<Rem : Et du coup, t'as mis quoi pour l'assurance ?
<Le_Bouquetin_Roux : "Le terrible accident dont vous m'accusez d'ĂȘtre Ă l'origine n'est pas le fruit d'un manque d'attention de ma part, mais bel et bien la rĂ©sultante d'une installation du mobilier urbain plus que douteuse. En effet, peu avant ledit incident, mon regard a accrochĂ© par inadvertance une publicitĂ© affichĂ©e sur un abri-bus et reprĂ©sentant une femme en lingerie, jetant au tout venant un regard aguicheur. L'accident subsĂ©quent survint pour l'unique raison qu'une Ă©rection massive m'a privĂ©e, pendant quelques secondes, de l'afflux de sang nĂ©cessaire Ă mon cerveau pour rĂ©agir Ă une situation de freinage d'urgence."
<Rem : Nickel.
Hahaha :DDDD Si seulement ça avait la moindre chance de dĂ©polluer nos villes de tous ces panneaux Ă publicitĂ©âŠ
Excellent papier qui résume tous les problÚmes de la loi pour une prétendue lutte contre la haine sur Internet actuellement débattue au Parlement (le Sénat se prononcera à la rentrée). Justice privatisée qui devra affirmer sans nuance ce qui est bien ou mal. Simulacre de justice confiée à des travailleurs à la tùche précarisés et démunis de protection sociale. Sanction a priori, alors que le citoyen a encore rien fait, donc déresponsabilisation du citoyen. Aucune prise de risque de la part des sociétés privées (car c'est contraire au profit) donc étouffement de la liberté d'expression. Quid de l'expression floue (détestation, aversion, recherche d'une vérité pas encore établie, idées alternatives comme le fut le protestantisme, apologie) ?
Que ceux qui sont pour la haine sur Internet lĂšvent la main ! La proposition de loi de la dĂ©putĂ©e LRM Laetitia Avia ne peut faire que lâunanimitĂ©. Lutter contre la cyber-haine, le racisme, lâanti-sĂ©mitisme, le sexisme, lâhomophobie, lâapologie du terrorisme, bref, adopter une position ferme pour le bien contre le mal ne risque pas de soulever une levĂ©e de boucliers. Et pourtant ! Ce texte, que Macron lui-mĂȘme appelait de ses vĆux, constitue une effarante rĂ©gression du droit de la presse et de la communication, et tourne le dos Ă prĂšs dâun siĂšcle et demi de tradition juridique et politique.
Le constat sâimpose Ă tous : Internet, ou plus exactement les rĂ©seaux dits « sociaux », charie des monceaux dâordures, et les pouvoirs publics se montrent incapables dâendiguer le flot immonde. La justice, quand elle est saisie, nâen peut mais : elle apporte une rĂ©ponse deux ans aprĂšs. Le temps pour le message litigieux de faire cent fois le tour de la terre et de se dupliquer Ă lâinfini. DâoĂč lâidĂ©e gĂ©niale, bien dans lâair ambiant libĂ©ral, de confier au privĂ©, et plus prĂ©cisĂ©ment aux grands opĂ©rateurs de la Toile, le soin de sâautorĂ©guler. Ils ont dĂ©jĂ les centaines de milliards, bientĂŽt leur monnaie, demain leur justice. La loi leur imposera de retirer, sous 24 heures, tout message au contenu « manifestement » illicite. Et ce sous peine dâamendes potentiellement colossales.
Tous les lieux oĂč les humains se rĂ©unissent et tous les supports sur lesquels il est possible d'Ă©crire ont toujours charriĂ© des propos orduriers. Le bar populaire du 20e siĂšcle Ă©tait de ceux-lĂ . Le web, par Ă©clatement des bulles relationnelles, rend cela visible aux Ă©lites alors que le bar Ă©tait frĂ©quentĂ© par des habituĂ©s dont ils ne faisaient pas partie. Le bureau du 21e siĂšcle charrie du harcĂšlement moral et de la prose fleurie. Internet charrie plus loin et plus longtemps ? On reparle de l'antisĂ©mitisme du 19e et du 20e siĂšcles ? C'Ă©tait dans toute l'Europe, durant des dĂ©cennies !
Que va-t-il se passer ? Les grands rĂ©seaux ne sont pas exactement des philanthropes. La logique Ă©conomique commande dâĂ©viter les ennuis, les procĂšs, les amendes. Et donc dâĂ©carter prĂ©ventivement les messages possiblement litigieux. Principe de prĂ©caution, en quelque sorte⊠Il se trouve que les informaticiens savent trĂšs bien installer des filtres sophistiquĂ©s qui font le travail automatiquement, grĂące Ă des « algorithmes », nouvelles divinitĂ©s du Net. Exit les messages « de haine ». Mais quid des messages de dĂ©testation ? dâaversion ? de polĂ©mique ? Le rĂ©sultat, inĂ©vitable, sera le nivellement, le rabotage, le rabaissement au plus petit dĂ©nominateur. Câest dĂ©jĂ ce que lâon observe en Allemagne, oĂč une loi a Ă©tĂ© adoptĂ©e en 2017, qui a largement inspirĂ© le texte français.
Haha, le mythe de la recherche des propos litigieux par des logiciels informatiques. Il est vrai⊠en partie. Mais les logiciels de censure, comme ceux de reconnaissance vocale, seront assistés par des travailleurs du Sud, précaires, sous-payés, démunis de protection sociale. C'est cela, que cette future loi encourage !
RevoilĂ la censure, revoilĂ Anastasie, vĂȘtue des habits neufs de la high-tech. Et qui tiendra les ciseaux ? Les gĂ©ants du Net, chargĂ©s de dire le bien et le mal, le vrai et le faux, le licite et lâillicite. Depuis cent trente-huit ans, la grande loi de 1881 nous protĂ©geait de ce dĂ©lire. En posant deux principes intangibles. Primo, personne, aucune autoritĂ© â et aujourdâhui aucun algorithme â ne peut sâopposer Ă la publication des pires insanitĂ©s. La rĂ©pression sâexerce aprĂšs publication, pas avant.
La Cour europĂ©enne des droits de lâhomme rĂ©pĂšte dâailleurs que la libertĂ© dâexpression implique le droit de publier des opinions « choquantes ». Et, en cas dâabus, lâ auteur doit en rĂ©pondre, câest le second principe, devant le juge.
SystĂšme inadaptĂ© aux temps modernes, Ă la rapiditĂ© dâInternet et Ă lâanonymat des diffuseurs de « haine », objectent les partisans de la rĂ©forme. Pourquoi donc les cadors de lâinformatique, capables de concocter les plus savants algorithmes, seraient-ils incapables dâassurer la traçabilitĂ© des messages litigieux ? La loi de 1881 prĂ©voit une chaĂźne de responsabilitĂ©, de lâĂ©diteur Ă lâauteur, jusquâau vendeur, en passant par lâimprimeur. Selon le mĂȘme principe, les rĂ©seaux sociaux pourraient Ă©chapper Ă leur responsabilitĂ© en livrant lâidentitĂ© de lâĂ©metteur dâun message insupportable. Lequel auteur pourrait alors ĂȘtre poursuivi et condamnĂ©.
L'inadaptation aux temps modernes est une farce⊠Quid de l'imprimerie en plomb qui, par sa vitesse de copie des livres, permet Ă plus de monde de lire et d'Ă©crire des insanitĂ©s comme la prose des protestants (elle Ă©tait considĂ©rĂ©e comme cela par l'Ă©glise catholique) ?! La loi de 1881 dĂ©coula du nouvel axiome posĂ© par l'imprimerie Ă plomb : tout le monde peut s'exprimer. On avait pris conscience que tout le monde pouvait Ă©crire, un peu moins se faire publier et ĂȘtre commercialisĂ©.
La traçabilitĂ© de la majoritĂ© des auteurs est possible, oui. Pour la minoritĂ©, elle a toujours existĂ©, mĂȘme du temps du privilĂšge royal d'impression. Une minoritĂ© fraude le fisc. Une minoritĂ© tue. Une minoritĂ© viole. Une minoritĂ©âŠ
Attention cependant à ce que nous nommons identité : s'il s'agit de l'adresse IP, à laquelle le fournisseur d'accÚs à Internet (Orange, Free, SFR, etc.) saura associer une identité d'état civil, on est bon. Si l'on entend que les sites web (comme Facebook, Twitter, Google, etc.) devraient disposer de l'identité d'état civil de leurs utilisateurs, on fait fausse route, car ce serait, là encore, accorder un pouvoir régalien à des sociétés privées (comme la création monétaire par les banques privées, et l'on voit ce que ça donne : un amas de dettes bidonnées prétendument impossible à purger).
