Un résumé de l'avancée de la réforme des retraites.
En même temps qu’il a rendu hommage, lors de sa conférence de presse, à Jean-Paul Delevoye, son haut-commissaire à la réforme des retraites, Emmanuel Macron a envoyé ses propositions ad patres. Le Président a annoncé que le projet de loi sur le futur système unique serait prêt dès cet été. Or Delevoye affirme lui-même que, à ce jour, il n’a pas rédigé la moindre ligne du rapport censé inspirer la loi. Il ne pourra d’ailleurs pas le remettre au gouvernement sans en avoir soumis les conclusions aux syndicats ouvriers et patronaux. Tous ces camarades sont convoqués pour juin.
Comment ce texte hyper-complexe, destiné à regrouper 42 régimes et des centaines de professions (des petits rats de l’Opéra aux marins de commerce), pourra-t-il être bouclé à temps ? Simple : pendant que Delevoye mène les palabres, Matignon et la Direction de la Sécurité sociale (DSS), qui depend notamment de Gérald Darmanin, s’occupent secrètement du boulot de fond (« Le Canard », 24/4). Les conseillers d’Edouard Philippe chargés des questions sociales ainsi que la patronne de la DSS ont tous été les conseillers de Fillon (dont le programme prévoyait de privatiser la Sécu) et de Laurent Wauquiez. Grand acquis social en perspective !
Le Président met le grand braquage
Le Président n’a pas attendu que son haut-commissaire lui suggère des mesures pour sortir ses cartes. L’ex-médiateur de la République souhaitait proposer un « coefficient de majoration » — un bonus de 10 % sur la future pension — pour les salariés qui, ayant assez cotisé pour partir à 62 ans, travailleraient plus » longtemps. L’Elysée et Matignon ont préféré un système punitif. L’âge légal sera maintenu en principe, à 62 ans, mais il sera vivement conseillé aux futurs retraités de patienter jusqu’à l’âge « pivot » de 64 ans. Faute de quoi ils subiront une décote de leur pension… jusqu’à ce que mort s’ensuive. Incitatif !
S’ajoute à cet arsenal — qui s’applique essentiellement aux salariés du privé — le hold-up opéré sur les réserves de leurs régimes complémentaires, Agirc et Arrco. L’opération rapportera… 138 milliards au gouvernement. Soit 47,3 % du budget de l’Etat ! Grâce à ce braquage sans précédent, la France pourrait afficher en 2025 un budget en excédent.
ÉDIT DU 01/09/2019 À 12 H 20 : les réserves d'Agirc-Arrco sont de 71 milliards. Le reste, c'est les autres régimes : 22 milliards pour les commerçants et artisans, 16 milliards pour les indépendants, 5 milliards pour les travailleurs de la Banque de France, etc. Le total s'élève à 129 milliards d'euros. D'où le Canard sort son 138 ? Bonne question. Apparemment, les réserves des indépendants et des commerçants ne seront pas aspirées. FIN DE L'ÉDIT.
Le magot permettra notamment de financer le cadeau que Macron va offrir aux fonctionnaires : la prise en compte des primes dans le calcul des retraites. Toujours grâce à ce pactole, agriculteurs et travailleurs indépendants pourront cotiser moins que leurs collègues du privé pour toucher le « minimum contributif » de 1 000 euros annoncé par Macron. Le céréalier beauceron à la retraite percevra plus que la caissière de Carrefour. Cela, évidemment, sans aucune arrière-pensée électoraliste.
Dans le Canard enchaîné du 30 avril 2019.