Un livre sur la communication non-violente (CNV) rédigé par son concepteur. Un militant m'a parlé de cette méthode il y a quelques années, donc j'ai eu envie d'approfondir ce sujet.
La CNV est une manière de s'exprimer et de mener à bien des interactions humaines qui renforce notre aptitude à donner avec bienveillance et à inspirer à autrui le désir d'en faire autant. Contribuer sans contrepartie au bien-être d'autrui contribue à notre bien-être (satisfaction procurée par un geste désintéressé). Résoudre nos différends sans violence (au sens large). La CNV n'est pas une méthode pour forcer quelqu'un à faire quelque chose ou pour l'y conduire par la ruse et la connaissance des failles humaines. Selon moi, la CNV est l'une des méthodes pour mettre en pratique le premier des accords Toltèques, « que votre parole soit impeccable ».
La CNV s'oppose aux actions effectuées dans l'attente d'une contrepartie c'est-à-dire des actions effectuées afin de ne pas éprouver de honte ou de la culpabilité, de se dégager de contraintes, d'obtenir quelque chose en échange d'un geste. Elle s'oppose aussi aux insultes, au dénigrement, aux reproches, aux diagnostics et aux jugements qui expriment qu'autrui est une mauvaise personne ou qu'une action est bonne ou mauvaise. La communication non-violante s'oppose à tout déni de responsabilité, c'est-à-dire effectuer une action en prétextant qu'autrui en est à l'origine (« je l'ai giflé, car il a fait ceci… »), ou en invoquant une force impersonnelle (« je l'ai fait car il fallait que ça soit fait ») ou en justifiant le présent par un passé rendu immuable (« je picole car je suis un alcoolo ») ou en invoquant la pression d'un groupe (« je fume car toute la bande de potes fume »), ou en invoquant des pulsions incontrôlables (« j'ai mangé ce chocolat parce que c'était plus fort que moi ») ou en se cachant derrière une quelconque autorité (hiérarchie, ordres, règlements, etc.). Enfin, la communication non-violente s'oppose aux exigences, c'est-à-dire à toute demande formulée à autrui que celui-ci ne peut refuser sans risquer une quelconque sanction.
Pour ce faire, le principe clé est de faire la différence entre ce que j'observe (les faits), mon interprétation et mes déductions des faits, les sentiments que les faits génèrent en moi en rapport avec mes valeurs et mes souhaits, les besoins que cela soulève et ce que je demande à autrui pour satisfaire mes besoins et accroître ainsi mon bien-être. Selon l'auteur, nous confondons tout en permanence (fait et opinion, opinion et sentiment, etc.) dans notre expression quotidienne, ce qui rend les échanges humains imbitables. Évidemment, la réciproque s'impose : dans ce qu'exprime autrui, il faut distinguer ce qu'il observe, ce qu'il interprète, les sentiments que ça génère en lui… Il faut donc apprendre à écouter les bonnes informations dans les propos d'autrui (je vais y revenir dans quelques paragraphes).
« Elle est irresponsable », « il se croit seule au monde », « tu ne m'aimes pas », « tu es toujours occupé », etc. Tout cela sont des interprétations, des déductions, des évaluations, pas des faits. « Tu ne m'as pas donné de tes nouvelles ces deux derniers mois » (équivalent de « tu ne m'aimes pas ») , « les trois dernières fois où je t'ai proposé une activité, tu as dit que tu ne voulais pas y participer » (équivalent de « tu fais rarement ce que je veux »), sont des faits. Les opinions se détectent facilement : emploi de « tu es » et d'adjectifs sans mise en contexte, emploi de verbes du champ lexical de l'évaluation, etc.
Il ne faut pas mélanger une opinion (« je sens que ce n'est pas bien de mettre la musique aussi forte ») et un sentiment (« cette musique m'inconforte voire m'énerve »). Les phrases « je sais que … » expriment souvent des opinions et des jugements. Il convient d'éviter les phrases génériques pour décrire nos sentiments comme « je me sens mal / bien / con ». « Je me sens incompris » est une évaluation (du niveau de compréhension d'autrui), « je suis en colère / frustré » est un sentiment. Se sentir ignoré peut être agréable dans certaines situations, ce qui montre que ce n'est pas l'origine du mal-être.
Ne pas faire porter la responsabilité de nos sentiments à autrui. « Papa est malheureux que tu aies de mauvaises notes à l'école » est une motivation par la culpabilisation, l'enfant cherchera à échapper à la culpabilité, pas à s'impliquer dans son travail. Il convient de lier un sentiment à une explication de ce qui se passe en nous (quel est le besoin insatisfait) en utilisant « parce que / car » suivi d'autre chose que « tu / vous » : « tu m'as déçu en ne venant pas ce soir, car je voulais te parler d'un truc qui me préoccupe », « lorsque je trouve l'évier plein de vaisselle sale, je me sens agacé car j'ai besoin d'ordre et de propreté », « quand tu es arrivé 30 minutes en retard, j'ai été contrarié, car je voulais m'en tenir à mon emploi du temps afin d'avoir la sensation d'avoir accompli quelque chose de ma journée ».
Exprimer clairement ce que nous attendons de l'autre pour satisfaire nos besoins. Ne pas dire « je veux que tu passes moins de temps au taff » à la place de « je veux que tu passes moins de temps au taff afin de passer plus de temps avec moi », car, dans la première formulation, autrui peut très bien quitter le taff plus tôt et s'inscrire à un club de golf, ça respecte le souhait formulé. Exprimer des actions concrètes : « je veux être traité plus équitablement » ne permet pas à l'autre d'agir… Sur quel plan ? Par rapport à qui ? Etc. Ne pas émettre d'exigence, autrui satisfait notre demande seulement s'il a envie de contribuer à notre bien-être. On peut argumenter, bien entendu, mais seulement après avoir compris la raison précise du refus de notre demande. Plus on interprète un refus comme un rejet, plus les gens se braqueront lors de nos demandes ultérieures, car ils sentiront que ce sont des exigences.
Laisser l'autre s'exprimer. Lui laisser le temps et l'espace. Ne pas juger. Ne pas conseiller. Ne pas rassurer. Laisser nos sentiments de côté (pas de « ho, ma pauvre chérie ! »). Ne pas surenchérir (« c'pas pire que ce qui m'arrive »). Ne pas raconter d'histoires équivalentes (c'est le tour de parole d'autrui, pas le tien !). Ne pas moraliser (« tu pourrais tirer parti de ça si tu … »). Ne pas consoler (« tu as fait de ton mieux ». Ne pas clôturer le sujet (« remet-toi et passe à autre chose ! »), autrui le fera de lui-même (il arrêtera de parler). L'empathie, c'est chercher le sentiment et le besoin de l'autre. Exemple : au jugement « je suis moche ! » émis par quelqu'un, ne pas répondre « mais non, tu es trés belle », car cela met encore plus la pression, mais s'intéresser au sentiment et au besoin sous-jacents (« tu es déçu de la tête que t'as aujourd'hui ? », besoin d'attention ? Besoin d'un nouveau style vestimentaire ? Etc.). On ne peut pas arranger les choses à la place d'autrui. Afin d'être sûr d'avoir bien écouté et compris l'autre, on peut paraphraser et reformuler. On peut également poser des questions, mais uniquement sur les faits, les sentiments, les besoins ou les demandes qu'autrui formule. Il convient d'éviter les questions vagues (« que veux-tu que je fasse ? », « à quoi fais-tu allusion ? », etc.).
Si nous ne savons plus offrir d'empathie, alors c'est que nous en manquons et il faut alors s'administrer les premiers soins : questionner nos sentiments et nos besoins.