Oui, mais dans des annĂ©es. Au regard de ces nouveaux enjeux, le budget nĂ©cessaire pour obtenir une rĂ©ponse pĂ©nale rapide est dĂ©risoire. Le pouvoir politique, qui sâapprĂȘte Ă dĂ©possĂ©der la justice de sa responsabilitĂ©, ne lui a jamais donnĂ© les troupes et les moyens de remplir sa mission. On affame la bĂȘte avant de la dĂ©clarer trop maigre pour le service.
Et c'est pourquoi cette future loi de lutte contre la haine sur Internet est une mauvaise solution à un vrai problÚme : le cadre légal existe, mais il n'y a prétendument pas les sous pour le faire appliquer, alors on a choisi une solution au rabais pondue par des sociétés privées, sans vouloir admettre que l'on leur octroie des pouvoirs de Justice.
Exit le juge, au revoir la liberté, bienvenue dans le monde merveilleux policé par les géants du Net et leur discours bien net.
Dans le Canard enchaßné du 10 juillet 2019.
La Chine est dĂ©sormais le paradis de la reconnaissance faciale. Elle permet de payer ses courses en montrant sa bobine Ă un Ă©cran au supermarchĂ© Ă Shanghai, elle remplace les tickets de mĂ©tro Ă Jinan, elle fait le tri des Ă©lĂšves Ă lâentrĂ©e des Ă©coles Ă Shenzhen, elle autorise le passage de la douane Ă Hongkong et flique les citoyens qui traversent quand le feu est vert en affichant leur visage sur des Ă©crans gĂ©ants Ă NingboâŠ
Elle Ă©quipe les flics de lunettes pour mieux confondre les contrevenants Ă Zhengzhou. Les camĂ©ras permettent ainsi de retrouver, Ă un poste autoroutier ou dans la foule dâun concert Ă Canton, les auteurs de crimes ayant changĂ© de province et dâidentitĂ©. La reconnaissance faciale permet aussi de surveiller les citoyens qui prennent trop de papier-toilette, qui reçoivent des Ă©trangers chez eux, qui font trop souvent le plein dâessence⊠Et de tenir sous une surveillance millimĂštrĂ©e la province du Xinjiang et sa communautĂ© musulmane ouĂŻghoure.
Ne disposant que de 200 millions de camĂ©ras pour mater sa population, le gouvernement chinois souhaite en implanter 400 millions de plus⊠afin de mettre en place le contrĂŽle social Ă points, qui permettra de priver de voyage et de boulot les individus nâayant pas un score de conformitĂ© suffisant. Mieux que lâĆil du Grand Timonier pour que la Chine poursuive sa Longue Marche : lâĆil Ă©lectronique, rĂ©putĂ© ne jamais se tromper ni se fatiguer !
Le « crĂ©dit social » chinois , c'est l'analyse des habitudes dâachat et de consommation, l'analyse de la promptitude Ă rĂ©gler ses factures, l'analyse des relations dâamitiĂ© (exemple : les personnes tĂ©lĂ©phonant Ă de mauvais payeurs tombent immĂ©diatement sur un message les informant que leur interlocuteur est sur liste noire). C'est aussi un classement des comportements des citoyens en fonction dâune batterie de critĂšres, rĂ©coltĂ©s via le big data, pour en dĂ©duire une note en fonction de laquelle on se voit attribuer des droits⊠ou en perdre (avoir un accĂšs prioritaire Ă lâhĂŽpital ou une rĂ©duction sur sa carte de transports publics, interdiction des voyages en avion ou en train, etc.). Notons que les USA font quelque chose de similaire afin Ă©valuer la solvabilitĂ© des emprunteurs : des sociĂ©tĂ©s commerciales comme Acxiom, Equifax, Epsilon, Experian, etc. collectent des donnĂ©es intimes afin de permettre de noter les demandeurs de crĂ©dits.
Dans le Canard enchaßné du 10 juillet 2019.
Le gouvernement de coalition de Nouvelle-Zélande a donné son feu vert à une modification de la loi électorale pour les législatives prévues en 2020 (« Courrier internationale », 4/7). Celle-ci prévoit l'« installation d'urnes électorales à l'intérieur des supermarchés et des centres commerciaux afin qu'il soit plus facile de voter ». La mesure permettrait, selon le ministre de la Justice, d'« insérer plus facilement le vote dans l'emploi du temps chargé des électeurs ».
On pourra voter avec son ticket de caisse ?
Je ne sais pas trop quoi penser de cela : que le vote se dĂ©roule dans les lieux de vie de la citĂ© (lĂ oĂč les gens se retrouvent pour vivre ensemble), je trouve ça normal. Je dĂ©plore que les lieux de consommation de masse soient devenus les quasi uniques lieux de vie de la cité⊠Qu'il ait lieu dans un temple de la consommation ou dans un bĂątiment public, je doute de la qualitĂ© d'un vote Ă©manant d'Ă©lecteurs pressĂ©s, car cela signifie qu'ils voteront Ă l'aveugle, au grĂ© de leur passion et du cirque mĂ©diatique. Au final, cette dĂ©cision est reprĂ©sentative des temps modernes : le politique (dĂ©cider ensemble des rĂšgles communes) recule devant le commerce, le vote devient une anecdote dans la journĂ©e d'un consommateur.
Dans le Canard enchaßné du 10 juillet 2019.
En apparence, la nomination dâUrsula von der Leyen Ă la tĂȘte de la Commission europĂ©enne (lire Ă©galement p. 7) et de Christine Lagarde a la prĂ©sidence de la BCE sonne le retour de la belle entente franco-allemande. Mais, dans les couloirs feutrĂ©s de Bruxelles, la bataille entre les deux pays continue de faire rageâŠ
Emmanuel Macron aimerait rendre Ă la France lâinfluence perdue lors de la prĂ©cĂ©dente dĂ©cade. AprĂšs tout, les chrĂ©tiens-dĂ©mocrates allemands nâont remportĂ© que 29 siĂšges lĂ oĂč le parti dâEmmanuel Macron en compte 21. Pas si loinâŠ
Chaises musicales
AprĂšs la BCE, le PrĂ©sident veut dĂ©crocher une autre timbale : « un commissaire chargĂ© soit des services financiers, soit de lâagriculture », dĂ©taille lâun de ses proches. Il vise aussi le nerf de la guerre les 31 grandes directions de la Commission europĂ©enne. Avec cinq dâentre elles, la France menait aux points. Mais lâAllemagne, qui nâen dĂ©tenait que trois, contrĂŽlait les deux plus puissantes : la Concurrence et le Commerce.
Johannes Laitenberger, responsable de la premiĂšre, ayant Ă©tĂ© nommĂ© juge Ă la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne, la France a exigĂ© de rĂ©cupĂ©rer cette direction de la Concurrence. En septembre, câest donc Olivier Guersent â actuel patron de la direction des Services financiers â qui rĂ©gnera sur les fusions en Europe. Une Allemande (Sabine Weyand, adjointe de Michel Barnier sur le Brexit) a obtenu la direction du Commerce. On nâest pas loin de lâĂ©change des espions sur le pont de Glienicke ! Autre piĂšce maĂźtresse de lâĂ©chiquier bruxellois : le poste de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, vĂ©ritable numĂ©ro deux de la Commission. Actuellement occupĂ© par lâAllemand Martin Selmayr, « il doit logiquement revenir Ă un Français », estime un habituĂ© du ChĂąteau.
Martin Selmayr a démissionné. On ne connaßt pas encore le nom du remplaçant.
La prĂ©sence française auprĂšs des 28 commissaires (un par pays) est Ă©galement jugĂ©e « insuffisante ». Les chefs de cabinet et leurs adjoints ont en effet le pouvoir de peser sur les textes â y compris hors de leur champ de compĂ©tences. LâAllemagne dispose de quatre chefs de cabinet et de cinq adjoints ; la France dâun seul chef de cabinet et de deux adjoints.
LâĂ©cart, en vĂ©ritĂ©, est plus abyssal encore. Car les Allemands dirigent le secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral du Parlement europĂ©en, la Cour des comptes europĂ©enne, le Conseil de rĂ©solution unique (qui gĂšre les crises), la Banque europĂ©enne dâinvestissement et le MĂ©canisme europĂ©en de stabilitĂ© !
Qui gagne toujours, Ă la fin ?
Donc Macron compte sur l'indĂ©pendance d'esprit vis-Ă -vis de Merkel de la francophile von der Leyen en soutenant qu'elle a jamais Ă©tĂ© partisane et elle a su impose rdes choix en Allemagne. De mĂȘme, il compte sur Lagarde pour Ă©viter les passages en force en matiĂšre financiĂšre. Lolilol. Nous verrons bien ce qu'il en est. Je suis dubitatif. Par exemple, Lagarde ne pourra pas conduire une politique inflationnaire avec une Allemagne qui vise plutĂŽt la dĂ©flation, car le poste ne fait pas le pouvoir.
Le belge Charles Michel, auquel Macron prĂȘte les mĂȘmes idĂ©es politiques qu'En Marche !, a Ă©tĂ© nommĂ© prĂ©sident du Conseil europĂ©en.
