Juste, nous n'avons pas la même notion de ce qu'est l'écoute d'autrui. Là où je veux en venir, c'est qu'il faut être clair sur nos exigences et ce, dès le début de toute action militante. Est-ce que ces consultations biaisées dès leur conception ne sont pas le reflet de notre inaction initiale ? Je veux dire, on a demandé à être écouté au lieu de prendre directement la parole (en contactant, chacun-e nos élu-e-s ou en proposant des actions de terrain, par exemple). Le Maître État a satisfait à notre demande de la manière qui l'arrange, pour reprendre la terminologie d'Obertone. Si l'on avait directement pris la parole, il n'y aurait pas eu cette dérive. Si le nombre de citoyen-ne-s qui se bougent le cul spontanément pour participer à la vie politique était plus important, les élu-e-s pourraient-il-elle-s encore les ignorer au point de forcer ces citoyen-ne-s à demander des consultations ? Pas sûr du tout. FIN DE L'ÉDIT.

    En revanche, là où je suis d'accord avec l'auteur, c'est sur sa conclusion : qu'on partage ou non l'analyse qu'il dresse, les situations présentes n'existent que parce que le plus grand nombre de personnes le veut ou, tout du moins, ne fait rien ni ne propose rien pour aller dans une autre direction. L'exemple le plus flagrant est que l'on demande aux politocard-e-s « que comptez-vous faire sur le sujet X ? ». On attend tout d'eux-elles. On attend des solutions et de la considération des Puissants. C'est à eux-elles de créer de l'emploi, d'enlarger les pénis, etc. On attend le mensonge des Puissants, qui doit être toujours plus parfait. Pour moi, la bonne méthode est : faire (make) sans attendre quoi que ce soit et militer auprès des politocard-e-s. Ces deux modes d'action sont complémentaires. Voir : http://shaarli.guiguishow.info/?xo1oaQ

    Sur la forme, le ton percutant ne me dérange pas mais le paquet de répétitions, si. Elles doivent représenter 150-200 pages. De plus, la 4e de couverture est plutôt trompeuse : « enquête sur un sujet tabou » + « Recueillant les confidences de journalistes, politiques et hommes d'influence repentis, [...] » + « République des écrans ». Je n'ai rien lu de cela. Je n'ai lu que des propos issus de coupures de presse, des pensées de l'auteur et des propos non sourcés. De plus, en quoi cela forme-t-il une enquête ? Il s'agit une analyse toute personnelle de la société française étayée par des coupures de presse, rien de plus.

    Au moment de conseiller ou non la lecture de ce bouquin, je suis mitigé. D'un côté, lire une analyse et des postulats totalement différents des siens, c'est important pour l'esprit critique, c'est formateur. D'un autre côté, quand c'est si mal écrit sur la forme et le fond, quel intérêt ? :/


    Points intéressants

    • L'auteur nous fait quelques rappels salvateurs : les religions fraternelles sont un mensonge. Oui, même le bouddhisme (voir http://shaarli.guiguishow.info/?zl6l3A ). La révolution française a laissé place à une oligarchie (voir http://shaarli.guiguishow.info/?dAqyzw ). L'auteur découvre que la France n'a pas une conception de la liberté d'expression aussi large que celles des USA donc, oui, il y a des propos qui valent mieux que d'autres (intuitivement, j'pense à Orelsan), oui, il y a des formes d'art qui valent mieux que d'autres (l'auteur pense à l'arbre / plug anal gonfable qui fût installé place Vendôme et qui a fait scandale).

    • Faut-il toujours suivre le Peuple ou est-ce que l'oligarchie aveugle et sourde a aussi profité au Peuple ? Exemples : « Dans l’opinion, si vous voyez les positions dominantes, on rétablirait la peine de mort et on virerait tous les immigrés. Donc, soyons attentifs… » ( http://www.20minutes.fr/politique/1456887-20141008-video-bartolone-estime-majorite-francais-favorable-retour-peine-mort ). On reparle de l'IVG et de 48 % des français-e-s qui y étaient favorables lors de son insertion dans le corpus législatif ? Le mariage pour tou-te-s était plus consensuel (58 % au plus bas des sondages ?). Que dire de la neutralité des réseaux qui est passée inaperçue du grand public mais qui est pourtant dans la législation européenne ?

    • La recherche de l'égalité est séduisante mais ça serait un leurre : pour le-a dominé-e, il s'agit d'obtenir sans efforts la même chose que le voisin. Pour le dominant, il s'agit de renforcer son statut social "waaaaaouh, j'ai œuvré pour l'égalité, je suis bon au fond de moi" et de renforcer ainsi son pouvoir/influence. La charité peut être la forme la plus sournoise de l'égoïsme.

    • L'instrument de contrôle social le plus puissant, c'est que l'humain-e a peur d'être sanctionné-e par le groupe, a peur d'être isolé-e par le groupe. Cette réflexion de l'auteur me fait penser, qu'en effet, notre solution à tout est l'exclusion : l'exclusion d'un groupe social (association, par exemple mais il faut prendre groupe social au sens abstrait), l'exclusion de la société (prison, voir https://www.youtube.com/watch?v=AtI_CQuBxlI ), l'exclusion de la Nation (déchéance de nationalité). Est-ce bien raisonnable ? :/

      • C'est tout le jeu des émissions TV style Le Petit Journal ou Touche Pas à Mon Poste : tu préfères rire avec ces chroniqueur-euse-s-là ou être exclu ? Sous-entendu : tu préfères humilier le dissident ou être exclu ? Sachant que si tu ne le fais pas, tu es déviant-e donc le jour de ton humiliation pourrait venir. C'est bien l'infotainment qui décide de ce qui est éthiquement bien ou mal en faisant applaudir ou siffler artificiellement une foule à chaque idée, à chaque raisonnement. L'ennui, c'est que nous reproduisons ça au quotidien pour tout et n'importe quoi, typiquement sur Twitter.
    • J'ignorais l'image subliminale (qui n'en est pas une puisque la durée d'apparition est supérieure à 1/25 de seconde) du buste de Mitterrand dans le générique du journal TV d'antenne 2, peu avant la campagne électorale de 1988 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Message_subliminal#France .

    • J'aime beaucoup la démonstration du matraquage publicitaire, je la recopie ici : « Tu sais que Carlos chantait « Tout nu et tout bronzé ». Tu sais ce qu'il faut faire en cas d'impact sur ton pare-brise, tu sais où la vie est moins chère, tu sais que les produits laitiers sont tes amis pour la vie. Parce que tu le vaux bien. What else? Ces informations n'ont pas besoin de ton autorisation pour laisser leur empreinte indélébile dans ton cerveau. ». L'auteur enchaînera plus loin avec le mythe du nuage de Tchernobyl « arrêté aux frontières » (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Cons%C3%A9quences_de_la_catastrophe_de_Tchernobyl_en_France#Controverses_sur_le_nuage_radioactif) et le mythe des épinards comme étant l'aliment le plus riche en fer, entre autres.

    • Quand la presse a commencé à perdre des lecteur-rice-s, elle s'est mise à faire des décryptages, des vrais du faux, etc. qui, je le pense, sont tout aussi partiels et biaisés que leur travail précédent.

    • Le sort de la gauche est d'échouer : causer d'égalité, de mixité sociale, etc. ça fonctionne uniquement en présence d'inégalités, de pauvreté, etc. Ainsi la gauche ne tentera jamais de vraies réformes dans le sens de ses idées car alors, qu'aura-t-elle à proposer aux prochaines élections ? Le sort de la gauche, c'est de laisser la droite créer les conditions économiques de la domestication par la gauche.

    • La novlangue est déjà là : infirme -> personne en situation de handicap, « prendre ses responsabilités », « agir avec fermeté », « franche discussion », « vive émotion », du « citoyen » à toutes les sauces pour faire genre de l'impliquer partout (on parle même de pique-nique citoyen…), etc., etc.


    Points contestables

    • Pour l'auteur, l'éducation nationale serait obligatoire… Alors que ce n'est pas ce que dit la loi, j'en ai déjà parlé : http://shaarli.guiguishow.info/?_-WFTA

    • Échanger avec des gens via Internet, c'est être seul. Ça aussi, j'en ai déjà parlé : http://shaarli.guiguishow.info/?s4zcVw

    • L'auteur mélange police et justice quand il évoque la lutte contre "l'insécurité" … … … À faire trop de police, on ne fait plus de justice.

    • Les administrations de l'État, les journalistes, les associations, les syndicats, etc. sont des salopards d'assisté-e-s abreuvé-e-s aux subventions mais l'auteur n'écrira jamais un mot de travers sur les capitalistes : ça ment avec la publicité, ça pollue, ça exploite les salariée-e-s (Marxisme) et la Terre, etc. mais ça ne pose aucun problème. De même, l'auteur ne dira mot contre les livres : une personne avec une TV est stupide, une personne avec un ordinateur est stupide mais une personne qui lit est intelligente et tout comme il faut. Bah alors, on n'insulte pas ceux et celles qui financent ton mode de vie, mon coco ?!

    • L'auteur a une vision qui voudrait que le monde soit parfait. Non, Mediapart n'est pas parfait et commet des bourdes. Non, nos élu-e-s ne sont pas parfait-e-s. Simplement parce que l'espèce humaine est foncièrement imparfaite. L'important n'est donc pas d'avoir des médias parfaits, des politocard-e-s parfait-e-s, des artistes parfait-e-s, etc. mais juste d'avoir des contre-pouvoirs de partout. Tout le monde doit pouvoir avoir un regard et agir sur la chose publique : le journaliste doit révéler les magouilles des Puissants, l'artiste ou le citoyen ou les Puissants doivent aussi révéler les dérives de la presse, etc.