Je recommande la lecture de ce livre, car je trouve très pertinentes la séparation faits / interprétations / sentiments / besoins ainsi que l'analyse du déni constant de nos responsabilités. Il est court (80 pages) et il va à l'essentiel. Il est une introduction aux stages et formations payants animés par le réseau d'associations officielles et officieuses, donc il ne faut pas s'attendre à des miracles à sa lecture (comprendre : la lecture ne suffit pas, il faut pratiquer, pratiquer, et encore pratiquer).
Un livre de développement personnel centré sur les relations avec autrui. Aaron Swartz l'évoque en des termes élogieux dans l'un de ses écrits compilés dans le livre Celui qui pourrait changer le monde. Sans cela, je ne l'aurai pas lu.
Au final, pour améliorer ses relations avec les autres, il y a un unique principe à retenir : montrer leur importance aux gens. Rien est plus important pour quelqu'un que sa propre importance. C'est ce qui pousse quelqu'un à financer la rénovation d'un hôpital (et autres actions au service des autres), à revendiquer son statut social et hiérarchique, à désirer une grosse baraque, etc. Toute personne désire qu'on lui accorde de l'attention, qu'on s'intéresse à elle et que l'on parle d'une seule chose : d'elle, de ses doutes, de ses soucis, de ses souvenirs, afin qu'elle puisse démontrer son importance à travers ses expériences, etc. Quelqu'un ne veut pas reconnaître qu'il a tort parce que cela porte atteinte à son importance. Personne veut t'aider pour réaliser quoi que ce soit, mais tout le monde veut savoir comment t'aider va servir ses intérêts, affirmer son importance et flatter son égo.
Tous les principes de vie suivants sont déclinés de ce qui précède (tout ce qui n'est pas en gras est un ajout personnel) :
Ce livre est bien conçu, avec des résumés de fin de chapitre et une mise en forme qui permet de retrouver rapidement un contenu, etc. Il est donc facile à relire. Je pense également qu'il contient beaucoup d'analyses véridiques sur la condition humaine, et, à ce titre, je trouve qu'il est intéressant à lire.
L'auteur travaillait sur tout ça depuis 1936, donc autant dire que le style date d'une autre époque et que toutes les suggestions, je pense à un modèle de lettre mettant en avant le désir d'autrui, ne peuvent pas être reprises telles quelles de nos jours (ça se voit, quoi). Les histoires qui introduisent les principes sont ennuyeuses, surtout quand l'auteur en enchaîne 8 d'un coup. Le style est prétentitieux en mode "moi j'ai connu tout le gratin"… Le livre est très axé sur le monde professionnel. Enfin, beaucoup de points sont redondants et reviennent dans plusieurs principes.
Lors de mon dernier déménagement (qui impliquait un changement de région), je me suis interrogé : quelles entités ont connaissance de ma nouvelle localisation ?
Évidemment, il y a l'opérateur de téléphonie mobile (ça fait plus de trois semaines que ton téléphone est accroché aux mêmes antennes GSM, donc tu n'es probablement pas en vacances). Évidemment, en cas de souscription à une réexpédition du courrier entre l'ancienne et la nouvelle adresse postale, La Poste (et sa filiale de valorisation des données personnelles, Mediapost) a l'information. Il y aurait eu tous les services Internet que j'utilise si je n'utilisais pas le VPN d'un FAI associatif. Il y a l'opérateur réseau (ADSL, câble, fibre) : comme ils sont en oligopole, tu tombes toujours sur les mêmes, donc ils voient bien, dans le dossier client, que t'es passé de telle adresse à telle adresse. Même raisonnement pour les fournisseurs d'énergies. Il y a tous les acteurs auxquels il faudra communiquer la nouvelle adresse (assurance, mutuelle, sécurité sociale, etc.). Et puis, il y a la banque et, en cas d'utilisation d'une carte bancaire, les réseaux de Visa, MasterCard, etc. Au final, cette liste comporte peu d'acteurs du numérique, alors que l'attention des pro-vie privée se concentre sur eux. Évidemment, il faut distinguer les acteurs vitaux qui disposent de la nouvelle info sans que je la leur communique (j'aime bien me les représenter mentalement comme des acteurs qui savent où je suis avant ma famille et mes amis), comme mon opérateur de téléphonie mobile ou ma banque, et les autres. C'est dans ce contexte que la traçabilité bancaire devient intéressante à examiner.
Une banque est un point de passage obligé, donc elle va récolter et concentrer beaucoup d'informations. Que tu règles en chèque, par virement bancaire ou en carte bancaire, ta banque sait qui est ton propriétaire, quels sont tes fournisseurs d'énergies, quel est ton opérateur réseau, quel est ton opérateur de téléphonie mobile, quel est ton marchand de nourriture, à quelles organisations tu fais des dons, quelles activités tu pratiques en club, si t'es à la recherche de l'amour ou de cul via un site web de rencontre, etc. Ta banque sait où te trouver. Tes paiements par carte bancaire révèlent où tu zones et quelles sont tes habitudes (courses tous les deux jours, troquet tous les matins pour un café, etc.). Si tu payes en espèces, les retraits aux guichets ou aux distributeurs automatiques révèlent ta localisation (tu viens régulièrement aux mêmes distributeurs… hum, tu dois habiter ou travailler ou consommer pas loin). Bref, en ce qui me concerne, ma banque en savait autant que Google (mes pensées les plus sombres sont partagées entre différents moteurs de recherche, mais mes achats les plus sombres sont connus par ma banque).
Sans compter que toutes ces informations, même anonymisées, peuvent être croisées et elles permettent alors de retrouver l'identité précise d'une personne à partir de son numéro de carte et du lieu et de la date de quatre de ses achats. Pratique, en cas de fuite côté commerçant (deuxième moitié du ticket de caisse) ou côté banque ou côté individu (première moitié du ticket de caisse, ticket du distributeur automatique), etc.
Pour répondre à la question initiale, ma banque est clairement, avec mon opérateur mobile, l'un des deux acteurs les mieux informés de mon déménagement. Avant même le fournisseur d'énergie, l'opérateur réseaux, etc., elle savait que j'étais dans telle ville (paiements CB, retraits d'espèces) et, au bout d'un mois, avec le versement de mon salaire, elle était en mesure de savoir que ce n'était pas un déplacement temporaire.
Cette réflexion en a amené une autre : comment réduire ma traçabilité bancaire ? Comment faire en sorte que ma banque en sache le moins possible sur mon compte (jeu de mots détecté) ?
Quatre autres motivations ont dynamisé cette réflexion (bullshit détecté).
La première, c'est la simplicité. Le paiement par CB, les virements, tout ça, là, c'est d'une complexité folle… Qui comprend vraiment comment tout cela fonctionne, quels sont les acteurs ? Et les dysfonctionnements : la carte bancaire muette, le paiement sans contact qui échoue, le terminal de paiement dans les choux, etc. Tout cela est perte de temps. Mais surtout, tout ce virtuel, tout cet abstrait nous éloigne de l'échange entre humains, je trouve. J'apprécie beaucoup d'être revenu à quelque chose de palpable : j'ai cet objet que je désire dans ma main, tu as ces pièces de monnaie dans ta main, affaire conclue. J'apprécie également de compter pour faire l'appoint, "casser" des billets, donner plus pour échanger de la monnaie, discuter avec le commerçant pour savoir ce qui nous arrange (non, aujourd'hui j'ai vraiment besoin que tu me casses ce billet ; ha, aujourd'hui t'es en manque de ferraille, voilà pour toi, etc.). Je trouve que les espèces sont un moyen de recréer du lien. Certes, c'est un lien faible, mais je ne suis visiblement pas capable de mieux. Merci de ne pas me parler de la transmission de microbes et de virus : les alliages de métaux des pièces sont conçus pour limiter leur propagation. Et notre peau est conçue comme une barrière. C'est juste normal d'avoir plein de saloperies sur nous.
