La Chine est désormais le paradis de la reconnaissance faciale. Elle permet de payer ses courses en montrant sa bobine à un écran au supermarché à Shanghai, elle remplace les tickets de métro à Jinan, elle fait le tri des élèves à l’entrée des écoles à Shenzhen, elle autorise le passage de la douane à Hongkong et flique les citoyens qui traversent quand le feu est vert en affichant leur visage sur des écrans géants à Ningbo…
Elle équipe les flics de lunettes pour mieux confondre les contrevenants à Zhengzhou. Les caméras permettent ainsi de retrouver, à un poste autoroutier ou dans la foule d’un concert à Canton, les auteurs de crimes ayant changé de province et d’identité. La reconnaissance faciale permet aussi de surveiller les citoyens qui prennent trop de papier-toilette, qui reçoivent des étrangers chez eux, qui font trop souvent le plein d’essence… Et de tenir sous une surveillance millimètrée la province du Xinjiang et sa communauté musulmane ouïghoure.
Ne disposant que de 200 millions de caméras pour mater sa population, le gouvernement chinois souhaite en implanter 400 millions de plus… afin de mettre en place le contrôle social à points, qui permettra de priver de voyage et de boulot les individus n’ayant pas un score de conformité suffisant. Mieux que l’œil du Grand Timonier pour que la Chine poursuive sa Longue Marche : l’œil électronique, réputé ne jamais se tromper ni se fatiguer !
Le « crédit social » chinois , c'est l'analyse des habitudes d’achat et de consommation, l'analyse de la promptitude à régler ses factures, l'analyse des relations d’amitié (exemple : les personnes téléphonant à de mauvais payeurs tombent immédiatement sur un message les informant que leur interlocuteur est sur liste noire). C'est aussi un classement des comportements des citoyens en fonction d’une batterie de critères, récoltés via le big data, pour en déduire une note en fonction de laquelle on se voit attribuer des droits… ou en perdre (avoir un accès prioritaire à l’hôpital ou une réduction sur sa carte de transports publics, interdiction des voyages en avion ou en train, etc.). Notons que les USA font quelque chose de similaire afin évaluer la solvabilité des emprunteurs : des sociétés commerciales comme Acxiom, Equifax, Epsilon, Experian, etc. collectent des données intimes afin de permettre de noter les demandeurs de crédits.
Dans le Canard enchaîné du 10 juillet 2019.