    • L'auteur nous dit que l'art contemporain c'est de la merde, on fait semblant d'aimer, de comprendre pour se sentir supérieur au sein d'un groupe d'initié-e-s. L'art classique visait tout autant une élite : les fables de la Fontaine quand très peu de personnes savent lire… Pour faire partie des connaisseur-euse-s, il ne suffit pas d'admirer la Joconde mais de piger les techniques en œuvre pour la peindre, hein. Le langage symbolique a toujours été excluant.

    • Quand l'auteur attaque les salaires des dirigeants de médias, des éditorialistes et des directeurs de publication, il oublie de prendre en considération la prise de risque : les infractions au droit de la presse ne s'attaquent pas au civil mais au pénal c'est-à-dire que c'est l'auteur et le directeur de la publication qui vont au tribunal. Et quand on voit une procédure en diffamation associée à chaque nouvelle un poil piquante, on mesure ce risque. Ça ne justifie pas des salaires totalement démesurés mais c'est à prendre en compte.

    • Contradiction : l'auteur appelle à un renforcement de la responsabilité des éditeurs ou, en tout cas, que lesdits éditeurs soient plus souvent poursuivis mais, l'auteur crie à la censure de la plèbe lorsque les éditions numériques des journaux habituels modèrent ou clôturent les commentaires en ligne… … … Contradiction : la plèbe peut s'exprimer sans entraîner la responsabilité d'autres qu'elle-même, c'est ça, Internet.

    • L'auteur confond plusieurs choses : le fait que des propos puissent choquer et le fait qu'il faille les censurer. Quand on appelle à la création d'un Islam de France, quand on attise la haine envers autrui en réaction à un message de Daesh, quand on me cause de déchéance de nationalité, etc., etc., oui, ça me choque car mon éthique (et non pas ma morale ni la bien-pensance du Système) estime que les choix de société qui lui sont présentés ne vont pas dans le bon sens, mais ce n'est pas pour autant que je souhaite la censure de ces propos. Cet amalgame est souvent utilisé par certains pour faire leur Calimero.

    • L'auteur nous explique que la presse fait souvent deux poids, deux mesures genre un coup de feu sur un assistant photographe au sein de Libération est traité par la presse avec plus de gravité qu'un coup de feu sur monsieur ou madame ToutLeMonde. L'auteur prend cet exemple pour illustrer la caste des Puissants qui se sent agressée alors qu'elle s'en fout du commun des mortels. Il y a du vrai mais l'auteur exagère : l'humain-e est plein de biais qui font qu'un accident arrivant à l'un de nos proches nous touche plus (proximité émotionnelle), qui font qu'un attentat à Paris nous remue plus qu'un attentat au Liban survenu la veille (proximité géographique et culturelle), qui font qu'un militant de gauche tabassé par des skinheads nous révolte plus que l'inverse (proximité idéologique). Évidemment qu'il faut dénoncer ces biais mais de là à parler d'une caste qui pense uniquement à elle, y'a un gouffre.

    • Je ne résiste pas à l'envie de résumer le chapitre sur le féminisme et la recherche de l'égalité entre les hommes et les femmes : les hommes et les femmes ne seront jamais à égalité car l'homme peut procréer plus souvent. Ça explique que c'est uniquement à lui de séduire : il doit payer le prix de la rareté de l'ovule. Quand un homme condamne un viol, il condamnerait seulement un vol. Le mariage était un frein a l'exploitation des femmes, ce qui lui donnait de la valeur. Même chose pour la prostitution. Même chose avant l'avortement. Bah oui parce que les relations hommes-femmes sont limitées à la seule procréation, c'est bien connu. Les hommes choisissent uniquement la beauté, les femmes choisissent uniquement le pouvoir, le rang social. C'est pour ça que les hommes de tout temps se sont efforcés de faire des trucs remarquables (art, science, sport, etc.) : pour impressionner la femelle. La parité en politique ne sert à rien car les électeurs votent pour des hommes. Joli raisonnement inversé. Même si le conditionnement social était une réalité, les femmes devraient s'auto-déterminer à leur majorité, or, ce n'est pas ce que l'on constate. Cette explication est très LOL quand elle vient de l'auteur qui t'explique, quelques chapitres auparavant que notre raison est pourrie par la pub, les médias, les biais cognitifs en tout genre.



    P.-S. : ce shaarli pointe sur la première édition mais j'ai lu l'édition de poche publiée par La Mécanique Générale. Je ne trouve pas le bouquin sur le site web de celle-ci et j'ai pas franchement envie de faire un lien vers Amazon ou la FNAC.

    Sat Dec 10 12:05:56 2016 - permalink -
    - http://www.ring.fr/livre/livre.php/livre/la-france-big-brother
    fiche-lecture
  • Économie du logiciel libre - François Elie - Librairie Eyrolles

    Un bouquin écrit par François Elie (agrégé de philosophie, ancien conseiller municipal orienté NTIC d'Angoulême ;) ) qui nous présente l'économie du logiciel libre en insistant très lourdement sur ce qu'il considère être la prochaine vague c'est-à-dire la mutualisation par la demande afin que les clients de logiciels réalisent des économies et de faire émerger des logiciels métier en logiciel libre.

    Ce livre date de 2009. Je l'ai acheté fin 2010 mais je ne l'avais pas encore lu jusqu'à aujourd'hui : des déménagements successifs l'avaient fait prisonnier dans des cartons durant de longues années. :D


    Mon avis

    Ce livre est intéressant pour quiconque ne s'est jamais vraiment intéressé au financement des logiciels libres (comme moi) et qui croit que le logiciel libre peut être financé uniquement par de l'assistance payante / double licence.

    Le militantisme de l'auteur en faveur de l'émergence de la mutualisation par la demande afin de faire émerger des logiciels métier est très intéressante. Le livre explique très bien les blocages : problème d'image, problème d'intérêt à agir, etc. Je nuancerai en disant que l'auteur en attend à mon avis beaucoup trop de la puissance publique qui pourrait jouer le jeu, faisant ainsi des économies, ce qui ferait apparaître cette mutualisation par la demande.

    Au-delà de ça, ce livre, qui mélange économie et parfois philosophie, est parfois un peu difficile à suivre par son côté très abstrait. Beaucoup de répétitions sont également à signaler.


    Informations et analyses intéressantes :

    • Dans le numérique, on confond le coût de production et celui d'une copie supplémentaire pour en arriver au mythe du tout gratuit. Si le deuxième est quasi nul (copier un PDF ne coûte rien, par exemple), la production initiale d'un livre, d'un journal, d'un film, etc. a un coût. Le numérique ne permet pas d'échapper à la question du financement de ce coût de production.

    • Bonne comparaison avec les maths : Pythagore voulait des maths privatrices, ses élèves ne devaient rien dire de leur apprentissage. Aujourd'hui, on a de la R&D ouverte (universités), de la R&D privée puis publique (ingénieurs), des profs de maths et l'évidence même que les maths ne peuvent être brevetés.

    • Logiciel libre : innovation, accumulation de la connaissance, recombinaison des savoirs pour produire quelque chose de neuf, résistance aux chocs par rapport aux oligopoles, possiblement renouvelé plus souvent, éviter les coûts cachés des logiciels sur mesure (passer à la caisse auprès du même prestataire qui fera chauffer la CB à la moindre demande de nouvelle fonctionnalité). Le logiciel libre sépare la solution de la prestation de service potentiellement nécessaire à son installation, intégration, paramétrage, assistance. Cela permet donc une double mise en concurrence. Le logiciel libre est un bien pérenne pour les administrateurs : l'assurance de pouvoir piloter les nouvelles fonctionnalités désirées.

    • Pouvoir de demain : qui détient les moyens de production ? Est-ce que le codeur est exploité au sens marxiste du terme ? Quand on vend du service au-dessus d'un logiciel libre, on ne rémunère pas la production du code en elle-même et c'est un problème.

    • François Elie analyse le "marché" du logiciel libre en trois acteurs : le développeur amateur (que l'auteur nomme hacker… … …), le marchand et le client. Tous trois poursuivent des intérêts forts différents : le premier cherche la reconnaissance, le deuxième espère un gain, le troisième espère faire des économies. Le développeur amateur et le marchand des alliés quand il faut dire au client que libre ne signifie pas gratuit. Marchand et client sont de mèche quand il s'agit de dire que bénévolat, ce n'est pas assez sérieux, qu'il faut de l'assurance, de la garantie, de la maintenance. Le développeur amateur et le client sont d'accord quand il s'agit de rappeler au marchand qu'il ne sert à rien d'être un crocodile ou un ogre. C'est de là que viennent les tensions.

      • L'auteur conceptualise 3 étapes dans la vie du logiciel libre. 3 écosystèmes différents organisés en vases communicants : au début était le libre pour le fun ensuite est apparu l'open source pour casser la barrière idéologique et ainsi atteindre les consommateurs et l'industrie puis apparaîtront les logiciels métiers pour casser les problèmes de gouvernance induits par l'externalisation de la production du code. Il n'y a pas de retour en arrière possible (l'open source ne disparaîtra pas au profit du seul logiciel libre, par exemple).

      • Derrière ces 3 étapes, on retrouve 4 formes génériques de financement dont 1 sera temporaire espère l'auteur : bénévolat, détournement du bénévolat par des marchands (temporaire), investissement classique, investissement coopératif (plusieurs clients autour de la table).

      • Plus précisément, quels modèles économiques ?
        • Bénévolat. Auquel je rajoute les dons que l'auteur passe sous silence. Pour l'auteur, ce modèle ne résiste pas au détournement, à l'appropriation par des sociétés commerciales qui ne reversent pas leur travail. L'auteur signale également que tout le monde ne veut pas bosser bénévolement (mais qu'à l'inverse, d'autres personnes ne veulent pas être payées afin de ne pas transformer une passion en quelque chose de sans intérêt si elle devient astreignante) et que la rémunération de la production de code demeure un problème.