La deuxième motivation, c'est l'esprit de contradiction. Quand je vois les banques (limite de retrait, limite de dépôt, etc.), nos gouvernants (le paiement en espèces à un professionnel est plafonné à 1 000 € depuis 2015, arrêt de l'émission de billets de 500 € depuis 2019, etc.), et nous tous (quelle société commerciale paye encore ses employés en espèces ? Quel particulier propriétaire accepte de percevoir ses loyers en espèces ? Qui paye encore ses achats en espèces ?), nous imposer des restrictions à tour de bras sur l'utilisation des espèces, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il est important d'aller à contre-courant : quand une chose est restreinte ou interdite, c'est qu'elle est vraiment utile et qu'elle émancipe vraiment les gens. Aucune raison de s'en priver, donc.
La troisième motivation, c'est que les intermédiaires de paiement, ça coûte aux commerçants. Location (ou achat) du terminal de paiement, abonnement Internet pour que le bignou communique avec la banque, abonnement auprès de la banque, frais sur chaque transaction, réparation d'éventuels dysfonctionnements du terminal de paiement, etc. Tout ce qu'il faut pour faire chier une personne simple qui veut juste se lancer dans le commerce. Tout ce qu'il faut pour tuer le petit commerce, réduire le nombre d'acteurs, qui, du coup, parce qu'ils deviennent des puissances financières, deviennent incontrôlables et nuisibles à la société (non-respect du droit du taff, non-respect du client, non-respect de la fiscalité, etc.). Oui, les commerçants payent pour certains services bancaires (encaissement d'espèces au-delà d'un seuil, fourniture d'espèces par la banque, etc.), mais ça me semble moins coûteux que le système carte bancaire payant aux deux bouts, par le commerçant et par l'usager de la carte bancaire.
La quatrième motivation, c'est que l'utilisation d'espèces fait chier les banques et remplie les caisses de l'État. Les banques privées peuvent émettre de la monnaie scripturale (écriture virtuelle dans des livres de compte) en accordant des prêts, mais elles ne peuvent pas créer de la monnaie fiduciaire (pièces et billets). Ça, c'est du ressort des banques centrales nationales et européenne et des imprimeurs / fondeurs agréés. Les banques privées achètent les pièces et les billets à l'État dont elles dépendent. Et comme il ne faut pas 2 € de camelotes pour produire une pièce de 2 €, l'État encaisse un bénéfice. Sans compter la logistique des transferts de fond entre les agences et l'approvisionnement des distributeurs automatiques de billets. Au moins, ça rentabilise les prétendus frais de gestion de compte.
Depuis le début de ce shaarli, je considère les espèces comme ZE solution à la traçabilité. Oui, mais, en même temps, le choix est restreint.
Les paiements en crypto-monnaie sont tracés : la divulgation de l'association entre mon identité et mon adresse Bitcoin permet de retrouver toutes mes transactions passées et futures, leur horodatage, leur montant et avec qui elles ont eu lieu (si les adresses Bitcoin sont elles aussi publiquement associées à des identités) et à quelle fréquence. Exemple : sur son blog, Stéphane Bortzmeyer indique que l'adresse Bitcoin « 1HtNJ6ZFUc9yu9u2qAwB4tGdGwPQasQGax » est sienne. L'historique des transactions de cette adresse est public. Si l'un des donateurs de Stéphane révèle aussi publiquement que telle adresse Bitcoin est la sienne, et qu'il apparaît dans cet historique, soit l'un des deux ment sur l'association entre une adresse Bitcoin et son identité, soit l'un des deux s'est fait pirater, soit on est certain qu'une transaction a eu lieu entre ces deux personnes. Oui, il est possible d'avoir plusieurs portefeuilles et même des sous-clés, mais paye ta complexité pour quelqu'un qui recherche la simplicité. De toute façon, comme il est très difficile et énergivore d'obtenir des unités d'une crypto-monnaie populaire (donc acceptée par quelques commerçants, sinon ça sert à rien), il faut convertir des euros en crypto-monnaie. Les organismes de change réclament une identité (copie de la carte nationale d'identité, par exemple), comme leurs petits camarades. Certes, ils n'ont pas l'historique de mes transactions, mais la fréquence de change donne une idée de mon rythme consommation, donc de mon train de vie. Enfin et surtout, aucun petit commerce du coin de ma rue accepte les crypto-monnaies (ouais, y'a bien des cartes de débit en Bitcoin… adossées à un réseau comme Visa, donc traces de partout).
Les paiements en carte bancaire sont tracés : de qui, à qui, où, à quelle seconde, combien, à quelle fréquence. Les banques (du débiteur et du créditeur) disposent des informations puisqu'elles apparaissent sur nos relevés. Les réseaux Visa, MasterCard et autres également. Il paraît que ces acteurs voient uniquement passer des numéros de transactions imbitables, mais je n'en suis pas convaincu, et ça ne change pas trop le problème : ils connaissent l'heure, le montant et les numéros de compte engagés dans la transaction. Si la transaction se déroule sur le web, des intermédiaires de paiement en tout genre qui disposent des mêmes informations (Stripe, etc.) viennent très souvent se greffer. Enfin, la détention d'une CB est facturée par la banque en sus des frais de tenue d'un compte. Payer pour se faire tracer, en somme. Et, comme écrit ci-dessus, le commerçant doit payer lui aussi. L'identité (prénom + nom) de l'usager d'une carte bancaire est stockée dans la puce de ladite carte. En 2012, cette information (et l'historique des 20-120 dernières transactions) était accessible en NFC (= sans contact). Je ne sais pas si le terminal de paiement récupère cette information et l'imprime sur le ticket de caisse conservé par le commerçant, auquel cas le commerçant connaît l'identité de son client. Lors de transactions ponctuelles (non-récurrentes) sur le web, le commerçant peut stocker, pour un futur achat, le numéro de la carte, sa date d'expiration, le CVC et le nom de l'usager dans sa base de données si l'on ne décoche pas la case KiVaBien. Dans le cas d'un achat sur le web, le commerçant a connaissance de l'identité via l'adresse de facturation, de toute façon. En revanche, la plupart de nos achats en boutique ne sont pas liés à un contrat écrit nominatif, donc si le terminal de paiement stocke le nom de l'usager, le commerçant obtient bien une info supplémentaire sur son client.
