En apparence, la nomination d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne (lire également p. 7) et de Christine Lagarde a la présidence de la BCE sonne le retour de la belle entente franco-allemande. Mais, dans les couloirs feutrés de Bruxelles, la bataille entre les deux pays continue de faire rage…
Emmanuel Macron aimerait rendre à la France l’influence perdue lors de la précédente décade. Après tout, les chrétiens-démocrates allemands n’ont remporté que 29 sièges là où le parti d’Emmanuel Macron en compte 21. Pas si loin…
Chaises musicales
Après la BCE, le Président veut décrocher une autre timbale : « un commissaire chargé soit des services financiers, soit de l’agriculture », détaille l’un de ses proches. Il vise aussi le nerf de la guerre les 31 grandes directions de la Commission européenne. Avec cinq d’entre elles, la France menait aux points. Mais l’Allemagne, qui n’en détenait que trois, contrôlait les deux plus puissantes : la Concurrence et le Commerce.
Johannes Laitenberger, responsable de la première, ayant été nommé juge à la Cour de justice de l’Union européenne, la France a exigé de récupérer cette direction de la Concurrence. En septembre, c’est donc Olivier Guersent — actuel patron de la direction des Services financiers — qui régnera sur les fusions en Europe. Une Allemande (Sabine Weyand, adjointe de Michel Barnier sur le Brexit) a obtenu la direction du Commerce. On n’est pas loin de l’échange des espions sur le pont de Glienicke ! Autre pièce maîtresse de l’échiquier bruxellois : le poste de secrétaire général, véritable numéro deux de la Commission. Actuellement occupé par l’Allemand Martin Selmayr, « il doit logiquement revenir à un Français », estime un habitué du Château.
Martin Selmayr a démissionné. On ne connaît pas encore le nom du remplaçant.
La présence française auprès des 28 commissaires (un par pays) est également jugée « insuffisante ». Les chefs de cabinet et leurs adjoints ont en effet le pouvoir de peser sur les textes — y compris hors de leur champ de compétences. L’Allemagne dispose de quatre chefs de cabinet et de cinq adjoints ; la France d’un seul chef de cabinet et de deux adjoints.
L’écart, en vérité, est plus abyssal encore. Car les Allemands dirigent le secrétariat général du Parlement européen, la Cour des comptes européenne, le Conseil de résolution unique (qui gère les crises), la Banque européenne d’investissement et le Mécanisme européen de stabilité !
Qui gagne toujours, à la fin ?
Donc Macron compte sur l'indépendance d'esprit vis-à-vis de Merkel de la francophile von der Leyen en soutenant qu'elle a jamais été partisane et elle a su impose rdes choix en Allemagne. De même, il compte sur Lagarde pour éviter les passages en force en matière financière. Lolilol. Nous verrons bien ce qu'il en est. Je suis dubitatif. Par exemple, Lagarde ne pourra pas conduire une politique inflationnaire avec une Allemagne qui vise plutôt la déflation, car le poste ne fait pas le pouvoir.
Le belge Charles Michel, auquel Macron prête les mêmes idées politiques qu'En Marche !, a été nommé président du Conseil européen.
Au Parlement européen, aucun français n'a obtenu un poste de (vice-)président. Aucun français est à la tête d'un groupe politique.
Dans le Canard enchaîné du 10 juillet 2019.