        • Modèle de service : édition/intégration c'est-à-dire rencontre entre un client et un produit et on brode autour pour fournir des fonctionnalités supplémentaires (exemple : un logiciel comme WordPress ou SPIP est simple à installer (et livrer un installeur simple ne ruine pas l'espoir de monter un business orienté support) mais il faut un thème et des plugins pour qu'il fasse totalement ce qu'on veut) ; modèle de valeur ajoutée : on vend de la garantie ; modèle de la double licence (édition communautaire et édition corporate) qui discrimine les utilisateurs ou modèle n-1 (on livre à la communauté la dernière version qui n'est plus utilisée) ; formation, etc.

        • Mutualisation par l'offre (investissement classiques) : plusieurs acteurs mutualisent leurs efforts de R&D dans un modèle de coopétition. Cela engendre une baisse des coûts de la R&D assumée par chaque acteur. Exemple de mutualisation par l'offre : les progiciels de gestion. Avec eux, plus besoin que l'équipe informatique de chaque société commerciale code le même bout de soft.

        • Mutualisation par la demande (investissement coopératif et j'y ajoute le financement participatif) : les clients se regroupent en consortiums/associations/GIE/autre pour exprimer leurs besoins et développer ensemble les logiciels répondant à leurs besoins. Cela engendre des économies : la mutualisation de l'offre fait que les marchands vendent X fois les mêmes logiciels, les mêmes développements. Ce n'est plus possible avec des briques en logiciel libres avec une granularité fine. La mutualisation par la demande se frotte à un problème d'image : chaque société commerciale se croit unique sur son marché. Leur faire accepter l'idée d'utiliser le développement tout ou partiel d'une autre société, pouaaaaaaa, quelle idée, quel déshonneur !
    • Coopétition : collaboration opportuniste entre des acteurs qui ont des intérêts divergents, qui sont des concurrents mais qui, pourtant, ont intérêt à bosser ensemble au moins sur une partie de l'histoire. Exemples : les formats de fichiers ouverts sont systématiquement les plus répandus dans des secteurs concurrentiels comme l'aviation et la pétrochimie car justement, il faut avoir la même procédure pour causer aux sous-traitants. Même chose pour l'interopérabilité : les géants ont intérêt à la prévoir dès la conception plutôt que de l'implémenter après-coup car ce deuxième cas coûtera plus cher.

    • Le logiciel libre est partit des infrastructures (informatique générale pour l'informaticien) puis a conquis le middleware (informatique intermédiaire pour l'informaticien au service de quelqu'un genre genre un connecteur standard pour un SGBD). Pour les logiciels métier, c'est plus compliqué car personne n'a d'intérêt ce qu'ils soient libres à part le client : le marchand veut vendre du temps de travail donc il ne doit pas dire qu'il dispose de briques génériques pour développer le logiciel demandé et le bénévole ne voit rien de fun dans le développement d'un logiciel de gestion de la cantine scolaire ou de la gestion de stocks ou de celle d'un réseau de parcmètres, par exemple.

      • Je pense que l'auteur loupe tout un pan quand il associe les logiciels d'infrastructures au fun : pour faire communiquer des machines en réseau, il a forcément fallut fournir l'implémentation. À la fin des années 80, on voit bien que c'est la grouille sur la multitude de réseaux existants et que les informaticiens cherchent en permanence à écrire des passerelles de l'un à l'autre. Un besoin d'universalité s'exprimait très clairement. Or, on ne peut pas faire de la communication universelle à bas coût sans normes et sans implémentations communes. La question du fun ne s'est pas posée, àmha.
    • Il est vain de forcer les administrations publiques à utiliser du logiciel libre : il faut qu'elles le produisent. Soit en interne, soit en se regroupant pour exprimer un cahier des charges commun et faire développer ça. Sans ça, on a un problème d'œuf et de poule : les administrations peuvent seulement utiliser les logiciels déjà existants et s'il n'y a pas les logiciels métiers bah lala, elles resteront en logiciel privateur (et c'était très précisément l'argument de la centrale d'achat de l'informatique hospitalière en 2015, par exemple ! Voir http://shaarli.guiguishow.info/?82JClA ). C'est pour cela que l'on a vu émerger des plateformes de mutualisation comme celle de l'ADULLACT.

    • Pour voir l'émergence de logiciels métier, il faudra se regrouper par catégories d'acteur, pas par types de projets. Exemple : il y a environ 250 métiers dans une collectivité. Celle-ci ne va pas adhérer et prendre part à 250 consortiums/associations de mutualisation par la demande.

    • Une des clés du succès de la migration de la gendarmerie nationale française vers le logiciel libre n'est-ellle pas qu'il y a eu une reconnaissance officielle des logiciels écrits en interne de manière bénévole ? Ces gendarmes informaticiens amateurs savaient au moins de quoi ils avaient besoin pour exercer.

    • Dans le monde matériel, on achète un objet pour le posséder. Dans le monde immatériel, acheter peut signifier faire exister quelque chose pour les autres alors qu'ils n'ont rien fait pour que cela arrive. Et évidemment, ça pose un problème aux tenants de l'ancien monde.

    • Éric Raymond imaginait déjà les "appels de demande" c'est-à-dire l'expression d'un savoir-faire : je peux mettre sur pied tel type d'infra pour tant d'argent, je peux développer tel type de soft pour telle somme. Cela me fait penser aux CVthèques sur lesquels les personnes à la recherche d'un emploi diffusent leur savoir-faire et où les recruteurs viennent piocher.

    • En 2009, l'auteur identifiait 2 risques pour le logiciel libre :
      • Logiciel privateur 2.0 : puisque l'exclusivité du code ne procure plus de pouvoir, les sociétés commerciales seront attirées par la maîtrise de la roadmap, par l'arbitrage qui à le droit de commit et de piloter le projet ainsi que par l'architecture de la plateforme de collaboration. C'est ça qui générera du pouvoir et brassera de la thune. Les géants du logiciel privateur se positionneront là.

      • IaaS : faire oublier les logiciels et l'idée de vouloir les maîtriser, les modifier, tout ça. Faire de belles interfaces pour attirer les particuliers et proposer de l'externalisation à bas coût pour les sociétés commerciales et c'est gagné. Mais ça entraîne un pouvoir sur les données personnelles.
    Fri Nov 18 18:02:51 2016 - permalink -
    - http://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/economie-du-logiciel-libre-9782212124637
    fiche-lecture
  • [ La République sur écoute - Chroniques d'une France sous surveillance ]

    Un bouquin provenant de Mediapart qui évoque la loi Renseignement (et celle de Surveillance internationale) votée en France en 2015 ainsi que la surveillance américaine et la surveillance étatique dans son ensemble.


    Mon avis

    Pour

    Ce que j'ai apprécié, c'est la bonne définition, dès la préface, des termes manipulés et la contextualisation des sujets abordés et de la surveillance c'est-à-dire que l'on voit d'où ça vient la surveillance étatique et le fil rouge suivi.

    Ce livre met aussi en évidence les jeux de pouvoir / amitiés politiques et les jeux des partis politiques dans le vote de la loi Renseignement et c'est un gros morceau qui explique bien des choses et qui m'avait échappé en très grande partie dans le feu de l'action.

    Enfin, ce livre expose très bien en quoi la loi Renseignement constitue un changement de paradigme et s'insère dans une société dans laquelle une petite oligarchie se construit son opacité et son impunité vis-à-vis des citoyen-ne-s. J'vais revenir sur ce point plus loin


    Contre

    Ce que je n'ai pas apprécié, c'est le nombre élevé de répétitions. C'est normal pour un recueil de publications passées mais c'est assez pénible à lire, en fait donc il faut le savoir.

    D'autre part, le nombre de typos et de fautes (principalement d'orthographe) est élevé, ce n'est pas sérieux. :/



    Je recommande la lecture de ce livre.


    Citations

    Il n’est pas étonnant que la plèbe n’ait ni vérité ni jugement, puisque les affaires de l’Etat sont traitées à son insu, et qu’elle ne se forge un avis qu’à partir du peu qu’il est impossible de lui dissimuler. La suspension du jugement est en effet une vertu rare. Donc pouvoir tout traiter en cachette des citoyens, et vouloir qu’à partir de là ils ne portent pas de jugement, c’est le comble de la stupidité. [...]

    Spinoza


    Cette loi [ Renseignement ] est fondamentalement opposée à l’esprit même de la Révolution républicaine. La République, en France, en 1789, s’est fondée contre l’absolutisme royal. Elle se fixait comme première revendication libératoire la revendication de la sûreté. La sûreté, c’est très simple, c’est ce qui permet à chacune, à chacun, de savoir qu’il pourra rentrer chez lui le soir sans être arrêté, sans être réveillé au milieu de la nuit et sans que ses propriétés, ses effets, son intégrité morale soient d’un seul coup détruites par l’emprisonnement ou par la disparition.

    Or, aujourd’hui, avec cette loi, ce soir, chez moi, quelqu’un peut rentrer, observer mes enfants et mon ordinateur, goûter ma soupe pour voir si elle est bien salée, vérifier que je fais ce que j’ai à faire, ne pas m’en vouloir si je ne le fais pas mais le noter et puis quitter mon domicile et passer chez mon voisin sans que même j’aie eu la moindre conscience de sa présence, c’est-à—dire que ma sûreté en tant que citoyen n’est plus garantie. Non seulement elle n’est plus garantie mais elle est violée. Moi, si je n’avais rien à cacher, je n’aimerais pas que cela se sache. C’est-à—dire qu’on est au cœur de l’intimité et de l’image que l’on a de soi-même.

    Pierre Tartakowsky, président de la LDH.