Au Parlement europĂ©en, aucun français n'a obtenu un poste de (vice-)prĂ©sident. Aucun français est Ă la tĂȘte d'un groupe politique.
Dans le Canard enchaßné du 10 juillet 2019.
Ă la lecture croisĂ©e de ses deux articles de journaux, je ne peux m'empĂȘcher de me demander : c'est quand que nous arrĂȘtons d'ĂȘtre cons ? Oui, nous-tous, lĂ , chacun d'entre nous, c'est quand que nous arrĂȘtons d'ĂȘtre cons ?
Au secours ! En 2018, plus de 600 mĂ©dicaments se sont retrouvĂ©s en rupture de stock, contre 44 en 2008. Et lâarmoire Ă pharmacie ne sâest pas regarnie depuis. Le 8 juillet, AgnĂšs Buzyn, la ministre de la SantĂ©, a pondu un plan pour lutter contre les pĂ©nuries et faire pression sur les labos. Seul hic, « il manque encore les sanctions. Or, sans sanctions, on reste au niveau de lâincantation », dĂ©plore GĂ©rard Raymond, le prĂ©sident de France Assos SantĂ©, qui reprĂ©sente les patients.
Les industriels, eux, produisent de plus en plus Ă flux tendu, sans se soucier des stocks â sauf quand les mĂ©docs sont trĂšs chers et trĂšs rentables⊠Et tant pis pour les patients qui ne trouvent plus de cortisone, dâanti-infectieux ou mĂȘme dâanticancĂ©reux ! Exemple : lâImmucyst, un mĂ©dicament contre le cancer de la vessie, est en rupture chronique. Il existe bien un mĂ©doc alternatif, mais « avec une moins bonne tolĂ©rance, ayant entraĂźnĂ© lâarrĂȘt du traitement chez certains patients, dâoĂč une vraie perte de chances », explique dans « Le Monde » (7/7) le pharmacologue Alain Astier.
Le plan de Buzyn prĂ©sente tout de mĂȘme une nouveautĂ©, prĂ©conisĂ©e par un rapport sĂ©natorial de septembre 2018 : mettre en place une « solution publique » afin de garantir lâapprovisionnement. LâAssurance-maladie, SantĂ© publique France ou le Service de santĂ© des armĂ©es pourraient ainsi constituer leurs propres stocks en important des mĂ©docs et les distribuer en cas de pĂ©nurie.
Tu veux dire que c'est encore le public, donc le contribuable, qui va réparer la merde du privé ? Je croyais que Saint-Marché organisait tout bien l'économie sans intervention humaine ?! :O
Pilule amĂšre
Câest la guerre ! Enfin, pas tout Ă fait : pour lâheure, cette insolente proposition nâen est quâau stade de lâ« expertise », le temps, prĂ©cise la feuille de route du ministĂšre, que soit Ă©tudiĂ©e « sa faisabilitĂ© ». Le gouvernement ne va pas jusquâĂ suggĂ©rer de nationaliser la production de mĂ©dicaments vitaux. De peur de passer pour communiste ? Les Etats-Unis de Trump en prennent pourtant le chemin.
En 2018, plus de 800 hostos amĂ©ricains se sont regroupĂ©s pour crĂ©er une entreprise pharmaceutique⊠dâintĂ©rĂȘt public. Cette sociĂ©tĂ© Ă but non lucratif, baptisĂ©e Civica RX, entend « rĂ©duire les pĂ©nuries chroniques de mĂ©dicaments qui ont provoquĂ© une crise nationale et ont eu un impact nĂ©gatif sur la vie des patients depuis plus dâune dĂ©cennie », explique son site Internet. Lâorganisation prĂ©voit de commencer par la fabrication de 14 mĂ©docs « Ă prix abordable ». Une idĂ©e de malade !
Il y a rien d'intĂ©rĂȘt public lĂ -dedans : tout cela sera in fine facturĂ© au patient. Cela va accroĂźtre les inĂ©galitĂ©s : t'es riche ? On va te soigner, avec mĂ©docs sur commande. T'es pauvre ? Adieu. Je ne vois pas de quoi me rĂ©jouir.
Certains lycĂ©ens sont plus Ă©gaux que dâautres⊠A la rentrĂ©e 2019, les subventions versĂ©es par les rĂ©gions pour les manuels scolaires sâĂ©chelonnent de 200 euros par Ă©lĂšve (Ile-de-France, Nouvelle- Aquitaine) à ⊠20 euros (Bretagne, Bourgogne). Depuis la loi Peillon de 2013, chaque rĂ©gion choisit librement le montant de ces aides. Et, lorsquâil sâagit dâacheter huit nouveaux manuels pour les classes de seconde, et encore huit pour celles de premiĂšre â du fait des nouveaux programmes â, les inĂ©galitĂ©s territoriales sâaccentuent⊠« LâEtat nous fait payer une rĂ©forme qui nous Ă©chappe et qui coĂ»te super cher ! peste HervĂ© Morin, le prĂ©sident de lâassociation RĂ©gions de France. Alors chaque rĂ©gion se dĂ©brouille comme elle peut⊠»
En Bretagne, oĂč la subvention pour un lycĂ©en est passĂ©e de 33 euros Ă 20 euros, câest la dĂšche : au lycĂ©e Jean-GuĂ©henno (FougĂšres), pour les Ă©lĂšves de premiĂšre, ce sera un manuel par classe, soit 5 manuels pour 150 Ă©lĂšves. Au lycĂ©e Chateaubriand (Rennes) on recommande carrĂ©ment les photocopies pour lâhistoire-gĂ©o en seconde et en premiĂšre. Quant au lycĂ©e Tristan-CorbiĂšre (Morlaix), il a trouvĂ© la solution pour la seconde pro : zĂ©ro manuel !
Vivement la rentrĂ©eâŠ
Dans le Canard enchaßné du 10 juillet 2019.
Historique des fonds secrets de l'ĂlysĂ©e et de Matignon, des millions de francs en espĂšces et en bons du trĂ©sor en libre service pour le PrĂ©sident et le Premier ministre. Ils s'arrondissaient les fins de mois comme ils pouvaient, les pauvres chous.
Entre 1958 et 2001 â annĂ©e officielle de leur suppression sous le gouvernement de Lionel Jospin â, les fonds secrets ont Ă©tĂ© utilisĂ©s Ă des fins plus ou moins avouables par tous les prĂ©sidents de la RĂ©publique et les Premiers ministres.
Tous, Ă une exception prĂšs, ont quittĂ© le pouvoir aprĂšs avoir vidĂ© les coffres de lâElysĂ©e et de Matignon. Ils nâont fait que suivre lâexemple du gĂ©nĂ©ral de Gaulle. Dans les MĂ©moires de son bras droit, Jacques Foccart, on dĂ©couvre que le GĂ©nĂ©ral signait lui-mĂȘme les ordres de virement des fonds Ă la disposition de lâElysĂ©e. En 1969, il nâavait abandonnĂ© Ă Alain Poher, son successeur par intĂ©rim, que quelques trombones.
Filets en lambeaux
En mai 1981, le directeur de cabinet de François Mitterrand ne retrouva dans les armoires blindĂ©es de la PrĂ©sidence quâ« un coin dĂ©chirĂ© de billet de 500 francs ». Quelques jours plus tĂŽt, un Premier ministre nommĂ© Raymond Barre avait envoyĂ© des collaborateurs retirer en liquide â Ă la paierie gĂ©nĂ©rale du TrĂ©sor â 10,5 millions de francs, en liasses, Ă lâeffigie de Pascal : soit le solde prorata temporis des crĂ©dits allouĂ©s pour le reste de lâannĂ©e 1981.
A ce jour, Mitterrand est le seul chef de lâEtat qui, en quittant le pouvoir, a rendu le magot. AndrĂ© Rousselet, son ancien directeur de cabinet, Pierre Chassigneux, qui lui succĂ©da, et Michel Charasse ont en effet remis en Ă©change dâun reçu signĂ© par le directeur de cabinet du nouveau prĂ©sident Chirac, Bertrand Landrieu, la somme de 40 millions de francs â soit 8,2 millions dâeuros actuels â Ă Dominique de Villepin, alors secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâElysĂ©e. Il sâagissait du solde, en liquide et en bons anonymes du TrĂ©sor, des fonds spĂ©ciaux restĂ©s inutilisĂ©s aprĂšs quatorze annĂ©es de prĂ©sidence.
Ils utilisaient des espÚces et des bons ! Tout ça est anonyme ! TERRORISTES ! MAGOUILLEURS ! Ha, non, pardon, ils étaient la prétendue élite de la Nation, ce raisonnement simpliste ne s'appliquent pas à eux.