Les paiements par prélèvement / virement bancaire sont tracés : de qui, à qui, à quelle seconde, combien, à quelle fréquence. Seule la localisation est inconnue (reléguée aux FAI ;) ). Notons que, pour les prélèvements, l'heure de la transaction est insignifiante car l'ordre de prélèvement est très souvent émis automatiquement. Les banques disposent des informations. Si la transaction se déroule via le web, il n'y a plus d'intermédiaires de paiement… à condition de refuser la validation d'une transaction par saisie d'un code reçu par SMS, sinon l'opérateur mobile devine qu'une transaction est en cours… En revanche, je ne sais pas comment fonctionne le réseau SEPA ni quels acteurs sont derrière (juste les banques ou trouzemilles autres acteurs privés ?)… La prise en compte des virements par les commerçants est bien longue à côté de l'immédiateté d'un paiement CB. Le commerçant et le client connaissent l'identité (prénom + nom) et l'adresse postale (déclarée à leur banque respective) de l'autre. Tout cela apparaît dans les détails d'un virement / prélèvement dans l'espace personnel du site web de la banque. Ce n'est pas forcément très grave car un virement ou un prélèvement est souvent associé à un contrat écrit nominatif (loyer, fourniture d'énergies, etc.) ou à une adresse de livraison, mais pas toujours. Pour émettre des prélèvements, il faut payer un abonnement et mettre en œuvre toute une machinerie branchée à l'outil de comptabilité. Notons que, même si tous les acteurs ne l'imposent pas, le prélèvement bancaire suppose d'envoyer une autorisation de prélèvement à sa banque, ce qui fait un petit côté paperasse chiante. Je suis également sceptique sur la sécurité : la date d'expiration d'une CB est une protection relative en cas de désaccord avec un marchand ou en cas de renouvellement tacite et dissimulé d'un abonnement, par exemple. La simple connaissance de mon RIB permet de prélever sur mon compte bancaire. En théorie, il faut autoriser le débiteur auprès de sa banque et un débit frauduleux est remboursé par la banque. En pratique, les banques laissent tout le monde prélever, ce qui peut être difficile à gérer si mon RIB est récupéré dans la base de données piratée d'un site web marchand. Le blocage d'une CB me paraît palpable comparé au blocage d'ordres de prélèvement multiples qui peuvent arriver depuis n'importe où… Comment change-t-on de RIB puisqu'il est composé, entre autres, d'un numéro qui identifie la banque et d'un numéro qui identifie un compte dans cette banque ?
Les paiements en chèque sont tracés : de qui, à qui, où (ça se falsifie), quel jour (ça se falsifie), combien, à quelle fréquence. Les banques disposent des informations. Il n'y a pas d'autres acteurs. Enfin… Tout comme le virement / prélèvement, je ne sais pas si les banques s'échangent directement les infos sur les flux financiers ou si des intermédiaires sont impliqués. En revanche, un chèque, c'est chiant à remplir (les petits commerçants n'ont pas de machine qui complètent le chèque en imprimant dessus), et chiant à déposer pour le commerçant. Sans compter la lenteur pour payer des achats sur le web. Comme les moyens précédents, le commerçant connaît ton identité et ton adresse postale (c'est écrit dessus)… Et il exige souvent de voir une pièce d'identité afin d'éviter les fraudes. Alors, oui, j'accorde ma confiance au commerçant, mais, même avec ça, ce n'est pas forcément souhaitable qu'il connaisse mon identité. Raison : déni plausible. Quand le bruit des bottes retentira, j'ai pas envie que ma librairie préférée associe mes saines lectures à mon nom + prénom + adresse postale, par exemple. L'une des banques sait quel jour (et, avec la surveillance vidéo, quelle minute) est déposé le chèque.
Les paiements en espèces ne sont pas tracés… pas directement, du moins. En revanche, il y a des témoins des transactions. Mais, la surveillance symétrique (je sais que tu étais présent à telle heure et ce que tu faisais là et toi tu sais que j'étais présent à la même heure et ce que je faisais) me dérange moins qu'une surveillance asymétrique massive. Il y a le flicage vidéo du commerçant et de la voirie (c'est bien pareil que les traces numériques conservées par les commerçants et les fournisseurs d'accès à Internet). La banque (voire les réseaux Visa, MasterCard, etc. en cas de retrait aux distributeurs automatiques) sait d'où sont retirées les espèces. Ça révèle où tu étais tel jour à telle heure. Le fait d'aller à un / deux / trois distributeurs et/ou guichets, ça dit dans quel secteur géographique tu vis. La banque sait quel montant tu retires et à quelle fréquence. Retirer 200 €/semaine, par exemple, ça donne une idée de ton train de vie. Si tu ne prévois pas un événement, tu devras retirer subitement plus d'espèces. La banque devinera un usage imprévu et son montant approximatif. Lisser les retraits, c'est-à-dire retirer plus que nécessaire, toujours la même somme, à la même fréquence, ça permet de gérer les imprévus… mais tu rageras en cas de cambriolage et de non-dépense du surplus… Je me suis demandé si les banques ne pouvaient pas consigner automatiquement, avec des scanners, à qui elles distribuent les billets (qui sont numérotés) et pour le compte de qui elles les encaissent. Cette traçabilité existe entre les banques centrales et les banques privées (des enquêtes journalistiques, comme celle sur un potentiel financement de la campagne électorale 2007 de Sarkozy par Kadhafi, en esquissent les contours) et probablement pour les grosses coupures distribuées aux particuliers. Mais, il apparaît très difficile de la généraliser et, surtout, d'en extraire une information utile : ce n'est pas parce que l'argent distribué à M. X revient en banque par le biais de Mme Y que cela signifie que X connaît Y : l'argent a changé plusieurs fois de main, surtout pour les petites coupures qui servent à faire le rendu, à casser des coupures plus grosses, etc.
Au final, aucun moyen de paiement est satisfaisant (ho, tiens donc, quelle surprise !), mais les espèces et les virements / prélèvements bancaires sont ceux qui virent le plus d'intermédiaires - voire le plus d'informations dans le cas des espèces - tout en restant pratiques.
Cela fait bientôt deux ans que je paye quasi exclusivement en espèces et par virement bancaire. Sur cette période, j'ai fait 5 exceptions, 5 paiements par CB sur Internet, car je n'avais visiblement pas trouvé d'alternative.
Évidemment, mes usages s'y prêtent. Il me semble impossible de réduire ses traces sans changer son mode de consommation tellement l'univers bancaire est le cœur du système de production et de consommation standard.
Je reçois un unique revenu par virement bancaire.
Je consomme peu… Un loyer (avec énergies incluses) payé par virement bancaire, des abonnements réseau et mobile payés par prélèvement bancaire, de rares services numériques payés par virement bancaire, de la nourriture, de la presse, des livres, et tout le reste payé en liquide… et c'est à peu près tout…
J'achète très peu sur le web, car, comme je l'ai écrit plus haut, j'aime le palpable (je vois ce que j'achète, le commerçant voit mon pognon), la simplicité (coucou les transporteurs de colis qui te rendent la vie infernale), la réduction des arnaques (tu retournes physiquement le produit, pas besoin de dialoguer par formulaire web, réseaux asociaux ou autres conneries pour obtenir un bon de retour, pas de frais de renvoi, etc.) et la non-traçabilité (mon identité, mon adresse postale et mon historique des achats ne sont pas stockés dans une base de données qui se fera forcément pirater un jour).
Je vis dans un centre-ville vivant et bien organisé dans lequel l'on trouve tout à proximité : presse, bazar, droguerie, mercerie, chausseur, marché, etc. Bref, tout plein de commerces à taille humaine et accueillants qui donnent pas juste envie de prendre les articles, de payer viteuf et de s'enfuir.
Il faut vraiment se sortir de la tête le préjugé qui voudrait que, lorsque l'on paye en espèces, on emmerde le commerçant et les autres clients. Entre les cartes muettes et les différents dysfonctionnements, j'ai souvent plus vite fait de dégainer l'appoint que d'autres de payer avec leur CB sans contact. Ben, oui, à force on connaît le prix (Canard enchaîné ? 1,20 €) et l'on additionne mentalement les prix affichés en rayon, donc on prépare la monnaie en avance.
De même, il faut vraiment s'ancrer dans la tête que tous les produits ne sont pas forcément exposés dans les rayons d'une boutique et qu'il est très souvent possible de commander le reste du catalogue… et ainsi, de payer en espèces et sous une fausse identité (un prénom + nom est souvent demandé pour commander). Bref, il ne faut pas hésiter à demander au commerçant s'il expose l'intégralité de son catalogue.
Évidemment, il faut déchirer sérieusement les tickets des distributeurs automatiques, car ils contiennent des informations dont on a écrit plus haut qu'elles permettent de remonter jusqu'à une identité précise… Dans une moindre mesure, il convient de faire de même avec les reçus de caisse. Mais ça, ces deux points sont aussi vrais avec le paiement par CB.
