Des producteurs qui refourguent à un grossiste des avocats d'Amérique du Sud probablement pas bio comme étant des avocats d'Espagne bio, Biocoop décide de demander à son grossiste défaillant d'exclure des producteurs de ses livraisons tout en reconnaissant que la parlotte n'a pas fait avancer les choses dans le passé, Biocoop ne communique pas sur le sujet auprès de ses clients, Biocoop (centrale d'achat + magasin) se fait une marge de 55 à 66 % sur les fruits et légumes, la rémunération de l'ancien patron dépassait l'écart maximal autorisé mentionné dans le cahier des charges de Biocoop, l'ancien patron démissionne et reçoit un parachute doré équivalent à 18 mois de salaire… C'est joli, Biocoop…
Un document confidentiel du groupe révèle des “tromperies” et suggère de ne (presque) rien changer.
Etat dramatique de la filière Espagne sur la filière avocats. Complicité tacite des intermédiaires et des distributeurs en général. » Ce constat alarmiste est issu… d’un document confidentiel émis par la direction générale de Biocoop. Il a été détaillé devant le conseil d’administration du groupe le 28 juin 2018, au siège de la coopérative {dans le XVIe arrondissement parisien).
A sa lecture, ce jour-là, les administrateurs du premier réseau de magasins bio de France (590 boutiques, pour 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires) suent à grosses gouttes. Ils ont un méchant doute sur leurs avocats bio importés d’Espagne : une partie d’entre eux viendraient en fait d’Amérique du Sud, ce qui la fiche mal pour l’empreinte carbone. Et, surtout, leur qualité bio est fortement sujette à caution !
La peau dure
Pour sortir de cet « état dramatique » et traiter le problème, trois scénarios sont proposés aux administrateurs. Le premier n’est pas piqué des hannetons : « On ne change rien, on considère que nos contrats sont conformes, et les tromperies à la production sont hors de notre responsabilité et de notre contrôle. » Suit en rouge la mention « risque médiatique ». Au cas où un Palmipède fourrerait son bec dans le document ?
Deuxième suggestion : « création de notre propre station de conditionnement en partenariat avec un local ». En clair, l’idée est de monter une structure d’approvisionnement pour acheter directement les avocats aux producteurs espagnols — et s’assurer cette fois, de leur qualité bio —, sans passer par des grossistes. La troisième proposition, elle, est formulée ainsi : « rapprochement de nos distributeurs pour mettre les points sur les “i”, exiger une totale transparence et une traçabilité efficiente ». Bravo, mais il y a un (gros) bémol, indiqué en rouge lui aussi : « déjà demandé à maintes reprises sans retour satisfaisant ». C’est pourtant cette solution hasardeuse qui a été choisie à la place de l’ouverture, plus coûteuse, d’une station de conditionnement en Espagne visant à limiter le nombre d’intermédiaires…
Chez Biocoop, le rayon primeur représente beaucoup d’oseille : 20 % du chiffre d’affaires et des bénéfs replets, notamment sur l’avocat. Comme le montrent des documents internes, Biocoop SA s’octroie jusqu’à 30 % de marge brute lors de la revente des fruits et légumes aux magasins de la chaîne. Lesquels peuvent ensuite marger 25 % quand les produits sont achetés localement et 36 % quand ils sont importés. Les boutiques arrondissent encore leur profit quand elles ne répercutent pas les remises — jusqu’à 6,5 % — consenties par Biocoop SA aux magasins, en fonction de leur volume d’achat. Une pratique un zeste éloignée de l’image militante véhiculée par l’entreprise et qui, en interne, fait tiquer. Certains salariés dénoncent, anonymement, « une obsession du rendement et des méthodes importées de la grande distribution ».
« Le Canard » a également mis la palme sur un PV du conseil d’administration écornant le sacro-saint principe de « rémunération équitable » revendiqué par Biocoop. En décembre 2017, Claude Gruffat, alors président de Biocoop SA, a exercé un amical lobbying auprès des administrateurs pour que sa rémunération passe de 95 000 à 127 000 euros brut : six fois le plus bas salaire au sein de la coopérative, la où le cahier des charges de Biocoop préconisait un écart maximal de 1 à 5.
Seize mois plus tard, Claude Gruffat, engagé auprès de Yannick Jadot dans la campagne des européennes, démissionnait de son poste avec dix-huit mois d’« indemnités de fin de mandat » votées par le conseil d’administration. Pour mieux se mettre au vert ?
Interrogé par « Le Canard », Biocoop reconnaît avoir « identifié un problème avec un grossiste » sur l’origine et la garantie bio des avocats. Sauf que ce dernier continue de fournir un tiers desdits fruits verts écoulés par la coopérative sous l’étiquette « Origine Espagne », soit 400 tonnes pour la dernière saison. « Nous lui avons demandé d’exclure de nos approvisionnements deux producteurs sur lesquels nous avions particulièrement des doutes », se justifie le responsable fruits et légumes de Biocoop.
Et de promettre : « L’objectif est, d’ici à 2023, de ne plus travailler avec ce grossiste que de manière marginale, en dépannage. » Encore quatre ans, donc, d’avocats d’origine douteuse.
C’est du bio !
Hum… C'est contradictoire avec la décision votée par les administrateurs. Du coup, dans 4 ans, Biocoop aura-t-il une station d'approvisionnement et alors la discussion avec le grossiste est palliative, en attenant la solution curative ? Je reste sur ma faim… Aucun communiqué est disponible dans la section presse du site web de Biocoop.
Dans le Canard enchaîné du 10 juillet 2019.