Deux petits articles glissés dans l’accord signé en 2017 entre les caisses de retraite complémentaire — l’Agirc (cadres) et l’Arrco (salariés) — sont passés inaperçus. Ils risquent pourtant de devenir très populaires auprès de quelque 300 000 salariés candidats, chaque année, à la retraite. Et pour cause : ils font reculer d’un an l’âge légal de la retraite à taux plein. Après le psychodrame de la hausse de la CSG sur les pensions, le succès est assuré !
Aux termes de ces articles, les futurs retraités qui, à partir de 2019, auront 62 ans — âge légal de départ — verront leur pension complémentaire amputée de 10 % pendant trois ans. Même s’ils ont cotisé le nombre de trimestres nécessaire ! Seule façon d’échapper à cette punition : travailler une année de plus.
L’entourioupe a commencé en novembre 2017, lorsque les partenaires sociaux gérant l’Agirc et l’Arrco ont conclu un accord pour sortir du déficit. A cet effet, les articles 98 et 99 — noyés parmi 155 autres — créent un explosif « coefficient de solidarité », siphonnant un dixième des pensions complémentaires Agirc-Arrco à partir de l’an prochain.
En 2020 le même sort sera réservé à la génération 1958 — arrivant à l’âge de 62 ans —, en 2021 à celle de 1959, etc. Le régime Agirc-Arrco va ainsi permettre d’économiser 180 millions d’euros par an.
Chômeurs très abattus
Le représentant du Medef ne cache d’ailleurs pas son but : « inciter les assurés à partir à la retraite plus tard que l’âge légal », a-t-il déclaré aux « Echos » (29/3), Des syndicats ont également signé l’accord, mais pas FO ni la CGT.
Les mécontents qui ne veulent pas voir leur pension baisser devront donc travailler une année de plus. Quand ils feront jouer leurs droits, leur pension complémentaire sera à taux plein. L’accord prévoit aussi que les candidats retraités bossant deux années de plus gagneront, à l’issue de ces deux ans, un bonus de 10 % sur leur retraite — voire 20 % pour trois ans de plus. Sauf que ces bonus ne seront accordés que pendant un an !
Quant aux chômeurs, ils n’auront pas le choix : ceux qui auront acquis les trimestres nécessaires pour partir à taux plein seront priés de liquider leur retraite illico avec, donc, un abattement de 10 % sur leur pension complémentaire.
Il leur suffira de retrouver du travail pour pouvoir cotiser une année de plus !
Dans le Canard enchaîné du 11 avril 2018.