Évidemment, il y a des inconvénients au paiement en espèces (j'ai déjà évoqué ci-dessus le principal inconvénient du virement bancaire, à savoir la lenteur de prise en compte par le destinataire).
Les distributeurs automatiques de billets de ma banque (elle est populaire ;) ) ont une qualité de service déplorable : ils fonctionnent presque jamais. « Guichet momentanément indisponible » avant mon arrivée, ticket non imprimé, « centre d'autorisation pas accessible pour le moment » après la saisie du code et du montant désiré, redémarrage complet de l'ordinateur (Windows + l'applicatif) entre le client précédent et moi, voire non-distribution des billets alors que mon compte bancaire est débité réparée après une réclamation longue et pénible. J'ai signalé tout cela à ma banque par LRAR en avril 2019. 5 mois plus tard, je suis forcé de constater l'absence totale de progrès.
Et les limites absurdes, on en parle ? Le distributeur qui implémente l'algorithme glouton, ça donne un distributeur qui distribue majoritairement des coupures de 50 € pour tout montant de retrait supérieur à 50 €… Vachement pratique pour payer un Canard enchaîné à 1,20 €. D'autres distributeurs, comme ceux de la Banque Postale, par exemple, laissent le choix entre une majorité de billets de 50 € ou une majorité d'un mix 10 € - 20 €… Ha mais oui, je ne peux pas retirer plus de 300 €/semaine dans une banque concurrente et je suis limité à 3 retraits par mois dans une banque concurrente (peu importe les montants) sous peine de frais supplémentaires (1 €). Bref, le seul moyen que j'ai trouvé, c'est de retirer en plusieurs fois le montant désiré en utilisant des seuils pertinents. Exemple : demander 80 € me procurera 1 * 50 €, 1 * 20 € et 1 * 10 €, sauf les jours de chance où les billets de 50 € manquent à l'appel et où je reçois donc des billets de 20. Demander 40 € permet d'être sûr d'avoir au maximum des billets de 20 €. C'est hyper pénible pour récolter un montant lissé limitant les traces (voir ci-dessus), mais ça fonctionne.
Pourquoi je me laisse ainsi maltraiter par ma banque ? Parce que c'est pareil ailleurs, toutes pourries, et qu'il est impossible de construire quelque chose de plus éthique.
Évidemment, il va y avoir très bientôt de gros inconvénients au paiement par virement bancaire (et CB) via le web, puisqu'au prétexte d'une directive européenne (qui impose rien), les banques privées vont tenter d'imposer une validation des transactions avec leur application mobile remplie de mouchards et qui dépend des Google Apps (bonjour la nécessité de posséder un smartphone fabriqué en épuisant les ressources minières de la planète, adieu les systèmes d'exploitation mobiles personnalisés et plus respectueux de la vie privée comme Lineage OS) ou avec des boîtiers USB qui fonctionnent seulement sous Windows et Mac OS avec trois tonnes de merde dans le navigateur web.
J'ai du mal à concevoir comment je pourrais aller plus loin…
Segmenter mes transactions entre plusieurs comptes et utiliser des cartes bancaires prépayées ? Boarf, les lois anti-criminalité / anti-terrorisme ont tué le concept, c'est fliqué de partout (activation via Internet, donc déclinaison d'un bout d'identité), virement bancaire comme seul moyen de provisionner le compte, etc.). Bref, les banques verront toujours les virements d'approvisionnement…
Ouvrir un compte non-publié chez Clearstream ? Je n'ai pas le prestige requis. :D
On pourrait partager des moyens de paiement (CB, virements) au sein d'un groupe d'amis. C'est Titi qui est fliqué mais le bien profite à Toto et inversement. Ça permet également de casser l'analyse des habitudes de consommation et de déplacement. Mais ça nécessite aussi d'être partageur et d'avoir des amis partageurs tendance communards. Lors d'achats sur le web, il faut prêter attention à ce que l'adresse de facturation soit bien celle du payeur. J'ai le souvenir d'une commande Materiel.net bloquée car l'émetteur du virement bancaire n'était pas la personne mentionnait comme adresse de livraison + adresse de facturation. De toute façon, il vaut mieux que le payeur soit aussi l'adresse de livraison, sinon le commerçant sait que le payeur et le bénéficiaire du bien se connaissent. ;)
Lisser encore plus mes retraits d'espèces en retirant tout mon salaire ? C'est risqué et un coffre-fort ne protège pas contre la vulnérabilité humaine de son propriétaire.
Être plus rigoureux sur le lissage de mes retraits d'espèces afin de dissimuler mes imprévus ? Oui, j'ai encore du travail à ce sujet.
Au final, malgré le fait que ça soit bien la grouille (aucune solution satisfaisante) et que ça semble contraignant, je t'invite vivement à reprendre goût aux choses simples, à revenir au commerce local, à payer un maximum en espèces, ou, à défaut, par virement bancaire. Cela réduit ta traçabilité, c'est moins compliqué au quotidien que ce que l'on imagine, et la palpabilité du réel est agréable (non, je n'ai pas consommé de drogues avant d'écrire cette conclusion perchée, deal with mes émotions !).
Le vote électronique déchaîne les passions. L'argument clé de ses détracteurs est que l'ajout d'un ordinateur dans le processus rend le vote opaque (le citoyen ne sait pas quelle version du logiciel anime la machine, il n'a pas accès au code source de ce logiciel pour vérifier son fonctionnement, et quand bien même il y aurait accès, la compréhension de son fonctionnement nécessite des compétences poussées alors qu'un vote papier, c'est simplement des enveloppes et une urne) et moins sécurisé (toute machine se pirate, surtout si elle est connectée à Internet, et encore plus si son fabricant et/ou son exploitant est soudoyé pour la paramétrer de manière à favoriser tel ou tel candidat…).
J'étais de cet avis très tranché et radical… et puis j'ai participé aux élections professionnelles de la fonction publique du 6 décembre 2018. J'ai tenu une urne durant une heure (assesseur) et j'ai contribué à dépouiller deux urnes. Il y avait plusieurs scrutins afin de renouveler plusieurs organes. Tous les scrutins sauf un étaient papier. Ils étaient tous accessibles en présentiel ou par correspondance (en envoyant son enveloppe par La Poste aux ressources humaines de l'établissement). Un scrutin national se déroulait exclusivement via le web. Je parlerai très peu de ce dernier scrutin, car je ne remplissais pas les conditions pour être électeur et il n'était pas piloté au niveau local (traduction : difficile d'observer quoi que ce soit).
Ceux qui dénoncent les compétences nécessaires pour comprendre la complexité des machines à voter, avez-vous compris les règles d'un scrutin papier ? Nan, parce que c'est d'une complexité folle ! Le mode de scrutin, les modalités de participation (prof', administratif, durée du contrat, temps de présence effectif, etc.), les interprétations des règles, etc. C'est juste imbitable. Les jours précédant le scrutin, j'ai étudié le peu de documents fourni et, à la fin, j'avais le niveau d'un écolier qui récite sa leçon, autrement dit, j'avais environ rien compris. Cela signifie que le jour J, j'étais à la merci de ceux qui donnaient les consignes et veillaient à les faire appliquer, c'est-à-dire la direction des ressources humaines de mon établissement, c'est-à-dire l'organisateur, par procuration, des scrutins lui-même. Impartialité, vraiment ? Les règles d'un scrutin papier sont tellement limpides qu'il y avait des erreurs sur les listes d'émargement : tel collègue administratif n'était pas dans le bon collège (changement de catégorie, B -> A, dans les 6 derniers mois), tel autre collègue n'apparaissait pas (il avait pourtant une ancienneté de trois mois, insuffisante pour la majorité des scrutins, mais suffisante pour l'un des scrutins), etc.
