Rapport de la Cour des comptes sur les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteurs. Levier d'influence, sommes non-réparties et ponctionnées, artistes lésés, clientélisme et financement des grosses maisons d'édition, conflit d'intérêt, etc. Rien de neuf pour ceux qui suivent ces sujets…
La Cour des comptes critique la gestion des sociétés qui les administrent.
Les 23 sociétés chargées de gérer les droits d’auteur (lettres, musique, cinéma, etc.) sont assises sur un trésor. Car elles ne font pas que redistribuer de l’argent à leurs adhérents. Grâce à la loi de 1985 sur la copie privée, elles disposaient aussi, en 2018, de 183 millions pour financer à discrétion des projets d’action artistique et culturelle. Une somme provenant d’une taxe sur les téléphones, les tablettes et les CD vierges… mais aussi de l’argent dû aux auteurs qu’elles n’ont pu répartir.
Oui, la redevance pour copie privée est utilisée pour influencer les élus locaux en finançant des festivals et autres activités culturelles locales. Les élus locaux étaient souvent des parlementaires. Ce n'est plus le cas, mais un parlementaire reste toujours sensible au développement de son bled, et reste donc attentif aux volontés législatives des ayants-droit.
Las ! la commission de contrôle, affiliée à la Cour des comptes, constate, dans son rapport annuel, que ces sociétés n’utilisent que 126 millions d’euros sur les 183. Le reste vient garnir leurs réserves ou passe en frais de gestion, voire de lobbying ou de justice. Ce qui, pour la commission, « relève davantage des frais généraux de l’organisme ».
Les sociétés de gestion des droits d'auteurs se doivent de rechercher les ayants-droit. Mais, en pratique, leur recherche des ayants-droits est lacunaire, ce qui leur permet de se constituer un bas de laine avec les sommes non réclamées…
La commission s’interroge surtout sur la répartition des aides. Elle dénonce un certain clientélisme, se caractérisant par « une concentration des montants d’aides accordées au profit d’un petit nombre de bénéficiaires ». Ainsi, à la Société civile des producteurs phonographiques, les majors (branches françaises d’Universal, Sony et Warner) s’auto-attribuent une grande partie des aides à la création.
Le rapport dénonce aussi des conflits d’intérêts au sein de plusieurs organismes. La Spedidam, la société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes, par exemple, présidée par François Nowak, subventionne plusieurs satellites, telle l’Action musicale, dirigée par… le vice-président du conseil de surveillance de la Spedidam.
Cette dernière a reçu 220 000 euros de subventions en 2017, dont 75 300 ont servi à rémunérer son directeur, Jean-Philippe Bruttmann, également programmateur de deux autres festivals subventionnés par la Spedidam. L’Action musicale salarie aussi la fille de Nowak (son fils est directeur de la communication de la Spedidam)…
Le parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête sur cette gestion très familiale, qui relève moins de la création que de la procréation.
Dans le Canard enchaîné du 3 juillet 2019.