Projets militaires franco-allemands : un nouvel avion de combat, un nouveau char, un nouvel avion de patrouille maritime et un nouveau drone. Et comme la R&D de tout ça coûte un max (25 milliards juste pour l'avion de combat), il va falloir que d'autres pays européens contribuent au financement.
La facture de l’avion de combat franco-allemand des années 2030 sera très salée. Avant même d’en produire les premiers exemplaires, il faudra investir 25 milliards d’euros pour les études, les recherches nécessaires et la mise au point des prototypes. C’est Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, qui a lâché ce chiffre dérangeant pour le lobby militaro-industriel, lequel, bien sûr, n’en a que faire.
Quel est le problème ? La réforme des retraites va permettre à l'État de siphonner 138 milliards d'euros d'un seul coup dans les réserves du régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco (salariés du privé, dont les cadres). L'accord de 2017 entre l'État et les caisses Agirc-Arrco permettra d'économiser 180 millions d'euros par an en ponctionnant 10 % d'une retraite pendant 3 ans sauf pour les salariés qui cotiseront un an de plus (63 ans) que l'âge légal (62 ans).
« Compte tenu de l’état de nos finances publiques, écrit ce sénateur républicain dans un rapport daté du 26 juin, inutile de dire que nous ne sommes pas en mesure de financer seuls un tel projet. » Conclusion : il faudrait que plusieurs pays amis s’y intéressent, acceptent la conception franco-allemande de cet avion de combat destiné à remplacer le Rafale ainsi que le Typhoon et crachent au bassinet. Ce n’est donc pas dans la poche.
Trois autres projets franco-allemands sont pris pour cible par Christian Cambon : le char de combat du futur, qui devrait remplacer le Leclerc (français) et le Leopard (allemand), un nouvel avion de patrouille maritime et un drone capable de voler à 500 km/h, jusqu’à une altitude de 14 000 mètres. A propos de cette « belle bête », comme on dit àla Direction générale de l’armement, Christian Cambon écrit : « La France dénonce un problème d’obésité [dont la responsabilité incombe aux Allemands]. Avec deux moteurs et un poids de 11 tonnes, ce drone sera trop lourd, trop cher et donc difficile à exporter. »
Mieux, à en croire ce sénateur méfiant, les Allemands ne respectent pas le 50/50, c’est-à-dire une répartition équitable, sur le plan industriel, des responsabilités incombant à l’Allemagne et à la France. Motif : Berlin veut profiter de cette coopération pour renforcer le poids et le rôle de l’industrie militaire allemande.
Reproche supplémentaire adressé à nos chers voisins : « Les exportations d’armement constituent la partie irritante de notre coopération. Les Allemands, pour des raisons politiques et de concurrence mondiale, et avec une bonne dose d’hypocrisie (…), bloquent actuellement certaines ventes d’armements français », proteste Christian Cambon. Exemples : la France ne peut livrer des radars aux Emirats arabes unis (parce qu’ils contiennent une pièce fabriquée en Allemagne), et il en va de même pour deux corvettes lance-missiles et lance-torpilles, équipées de moteurs Diesel allemands.
Tient, il n'y a pas que les USA qui pratiquent l'impérialisme…
Trump vient de signer des contrats d'armement avec Abou Dabi, membre de la fédération des Émirats Arabes Unis.
A la différence d’Emmanuel Macron, qui a béni ces deux contrats, notamment lors de sa visite présidentielle à Abu Dhabi, en 2017, le gouvernement allemand ne veut plus livrer d’armes à l’Arabie saoudite et aux Emirats, qui mènent une sale guerre au Yémen et sont sous embargo depuis l’an dernier.
Le président Macron, lui, n’a pas décrété d’embargo. Il a la bosse du commerce, et c’est elle seule qui le guide…
Dans le Canard enchaîné du 10 juillet 2019.