    Citation aménagée de Laurent Chemla : quand l'exécutif est maître à la fois de la surveillance des citoyens, du texte qui est voté par le législatif, de l'application et du contrôle juridictionnel (le recours contre les écoutes se fait auprès de l'administration donc de l'exécutif), on ne se retrouve plus dans une démocratie du tout.


    Informations et analyses intéressantes

    • L’un des problèmes avec les signaux faibles est le critère de «faiblesse » des données nécessaires à l’analyse. Jusqu'à quel niveau de sensibilité, et donc d’intrusion dans la vie privée, les algorithmes auront-ils besoin de descendre ? Le fait d’acheter des falafels, par exemple, peut-il transformer une personne en possible terroriste ? L’idée peut sembler ridicule. Elle a pourtant germé dans le cerveau de quelques responsables du FBI qui, en 2005 et 2006, avaient mis en place dans la région de San Francisco un programme de collecte des données des magasins d’alimentation moyen-orientaux. En épluchant les listes de ventes, les agents espéraient pouvoir repérer des « pics » pour certains produits et, en combinant ces données avec d’autres, remonter jusqu'à des agents secrets iraniens vivant dans la région. Alertée, la direction du FBI avait d’elle-même interrompu ce programme.

    • Coût de la surveillance : 275 $ pour une filature en voiture, 10 $ pour une filature avec un traqueur GPS, 5,21 $ pour une filature en utilisant les données de connexion stockées par les FAI. Compétitivité imbattable. Source : http://www.yalelawjournal.org/forum/tiny-constables-and-the-cost-of-surveillance-making-cents-out-of-united-states-v-jones

    • En 2009, la DST et les RG sont fusionnés pour devenir la DCRI. Objectif affiché ? Éviter de nouvelles barbouzeries des RG + concevoir un grand service de renseignement intérieur similaire à ce qu'est la DGSE pour l'extérieur. Résultat concret ? Instrumentalisation au profit du chef de l'État de l'époque, Sarko. Je parie que ça n'a pas changé.

      • En 2014, retour en arrière et re-création d'un service de renseignements généraux, le SRCT qui retrouve ses prérogatives passées c'est-à-dire palper l'opinion et les mouvements sociaux.

      • La DCRI a été organisé pour lutter contre le grand terrorisme organisé transnational, pas pour les menaces diffuses comme Daesh : la centralisation "tout à Paris" est inadaptée pour détecter les loups solitaires. HAHA ! :)

      • En 2014, la DCRI devient DGSI. Elle prend ainsi son autonomie et n'est plus sous l'autorité de la direction générale de la police nationale mais directement sous celle du Premier ministre. Elle peut donc recruter hors de la police et elle dispose d'un budget dédié.

      • En 2013, en France le renseignement (intérieur, extérieur, bref, de toute nature) représenterait environ 13 000 emplois, hors sous-traitants.
    • Les services de renseignement sont parfois limite au niveau de leurs connaissances des cultures et des mouvements qu'ils doivent appréhender. Le livre donne l'exemple d'un des frères Kouachi, lié à Aqpa et la DGSI qui n'a aucun spécialiste du sujet. D'où l'idée persistante depuis des années de faire collaborer officiellement (y'a déjà de la collaboration privée interpersonnelle) avec les universités. Pour l'instant, la seule collaboration officielle connue est celle de l'université de Strasbourg avec le service de renseignement douanier.

    • Taqîya - https://fr.wikipedia.org/wiki/Taqiya#La_taq.C3.AEya_comme_dissimulation_strat.C3.A9gique - « Il désigne une pratique consistant à dissimuler sa foi sous la contrainte, afin d'éviter tout préjudice et réaction hostile d'un milieu extérieur défavorable ». Il paraît qu'on verrait de futurs terroristes boire de l'alcool, sortir en boîte de nuit, etc.

    • Contournement tranquille de la CNCIS : « Les auteurs de L'Espion du Président se montraient particulièrement précis sur l’existence d’« écoutes off », selon eux réalisées dans un ancien centre de la DST à Boullay-les—Troux (Essonne) à l’insu de la CNCIS. « Régulièrement, un véhicule banalisé quitte la petite commune de Boullay-les-Troux dans l’Essonne, pour se rendre au 84, boulevard de Villiers à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine, décrivaient les trois auteurs. Le chauffeur s'engouffre prestement dans le parking souterrain. Sa cargaison recèlerait comptes rendus d’écoutes, identifications téléphoniques et autres e-mails interceptés à l’insu de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS. » L’information n’a jamais été démentie. Bien au contraire. « Les services de renseignement, faute de textes législatifs adaptés, sont parfois contraints d’agir en dehors de tout cadre juridique » en utilisant « des méthodes attentatoires aux droits et libertés», indiquait la mission d’information parlementaire en 2013. »

    • Quelques abus documentés des services de renseignement.

      • Années 60 et plus tard : le GIC (toujours en activité, dédié aux écoutes administratives, hors justice, donc) écoute systématiquement les militants pro-FLN, l'extrême-droite et les journalistes (Le Monde, l'Express, le Canard Enchaîné (avec le célèbre épisode du faux plombier grillé par un dessinateur), etc.).

      • 1970 : Raymond Marcellin (ministre de l'Intérieur) veut fomenter des troubles avant les élections municipales de mars 1971 : la DST est chargée de préparer un attentat à Montbéliard contre un garage Peugeot.

      • 1985 : les services font sauter le navire « Rainbow-Warrior » de Greenpeace qui allait protester contre les essais nucléaires de la France.

      • Années 80 : les fameuses écoutes de l'Élysée.

      • 2002-2004 : interrogation illégitime de prisonniers français retenus illégalement dans le camp de Guantánamo afin de nourrir une procédure pénale en France.

      • 2008 : dispositif d'écoute illégitime de l'épicerie d'extrême-gauche de Tarnac.

      • 2010 : l'affaire des Fadettes du Monde.

      • 2014 : la CNCIS signale deux potentielles infractions à la justice.
    • Je croyais que la loi de 1991 pour encadrer les écoutes était sortie de terre spontanément après l'affaire des écoutes de l'Élysée. J'étais naïf : c'est suite à une condamnation de la France par la CEDH. :)

    • En 2013, la CNCIS a rendu 20 % de ses avis en une heure. 82 avis défavorables en 2013, tous suivis par l'exécutif. 56 interruptions d'écoutes ont été demandées par la CNCIS. Ainsi, on a l'impression que les services de renseignement sont bien contrôlés. Sauf qu'en 2013, il y a eu plus de 300 000 requêtes portant sur des données de connexion et le chiffre est en hausse. C'est toute l'hypocrisie du système : on renforce la protection des contenus (corps du mail, conversation téléphonique) mais pas le contexte (les métadonnées) qui en dit bien plus.

    • Quand c'est trop sale, les services sous-traitent. En 1996, la CNCIS évoquait déjà de plus de 100 000 écoutes téléphoniques sauvages et elle annonçait le risque qu'une partie soit le produit de la sous-traitance.

    • D'où vient la loi Renseignement de mi-2015 ? Floran Vadillo, rare universitaire a avoir planché sur le renseignement. Rencontre avec Jean-Jacques Urvoas dès 2010-2011. En 2012, les principaux traits de la loi Renseignement étaient tracés. Jean-Jacques Urvoas a su très tôt se faire une place dans le sécuritaire, domaine fortement délaissé par le PS.

    • La séparation entre nationaux et étrangers avec des contrôles moindres pour la deuxième catégorie de personnes, que l'on retrouvera dans la loi Surveillance Internationale suite au retoquage du Conseil constitutionnel, a été introduite en douce par Urvoas durant la réunion de la CMP. Or, le gouvernement n'a pas réagi avant l'alerte publique donnée des jours après par le président de la CNCIS ! Gouvernement complice ? Ce mécano est crucial puisque c'est celui-là que l'on retrouve au cœur du Patriot Act.

    • Le livre nous raconte la fable que l'on entend souvent sur "holalala le Peuple allemand est tellement plus génial que nous qu'une loi équivalente à la loi Renseignement ne pourrait pas arriver là-bas". En 2016, cela fait beaucoup rire : le BND échappe complètement au Parlement allemand (c'est relaté plus loin dans le livre), le BND a activement collaboré avec la NSA pour surveiller l'Allemagne et l'Europe. Sans compter leur loi renforçant le BND votée en octobre 2016 (voir http://shaarli.guiguishow.info/?IUaf0Q ). Apparemment, c'est le Tribunal constitutionnel fédéral qui freine les velléités des élu-e-s qui eux, veulent plus de surveillance : 12 lois cassées par le Tribunal ces dernières décennies.

    • Avec la loi Renseignement (et LPM et loi de lutte contre le terrorisme de 2014), la gauche a renoncé à son idéal démocratique : elle a toujours reculé sur tous les terrains genre écologie, économie, etc. mais au moins il restait les libertés. Plus maintenant.

    • La loi Renseignement est révélatrice d'un ensemble plus vaste de pratiques qui nuisent aux citoyen-ne-s : débat parlementaire armé avec la procédure accélérée et le 49.3, partis politiques caporalistes qui refusent le débat en leur sein en préférant un seul chef (une seule direction), secret sur les enjeux d'intérêt public (genre la nomination du président du CSA par le seul Président), l'exécutif qui redoute l'idéal démocratique du « n'importe qui » qui peut s'exprimer notamment sur Internet et participer à la vie politique, renforcement des secrets qui protègent l'ordre établi (exemples : sous Sarko, le secret-défense a été étendu à des lieux industriels et au renseignement intérieur ; secret des affaires (voir http://shaarli.guiguishow.info/?M14NRw ). L'État étend ses prérogatives secrètes tout en se mettant à l'abri de la justice est de la presse.

