Dette publique, taux négatif, prime d'émission pour contourner les restrictions de l'UE, etc.
Une fois n’est pas coutume, dans son rapport sur « la situation des finances publiques », publié le 25 juin, la Cour des comptes balance, entre les lignes, une bonne nouvelle : le gouvernement n’aura pas à racler les fonds de tiroir pour financer la baisse d’impôt sur le revenu (5 milliards) promise par Macron à l’issue du grand débat. Son secret ? La décroissance des taux d’intérêt et les économies qu’elle entraîne sur le remboursement de la dette : « jusqu’à 4 milliards en 2020 », estime Didier Migaud, le président (PS) de la Cour des comptes. En 2021, le conte de fées se poursuivra. A en croire les prévisions de la Banque de France, la charge de la dette devrait encore baisser de 8 milliards. De quoi financer quelques beaux cadeaux électoraux à la veille de la présidentielle de 2022…
Et si le compte n’y est pas ? Du crédit, encore du crédit : l’année dernière, la France a emprunté, en moyenne, à seulement 0,5 %. Et, cette année, le taux est même devenu négatif. Non seulement les acheteurs d’emprunts français ne demandent aucune rémunération au Trésor, mais, en plus, ils ont l’obligeance de lui verser une obole pour le remercier de mettre leurs sous en sécurité.
Dette limite
Reste à savoir quand le carrosse redeviendra citrouille. Le jour où les taux se mettront à remonter, le choc sera rude. Au niveau actuel de la dette, selon les prévisions du Trésor, chaque hausse des taux de 1 % alourdira la facture jusqu’à 19 milliards par an**.
Outre ces funestes perspectives — mais, demain, c’est loin ! — plane un péril, politique celui-ci. Le candidat Macron avait promis de réduire sévèrement la dette, qui, aux termes des critères européens, ne devrait pas dépasser 60 % du PIB. Première étape ? Revenir à 90 % en 2022. C’est mal parti : la coquine ne cesse d’augmenter et, selon l’Insee, a atteint 99,6 % du PIB au premier trimestre de cette année. Dans le même temps, la moyenne européenne, elle, baisse rapidement depuis 2015. Difficile, avec un résultat pareil, d’être pris au sérieux en Europe !
Emission pirate
Pour tenter d’endiguer cette montée de la dette, le Trésor use, depuis plusieurs années, d’une petite astuce, autorisée par Bruxelles et appelée « prime d’émission ». Le principe est simple : si le Trésor lance un emprunt de 1 milliard au taux normal du marché, les souscripteurs lui verseront 1 milliard en échange des obligations qu’il émet. Mais, si le Trésor choisit de verser un taux d’intérêt supérieur, alors ces obligations très rémunératrices seront achetées beaucoup plus cher : par exemple 1,5 milliard. Dans ce cas, sera compté comme dette nouvelle le milliard figurant sur l’obligation, et nen le milliard. et demi effectivement récolté !
Et cela fait augmenter le service de la dette. :))))
En 2018, note la Cour des comptes, l’Etat a ainsi émis pour 10,8 milliards de dette non comptabilisée par les censeurs européens. Selon le « compte général de l’Etat », publié en marge du budget 73 milliards (l’équivalent de 3 % du PIB) ont été empruntés en douce ces dernières années. Sans cette petite finasserie, le taux d’endettement de la France aurait largement franchi le seuil symbolique de 100 % du PIB, pour avoisiner aujourd’hui les 103 %.
Et Macron aurait l’air de quoi ?
Dans le Canard enchaîné du 3 juillet 2019.