Depuis plusieurs mois, je m'intéresse aux années de plomb, c'est-à-dire la période imprégnée de violence politique entre la fin des années 1960 et la fin des années 1980.
En Europe, une frange de l'extrême-gauche, faisant le constat de l'échec des autres méthodes de contestation politique, décide de passer à la lutte armée réfléchie et de commettre des attentats politiques ciblés (dégrader des bâtiments, poser des bombes, assassiner des personnalités politiques / économiques / culturelles, etc.). Les groupes autonomes se nomment, entre autres, Action directe en France, Cellules Communistes Combattantes en Belgique, Fraction Armée Rouge (aka Bande à Baader-Meinhof) en Allemagne et Bridages Rouges en Italie.
Les idéaux et pratiques de ses groupes tournent autour de l'antifascisme, de l'anti-impérialisme (principalement US), du communisme, et de l'anarchisme (autogestion, autonomie d'action, etc.).
Comme j'ai un esprit chauvin, j’ai cherché à me documenter en priorité sur Action Directe. À défaut d'être en capacité de lire les manifestes rédigés par le mouvement (Pour un projet communiste, Sur l'impérialisme, entre autres) qui sont introuvables, je me suis penché sur les productions audiovisuelles suivantes…
50 ans de faits divers - Action directe : un terrorisme à la française
Faites entrer l'accusé - Action directe, l'assassinat de Georges Besse
- En novembre 1986, Menigon et Aubron assassinent Georges Besse, le PDG de la régie Renault afin de dénoncer la concentration industrielle et, semble-t-il, les suppressions de postes. Rouillan aurait participé aux repérages ;
- Les deux femmes ignorent totalement la présence des témoins. Comme le note la femme de Besse, changer d'itinéraire routier afin d'assurer sa sécurité n'a servi à rien puisqu'il parait toujours du même point et il arrivait toujours au même point ;
- En fondant les GARI, Rouillan participe, en 1974 à des incendies de cars espagnol, à la pose d'une bombe sur le tour de France et à l'enlèvement d'un banquier. Il est arrêté en 1974 et relâché en 1977 ;
- En 1981, Rouillan déclare, à la radio, qu'à sa sortie de prison en 1977, il s'est « retrouvé face à une réalité sociale bloquée. J'ai pensé que l'action des partis de gauche et d'extrême-gauche ne pouvait pas dépasser ce blocage. J'ai pensé que la lutte armée était un des moyens qui pouvaient débloquer cette réalité sociale » ;
- En 1981, Menigon raconte son engagement à la radio : « En 76, il y a eu une grève très dure. On a été mis à la porte de la CFDT parce qu'on voulait gérer nous-même notre lutte et qu'on était pour des actions plus radicales. À partir de ce moment-là, on a créé un collectif autonome dont le principal moyen d'action était le sabotage… d'ordinateurs, etc. ». C'est le déclic. Elle quitte son taff et participe aux actions des groupes autonomes : à cette époque, anarchistes, maoïstes, communistes et autonomes rêvent d'une percée historique de leurs idées ;
- Rouillan et Menigon se rencontrent à Paris et forment la tête d'Action Directe. Aubron, qui ne supporte pas sa famille bourgeoise, va s'inscrire à la fac de Vincennes (celles des soixante-huitards, comme un message envoyé à sa famille), puis elle rejoint les squats dont l'un est celui où traîne A.D., qu'elle rejoint en 1982 ;
- Cipriani découvre A.D. dans les squats allemands où se trouvent les mouvements autonomes ;
- En 1980, avant l'arrestation de Menigon-Rouillan, les planques d'A.D. étaient infiltrées par les RG et 32 personnes sont interpellées ;
- Entre 1981 et 85, il y aurait eu une volonté politique de ménager A.D. : quand ses membres sont interpellés pour des exactions mineures (comme le vol de la voiture de Jospin, par exemple), ils sont relâchés sous les ordres des plus hautes instances judiciaires ;
- Rouillan, à la radio, en 1981 :
- Il est vrai que nous avons renoncé pour l'instant à des actions spectaculaires et violentes. Mais, si la situation ne change pas, si le gouvernement ne change pas de politique dans l'usine, s'ils ne mettent pas les patrons au pas, il est évident que nous reprendrons une action violente.
- Vous pensez que le parti socialiste, la gauche au pouvoir mettra les patrons aux pas ?
- Nous on voudrait un peu plus : qu'on les mette carrément à la porte sinon on les éliminera, on s'en débarrassera… rire
- Les membres d'A.D. restaient dans le coin (et ils allaient parfois remonter le minuteur) en attendant que leur bombe explose afin d'éviter des dommages collatéraux, même si c'est arriver comme Marie-France Vilela rendue aveugle par une bombe alors qu'elle promenait son chien plus tard que d’habitude (contre-carrant ainsi les repérages) ;
- En 1985, A.D. s'unit avec la Fraction Armée Rouge ;
- Lors de leur procès, les 4 membres d'A.D. sus-cités se sont montré désinvoltes et méprisants envers la justice. En outre, ils se passent des mots, se font des signes, dorment, se retire et décident de ne plus comparaître ;
- Leur idéal politique reste incompris malgré la lecture d'un manifeste de 30 pages lors de leur procès.
Action Directe, 30 ans après
- Les membres imminents d'A.D ont-ils été des mercenaires employés par les Iraniens ou les Libannais ? Georges Besse était le président d'Eurodif dont le business nucléaire avec les Iraniens s'est mal passé (la France refuse d’exécuter le contrat et de livrer l’uranium enrichi depuis que l’Iran n’est plus dirigé par un ami des pays occidentaux). René Audran était responsable des contrats d'armement avec l'Irak, en guerre avec l'Iran.
- Ce n'est pas mentionné dans le documentaire, mais, pour ma part, je pense que les cibles ne sont pas toujours évidentes… Faire sauter une société commerciale qui importe des fruits d'Israël pour dénoncer l'invasion du Liban par Israël ?!
A.D. La guerre de l'ombre
Il s'agit d'une fiction télévisée qui explore la piste d'une manipulation d'A.D. par des États étrangers. Je n'ai pas pu recouper les faits concrets en dehors de l'hypothèse d'un commanditaire étranger, ce qui m'a rendu très dubitatif sur la qualité de cette fiction. Pour moi, il faut passer son chemin.
La Bande à Baader
Une fiction documentaire datant de 2008 qui retrace la vie de la première génération et de la deuxième génération de la Fraction Armée Rouge : manifestations contre la venue du Chah d'Iran (qui opprimait son Peuple) dans laquelle des étudiants pacifistes sont tabassés par des pro-Chah sous les yeux des flics qui restent passifs ; première prise de position de Meinhof en faveur des étudiants ; première action de Baader (bombe dans un magasin en avril 1968) ; libération de Baader par Meinhof ; entraînement dans un camp du Fatah ; braquages de banque, lutte contre l'impérialisme américain au Vietnam ; arrestation des leaders historiques en 1972 ; grèves de la faim en cellule ; procès chaotique en 1977 ; tentatives de libération (voyageurs en avion pris en otage ; prise d'otage à l'ambassade de l'Allemagne de l'Ouest à Stockholm ; suicide des leaders historiques en 1977.
Je déduis de ce film que la communication de Meinhof a permis de populariser les actions. De même, je déduis que la RAF a assumé plus de dégâts collatéraux qu'Action Directe.
La contestation, c'est lorsque je dis que ça ne me convient pas. La résistance, c'est lorsque je fais en sorte que ce qui ne me convient pas ne puisse pas durer plus longtemps.