    • À propos de la vie privée : « Privé, c'est libre en secret ». Citation de Thomas Hobbes. « Préserver notre for intérieur du pouvoir d'État est la condition première des émancipations futures. Si nous voulons non seulement rester libres mais surtout inventer des libertés nouvelles, il nous faut impérativement préserver de toute inquisition étatique cet espace où nous pouvons penser à part et à l'écart, contre et ailleurs, en dehors et en retrait. ».

    • Des documents Wikileaks/Libération/Mediapart montrent que même une ONG comme Médecins du monde a été espionnée par la NSA !

    • Les mêmes documents mettent en évidence la collaboration d'au moins 6-7 opérateurs télécoms mondiaux avec le GCHQ dans l'optique d'offrir accès aux câbles optiques transnationaux qui sont sous leur contrôle : British Telecom, Vodafone Cable, Verizon Business, Level 3, Global Crossing (propriété de Level 3 depuis 2011), Viatel et Interoute. En 2011, au moins 200 câbles de 10G étaient écoutés par le GCHQ. 550 analystes (répartis entre NSA et GCHQ) traitaient chaque jour 600 millions « d'événements téléphoniques » et 21 petabits de données. TEMPORA, le programme de collecte sur les fibres optiques du GCHQ conserve les contenus interceptés 3 jours et les métadonnées 30 jours.

    • Dès 2005, le New York Times révèle que Bush a autorisé la NSA à espionner à l'intérieur des USA sans mandat judiciaire. Du coup, le tollé suite à la publication des documents Snowden qui montre l'espionnage massif des données de connexion des abonné-e-s américain-e-s à l'opérateur Verizon était une prise en compte tardive de la dure réalité par le grand public. :-

    • Le think tank New America Foundation, de son côté, a passé en revue les cas de 225 individus appréhendés depuis 2001 pour suspicion d’activités terroristes et traduits devant la justice américaine : la collecte des métadonnées par la NSA sur le sol national a joué un rôle dans 1,8 % des cas, et les écoutes de personnes étrangères dans 4,4 % des cas. Autrement dit, selon ce rapport, « la surveillance téléphonique ou la collecte de métadonnées n’a eu aucun impact tangible pour prévenir des actes de terrorisme et uniquement un impact marginal pour prévenir les activités connexes comme le financement du terrorisme ».

      • Bon, prudence, la New American Foundation a une orientation politique libertarienne affichée, le président du conseil d'administration est Éric Schmidt (président exécutif de Google), Soros traîne aussi par-là. Voir http://shaarli.guiguishow.info/?8gqkSQ . Cette organisation pourrait donc avoir pour but de faire du lobbying anti-surveillance uniquement pour servir l'intérêt des GAFAM. ;)
    Sun Nov 13 20:53:00 2016 - permalink -
    - http://www.donquichotte-editions.com/donquichotte-editions/Argu.php?ID=118
    fiche-lecture
  • [ L'homme nu. La dictature invisible du numérique par Marc DUGAIN et Christophe LABBE ]

    Un bouquin, écrit par un journaliste du Point spécialiste des questions de défense, de police et de renseignement et un romancier, qui part du big data pour décrire une société dystopique despotique, totalitaire, induite par la surveillance massive de chacun-e d'entre nous.


    Les avantages proposés par les nouveaux maîtres du monde sont trop attrayants et la perte de libertés trop diffuse pour que l'individu moderne souhaite s'y opposer.


    Infos intéressantes

    • https://fr.wikipedia.org/wiki/Acxiom - Acxiom, data broker, société commerciale qui détient des profils détaillés sur 700 millions de personnes à travers le monde… sans que personne ne connaisse son nom.

    • Les photos souvenirs et les selfies sont un leurre faisant croire que la capture de l'instant présent est supérieur à la réalité, à l'émotion vécue de l'instant qui, elle, n'est pas numérisable.

    • Gouvernance par algorithmes : « gouvernement opérant par configuration anticipative des possibles, plutôt que par réglementation des conduites et ne s'adressant aux individus que par voie d'alertes provoquant des réflexes, plutôt qu'en s'appuyant sur leurs capacités d'entendement et de volonté ».

      • Réduire préventivement les possibles, ça me fait penser à la police administrative qui se met doucement en place en France. Ça me fait aussi penser aux pratiques anti-neutralité des réseaux (http://shaarli.guiguishow.info/?mZ7MCA ).

      • Les stimuli me rappellent la société de consommation, par essence même mais aussi les techniques mises en place par les gros silos pour capter l'attention de leurs utilisateur-rice-s, voir http://shaarli.guiguishow.info/?BTnhCQ .
    • Le mythe des algorithmes qui seraient neutres : Lantana Sweeper, profe à Harvard tapant son nom et prénom sur Google Search voit des pubs pour des services judiciaires lui proposant de consulter son casier judiciaire. Pourquoi ces résultats suggérant qu'elle pouvait avoir un casier sont apparus ? Simplement parce que son nom et son prénom sont à consonance Afro-Américaine donc la probabilité d'avoir des ennuis judiciaire est plus élevée. Au-delà de cette anecdote, les algorithmes sont écrits par des humain-e-s imparfait-e-s, qui ont des biais de perception et d'interpréation, n'oublions jamais cela.

    • Sommes-nous hyperconnectés les un-e-s aux autres grâce au numérique ou chacun-e est connecté-e à sa bulle personnelle ? Chacun-e de nous ne voit pas les mêmes résultats de recherche sur Google Search, pas les mêmes pubs, pas les mêmes informations sur un portail d'information ou sur les réseaux sociaux qui appliquent des filtres pour afficher que ce qui est "pertinent".

    • Je compète ma définition de la vie privée avec ça : « La vie privée, ce n'est pas ce que l'on dissimule, c'est de l'espace non public, quelque chose dont nous avons besoin pour ensuite jouer notre rôle sur l'agora. Elle est aussi vitale socialement que le sommeil l'est biologiquement. » Jean-Claude Ameisen. Ça complète la définition de jz, « La protection de la vie privée, c'est la protection de nos intimités. C'est se laisser la possibilité d'êtres libres seul-e ou à plusieurs. C'est la possibilité d'expérimenter sans se faire juger. C'est important. », et celle de Sonntag : http://shaarli.guiguishow.info/?peLLrQ

    • « La transparence totale s'apparente à une nouvelle Inquisition. Car que veut dire être transparent ? Que l'on voit au travers de vous et donc que l'on ne vous voit plus ? On nous fait confondre honnêteté et transparence. Il faut se pose la question : est-ce que le seul moyen que j'ai d'être honnête, c'est d'être mis sous surveillance H24 ? Si la réponse est oui, cela signifie que l'on a inventé l'honnêteté totalitaire. ».

    • « En juin 2013, le directeur de la NSA assura que les programmes de surveillance des télécommunications avaient permis de déjouer des douzaines de «complots terroristes». En octobre, il révisa son estimation à la baisse, évoquant 13 «événements» en rapport avec le territoire américain, avant d’admettre que le nombre de menaces étouffées dans l’œuf par le programme de collecte des métadonnées téléphoniques se montait à une ou peut-être deux. En fin de compte, ne resta qu’un seul complot à avoir été déjoué par plus de dix ans de collecte massive de fadettes téléphoniques : un habitant de San Diego arrêté pour avoir envoyé 8 500 dollars à un groupe militant somalien. ». Source : http://www.liberation.fr/france/2015/04/14/loi-sur-le-renseignement-les-bugs-du-big-data_1241075

    • La surveillance automatique, par des programmes informatiques, ça élimine les cas de conscience. C'est donc d'autant plus dangereux.

    • Croyance forte en la neutralité des moteurs de recherche : deux chercheurs américains ont demandé à 2 100 Australiens, répartis en 3 groupes, de taper le nom de l'un des deux aspirants pour le poste de Premier ministre aux elections élections de 2010, sur un moteur de recherche truqué pour que les premières pages web affichent des résultats favorables, défavorables ou neutre. Les intentions de votes pour l'un ou l'autre candidat basculaient de 37% en fonction de l'orientation donnée par les moteurs de recherche. Une influence incomparable à celles des médias traditionnels car les internautes font beaucoup plus confiance à l'informatio piochée sur le net. Voir : http://www.pnas.org/content/112/33/E4512.abstract

    • Les GAFA ne veulent pas de réglementations strictes car ces sociétés pensent pouvoir en créer de meilleures que le gouvernement. Elles ne veulent pas non plus que la société civile leur impose des règles éthiques car elles pensent que leur jugement éthique est supérieur par définition même. C'est vrai mais ça ne concerne pas que les GAFA : l'industrie d'Hollywood est persuadée de diffuser la bonne parole, les bonnes valeurs, dans le monde entier. Big Pharma et l'industrie agro-alimentaire ne veulent pas non plus de réglementations, c'est tout l'enjeu des traités de libre échange à outrance !

      • Et si ça se trouve, c'est peut-être vrai que les GAFA produisent de meilleures réglementations en se basant sur une méthode scientifique. Mais ce n'est pas la question. La question est : il n'y a pas un semblant de démocratie ni de transparence (qui peut connaître l'intégralité des règles du jeu ?) dans les règles fixées par les GAFA. De plus, tout gros business cherche à s'émanciper des États et pense avoir raison or, les règles de vivre-ensemble fixées par une minorité sont inacceptables par essence.
    • Je découvre la culturomique : http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/info-sciences/connaissez-vous-la-culturomique_1740973.html . L'étude de la culture et de la pensée humaine dans le temps. Apparition et disparition d'un mot, changement de sens, etc. Exemple : Google qui, grâce à Google Book, constate que l'usage du mot « Dieu » s'effondre à partir de 1860 jusqu'à 1900 pour rester relativement stable et ne pas redécoller ensuite. Je trouve ça impressionnant car avec cet outil, aurait-on pu prévoir la suite logique, aka la loi de 1905 en France, par exemple ? Et si oui, qu'aurait fait les églises et leurs fans avec cette information ?