C'est mignon de faire l'éloge de Tonton, mais bon, 40 millions de francs pour 14 ans de trÎne, c'est trÚs trÚs peu⊠Si une année c'est environ 10 millions de francs comme mentionné ci-dessus, ça fait 4 ans de réserve sur 14 ans, soit environ 1/3.
Faut-il prĂ©ciser que, jusquâen 2001, Ă notre connaissance, aucun Premier ministre de droite ou de gauche nâa jamais remis au TrĂ©sor public les fonds secrets non utilisĂ©s sous son rĂšgne ? DĂ©tail amusant : Ă lâoccasion dâun procĂšs commercial, Michel Rocard avait dĂ» reconnaĂźtre quâen quittant Matignon il avait fait fabriquer une bibliothĂšque en chĂȘne pour son domicile privĂ© grĂące Ă une liasse venue des fonds en question. CâĂ©tait encore le bon temps.
Dans le Canard enchaßné du 10 juillet 2019.
Projets militaires franco-allemands : un nouvel avion de combat, un nouveau char, un nouvel avion de patrouille maritime et un nouveau drone. Et comme la R&D de tout ça coûte un max (25 milliards juste pour l'avion de combat), il va falloir que d'autres pays européens contribuent au financement.
La facture de lâavion de combat franco-allemand des annĂ©es 2030 sera trĂšs salĂ©e. Avant mĂȘme dâen produire les premiers exemplaires, il faudra investir 25 milliards dâeuros pour les Ă©tudes, les recherches nĂ©cessaires et la mise au point des prototypes. Câest Christian Cambon, le prĂ©sident de la commission sĂ©natoriale des Affaires Ă©trangĂšres et de la DĂ©fense, qui a lĂąchĂ© ce chiffre dĂ©rangeant pour le lobby militaro-industriel, lequel, bien sĂ»r, nâen a que faire.
Quel est le problĂšme ? La rĂ©forme des retraites va permettre Ă l'Ătat de siphonner 138 milliards d'euros d'un seul coup dans les rĂ©serves du rĂ©gime de retraite complĂ©mentaire Agirc-Arrco (salariĂ©s du privĂ©, dont les cadres). L'accord de 2017 entre l'Ătat et les caisses Agirc-Arrco permettra d'Ă©conomiser 180 millions d'euros par an en ponctionnant 10 % d'une retraite pendant 3 ans sauf pour les salariĂ©s qui cotiseront un an de plus (63 ans) que l'Ăąge lĂ©gal (62 ans).
« Compte tenu de lâĂ©tat de nos finances publiques, Ă©crit ce sĂ©nateur rĂ©publicain dans un rapport datĂ© du 26 juin, inutile de dire que nous ne sommes pas en mesure de financer seuls un tel projet. » Conclusion : il faudrait que plusieurs pays amis sây intĂ©ressent, acceptent la conception franco-allemande de cet avion de combat destinĂ© Ă remplacer le Rafale ainsi que le Typhoon et crachent au bassinet. Ce nâest donc pas dans la poche.
Trois autres projets franco-allemands sont pris pour cible par Christian Cambon : le char de combat du futur, qui devrait remplacer le Leclerc (français) et le Leopard (allemand), un nouvel avion de patrouille maritime et un drone capable de voler Ă 500 km/h, jusquâĂ une altitude de 14 000 mĂštres. A propos de cette « belle bĂȘte », comme on dit Ă la Direction gĂ©nĂ©rale de lâarmement, Christian Cambon Ă©crit : « La France dĂ©nonce un problĂšme dâobĂ©sitĂ© [dont la responsabilitĂ© incombe aux Allemands]. Avec deux moteurs et un poids de 11 tonnes, ce drone sera trop lourd, trop cher et donc difficile Ă exporter. »
Mieux, Ă en croire ce sĂ©nateur mĂ©fiant, les Allemands ne respectent pas le 50/50, câest-Ă -dire une rĂ©partition Ă©quitable, sur le plan industriel, des responsabilitĂ©s incombant Ă lâAllemagne et Ă la France. Motif : Berlin veut profiter de cette coopĂ©ration pour renforcer le poids et le rĂŽle de lâindustrie militaire allemande.
Reproche supplĂ©mentaire adressĂ© Ă nos chers voisins : « Les exportations dâarmement constituent la partie irritante de notre coopĂ©ration. Les Allemands, pour des raisons politiques et de concurrence mondiale, et avec une bonne dose dâhypocrisie (âŠ), bloquent actuellement certaines ventes dâarmements français », proteste Christian Cambon. Exemples : la France ne peut livrer des radars aux Emirats arabes unis (parce quâils contiennent une piĂšce fabriquĂ©e en Allemagne), et il en va de mĂȘme pour deux corvettes lance-missiles et lance-torpilles, Ă©quipĂ©es de moteurs Diesel allemands.
Tient, il n'y a pas que les USA qui pratiquent l'impĂ©rialismeâŠ
Trump vient de signer des contrats d'armement avec Abou Dabi, membre de la fĂ©dĂ©ration des Ămirats Arabes Unis.
A la diffĂ©rence dâEmmanuel Macron, qui a bĂ©ni ces deux contrats, notamment lors de sa visite prĂ©sidentielle Ă Abu Dhabi, en 2017, le gouvernement allemand ne veut plus livrer dâarmes Ă lâArabie saoudite et aux Emirats, qui mĂšnent une sale guerre au YĂ©men et sont sous embargo depuis lâan dernier.
Le prĂ©sident Macron, lui, nâa pas dĂ©crĂ©tĂ© dâembargo. Il a la bosse du commerce, et câest elle seule qui le guideâŠ
Dans le Canard enchaßné du 10 juillet 2019.
Affaire Benalla : le directeur de cabinet de Macron ment sous serment, mais le procureur de Paris, nommĂ© au forceps par Macron, classe sans suite les signalements du SĂ©natâŠ
Admirable Rémy Heitz !
Le procureur de Paris vient de classer sans suite le « signalement » du SĂ©nat, qui dĂ©nonçait plusieurs faux tĂ©moignages devant sa commission dâenquĂȘte sur lâaffaire Benalla. Principal tĂ©moin entendu sous serment, Patrick Strzoda, le directeur de cabinet dâEmmanuel Macron, bĂ©nĂ©ficie de lâindulgence du magistrat. Car, sâil « a pu effectuer une description incomplĂšte des attributions de M. Benalla », il sâest rachetĂ© en transmettant â spontanĂ©ment, bien sĂ»r â une note de service Ă©voquĂ©e par « LibĂ©ration » (27/6), qui « dĂ©crivait toutes les missions » du costaud de la Contrescarpe Ă lâElysĂ©e. Les extraits de cette note, que « Le Canard » sâest procurĂ©e, montrent que Benalla devait assurer la « coordination des services en charge de la sĂ©curitĂ© du prĂ©sident de la RĂ©publique ». Soit lâexact contraire des affirmations de Strzoda, qui a donc menti sous serment. Les fonctions de Benalla Ă©taient classĂ©es « A », ce qui signifie quâil avait sous ses ordres une tripotĂ©e de galonnĂ©s de la police et de la gendarmerie.
Utile Kohler ?
Le trĂšs pudique procureur nâa sans doute pas osĂ© lire les courriers Ă©changĂ©s entre le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâElysĂ©e, Alexis Kohler, et Philippe Bas, le prĂ©sident de la commission sĂ©natoriale. Sans quoi il nâaurait Ă©videmment pas fait preuve dâune telle indulgence.
Le 26 juillet 2018, soit le lendemain de lâaudition de Strzoda, le prĂ©sident de la commission et ses deux rapporteurs rĂ©clament (par Ă©crit) Ă Kohler huit documents consacrĂ©s aux fonctions rĂ©elles du Monsieur Muscles de lâElysĂ©e. Le 19 septembre, Kohler en fait livrer six mais conserve au secret les deux principaux. Il assume : « Le strict respect du principe de la sĂ©paration des pouvoirs ne me permet pas de joindre les ânotes de service portant fiche de posteâ. »
Les sĂ©nateurs rĂ©pliquent en saisissant la Commission dâaccĂšs aux documents administratifs (Cada). InformĂ©, le ChĂąteau capitule. Le 10 octobre, Kohler fournit la note de service demandĂ©e, tout en insistant sur le fait quâil nâobtempĂšre que « dans un souci de bonne administration visant Ă prĂ©venir la multiplication de procĂ©dures inutiles, telle quâune Ă©ventuelle saisine de la Cada ».
Deux mois et demi de bagarres entre lâElysĂ©e et le SĂ©nat auront donc Ă©tĂ© nĂ©cessaires. Pas vraiment lâambiance de Bisounours suggĂ©rĂ©e par le proc Heitz.
Dans le Canard enchaßné du 10 juillet 2019.