Notons que nos petites associations (dont certaines se vantent d'être inclusives pouet pouet), ne font pas mieux… ARN, par exemple, définit ainsi le nombre de membres (présents ou représentés) nécessaire pour prendre une décision : « ARRONDI(RACINE( MEMBRES )*2) ». Même chose chez Nos Oignons sauf que le coefficient multiplicateur est 2,5. Ma mère ne sait pas ce qu'est une racine carrée. Mon père ne sait pas quelle touche d'une calculatrice permet de la calculer. Mon pote ne sait pas ce que signifie « MEMBRES » ? Nombre de membres actifs ? Ma pote se demande quel type d'arrondi ? Supérieur, inférieur, au plus proche ? Tout cela n'est évidemment pas explicité. Vérifiable par tous, hein ? Tout cela sera évidemment interprétable différemment en fonction de la vitesse du vent ou du nombre de membres présents à l'assemblée. Tu la sens la règle stupide inventée pour coller à la réalité ? En moyenne, le nombre de membres est 50. En moyenne, 15-20 adhérents participent aux assemblées, hop chions une formule dont le résultat tombe dans cette fourchette.
À ce stade, je ne conçois pas trop ce que changerait le vote électronique. Il y aura des bugs dans les machines à voter ? Comme il y en a chez les humains… Vérifier et contester demandera des compétences approfondies ? Comme maintenant. Oui, l'urne électronique ajoute nécessairement de la complexité, mais elle peut aussi réduire le nombre d'erreurs grâce à une mémorisation et une application stricte des règles du jeu, donc match nul, non ? La seule chose tangible qui change, c'est que l'on donne du pouvoir aux développeurs informatiques en sus des juristes… Chacun son charabia, en somme…
Passons à mon rôle d'assesseur d'une heure. Déjà, les urnes étaient en bois / métal donc pas transparentes. Premier couac : ma binôme était présente, mais quand elle a vu qu'un pigeon allait tenir l'urne, elle est partie. J'ai consigné son absence dans le procès verbal. Un collègue m'expliquera qu'elle est blasée de son taff, qu'elle se sent inconsidérée, etc. ce qui l'amène à une certaine fainéantise permanente. D'autres urnes étaient dans le même cas. Deuxième couac : un électeur n'apparaît pas sur ma liste d'émargement alors qu'il a bien toutes les caractéristiques pour voter à ce scrutin. Les consignes indiquaient que les listes d'émargement étaient figées après le 19 novembre, donc j'ai refusé son vote. L'organisateur du scrutin, les ressources humaines, a constaté qu'il apparaissait sur la liste d'émargement de son ancienne catégorie (B), donc qu'on allait le transférer sur ma liste (catégorie A). J'ai trouvé cela contestable, car un collègue de mon service n'est pas venu voter au motif qu'il n'apparaissait pas sur la liste d'émargement et qu'il était trop tard pour contester cette liste. Par souci d'égalité, ma conviction était de refuser son vote, mais, bon, soit. J'ai consigné cet événement dans le procès verbal. Je retiendrai que les règles sont interprétables au doigt mouillé et qu'une liste d'émargement figée ne l'est pas forcément. Le reste de mon tour de garde s'est bien passé. Quand je vois la virginité des autres procès verbaux, je me dis que soit je suis malchanceux, soit je suis tatillon. Je passe la main à ma successeure en essayant de lui expliquer les quelques règles que j'aurais voulues que mon prédécesseur explique au novice que j'étais.
Je me suis interrogé sur la manière de truquer mon urne, notamment dans le cas où un seul assesseur est présent. Déjà, les assesseurs tournants (deux par urnes par heure), ça limite le temps de fraude possible… mais avec des complices, ça passe. Ensuite, la disposition physique du bureau de vote semble également limiter la fraude : nous étions en carré dans une grande salle, chaque pair d'assesseurs voit les autres urnes de la salle. Et comme toutes les urnes ne sont pas sollicitées au même moment, les assesseurs inoccupés peuvent déporter leur regard sur leurs voisins. Notons que les malvoyants sont exclus de cette possibilité de surveillance réciproque, donc le mythe du vote papier vérifiable par tous, merci bien. La réalité, c'est que la plupart des assesseurs inactifs sont plongés dans leur smartphone ou un livre ou dans une discussion. À plusieurs reprises, j'ai approché ma main contenant une enveloppe de la fente de mon urne : aucune réaction. Si je bourre l'urne sans signer, ça se verra. Si je bourre et que je signe, il faut que je sois sûr que l'électeur correspondant ne viendra pas voter, sinon, ça se verra. À l'échelle de mon établissement, c'est facile : les agendas sont publics. Mais à l'échelle d'une circonscription électorale… On peut aussi se positionner sur le dernier créneau horaire, là où quasi aucun électeur viendra.
Cela me semble être pareil avec les machines à voter : si une liste d'émargement est tenue à l'écart, le recomptage montrera la fraude. Si le vote est conditionné à la saisie d'une information confidentielle ou biométrique, alors il faudra dérober cela et voter en s'assurant que l'électeur ne se présentera pas. Même merde. En présence d'une liste d'émargement séparée, et, par rapport au vote papier, le vote électronique facilite """"uniquement"""" l'altération des voix. L'impression d'un reçu ("vous avez bien voté pour X") ou tout autre mécanisme de vérification postérieur par l'électeur est vain, car le logiciel peut comptabiliser une voix pour Y et afficher une voix pour X (sans compter que certaines solutions compromettent le secret du vote). L'altération des voix nécessite la complicité du fabricant de l'urne électronique et/ou de ses exploitants (les gus qui installent et paramètrent la machine pour chaque élection). Et là, je doute : ça en fait, des gens à mettre dans la boucle… Même les projets secrets à fort intérêt (comme le projet Manhattan) ne sont pas secrets pour tout le monde (Staline savait)…
Je reviens quelques heures plus tard pour assister au dépouillement.
Nous attendons que les urnes de notre site géographique distant soient rapatriées… Par les ressources humaines… Ceux qui disposent des clés des cadenas des urnes et de 45 minutes de trajet en compagnie des urnes et des listes d'émargement… Il est très probable que le détenteur des clés fut le DRH et que les membres des ressources humaines mobilisés pour le déplacement ne pouvaient donc pas ouvrir les urnes sans complicité de la hiérarchie, mais, encore une fois, le vote repose sur la confiance… Comme le vote électronique ?
Une collègue jusqu'à alors inconnue et moi-même dépouillons une urne. Deux personnes pour une urne, ça fait un peu juste, ça se soudoie facilement. Mais d'un autre côté, je ne pense pas que la corruption fonctionne dans une relation un-à-un avec un statut hiérarchique identique (le risque encouru est trop grand pour une seule personne), sauf si la personne soudoyée se rend compte que les corrompus sont majoritaires autour d'elle (effet mouton). Nous sommes tous les deux inexpérimentés et nous tentons tant bien que mal d'appliquer les consignes, notamment sur le double comptage. Quand des incertitudes se présentent (seul exemple dont je me souviens mais pas le seul : quel vote compte, celui par correspondance ou en présentiel ?), nous demandons au DRH ce qu'il convient de faire. D'un côté, c'est cool, car ça garantit une application homogène des consignes pour tous les dépouillements en cours. De l'autre, ça permet aux ressources humaines d'orienter le résultat en décidant quelles voix comptent ou non…
Je participe au dépouillement d'une deuxième urne, bien plus conséquente (car plus d'électeurs potentiels). Nous sommes une dizaine de personnes, dont des chefs de sections locales de syndicats. Cool. On dompte deux fois le nombre de bulletins total, le nombre de bulletins pour chaque syndicat ou blanc ou nul. Cool. À la moindre divergence, quelqu'un d'autre recompte… et nous avons recompté 3 ou 4 fois. Cool. Un collègue déchire partiellement un bulletin en même temps que l'enveloppe, on le consigne afin que le bulletin ne soit pas considéré comme nul lors d'un éventuel futur recomptage. Par mégarde, je "jette" un bulletin d'une collègue dépouilleuse… À la fin, nous constatons un écart d'une voix dans les totaux. Pour une raison qui m'échappe lors de la rédaction de ce shaarli, nous n'étions plus en mesure de recompter, donc, après une discussion publique entre moi et la collègue, nous décidons collectivement de nous faire confiance, à moi et à la collègue, et d'attribuer la voix au syndicat que nous croyons être désignés par ce bulletin de vote fantôme et nous le consignons sur le procès verbal. Bref, beaucoup de surveillants et des erreurs isolées qui ne permettent pas d'influer sur le résultat.