    • Je découvre un nouvel acronyme bullshit, NATU : Netflix, Airbnb, Tesla, Uber… … …

    • Pour l'instant le transhumanisme est dans sa phase "prévenir les toooous premiers signes d'une maladie" grâce à des nanoparticules qui se promènent dans tout l'organisme humain. Objectif : gagner de l'espérance de vie (20 ans d'ici 2035). Visiblement, ce courant de pensée porté par Google et d'autres est loin d'avoir pigé la vieillesse et donc de pouvoir atteindre leur objectif : effacer la mort.

    • Les nouveaux outils génèrent « une frustration, celle de ne pas réussir à faire tout ce que l'on veut, et une insatisfaction, de mal faire ce que l'on fait. » Hartmut Rosa, philosophe.

    • « Dans une démocratie, je considère qu'il est nécessaire que subsiste un espace de possibilité de fraude. Si l'on n'avait pas vu fabriquer de fausses cartes d'identité pendant la guerre, des dizaines de milliers d'hommes et de femmes auraient été arrêtés déportés, sans doute morts ». Raymond Forni, père de la CNIL que l'on décrit comme un homme qui a « toujours été partisan de préserver un minimum d'espace sans lequel il n'y a pas de démocratie »


    Points contestables

    • L'origine de la surveillance de masse serait les attentats du 11 septembre 2001 pour les USA tandis qu'en France ça serait la fusion DST + RG en DCRI (opérée en 2008) qui aurait fait perdre le maillage local d'informateurs qu'avait les RG. Sauf qu'Echelon (https://fr.wikipedia.org/wiki/Echelon) existait avant le 11 septembre. Tout était prêt avant les attentats, aux USA comme en France, juste les politiques de carrière ne savaient pas comme mettre en place ces arsenals liberticides. Les attentats font sauter les derniers freins, rien de plus.

    • 12 organismes géreraient la racine du DNS et seulement 2 seraient en dehors des US. Ce n'est pas 2 organisations mais 3, voir http://root-servers.org/ et ce n'est pas le nombre d'opérateurs de la racine qui est important puisqu'ils assurent uniquement un rôle technique de diffusion mondiale d'un fichier préparé, dans les faits, par le gouvernement US (via l'ICANN et le département du commerce). C'est là que se situe l'enjeu de pouvoirs, pas chez les opérateurs de la racine.

    • Non, toutes les fibres optiques mondiales ne passent pas toujours par les US, voir http://www.cablemap.info/ . Dire cela pour mettre en avant la toute puissance de la NSA, c'est éluder la coopération entre tous les services de renseignement autour du globe qui s'échangent des renseignements, aka ce qui circule sur les câbles dépendant de leur juridiction. Du coup, ça amène une erreur de lecture plus loin dans le livre : si les élu-e-s européen-ne-s se sont couché-e-s trèèès rapidement quand la presse a indiqué que les téléphones avaient été mis sous écoute par la NSA, c'est par peur que la NSA divulgue les accords de coopération qui montrent que les services secrets européens ne sont pas non plus des anges.

    • Est-ce que ce sont les contrats de sous-traitance de la Défense US et les investissements de la part de fonds d'investissements liés aux services secrets US (genre In-Q-Tel pour la CIA, voir http://shaarli.guiguishow.info/?8gqkSQ pour plus d'infos sur le sujet) ou bien la législation genre Patriot Act qui ont le plus corrompu les GAFA ? Le livre a un préjugé pour le premier cas alors que moi, je n'en suis pas si sûr, je pense que le Patriot Act a aussi beaucoup joué dans la porosité entre services de renseignement US et GAFA.

    • Le livre désigne l'avarice d'une oligarchie technocratique comme bouc-émissaire de tous les maux du monde à venir. Je n'ai jamais été convaincu de cela : on reconnaît une logique issue de la théorie de l'évolution derrière Internet aka les humain-e-s avaient besoin de diffuser le savoir plus largement et de communiquer plus vite, mais on renie une telle propriété au libéralisme économique accru : en quoi ce libéralisme (voire ce libertarisme) ne pourrait-il pas être nécessaire à l'évolution de la société ou, à défaut, être la moins mauvaise organisation de celle-ci connue à ce jour ? Je n'ai pas de réponse, c'est une question ouverte que je me suis toujours posé.

    • Les auteurs pensent que la robotisation accrue réservera le travail à une élite qui sera du coup abusivement rémunérée. Les auteurs pensent à des travaux créatifs, par exemple. Je suis d'accord mais d'un autre côté, si l'humanité accouche de plusieurs vraies intelligences artificielles complètes alors même ces tâches ne seront pas exclues de la robotisation. Partant de là, les auteurs estiment que le revenu de base est une chimère libertarienne car il sera attribué en échange de temps de présence en ligne (source de production de données qui seront monétisées). Plusieurs points de leur analyse se contredisent : par qui sera distribué ce revenu s'il n'y a pas d'état (vœux des libétarien-ne-s dont certains gus-sse-s de la Silicon Valley font partie) ? Par les GAFA ? Donc il faudra que les données monétisées par personne rapportent plus que le revenu versé, ce qui est loooooin d'être le cas aujourd'hui (on est à 4$ par utilisateur sur un trimestre en moyenne mondiale, voir http://www.nextinpact.com/news/101990-facebook-benefice-et-revenus-records-au-troisieme-trimestre.htm ). Pourquoi les GAFA paieraient les revenus de base de toute personne qui s'est fait remplacer par un robot alors que ces sociétés ne seront pas responsables de toute la robotisation du monde ?


    Définition et enjeux du big data :

    • Perso, j'aime beaucoup cet épisode de DataGueule sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=5otaBKsz7k4 . Là où le livre est intéressant, c'est qu'il énonce très bien toutes sortes de dangers liée à cette collecte massive bien au-delà des exemples de l'assurance voiture ou santé adaptée que l'on présente assez rapidement en premier auprès de personnes qui méconnaissent le sujet.

    • Big data : collecte massive de données sur tout le monde pour analyse. L'idée et d'affiner les statistiques et surtout les probabilité : si l'on a des données sur tout le monde, on perd la marge d'erreur liée à la qualité de l'échantillon. L'idée est de faire des corrélations entre toutes les données capturées et archivées afin d'en déduire des tendances (foyers des épidémies, prix de l'immobilier, etc.) mais aussi de personnaliser toujours plus les services auprès de chaque individu dans les domaines de la santé, de la sécurité, etc. L'objectif final est une rationalisation ultime de tout ce qui peut l'être, d'effacer la notion de risque, d'effacer les émotions, d'effacer le hasard. C'est-à-dire effacer la créativité humain-e et ce que fût l'évolution humaine jusqu'ici (suite de hasards, notamment génétiques). Notons que la fiabilité de la prévision des foyers d'épidémies ne fait pas l'unanimité : http://science.sciencemag.org/content/343/6176/1203 .

    • Enjeux :
      • Nudité / transparence de l'humain-e : intimités, habitudes, comportements, profil commercial, profil psychologique et idéologique aux mains de sociétés commerciales et d'État tout-puissant-e-s et marginalité pour ceux-celles qui refuseront ce système.

      • Servitude volontaire pour obtenir des services gratos et personnalisés en échange. Services qui nous procurent du confort, aucun doute là-dessus et c'est bien le problème. Là où aucune police politique (la Stasi, par exemple), ni aucun État totalitaire n'a jamais réussi à tout savoir sur tout le monde, le big data y arrive grâce à ce tour de passe-passe. Le changement de modèle de société est subtile, non-violent et indolore d'où il est difficile à contrer.

      • Kobo (fabricant de liseuses de livres électroniques et partenaire de la FNAC) est capable de dire que seulement 7,3 % des lecteur-rice-s de la version numérique du dernier livre de Zemmour l'ont lu en entier. Voir : http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2014/12/15/seuls-73-acheteurs-ont-lu-zemmour-jusquau-bout-caftent-les-ebooks-256537 . C'est d'ailleurs pour cela que le livre papier dérange : il est inerte. Son lecteur ne produit pas de données qui auront un intérêt commercial après son achat, puisque la lecture se fait hors réseau. Le livre électronique et ses mouchards, c'est beaucoup mieux : on peut revendre aux éditeurs des tendances sur ce qui intéresse les gens, les morceaux de chaque bouquins lus et zappés, etc.

      • L'enjeu est-il de simplifier la vie ou de réduire tout un-e chacun-e à l'état de consommateur-rice impulsif, but ultime du libéralisme économique ? Quand on voit les boutons connectés d'Amazon, qui permette de commander un produit d'une simple pression, on voit très clairement l'association à des marques donc une emprise de la marque toujours plus forte jusqu'à être matérialiser par une objet chez nous. On est au même stade que Frigidaire (marque de General Motors, pour rappel ;) ). Même chose pour les villes connectées : si tout est géré par des programmes informatiques, alors il n'y a plus de politique (au sens gestion de la vie de la cité) donc il n'y a plus de citoyen-ne-s donc il ne reste plus que des consommateur-rice-s.

      • Les capteurs physiques et psychologiques modélisent notre vie : tant de pas effectués dans la journée, tant de graisse, tant de cholestérol, tant de sommeil. Où est le plaisir ? Où est l'imperfection humaine ? On est ici dans le summum de la société de la performance : il faut se conformer à un modèle statistique qui défini ce qu'est la vie parfaite. Or, une vie parfaite ne nous rendra pas forcément heureux car l'humain-e est imprévisible et imparfait-e par nature. On en trouve une première illustration dans l'épisode Bart-Ball des Simpsons (http://www.simpsonspark.com/episodes/bart_ball.php ). Autre illustration : http://rue89.nouvelobs.com/2016/09/09/lhomme-plus-connecte-monde-sest-fait-devorer-donnees-264377

      • Toute cette surveillance s'approprie illégitimement notre temps (voir http://shaarli.guiguishow.info/?BTnhCQ ) et notre espace genre les caméras de surveillance dans l'espace public et l'analyse en temps réel de leurs images qui permettent de dicter un code de conduite dans l'espace public au-delà de la loi.