Des producteurs qui refourguent Ă un grossiste des avocats d'AmĂ©rique du Sud probablement pas bio comme Ă©tant des avocats d'Espagne bio, Biocoop dĂ©cide de demander Ă son grossiste dĂ©faillant d'exclure des producteurs de ses livraisons tout en reconnaissant que la parlotte n'a pas fait avancer les choses dans le passĂ©, Biocoop ne communique pas sur le sujet auprĂšs de ses clients, Biocoop (centrale d'achat + magasin) se fait une marge de 55 Ă 66 % sur les fruits et lĂ©gumes, la rĂ©munĂ©ration de l'ancien patron dĂ©passait l'Ă©cart maximal autorisĂ© mentionnĂ© dans le cahier des charges de Biocoop, l'ancien patron dĂ©missionne et reçoit un parachute dorĂ© Ă©quivalent Ă 18 mois de salaire⊠C'est joli, BiocoopâŠ
Un document confidentiel du groupe rĂ©vĂšle des âtromperiesâ et suggĂšre de ne (presque) rien changer.
Etat dramatique de la filiĂšre Espagne sur la filiĂšre avocats. ComplicitĂ© tacite des intermĂ©diaires et des distributeurs en gĂ©nĂ©ral. » Ce constat alarmiste est issu⊠dâun document confidentiel Ă©mis par la direction gĂ©nĂ©rale de Biocoop. Il a Ă©tĂ© dĂ©taillĂ© devant le conseil dâadministration du groupe le 28 juin 2018, au siĂšge de la coopĂ©rative {dans le XVIe arrondissement parisien).
A sa lecture, ce jour-lĂ , les administrateurs du premier rĂ©seau de magasins bio de France (590 boutiques, pour 1,2 milliard dâeuros de chiffre dâaffaires) suent Ă grosses gouttes. Ils ont un mĂ©chant doute sur leurs avocats bio importĂ©s dâEspagne : une partie dâentre eux viendraient en fait dâAmĂ©rique du Sud, ce qui la fiche mal pour lâempreinte carbone. Et, surtout, leur qualitĂ© bio est fortement sujette Ă caution !
La peau dure
Pour sortir de cet « Ă©tat dramatique » et traiter le problĂšme, trois scĂ©narios sont proposĂ©s aux administrateurs. Le premier nâest pas piquĂ© des hannetons : « On ne change rien, on considĂšre que nos contrats sont conformes, et les tromperies Ă la production sont hors de notre responsabilitĂ© et de notre contrĂŽle. » Suit en rouge la mention « risque mĂ©diatique ». Au cas oĂč un PalmipĂšde fourrerait son bec dans le document ?
DeuxiĂšme suggestion : « crĂ©ation de notre propre station de conditionnement en partenariat avec un local ». En clair, lâidĂ©e est de monter une structure dâapprovisionnement pour acheter directement les avocats aux producteurs espagnols â et sâassurer cette fois, de leur qualitĂ© bio â, sans passer par des grossistes. La troisiĂšme proposition, elle, est formulĂ©e ainsi : « rapprochement de nos distributeurs pour mettre les points sur les âiâ, exiger une totale transparence et une traçabilitĂ© efficiente ». Bravo, mais il y a un (gros) bĂ©mol, indiquĂ© en rouge lui aussi : « dĂ©jĂ demandĂ© Ă maintes reprises sans retour satisfaisant ». Câest pourtant cette solution hasardeuse qui a Ă©tĂ© choisie Ă la place de lâouverture, plus coĂ»teuse, dâune station de conditionnement en Espagne visant Ă limiter le nombre dâintermĂ©diairesâŠ
Chez Biocoop, le rayon primeur reprĂ©sente beaucoup dâoseille : 20 % du chiffre dâaffaires et des bĂ©nĂ©fs replets, notamment sur lâavocat. Comme le montrent des documents internes, Biocoop SA sâoctroie jusquâĂ 30 % de marge brute lors de la revente des fruits et lĂ©gumes aux magasins de la chaĂźne. Lesquels peuvent ensuite marger 25 % quand les produits sont achetĂ©s localement et 36 % quand ils sont importĂ©s. Les boutiques arrondissent encore leur profit quand elles ne rĂ©percutent pas les remises â jusquâĂ 6,5 % â consenties par Biocoop SA aux magasins, en fonction de leur volume dâachat. Une pratique un zeste Ă©loignĂ©e de lâimage militante vĂ©hiculĂ©e par lâentreprise et qui, en interne, fait tiquer. Certains salariĂ©s dĂ©noncent, anonymement, « une obsession du rendement et des mĂ©thodes importĂ©es de la grande distribution ».
« Le Canard » a Ă©galement mis la palme sur un PV du conseil dâadministration Ă©cornant le sacro-saint principe de « rĂ©munĂ©ration Ă©quitable » revendiquĂ© par Biocoop. En dĂ©cembre 2017, Claude Gruffat, alors prĂ©sident de Biocoop SA, a exercĂ© un amical lobbying auprĂšs des administrateurs pour que sa rĂ©munĂ©ration passe de 95 000 Ă 127 000 euros brut : six fois le plus bas salaire au sein de la coopĂ©rative, la oĂč le cahier des charges de Biocoop prĂ©conisait un Ă©cart maximal de 1 Ă 5.
Seize mois plus tard, Claude Gruffat, engagĂ© auprĂšs de Yannick Jadot dans la campagne des europĂ©ennes, dĂ©missionnait de son poste avec dix-huit mois dâ« indemnitĂ©s de fin de mandat » votĂ©es par le conseil dâadministration. Pour mieux se mettre au vert ?
InterrogĂ© par « Le Canard », Biocoop reconnaĂźt avoir « identifiĂ© un problĂšme avec un grossiste » sur lâorigine et la garantie bio des avocats. Sauf que ce dernier continue de fournir un tiers desdits fruits verts Ă©coulĂ©s par la coopĂ©rative sous lâĂ©tiquette « Origine Espagne », soit 400 tonnes pour la derniĂšre saison. « Nous lui avons demandĂ© dâexclure de nos approvisionnements deux producteurs sur lesquels nous avions particuliĂšrement des doutes », se justifie le responsable fruits et lĂ©gumes de Biocoop.
Et de promettre : « Lâobjectif est, dâici Ă 2023, de ne plus travailler avec ce grossiste que de maniĂšre marginale, en dĂ©pannage. » Encore quatre ans, donc, dâavocats dâorigine douteuse.
Câest du bio !
Hum⊠C'est contradictoire avec la décision votée par les administrateurs. Du coup, dans 4 ans, Biocoop aura-t-il une station d'approvisionnement et alors la discussion avec le grossiste est palliative, en attenant la solution curative ? Je reste sur ma faim⊠Aucun communiqué est disponible dans la section presse du site web de Biocoop.
Dans le Canard enchaßné du 10 juillet 2019.
Laisser des postes vacants dans la magistrature, qui croule pourtant sous les dossiers, paraĂźt ĂȘtre devenu une spĂ©cialitĂ© de la Chancellerie. La ministre de la Justice et sa puissante directrice adjointe de cabinet, HĂ©lĂšne Davo (en partance pour lâElysĂ©e), sont apparemment incapables dâanticiper. Dernier exemple en date : le non-remplacement dâEliane Houlette Ă la tĂȘte du fameux Parquet national financier. Son dĂ©part Ă la retraite, fin juin, Ă©tait tout sauf une surprise. Mais aucun nom nâest sorti, et ce poste ultrasensible est simplement pourvu dâune intĂ©rimaire. Quant au cĂ©lĂšbre juge Renaud Van Ruymbeke, lui aussi retraitĂ© fin juin, il nâest pas remplacĂ© !
La faute Ă Belloubet, qui nâa dĂ©signĂ© personne, alors que cette tĂąche lui revient, comme pour tous les postes « hors hiĂ©rarchie ». Lâexemple vient dâen haut, puisque Macron, qui voulait absolument choisir lui-mĂȘme le procureur de Paris, avait fait traĂźner le remplacement de François Molins.
En attendant, le pĂŽle financier est au bord de lâasphyxie. Mais, heureusement, les vacances judiciaires sont lĂ âŠ
ĂDIT DU 27/07/2019 Ă 12 H 20 : Le Canard enchaĂźnĂ© du 17 juillet 2019 expose qu'un paquet de nominations sont en attente de la validation de Macron dans des institutions dĂ©pendantes du ministĂšre de la culture : Villa MĂ©dicis, le Palais de Tokyo, le CNC (restĂ© une semaine avec un chef par intĂ©rim), etc. Ce contexte permet de nuancer une volontĂ© du gouvernement d'Ă©touffer le PNF. FIN DE L'ĂDIT.
Dans le Canard enchaßné du 10 juillet 2019.
