Hurler sur un suspect, virer l'avocat de ce suspect qui appelle à un retour au calme… Moi qui croyais que la flicaille est amour, qu'elle défend le citoyen contre les méchants pas beaux et que quand elle fait un usage illégitime de sa force, c'est en fait légitime parce que Jojo le gilet jaune lui a envoyé un molotov dans la tronche. Les exemples sont nombreux. La flicaille est une force oppresant le citoyen, rien d'autre.
Assez salée, et c’est peu dire, cette enquête du défenseur des droits, Jacques Toubon, signée le 13 juin à propos d’une garde à vue remontant au 3 octobre 2016. Ce jour-là, Grégory Saint-Michel, avocat pénaliste, assiste, au commissariat du XXe de Paris, un client de 65 ans — casier vierge, un peu SDF et accusé de tentative de meurtre. Une bagarre à coups de bouteilles entre deux gars, nantis chacun de 3 grammes d’alcool dans le sang… B., gardien de la paix menant l’interrogatoire, trouve le client trop hésitant et vocifère.
« Vous n’avez pas à hurler comme ça, ce sont des pressions ! intervient l’avocat. B. rugit : « Je fais ce que je veux, et, si je veux hurler avec vous aussi, je le fais ! » « Je fais ce que je veux, c’est mon audition ! » Stupéfait, l’avocat prévient le flic : « Attention, c’est filmé, ce n’est pas bon pour vous ! » Ameuté par son équipe, le capitaine débarque. Ses collègues coupent la vidéo. Futé ! Mais pas trop : l’enregistrement audio, lui, continue…
Vert, l'avocat
« Dégagez, allez ! zou ! ordonne le capitaine à l’avocat. On vous dit de dégager, vous dégagee ! » « On va sûrement pas bosser avec un mec comme vous ! » ajoute l’un des flics. Saisi aux épaules par deux policiers, Grégory Saint-Michel est raccompagné sur le trottoir. « Prends un autre avocat : le tien, il est indigne d’exercer sa profession, conseille, à l’intérieur, un poulet au gardé à vue. T’en prends un autre ou t’en auras pas ! » Le client a tenu bon.
Et l’avocat a saisi le défenseur des droits. Après avoir écouté l’enregistrement, ce dernier a recommandé au ministre de l’Intérieur des procédures disciplinaires contre les flics fautifs. S’il n’est pas entendu, il pourra essayer le hurlement.
Dans le Canard enchaîné du 3 juillet 2019.