Ensuite, les ressources humaines récoltent tous les procès verbaux des dépouillements et les saisissent dans un ordinateur. Un ordinateur et du code perfectible sont déjà dans la place ! L'ordinateur connaît le mode de scrutin, les listes de candidats et le nombre total de voix pour chaque, il peut en déduire quelles listes gagnent des sièges et qui, à l'intérieur de chaque liste, siégera (les noms sur les listes sont ordonnés, pour rappel et des quotas minimums sont prévus pour les perdants). Cette phase-là n'était pas publique, l'écran de l'ordinateur n'était pas visible par tous. Les ressources humaines étaient seules aux commandes.
Le président et le directeur général des services de l'établissement, en leur qualité de tenanciers des bureaux de vote, demandent aux présents de signer au hasard les procès verbaux définitifs, ceux issus de l'ordinateur, ceux qui mentionnent les gagnants. Ils sont épuisés et veulent en finir rapidement. Malins, ils sollicitent des gens avec lesquels ils ont eu des désaccords par le passé. Cette stratégie vieille comme le monde permet de renforcer la légitimité de l'organisateur du scrutin ("regardez, même mes """"opposants"""" ont signé, donc y'a pas de magouille !") et, en cas de contestation gagnante, de réduire la crédibilité du signataire, ce qui est tout bénéf' s'il s'agit d'un syndicaliste ("pourquoi t'as signé cette merde, t'es pas légitimé à défendre mes droits !"). Je suis sollicité. Je n'aime pas que l'on me presse et je n'avais pas participé au dépouillement du scrutin concerné, donc je me sentais illégitime à signer. Mais, pour faire bonne figure, j'exprime ma volonté de signer les procès-verbaux des scrutins que j'ai dépouillés. Je compare les chiffres (votants, nuls, blancs, voix pour chaque syndicat) avec ceux que j'avais consigné sur un bout de papier (j'ai constaté que personne d'autre n'a comparé avec un bout de papier, tous semblent avoir une excellente mémoire…). Ça correspond. Je signe.
Lecteur, as-tu remarqué que j'ai fait partiellement mon boulot ? Je me suis contenté de vérifier le nombre de voix et j'ai fait confiance à ceux qui ont paramétré l'ordinateur pour avoir saisi les bons paramètres de vote (mode de scrutin, etc.). Je n'ai pas vérifié les gagnants. Inversement, je présume fortement que des signataires ont vérifié les gagnants sans avoir participé au dépouillement donc en faisant confiance aux chiffres saisis dans l'ordinateur par les ressources humaines. Et ces inattentions ont leur importance… Un syndicaliste émet une réserve concernant un autre PV : il est quasiment certain que ledit scrutin doit désigner un titulaire et un suppléant. Or, là, deux titulaires et deux suppléants ont été désignés. Il doit s'expliquer à plusieurs reprises, faire face à la fatigue et au scepticisme ambiant, mais, au final, il avait raison ! Quand, en privé, je complimenterai son intégrité, il m'exposera, en somme, que je suis naïf : il n'est pas intègre, il a servi les intérêts de son syndicat. C'était eux, le 2e couple titulaire + suppléant. S'il avait rien dit, lorsqu'il aurait voulu siéger, il se serait fait rembarrer et si la supercherie avait durée, les décisions prises par l'organe auraient été annulées. Il valait mieux contester et espérer que d'autres paramètres de l'ordinateur étaient faussés ayant pour conséquence que son syndicat passe devant et obtienne les deux postes disponibles. Après coup, cela me rassure : la sincérité du résultat d'une élection ne repose pas uniquement sur l'honnêteté et l'intégrité de certaines personnes, mais aussi sur leur désirs et leurs intérêts contradictoires. Quelle meilleure garantie que cela ?
C'est la fin de la soirée, je discute nonchalamment avec notre directeur des ressources humaines. Il m'expose qu'il est content que ces élections soient terminées, car ses équipes sont épuisées par cette longue journée et les mois de travail préalables. C'est vrai que l'épuisement se lit sur les visages. Certes, ces personnes auront des récupérations pour leur temps de travail supplémentaire, mais quand même. Il m'expose que tout cela coûte de l'argent à l'État, vivement le vote électronique. Je contre-argumente. Fiabilité, possibilité pour le plus grand nombre de vérifier, sécurité, etc. Je ne le convaincs pas, mais il m'a écouté.
Les jours suivants, je réfléchis… Au final, il existe plein de moyens de truquer ou d'orienter un vote papier sans que ça se voit trop… Et pourtant, en moyenne, cela se passe plutôt bien. Il y a plein de moyens de truquer un vote électronique, surtout en l'absence d'une liste d'émargement séparée. Pourquoi en déduire que cela va forcément se passer plus mal que le vote papier ?
La sincérité des votes papier auxquels j'ai assisté reposait quand même beaucoup sur l'intégrité des membres des ressources humaines : rapatriement des urnes, applications des règles et prises de décision, saisie des voix et paramétrage de l'ordinateur, etc. Les ressources humaines peuvent avoir intérêt à truquer les votes locaux afin que le syndicat actuel, qui est peut-être consensuel, ne soit pas détrôné au profit des syndicats plus remuants (CGT, FO, etc.). Il peut être difficile, pour un assesseur, de s'opposer aux ressources humaines : ça peut faire une trace dans le dossier du concerné et lui coûter une promotion (changement de grade ou de catégorie, par exemple) ou une mobilité interne (c'est-à-dire un changement de service).
D'un autre côté, plus il y a de personnes présentes tout au long du scrutin avec des idées politiques diverses, plus la sincérité du scrutin me semble assurée. À condition que tout soit public en permanence. Or, ici, on voit que ce n'est pas le cas (rapatriement des urnes, saisie sur l'ordinateur, etc.). Une autre condition serait la diversité des dépouilleurs et leur rigeur… Le vote électronique (ou le vote à distance, sur le web) réduit drastiquement le nombre d'observateurs, c'est indéniable. Est-ce pour autant que le vote électronique nous fait passer d'une situation vaguement satisfaisante à une situation pire ? Je n'en suis plus convaincu… Et si nous idéalisions le vote papier ?
La semaine suivante, des rumeurs me parviennent. Des identifiants et des mots de passe permettant de voter au seul scrutin se déroulant sur le web ont été dérobés et utilisés. Chaque personnel et enseignant pouvait récupérer une feuille papier les contenant auprès des ressources humaines. Beaucoup ne l'ont pas fait. Cela n'aurait pas été perdu pour tout le monde. Je suis sceptique… Vu ma source, le tenancier d'un syndicat, je me dis que ça fait partie du jeu de faire tout un foin de quelques événements isolés afin de remettre en cause l'élection. Néanmoins, la semaine d'après, le Canard enchaîné évoque un vol conséquent desdits identifiants+mdp au sein du ministère de l'Intérieur (qui n'est qu'une branche de la fonction publique d'État)… Qu'en penser ?