La prĂ©sidence de la RĂ©publique a fait savoir, par lâintermĂ©diaire de Sibeth Ndiaye, conseillĂšre de communication dâEmmanuel Macron, que la salle de presse Ă lâintĂ©rieur de lâElysĂ©e dĂ©mĂ©nagerait dâici lâĂ©tĂ© dans une annexe hors du Palais. [âŠ]
D'aprĂšs le Canard enchaĂźnĂ© du 10 juillet 2019, ce projet a changĂ© de cap. Les agences accrĂ©ditĂ©es (AFP, Reuters, AP et Bloomberg) conserveront cette salle de presse. Les autres (les chaĂźnes d'information en continue, notamment) seront installĂ©s dans la nouvelle salle de presse en dehors de l'ĂlysĂ©e.
Ăa ne modifie pas ma conclusion d'alors :
De mĂȘme, d'aprĂšs les propos de journalistes accrĂ©ditĂ©s rapportĂ©s par le Canard enchaĂźnĂ© du 28 mars 2018, leur prĂ©sence ne leur permet pourtant pas de dĂ©crocher des entrevues avec les conseillerâ eâ s de Macron. Ilâ elleâ s Ă©voquent « une fois en neuf mois ». Tout ça me laisse Ă penser que le problĂšme de fond n'est pas le dĂ©mĂ©nagement de cette salle de presse, mais le fait que le pouvoir prend ses distances avec la presse.
Et, en effet, ce déménagement est une éniÚme mesure contestable du pouvoir élyséen pour se retrancher dans l'ombre, aprÚs les journalistes triés sur le volet lors des voyages officiels, aprÚs l'interdiction de filmer les ministres dans la cour du Chùteau, aprÚs l'étau qui semble se resserrer autour de l'audiovisuel public, etc. J'ai le sentiment que les journalistes n'arrivent plus à collecter les paroles et les actes de Macron à part les journalistes people élogieux de Paris Match.
Le travail journalistique autour de l'ĂlysĂ©e est Ă©vincĂ© par la communication. Et ça, c'est trĂšs dangereux, avec ou sans salle de presse au sein du ChĂąteau.
Encore une rĂ©forme qui « passe mal », comme lâĂ©crit « Le Parisien » (27/6) : celle de lâInspection du travail. Selon le journal, les 2 000 fonctionnaires de cette petite corporation (dont une partie a manifestĂ© la semaine derniĂšre), chargĂ©s de contrĂŽler les pratiques sociales de toutes les entreprises françaises, craignent une baisse des effectifs et la perte de leur indĂ©pendance. LâidĂ©e du gouvernement est en effet de donner aux prĂ©fets un droit de regard sur les inspecteurs du Travail. Promis-jurĂ© par la Direction gĂ©nĂ©rale du travail, elle « cherche des solutions ». Quant aux emplois, 20 % des effectifs du ministĂšre du Travail ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© supprimĂ©s depuis 2009.
Et ça va continuer.
Dans le Canard enchaßné du 3 juillet 2019.
Hurler sur un suspect, virer l'avocat de ce suspect qui appelle à un retour au calme⊠Moi qui croyais que la flicaille est amour, qu'elle défend le citoyen contre les méchants pas beaux et que quand elle fait un usage illégitime de sa force, c'est en fait légitime parce que Jojo le gilet jaune lui a envoyé un molotov dans la tronche. Les exemples sont nombreux. La flicaille est une force oppresant le citoyen, rien d'autre.
Assez salĂ©e, et câest peu dire, cette enquĂȘte du dĂ©fenseur des droits, Jacques Toubon, signĂ©e le 13 juin Ă propos dâune garde Ă vue remontant au 3 octobre 2016. Ce jour-lĂ , GrĂ©gory Saint-Michel, avocat pĂ©naliste, assiste, au commissariat du XXe de Paris, un client de 65 ans â casier vierge, un peu SDF et accusĂ© de tentative de meurtre. Une bagarre Ă coups de bouteilles entre deux gars, nantis chacun de 3 grammes dâalcool dans le sang⊠B., gardien de la paix menant lâinterrogatoire, trouve le client trop hĂ©sitant et vocifĂšre.
« Vous nâavez pas Ă hurler comme ça, ce sont des pressions ! intervient lâavocat. B. rugit : « Je fais ce que je veux, et, si je veux hurler avec vous aussi, je le fais ! » « Je fais ce que je veux, câest mon audition ! » StupĂ©fait, lâavocat prĂ©vient le flic : « Attention, câest filmĂ©, ce nâest pas bon pour vous ! » AmeutĂ© par son Ă©quipe, le capitaine dĂ©barque. Ses collĂšgues coupent la vidĂ©o. FutĂ© ! Mais pas trop : lâenregistrement audio, lui, continueâŠ
Vert, l'avocat
« DĂ©gagez, allez ! zou ! ordonne le capitaine Ă lâavocat. On vous dit de dĂ©gager, vous dĂ©gagee ! » « On va sĂ»rement pas bosser avec un mec comme vous ! » ajoute lâun des flics. Saisi aux Ă©paules par deux policiers, GrĂ©gory Saint-Michel est raccompagnĂ© sur le trottoir. « Prends un autre avocat : le tien, il est indigne dâexercer sa profession, conseille, Ă lâintĂ©rieur, un poulet au gardĂ© Ă vue. Tâen prends un autre ou tâen auras pas ! » Le client a tenu bon.
Et lâavocat a saisi le dĂ©fenseur des droits. AprĂšs avoir Ă©coutĂ© lâenregistrement, ce dernier a recommandĂ© au ministre de lâIntĂ©rieur des procĂ©dures disciplinaires contre les flics fautifs. Sâil nâest pas entendu, il pourra essayer le hurlement.
Dans le Canard enchaßné du 3 juillet 2019.
Rapport de la Cour des comptes sur les sociĂ©tĂ©s de perception et de rĂ©partition des droits d'auteurs. Levier d'influence, sommes non-rĂ©parties et ponctionnĂ©es, artistes lĂ©sĂ©s, clientĂ©lisme et financement des grosses maisons d'Ă©dition, conflit d'intĂ©rĂȘt, etc. Rien de neuf pour ceux qui suivent ces sujetsâŠ
La Cour des comptes critique la gestion des sociétés qui les administrent.
Les 23 sociĂ©tĂ©s chargĂ©es de gĂ©rer les droits dâauteur (lettres, musique, cinĂ©ma, etc.) sont assises sur un trĂ©sor. Car elles ne font pas que redistribuer de lâargent Ă leurs adhĂ©rents. GrĂące Ă la loi de 1985 sur la copie privĂ©e, elles disposaient aussi, en 2018, de 183 millions pour financer Ă discrĂ©tion des projets dâaction artistique et culturelle. Une somme provenant dâune taxe sur les tĂ©lĂ©phones, les tablettes et les CD vierges⊠mais aussi de lâargent dĂ» aux auteurs quâelles nâont pu rĂ©partir.
Oui, la redevance pour copie privée est utilisée pour influencer les élus locaux en finançant des festivals et autres activités culturelles locales. Les élus locaux étaient souvent des parlementaires. Ce n'est plus le cas, mais un parlementaire reste toujours sensible au développement de son bled, et reste donc attentif aux volontés législatives des ayants-droit.
Las ! la commission de contrĂŽle, affiliĂ©e Ă la Cour des comptes, constate, dans son rapport annuel, que ces sociĂ©tĂ©s nâutilisent que 126 millions dâeuros sur les 183. Le reste vient garnir leurs rĂ©serves ou passe en frais de gestion, voire de lobbying ou de justice. Ce qui, pour la commission, « relĂšve davantage des frais gĂ©nĂ©raux de lâorganisme ».
Les sociĂ©tĂ©s de gestion des droits d'auteurs se doivent de rechercher les ayants-droit. Mais, en pratique, leur recherche des ayants-droits est lacunaire, ce qui leur permet de se constituer un bas de laine avec les sommes non rĂ©clamĂ©esâŠ
La commission sâinterroge surtout sur la rĂ©partition des aides. Elle dĂ©nonce un certain clientĂ©lisme, se caractĂ©risant par « une concentration des montants dâaides accordĂ©es au profit dâun petit nombre de bĂ©nĂ©ficiaires ». Ainsi, Ă la SociĂ©tĂ© civile des producteurs phonographiques, les majors (branches françaises dâUniversal, Sony et Warner) sâauto-attribuent une grande partie des aides Ă la crĂ©ation.
Le rapport dĂ©nonce aussi des conflits dâintĂ©rĂȘts au sein de plusieurs organismes. La Spedidam, la sociĂ©tĂ© de perception et de distribution des droits des artistes-interprĂštes, par exemple, prĂ©sidĂ©e par François Nowak, subventionne plusieurs satellites, telle lâAction musicale, dirigĂ©e par⊠le vice-prĂ©sident du conseil de surveillance de la Spedidam.
Cette derniĂšre a reçu 220 000 euros de subventions en 2017, dont 75 300 ont servi Ă rĂ©munĂ©rer son directeur, Jean-Philippe Bruttmann, Ă©galement programmateur de deux autres festivals subventionnĂ©s par la Spedidam. LâAction musicale salarie aussi la fille de Nowak (son fils est directeur de la communication de la Spedidam)âŠ
Le parquet de Paris vient dâouvrir une enquĂȘte sur cette gestion trĂšs familiale, qui relĂšve moins de la crĂ©ation que de la procrĂ©ation.