      • Les GAFA choisissent les contenus qui s'affichent (sur le mur Facebook (fonctionnalité EgdeRank) ou dans le flux Twitter ou sur Google) et les contacts avec qui on va entrer en relation afin d'harmoniser les relations inter-humain-e-s. Mais s'il n'y a pas de confrontation des points de vue, il n'y a pas d'évolution, pas de changements des mentalités, pas de révolte, pas d'évolution.

      • Le livre évoque plusieurs fois le contrôle de nos pensées. Les exemples donnés n'ont pas percuté chez moi mais j'ai trouvé un autre exemple : l'autocomplétion sur Google Search corrige nos saisies et les guide. C'est donc bien là une influence sur notre mode de pensée : notre question est substituée par une question suggérée par Google comme étant équivalente mais plus populaire, plus mieux, etc.

      • Summum : enregistrer toute notre vie, tous nos faits et gestes dans une sorte de bibliothèque personnel consultable à souhait ? Un ingénieur de Microsoft y a pensé : http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/01/06/total-recall-de-gordon-bell-et-jim-gemmel_1461648_3260.html . Quid de l'oubli qui permet le pardon social ?


    Mon avis

    D'un côté, ce livre est plutôt confus, surtout au niveau des premières (et dernières) définitions données : big data = GAFA = géants américains du net, Deep web = Darknet = web caché. Bon, je suis mauvaise langue, le terme « hacker » est remarquablement bien expliqué. On mélange toute forme de surveillance : privée (GAFA, etc.), étatique (lois privatrices de libertés, déploiement massif de caméras de surveillance dans l'espace public, etc.), on fait le lien entre GAFA et renseignement (ce lien est avéré, on est bien d'accord), on fait le lien entre GAFA et problèmes écologiques. Tout ça pour arriver à une vision despotique et dystopique du monde : une seule société humaine asservie par une oligarchie technocratique mondiale transcendant les États. Tout est mélangé sans dire si les auteurs pensent que tout cela est la face d'un même objet aka une société qui va aller encore plus mal ou si c'est lié à une incompréhension des origines multiples des multiples maux de la part des auteurs, par exemple.

    D'un autre côté, les auteurs accablent les GAFA de tous les maux du monde alors que la plupart des maux pré-existaient, ce qui n'aide pas à poser le bon diagnostic. Petite sélection :

    • Le numérique favoriserait un butinage compulsif de l'information, une pensée qui s'émiette, une réflexion qui se fait pas spasmes. Comme avec les journaux TV ? :))))

    • Impuissance de la politique politicienne : quand les sénateur-rice-s US ont interrogé Tim Cook pour les pratiques d'évasion fiscale pratiquées par Apple, il-elle-s lui passent de la pommade et le complimente. Et ? En UE (et aussi en France), on protège nos petits champions. D'autres multinationales pratiquent l'évasion fiscale. Big Pharma est tout autant protégée, hein, rien de spécifique aux GAFA.

    • Les GAFA sont en mesure de générer des émotions durables en manipulant les contenus affichés, c'est ce que démontre l'expérience de Facebook (http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/06/30/des-utilisateurs-de-facebook-manipules-pour-une-experience-psychologique_4447625_4408996.html ). Oui, tout comme les journaux TV. Rien de neuf, c'est à ça que sert la plurité de la presse, ce vieux principe.

    • Les GAFA de déploient dans d'autres secteurs économiques, c'est horrible. Oui, tout groupe commercial qui génère de la thune se diversifie toujours, c'est une vieille logique économique de survie élémentaire. Les GAFA le font dans tous les domaines où le traitement de l'information apportera de la plus-value car ils savent très bien faire cela. Rien de surprenant.

    • Les autres médias raccourcissent tout autant le temps, la politique politicienne aussi. Les deux montent en épinglent nos émotions. Les deux tentent d'amoindrir la pensée. Rien de neuf.

    • Les objets connectés et les GAFA (par le traitement des contenus affichés) incitent à garder la forme, au bonheur, au bien-être, en permanence, ce qui n'est qu'un avatar de la société de la performance. Or, ceux-celles qui n'y parviennent pas peuvent éprouver de la culpabilité et partir en dépression. Là aussi, les GAFA ne sont qu'un vecteur d'injonctions parmi d'autres.

    Enfin, quand on commence à lire et que l'on voit la noirceur du tableau (je ne dis pas que c'est faux factuellement parlant, hein), on se demande si les auteurs parleront un jour des solutions. Hé bah oui. \o/ À la fin, quelques solutions abstraites (mais nécessaires) sont proposées : se réapproprier l'espace et le temps, lutter contre l'uniformisation, accepter l'imprévisibilité et l'imperfection humaine, remettre l'humain-e au centre du système en lieu et place des robots. Des solutions concrètes sont également proposées : TOR, logiciels libres (nommés logiciels ouverts mais l'objectif est très bien expliqué) et chiffrement.

    Au final, les enjeux derrière le big data sont très bien expliqués et c'est en cela que j'ai envie de recommander la lecture de ce livre. D'un autre côté, les références sont parfois inexpliquées ou survolées rapidement, ce qui fait qu'un bagage préalable semble utile (mais pas indispensable). Le tableau est volontairement noirci. Le texte est parfois confus (transitions difficiles). Etc. Tout cela me fait me demander si je conseillerai ce livre à des personnes non initiées… Le côté "paranoïaque" et le côté "impuissance de chacun-e dans ce problème global" peuvent faire perdre pied. Pour les initié-e-s, on y apprend quand même des choses.

    Thu Nov 10 18:58:29 2016 - permalink -
    - http://www.plon.fr/ouvrage/l-homme-nu-la-dictature-invisible-du-numerique/9782259227797
    fiche-lecture
  • Brèves de politiques. Jean-Luc Mano - Decitre - 9782351642382 - Livre

    • J'avais jamais lu un recueil de propos drôles/débiles/incohérents, j'avais envie d'essayer.

    • 127 pages dont 5 pages d'avant-propos, 3 citations max par pages ;

    • À part quelques incontournables, on reste sur des propos tenus ces 10 dernières années ;

    • Dans l'avant-propos, l'auteur n'explique pas vraiment sa méthodologie, juste la volonté de rire sans relayer des propos ouvvertement racistes, antisémites ou homophobes. Pourtant, le livre contient une citation clairement homophobe et des propos misogynes par paquets. Perso, dans ce qui suit, j'ai décidé de relayer très peu les misos et les homophobes en plus d'essayer de ne pas tirer sur les ambulances ;

    • Globalement, je suis deçu de ce livre. À la base, je l'ai acheté car les citations semblaient sourcées mais en le lisant je constate qu'il manque assez souvent la date ou le poste occupé et surtout le contexte qui change parfois la phrase. Je pense à « À l'UMP, nous apprenons la démocratie. C'est assez nouveau » de Copé que j'ai toujours perçu comme de la dérision (voire une pique) envers son parti qui se tapait dessus dans tous les sens lors de la primaire pour la mairie de Paris en 2013, comme il se tapait dessus y'a quelques semaines pour la primaire présidentielle de la droite. Même chose pour « Je vais essayer de retrouver le pigeon, car je cherche vraiment tous les électeurs en ce moment. » dont on reparlera ci-dessous. Tout ça pour dire que la valeur ajoutée du bouquin s'en trouve grandement réduite par rapport à n'importe quel recueil de citations sur le web.



    Je recopie quelques points de l'avant-propos qui m'ont marqué :

    • « La politique est un art de combat et le verbe est une arme. La petite phrase, le bon mot, la sentence assassine, la phrase qui tue, la formule qui exécute ont eu leurs heures de gloire. ». Oui, c'est bien le problème. La politique ne devrait pas être cela.

    • Il est certes loin le temps (il faut remonter à la 3e République) où un beau discours ou même une apostrophe vengeresse pouvait conduire un ministre à la démission ou provoquer la chute d'un gouvernement [...]

    • Le rire et par voie de conséquence l'humour, a entre autres avantages de rapprocher l'émetteur et le récepteur. Si le quidam rit avec vous, il partage déjà quelque chose avec vous.. C'est pour cela qu'on ne peut pas rire de tout avec tout le monde. Le rire renforce le lien d'humanité et suppose des valeurs sinon communes du moins susceptibles d'être mises en commun.



    Hop, les citations qui m'ont marqué :

    Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 % ; moi je fais campagne auprès des cons.

    Georges Frêche, ancien maire de Montpellier


    Nous gagnons grâce aux peu éduqués. J'aime les peu éduqués.

    Donald Trump.


    Je vais essayer de retrouver le pigeon, car je cherche vraiment tous les électeurs en ce moment.

    François Hollande, 2015. Bon, il y a un contexte bien particulier : http://lelab.europe1.fr/la-petite-theorie-de-francois-hollande-sur-lincomprehension-entre-les-electeurs-et-les-politiques-1371260


    Les électeurs votent même s'ils ne comprennent pas. Et quand ils votent, on ne les comprend pas toujours.

    François Hollande, 2015. Gros +1.


    Pour gagner, il faut se salir les mains. Et je veux gagner. Il faut dire aux gens ce qu'ils veulent entendre.

    Nicolas Sarkozy, 2015. Biiiiiiiiieeeeen.


    Mitterrand est aujourd'hui adulé, mais il a été l'homme le plus détesté de France. Ce qui laisse pas mal d'espoir pour beaucoup d'entre nous.

    Laurent Fabius, 2011


    La meilleure façon de résoudre le chômage, c'est de travailler.

