L'expérience est édifiante. L’hiver dernier, un journaliste de la BBC est allé trouver la police de la ville de Guiyang (sud-ouest de la Chine) pour lui proposer un petit jeu. Il confie aux agents une de ses photos, se perd dans la foule et attend de voir en combien de temps il est retrouvé. Sept minutes plus tard, il est encerclé. Cette histoire est extraite d’une incroyable enquête, publiée par « Les Echos » (6/6), sur la mise sous surveillance de près de 1,5 milliard de Chinois. Les caméras de surveillance dopées à la reconnaissance faciale qui sont installées jour après jour dans les villes et les campagnes font des merveilles. C’est le plus grand et le plus efficace réseau du monde…
Le deuxième pilier de la surveillance à la chinoise s’appelle le « crédit social ». Ça a l’air banal, dit comme ça, mais c’est terrifiant. Il s’agit de classer les comportements des citoyens en fonction d’une batterie de critères, récoltés via le big data, puis d’en déduire une note en fonction de laquelle on se voit attribuer des droits… ou en perdre.
Sont notées la promptitude à régler ses factures, les habitudes d’achat et de consommation, mais aussi les relations d’amitié. Vous passez du temps sur les jeux vidéo, une petite bibine à la main ? Vous serez classé personne oisive ou peu digne de confiance, on peut vous empêcher de prendre le train ou l’avion. Le crédit social est encore à l’état d’expérimentation au niveau local, mais 11 millions de Chinois en vivent déjà quotidiennement les conséquences.
Notons que les USA font quelque chose de similaire pour évaluer la solvabilité des emprunteurs. Des sociétés commerciales comme Acxiom, Equifax, Epsilon, Experian, etc. collectent des données intimes afin de permettre de noter les demandeurs de crédits.
Le géant américain Facebook a admis récemment avoir noué des accords de partage de données avec l’équipementier Huawei, soupçonné d’être utilisé par Pékin comme instrument d’espionnage (« Wall Street Journal », 7/6). A Sanmen, les personnes téléphonant à de mauvais payeurs tombent immédiatement sur un message les informant que leur interlocuteur est sur liste noire.
Faut-il pour autant s’inquiéter ? Les dirigeants chinois ne veulent que le bien de leurs ressortissants. « Le sentiment de sécurité est le meilleur cadeau qu’un pays puisse offrir à son peuple », a expliqué Xi Jinping juste avant le XIXe congrès du Parti, à l’automne dernier. Merci qui ?
Dans le Canard enchaîné du 13 juin 2018.