Dans le Canard enchaßné du 3 juillet 2019.
Tambouille avec les chiffres parisiens de la dĂ©linquance Ă l'approche des Ă©lections municipales ? Cela me rappelle le bidouillage des chiffres de la dĂ©linquance Ă Marseille dĂ©noncĂ© par les poulets eux-mĂȘmesâŠ
Ă neuf mois des municipales, les rues parisiennes ne souffrent pas que des travaux. « Le Canard » a mis la palme sur les statistiques de la dĂ©linquance compilĂ©es par la PrĂ©fecture de police depuis le dĂ©but de lâannĂ©e. Pour les cinq premiers mois de 2019 â comparĂ©s Ă la mĂȘme pĂ©riode en 2018 â, le bilan est plutĂŽt violent, selon les flics obsĂ©dĂ©s de la calculette. Une hausse de 16,4 % pour les « atteintes aux biens » et de 10,7 % pour les « atteintes volontaires Ă lâintĂ©gritĂ© physique » a Ă©tĂ© relevĂ©e. Avec + 42,5 %, le IVe arrondissement est champion dans la premiĂšre catĂ©gorie. Le IIIe dĂ©tient le record dans lâautre : + 44,8 %.
Câest dans ce mĂȘme arrondissement quâa Ă©tĂ© enregistrĂ©e une hausse record des « vols Ă la sauvette » : passant de 1 Ă 15, ils bondissent de⊠1 400 %. Loin derriĂšre, le fort bourgeois XVIIe, avec + 187,5 %. Plus grave : le nombre de vols Ă main armĂ©e a grimpĂ© de 2 Ă 7 dans le XVIIIe, soit 250 % de progressionâŠ
Vertueuses bagnoles
Du cĂŽtĂ© des Champs-ElysĂ©es, dans le trĂšs protĂ©gĂ© VIIIe arrondissement (celui de lâElysĂ©e et de lâIntĂ©rieur), un effet gilets jaunes se fait sentir : les « dĂ©gradations de mobilier urbain » ont bondi de 150 %, et les « destructions, dĂ©gradations et incendies volontaires » de 173,8 % â une vraie flambĂ©e.
Seule bonne nouvelle, la baisse des vols de voitures : moins de 10 %. Anne Hidalgo a raison de vouloir limiter la place de la bagnole Ă ParisâŠ
Dommagge que Mahjoubi fut forcé de se retirer de la course, car ces chiffres auraient servis ses propositions sécuritaires⊠:))))
Dans le Canard enchaßné du 3 juillet 2019.
Tambouille électorale et presse locale comme outil d'influence.
Le hasard fait bien les choses, sur la CĂŽte dâAzur. A neuf mois des Ă©lections municipales, et alors que le richissime Iskandar Safa sâapprĂȘte Ă racheter le journal « Nice-Matin », un autre milliardaire, Xavier Niel, surgit pour, lui aussi, acquĂ©rir le quotidien !
Dâun cĂŽtĂ©, lâhomme dâaffaires Safa est le meilleur alliĂ© dâEric Ciotti â dĂ©putĂ© LR des Alpes-Maritimes et candidat contre le maire sortant de Nice, Christian Estrosi (LR aussi). De lâautre, ledit Estrosi mĂšne, depuis six mois, un lobbying dâenfer dans le Tout-Paris, expliquant quâune reprise de « Nice-Matin » par Safa serait tragique pour sa ville. LâinespĂ©rĂ© Xavier Niel serait donc le sauveurâŠ
Le patron de Free ne cache pas, en tout cas, ses penchants macronistes. Et Estrosi a sonnĂ© lâalarme en des termes choisis auprĂšs du PrĂ©sident et de son entourage. Primo, Safa est un marchand dâarmes. Deuzio, il reprĂ©sente un marchepied pour la droite musclĂ©e de Ciotti, voire pour le RN, lui qui fricote avec lâextrĂȘme droite et possĂšde dĂ©jà « Valeurs actuelles ». Macron est trĂšs sensible, ces derniers temps, a ce genre dâarguments.
Salade provençale
Le chef de lâEtat, qui vient de lancer son offensive en MĂ©diterranĂ©e, planche sur la meilleure maniĂšre de barrer la route Ă©lectorale Nice-Marseille au RN et Ă ses futurs alliĂ©s. Vue de lâElysĂ©e, la solution semble toute trouvĂ©e : des candidatures communes avec la droite modĂ©rĂ©e. A Nice, câest Estrosi lâheureux Ă©lu. LâidĂ©e est de le voir former un joli tandem avec le dĂ©putĂ© LRM CĂ©dric Roussel, lequel vient de dĂ©clarer sa candidature et fait monter les enchĂšres.
Depuis quand appartient-il au PrĂ©sident de la Ripoublique de gĂ©rer la tambouille Ă©lectorale ?! Rien de neuf, je sais, mais ça me rĂ©volte toujours autantâŠ
Pour les partisans du maire de Nice, ce Roussel ferait un futur premier adjoint idĂ©al. Et pour cause : deux sondages quâils ont commandĂ©s discrĂštement montrent quâune liste commune Estrosi-Roussel pourrait dĂ©crocher prĂšs de 49 % des suffrages dĂšs le premier tour ! Sans liste commune, en revanche, la bataille ferait rage en triangulaire ou en quadrangulaire avec Ciotti et le lepĂ©niste Philippe Vardon â un identitaire bon teint.
Safa barder !
A Marseille aussi, lâalliance est en marche. Ici, lâElysĂ©e mise plutĂŽt sur la fin du gaudinisme. Un accord avec Martine Vassal, patronne LR des Bouches-du-RhĂŽne et copine de Jean-Claude Gaudin, emballĂ© moyennement les Marcheurs ; ceux-ci prĂ©fĂ©reraient un rapprochement avec le patron LR dela rĂ©gion Sud, Renaud Muselier, grand ami dâEstrosi. LâĆil rivĂ© sur la carte Ă©lectorale et les rĂ©sultats des europĂ©ennes, Macron aimerait que « Mumuse » lâaide Ă monter une liste commune trĂšs ouverte Ă Marseille, y compris avec des figures du PS local ! Si Muselier ne conduit pas lui-mĂȘme cet attelage, il serait au moins assurĂ©, en Ă©change, du soutien prĂ©sidentiel pour les Ă©lections rĂ©gionales de 2021âŠ
Câest dans ce joyeux contexte que le journal « Nice- Matin » et une part minoritaire du quotidien marseillais, « La Provence » ont subitement Ă©veillĂ© lâintĂ©rĂȘt des milliardaires du pays ! Et que le groupe public belge Nethys, qui dĂ©tient 34 % de « Nice-Matin » et 11 % de « La Provence », est devenu lâobjet des convoitises du macroniste Xavier NielâŠ
A « Nice-Matin », câest mĂȘme une vraie piĂšce de boulevard qui se joue. Dans le cadre dâun plan de sauvegarde du quotidien, Iskandar Safa devait racheter les 34 % de Nethys dâici au mois dâoctobre â le pacte dâactionnaires du journal prĂ©voyant de le faire monter Ă 100 % du capital en fĂ©vrier 2020. Mais, il y a quinze jours, Niel a claironnĂ© quâil nĂ©gociait en direct avec Nethys et rachetait ses parts. Une fois lâaccord signĂ©, Estrosi lui a adressĂ© un message de congratulations. Le 28 juin, Niel a nĂ©anmoins fait passer, pour la forme, une offre Ă lâadministrateur judiciaire de « Nice- Matin ».
Chez Les RĂ©publicains, un cacique se marre : « Il va quand mĂȘme falloir bien rĂ©flĂ©chir. Qui met le plus dâargent en publicitĂ© dans âNice-Matinâ ? La rĂ©gion de Muselier et la mĂ©tropole dâEstrosi ? ou Eric Ciotti ? Câest clairement les premiers ! »
Tout de suite les sordides questions financiĂšresâŠ
Dans le Canard enchaßné du 3 juillet 2019.
Dette publique, taux négatif, prime d'émission pour contourner les restrictions de l'UE, etc.