    Raymond Barre. Emmanuel Macron en a fait un echo en mai 2016 (voir http://shaarli.guiguishow.info/?-NVJtw )


    Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, c'est ce que j'ai toujours dit.

    Jacques Chirac.


    Ça m'en touche une sans faire bouger l'autre.

    Jacques Chirac. Je l'ai souvent utilisé sans en connaître l'origine :D


    Les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent.

    Jacques Chirac. Même chose. :O


    Je ne ferai pas de la politique toute ma vie. J'ai un métier, je suis avocat, je sais faire autre chose.

    Nicolas Sarkozy, avant l'élection présidentielle de 2007. :DDDD


    Je n'y suis pour rien si j'ai été elevée dans un hôtel particulier de 3000m² du 16e, et si, enfant, j'allais en Rolls à l'école !

    Isabelle Balkany, 2015. Modestie. Mais ça explique les magouilles du couple : il fallait bien entretenir la princesse. :)


    Les Français se disent : « Au fond, il ne fait une politique que pour quelques-uns. ». S'ils croient ça, et ils ont raison de le croire, je dois en tirer les conséquences. »

    Nicolas Sarkozy, en avril 2008, semble-t-il.


    Il faut pousser les autobus propres.

    Ségolène Royal, alors sinistre de l'écologie. J'aime l'idée. :D


    Mgr Decourtray n'a rien compris au préservatif. La preuve, il le met à l'index.

    André Santini (maire-ministre-député-etc.), 1990. Excellent mot pour faire bouger sur un sujet fort sérieux.


    Je connais bien DSK : je l'ai mis en examen.

    Eva Joly. J'ai trouvé ça drôle. :D


    Il y a ceux qui n'attendent plus rien ; je fais en sorte de leur apporter ce qu'ils attendent.

    François Hollande, 2015, apparemment. Du coup, c'est le meilleur président que le pays n'a jamais eu, non ? :D


    Si on n'investit que ceux qui n'ont pas été condamnés par la justice, on n'a plus de candidats dans les Hauts-de-Seine.
    Quand on a rien à se reprocher, on se sent bien.

    Patrick Balkany, 2013 et 2014, apparemment. Elles piquent un peu par leur franchise-réalité, celles-ci. :(


    Il y a aussi le défi de la mondialisation, parce que le monde n'est pas facile et, parfois, il n'est pas gentil.

    François Hollande, 2015. J'ai dit au début de ce shaarli que je ne tirerai pas sur les ambulances mais pour le coup, j'ai bien aimé ce petit moment de naïveté. :)


    Le fait de m'incarcérer, à la rigueur, ça réglera le problème du QG de campagne.

    Jové Bové, en 2007, apparemment.


    On peut toujours débattre, mais pour ce qui est du gouvernement, le débat est clos.

    Manuel Valls, 2015. Alors, pour le coup, celle-là on l'a beaucoup entendue lors des débats sur la loi Renseignement puis sur les prolongations de l'état d'urgence.


    Quel est le féminin de candidat aux cantonales ? C'est suppléante.

    Cécile Duflot, 2011. Cette citation conclut la première partie des citations misogynes du bouquin, du coup elle vient comme un soulagement. Et je la trouve élégante pour dénoncer un vrai problème.


    Mes chers compatriotes, je suis heureux de vous annoncer que je viens de signer un décret proclamant la Russie hors la loi, pour toujours. Le bombardement commencera dans cinq minutes.

    Ronald Reagan, pendant les tests de micro précédant un discours à la radio.


    Chez nous, il n'y a pas de parti d'opposition parce que nous pensons qu'une opposition pourrait troubler les rapports affectueux qui unissent le gouvernement au peuple.

    Leonid Brejnev, secrétaire général du parti communiste soviétique. Best excuse ever. Mais en France, on dit plutôt la citation suivante :


    Quand vous êtes aux affaires, vous manquez de souffle ; quand vous êtes dans l'opposition, vous ne manquez pas d'air.

    Xavier Darcos, à des élus PS, 2004.


    Les djihadistes britanniques sont des tocards obsédés par la pornographie, car ils n'y arrivent pas avec les filles.

    Boris Johnson, maire de Londres, 2015. Ha mais pourtant je croyais que la censure UK bloquait tout bien le porn (et même plus, surblocage, tout ça) ?! On nous aurait menti ?!


    La femme est un sujet brûlant sur lequel j'aimerais m'étendre longuement.

    Kaïd Ahmed, responsable algérien, en 1968.


    En politique, on n'est jamais fini. Regardez-moi !

    Alain Juppé, 2014. Prophétique ? :/


    Ministre, c'est bien mais ancien ministre, ça dure plus longtemps !

    André Santini, tout juste débarqué du gouvernement. :)


    Il faut lutter contre l'emploi.

    Manuel Valls. Je ne suis pas fan des lapsus mais celui-là, j'ai juste envie de dire : gros +1. :D


    Le travail le dimanche, c'est plus de liberté, et la liberté, c'est une valeur de gauche.

    Emmanuel Macron, 2014. La liberté, c'est l'esclavage, tout ça, oui.


    Les rues de Philadelphie sont sûres, ce sont les gens dans les rues qui les rendent dangereuses.

    Fank Rizzo, ancien maire et chef de la police de Philadelphie. Joli truisme. \o/

    Mon Oct 24 23:38:25 2016 - permalink -
    - http://www.decitre.fr/livres/breves-de-politiques-9782351642382.html
    fiche-lecture
  • [ Grandes oreilles et bras cassés ] Découvrez l'affaire Amesys et la loi Renseignement en BD - Pop culture - Numerama

    « Jean-Marc Manach est un journaliste incontournable pour qui s’intéresse aux sujets du renseignement et de la protection de la vie privée, dont il est devenu l’un des plus grands spécialistes en France.

    [...]

    À travers les 120 pages illustrées par le coup de crayon de Nicoby, Manach raconte dans le détail l’affaire Amesys, du nom de l’ancienne filiale de Bull — devenue depuis une entité autonome établie à Dubaï mais toujours sous contrôle français, accusée d’avoir vendu des outils de surveillance massive au régime de Mouammar Khadafi, pourtant connu pour commettre des exactions à l’encontre de son peuple. Il montre les dessous de cette affaire  les complicités politiques réelles ou soupçonnées, qui ont facilité les transactions. »

    Les 15 dernières pages racontent les révélations Snowden qui confirment la surveillance de masse soupçonnée jusqu'alors qui est clairement un prolongement de l'affaire Amesys dans le sens où ça confirme que l'on utilise, contre le peuple de démocraties, des technos conçues par ces mêmes démocraties et utilisées en preuve de concept dans des dictatures pour traquer des opposant-e-s politiques et des militant-e-s des libertés humaines.

    J'ai acheté ce livre pour soutenir et découvrir l'originalité qui consiste à narrer une enquête journalistique numérique sous forme d'une BD. Pour ceux et celles qui ont suivi l'affaire Amesys sur Reflets.info et Bug Brother, oui, ce livre ne va rien apporté, clairement mais la mise en image est intéressante à voir. Perso, je n'ai pas vraiment aimé car ça ressemble au final trop à "j'ai fait ceci, puis j'ai fait cela puis" mais on est bien d'accord que je voulais justement *essayer* ce style littéraire donc il n'y a pas tromperie sur la marchandise. :)

    La fin de la BD me fait beaucoup moins rigoler, en revanche, puisque JM Manach nous relate la dangereuse argumentation qu'il tient depuis les révélations Snowden qui consiste à dire que les services de renseignement (DGSE/DGSI/NSA) n'ont pas les moyens ni l'envie de s'intéresser à chacun-e d'entre nous alors que :
        * Les documents Snowden ont montré que ces mêmes services ont des outils très puissants pour trier les énormes quantités de données collectées puis pour conduire des recherches très précises dans ces données (XKeyscore pour la NSA, par exemple). Et que ces outils sont à peine plus évolués que ceux que l'on trouve chez Amesys et ses camarades de jeu (voir https://reflets.info/qosmos-raconte-nous-une-histoire-de-protocoles/ ) que JJ Manach connaît donc bien et qui ont permis de torturer et de tuer des opposants politiques en Libye.

        * Il existe la règle des 3 sauts : si tu parles à quelqu'un qui parle à quelqu'un estimé suspect par les services, boooom, tu peux être surveillé. Et la suspicion, ça peut englober beaucoup de motifs différents et parfois inattendus (comprendre qu'une personne/société commerciale/état/autre peut vous trouver emmerdant pour plein de raisons). Je rappelle que depuis l'émergence des réseaux sociaux numériques, on est tous et toutes à 4,74 sauts de n'importe qui d'autre sur la planète (voir http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2011/11/23/reseaux-sociaux-les-6-degres-de-separation-entre-deux-personnes-tombent-a-474-degres/ ). ;)

        * Le problème, ce n'est pas tant l'analyse que la collecte. Collecter massivement aujourd'hui pour analyser finement demain, quand on aura un motif de le faire (entrer en politique, défense de causes qui nuisent à l'économie de la Nation, messager d'un très gros contrat d'entreprise,...), c'est déjà des pratiques détestables comme l'a affirmé la Cour de Justice de l'Union européenne dans sa décision Digital Right Ireland. Sur ce sujet (collecte puis conservation), je rappelle que toute la cryptographie la plus évoluée du monde protège, de manière sûre, fiable et garanti qu'un temps donné, pas sur le long terme, par sur l'infini. ;)

    Après, je n'ai rien contre le fait d'aller fact-checker les 4 unes erronées du monde qui peuvent clairement tromper le/la lecteur-trice, hein. :)
    Fri Mar 11 19:51:41 2016 - permalink -
    - http://www.numerama.com/pop-culture/128001-decouvrez-laffaire-amesys-loi-renseignement-bd.html
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