Une fois nâest pas coutume, dans son rapport sur « la situation des finances publiques », publiĂ© le 25 juin, la Cour des comptes balance, entre les lignes, une bonne nouvelle : le gouvernement nâaura pas Ă racler les fonds de tiroir pour financer la baisse dâimpĂŽt sur le revenu (5 milliards) promise par Macron Ă lâissue du grand dĂ©bat. Son secret ? La dĂ©croissance des taux dâintĂ©rĂȘt et les Ă©conomies quâelle entraĂźne sur le remboursement de la dette : « jusquâĂ 4 milliards en 2020 », estime Didier Migaud, le prĂ©sident (PS) de la Cour des comptes. En 2021, le conte de fĂ©es se poursuivra. A en croire les prĂ©visions de la Banque de France, la charge de la dette devrait encore baisser de 8 milliards. De quoi financer quelques beaux cadeaux Ă©lectoraux Ă la veille de la prĂ©sidentielle de 2022âŠ
Et si le compte nây est pas ? Du crĂ©dit, encore du crĂ©dit : lâannĂ©e derniĂšre, la France a empruntĂ©, en moyenne, Ă seulement 0,5 %. Et, cette annĂ©e, le taux est mĂȘme devenu nĂ©gatif. Non seulement les acheteurs dâemprunts français ne demandent aucune rĂ©munĂ©ration au TrĂ©sor, mais, en plus, ils ont lâobligeance de lui verser une obole pour le remercier de mettre leurs sous en sĂ©curitĂ©.
Dette limite
Reste Ă savoir quand le carrosse redeviendra citrouille. Le jour oĂč les taux se mettront Ă remonter, le choc sera rude. Au niveau actuel de la dette, selon les prĂ©visions du TrĂ©sor, chaque hausse des taux de 1 % alourdira la facture jusquâĂ 19 milliards par an**.
Outre ces funestes perspectives â mais, demain, câest loin ! â plane un pĂ©ril, politique celui-ci. Le candidat Macron avait promis de rĂ©duire sĂ©vĂšrement la dette, qui, aux termes des critĂšres europĂ©ens, ne devrait pas dĂ©passer 60 % du PIB. PremiĂšre Ă©tape ? Revenir Ă 90 % en 2022. Câest mal parti : la coquine ne cesse dâaugmenter et, selon lâInsee, a atteint 99,6 % du PIB au premier trimestre de cette annĂ©e. Dans le mĂȘme temps, la moyenne europĂ©enne, elle, baisse rapidement depuis 2015. Difficile, avec un rĂ©sultat pareil, dâĂȘtre pris au sĂ©rieux en Europe !
Emission pirate
Pour tenter dâendiguer cette montĂ©e de la dette, le TrĂ©sor use, depuis plusieurs annĂ©es, dâune petite astuce, autorisĂ©e par Bruxelles et appelĂ©e « prime dâĂ©mission ». Le principe est simple : si le TrĂ©sor lance un emprunt de 1 milliard au taux normal du marchĂ©, les souscripteurs lui verseront 1 milliard en Ă©change des obligations quâil Ă©met. Mais, si le TrĂ©sor choisit de verser un taux dâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur, alors ces obligations trĂšs rĂ©munĂ©ratrices seront achetĂ©es beaucoup plus cher : par exemple 1,5 milliard. Dans ce cas, sera comptĂ© comme dette nouvelle le milliard figurant sur lâobligation, et nen le milliard. et demi effectivement rĂ©coltĂ© !
Et cela fait augmenter le service de la dette. :))))
En 2018, note la Cour des comptes, lâEtat a ainsi Ă©mis pour 10,8 milliards de dette non comptabilisĂ©e par les censeurs europĂ©ens. Selon le « compte gĂ©nĂ©ral de lâEtat », publiĂ© en marge du budget 73 milliards (lâĂ©quivalent de 3 % du PIB) ont Ă©tĂ© empruntĂ©s en douce ces derniĂšres annĂ©es. Sans cette petite finasserie, le taux dâendettement de la France aurait largement franchi le seuil symbolique de 100 % du PIB, pour avoisiner aujourdâhui les 103 %.
Et Macron aurait lâair de quoi ?
Dans le Canard enchaßné du 3 juillet 2019.
La supplĂ©ante de Benjamin Griveaux Ă lâAssemblĂ©e sâest trouvĂ© un point de chute. En avril, Elise Fajgeles avait dĂ» quitter le Palais-Bourbon pour laisser le candidat putatif Ă la Mairie de Paris reprendre son siĂšge de dĂ©putĂ© de la capitale, aprĂšs avoir dĂ©missionnĂ© du gouvernement.
Ce genre de mécanisme promet un travail législatif de qualité, dis donc. :)))) TantÎt je suis au gouvernement, tantÎt à l'Assemblée, tantÎt en mission parlementaire pour le gouvernement, tantÎt⊠Comment veux-tu qu'ils étudient sérieusement les dossiers sur lesquels ils sont amenés à se prononcer ?! Je ne crois pas au suivi des dossiers avec le suppléant.
Lâex-dĂ©putĂ©e a donc Ă©tĂ© recrutĂ©e, le 1er juillet, comme chargĂ©e de mission Ă la Dilcrah, la dĂ©lĂ©gation interministĂ©rielle Ă la lutte contre le racisme, lâantisĂ©mitisme et la haine anti-LGBT. Son contrat doit sâachever en dĂ©cembre, au moment oĂč la campagne municipale battra son plein.
DĂ©licate attention : le salaire dâElise Fajgeles a Ă©tĂ© fixĂ© Ă environ 6 000 euros, soit lâĂ©quivalent de ses anciennes indemnitĂ©s parlementaires.
La Dilcrah est un refuge trĂšs prisĂ©. En 2014,1âĂ©cologiste CĂ©cile DuïŹot avait dĂ©jĂ usĂ© de la mĂȘme ficelle pour recaser sa supplĂ©ante PS. Avis aux amateursâŠ
Dans le Canard enchaßné du 3 juillet 2019.
Quelques infos sur l'accord de libre-échange signé fin juin 2019 entre l'Union Européenne et le Mercosur.
Pas d'inquiĂ©tude, car tout est prĂ©vu. Ăa fait vingt ans quâils en discutent en secret, alors, vous pensez bien⊠Non seulement lâaccord historique signĂ© vendredi entre lâUnion europĂ©enne et le Mercosur, marchĂ© commun rĂ©unissant BrĂ©sil, Argentine, Paraguay et Uruguay, va « dans la bonne direction », comme lâa dit Macron, mais il sera exemplaire en matiĂšre dâenvironnement et de biodiversitĂ©. Comme 90 % des droits de douane entre ces deux immenses marchĂ©s vont tomber, lâEurope va pouvoir exporter ses bagnoles, ses piĂšces dĂ©tachĂ©es, ses produits chimiques, ses mĂ©dicaments, ses parfums, ses sacs Vuitton, son speck tyrolien, son champagne, etc. Et BrĂ©sil et consorts vont pouvoir nous envoyer 100 000 tonnes de volaille par an et 99 000 tonnes de bĆuf, pas une de plus, et des fruits, du cafĂ© instantanĂ©, des jus dâorange, et 180 000 tonnes de sucre, et de lâĂ©thanol, et des mĂ©taux raresâŠ
Evidemment, les grincheux grinchent. Les agriculteurs, tous syndicats confondus, de la FNSEA Ă la ConfĂ©dĂ©ration paysanne, qui dĂ©noncent cette « course folle Ă la concurrence ». Les Ă©colos de tout poil, Nicolas Hulot et Yannick Jadot en tĂȘte, qui rappellent que le BrĂ©sil est le plus gros consommateur de pesticides du monde, que 31 % de ceux dont ils usent sont interdits en Europe, quâen prime le fou furieux Bolsonaro en a fait homologuer 239 nouveaux depuis janvier, que lĂ -bas les boeufs sont dopĂ©s Ă coups dâantibiotiques et dâhormones de croissance, que lâĂ©levage bovin est avec le soja transgĂ©nique le principal responsable du saccage de la forĂȘt amazonienne (400 hectares dĂ©truits chaque jour), que pour Bolsonaro le rĂ©chauffement climatique nâest quâ« un complot marxiste », etc.
Il y a aussi les 340 ONG, les 600 scientifiques europĂ©ens, les deux organisations reprĂ©sentant 300 groupes indigĂšnes brĂ©siliens qui dĂ©noncent les violations des droits humains et les attaques contre les indigĂšnes et les minoritĂ©sâŠ
Mais bon. Pour faire plaisir Ă lâEurope, Bolsonaro a promis de respecter lâaccord de Paris sur le climat et, avec ses amis sud-amĂ©ricains, il sâest engagĂ© aussi à « lutter contre la dĂ©forestation ». Câest vague et ça ne mange pas de pain, mais pourquoi ne pas les croire sur parole ? En prime, ils assurent quâils ne nous enverront pas de viande aux hormones, bref, arrĂȘtons de douter de leur bonne foi et ouvrons grand ce marchĂ© « ouvert, Ă©quitable, durable » de 777 millions de consommateurs qui fera la nique Ă Trump.
Ho bah, s'il a promis ! Tout va bien, alors ! Ăa me suffit amplement !
Quand chacun des Etats membres et le Parlement européen auront ratifié cet accord, alors, que vogue⊠sur les océans mille armadas de porte-conteneurs !
Dans le Canard enchaßné du 3 juillet 2019.