Prenons de la hauteur et regardons les élections présidentielles, législatives et européennes.
Le dépouillement se fait publiquement au niveau des bureaux de vote, puis les chiffres sont remontés à la préfecture puis au ministère de l'Intérieur. Il y a aucun contrôle citoyen lors de ces remontées et agrégations. Peu de personnes sont présentes. Qu'est-ce qui empêche de magouiller les chiffres durant ces étapes ?
ÉDIT DU 11/09/2020 À 21 H 26. On peut aussi évoquer les magouilles avec les procurations qui semblent avoir émaillées les élections législatives de 2020 dans le sud de la France ? Cette pratique n'est pas nouvelle (exemple : annulation, par le conseil constitutionnel de l'élection de Tessier face à Tapie aux législatives de 1988). FIN DE L'ÉDIT DU 11/09/2020.
Il y a tellement de moyen d'influencer un scrutin (papier ou électronique) que je ne vois plus l'intérêt de pirater ou truquer une machine à voter… Le mode de scrutin (à un tour, à deux tours, majoritaire, proportionnel, mixte, etc.), le découpage des circonscriptions électorales, le nombre de bulletins mis à disposition dans les bureaux de vote (les petits partis n'avaient pas de bulletins pour les élections européennes, faute de moyens financiers pour les payer ; les piles de bulletins qui disparaissent des bureaux ne sont pas rares), les trouzemilles règles qui régissent un scrutin et qui peuvent être appliquées différemment en fonction des bureaux de vote (le grammage du bulletin de vote, les procurations, etc.), ou, plus simplement une bonne vieille campagne médiatique de dénigrement (coucou Poutou et Méluche, entre autres) puis d'appel au barrage républicain. Tous ces procédés sont légaux (notons que le vote électronique en supprime certains, comme la disponibilité des bulletins), alors qu'un piratage ou un trucage franc font encourir de sévères peines… Pourquoi prendre ce risque-là quand on peut faire autrement ? Néanmoins, les élections annulées de temps à autre par le Conseil constitutionnel illustrent qu'il y a un intérêt qui m'échappe…
Que le vote soit papier ou électronique, les citoyens sont les dindons de la farce dans les deux cas. Assumons que le vote n'est pas démocratique et passons à autre chose, non ?
En tout cas, en ce qui concerne le vote électronique, mon avis n'est plus aussi tranché…
Un livre-enquête sur les films pornographiques pro-am (professionnel-amateur) français. On pourrait croire qu'il s'agit d'un style artistique (peu de lumière, intimiste, etc.) ou que des amateurs tournent dans un milieu professionnel, mais il s'agit surtout d'un porno qui répond à une demande commerciale (d'où « pro »), mais dont les moyens de production sont très limités (d'où « am »). Ce modèle économique a émergé au début des années 2000.
Alors, forcément, on n'est pas surpris d'avoir confirmation de l'absence de contrats de taff, de l'existence de contrats de cession de droits signés avec des autoentreprises à la fin du tournage (utile pour marchander, a posteriori, le consentement des actrices. Tu ne voulais pas les 4 gaillards sur toi ? Allez, 100 € de rabe et on n'en parle plus), des acteurs qui absorbent du Kamagra (Viagra pas cher) ou qui se piquent à l'Edex, au Caverjet et au Bi-Mix pour maintenir leur érection, le non-respect fréquent du consentement féminin (un acteur initialement prévu pour une scène, quatre acteurs au final, une promesse de scène sans rapport anal est rompue par le producteur, actrices fragiles psychologiquement et financièrement, etc.), des blessures infligées souvent aux femmes (elle s'évanouit pendant un fist vaginal ? C'est l'effet d'un orgasme intense dit le producteur… ou d'une plaie de 6 cm dira le docteur. Mais, ce que ne précise pas le livre, c'est que si le diffuseur ajoute le tag « painful », la vidéo se vendra niquel…), la reticence des producteurs à retirer une scène de leurs sites web suite à la demande d'une actrice (au motif des contrats de diffusion ‒ voir ci-dessous ‒ et que des gens lambda la mettront à disposition sur les sites web gratuit ?), la prépondérance des marchés de niches standardisés - les fameux mots-clés - qui tuent l'imaginaire, etc.
On est toujours aussi peu surpris d'avoir la confirmation de l'existence d'inégalités et de clichés genrés et racistes. L'espérance de vie d'une actrice est de 6 mois à 2 ans, car elle perd de sa valeur marchande après dix tournages environ (le public veut de la nouveauté). Un mec peut tenir 15 ans. Un acteur peine à percer, car il y a trop d'offre tandis qu'une actrice peine à perdurer à cause de la demande du public. Les hommes sont moins rémunérés que les femmes, voire pas du tout quand les producteurs envoient des messages à leurs fans pour mater un tournage et y participer. Le salaire de l'homme est conçu comme un complément au plaisir qu'il tire du tournage. Pour la femme, on achète la marchandise prisée par le marché, son honneur, sa transgression des normes de la sexualité féminine et sa sexualité qui ne se donne pas, mais s'échange. Parfois, les actrices ne sont pas rémunérées non plus en échange d'une mise en avant de la vidéo sur le site web du producteur… Un Noir jouera très rarement un statut social supérieur (médecin, par exemple) et il embrassera moins sa partenaire, cela afin de conforter le cliché de la bestialité du Noir. Les actrices US sont payées plus cher pour une scène avec un Noir car cela détruirait leur carrière. Le Noir est dans le porno pour punir la femme blanche de sa sexualité jugée débridée. La réception sociale sera également différente : l'acteur est perçu comme le héros du quartier, il serre des paluches, l'actrice est drapée d'une mauvaise réputations et reçoit des sourires carnassiers.
On est un peu plus surpris de découvrir l'existence de réseaux et d'une division horizontale du travail. Des rabatteurs dénichent les potentielles actrices, notamment via les réseaux sociaux (celles qui participent à des shooting, celles qui font des cams, toutes ont des fans… futurs clients potentiels). Les acteurs amènent également de la chaire fraîche en échange de garanties de tournage. Des producteurs dans la dèche produisent les vidéos. Lui est chômeur, tel autre vit des revenus de sa concubine, tel autre vit avec l'aide de sa maman, d'autres exercent leur art en plus d'un métier conventionnel (agent d'accueil, vigile, etc.). Revenus en berne, loyers en retard. Une vraie guerre commerciale doublée d'une politique de la terre brûlée a lieu entre producteurs qui s'échangent parfois des tuyaux et des actrices pour survivre : les gros signent des actrices pour les dix tournages fatidiques, empêchant ainsi les petits producteurs de tourner avec elles (car elle est "périmée", voir paragraphe précédent). Notons que les mœurs des producteurs pro-am différent de celles de ceux du porno-chic qui les ont précédé : mouvement libertaire, contre-culturel et émancipateur pour les ancêtres contre milieu réactionnaire / blasé du monde, pro-FN, homophobe et misogyne pour le pro-am. Les scènes sont découpées, compilées, et revendues à prix cassé à quelques diffuseurs dont le leader actuel est Jacquie et Michel (ne cherchez pas Jacquie, le business est principalement tenu par Michel, ex de l'éducation nationale et son fils ; Jacquie, c'est la première personne qui a envoyé ses photos à Michel quand celui-ci voulait créer un site web après sa formation de webmaster financée par son droit à la formation). Sans originalité, ceux-ci déclinent toute responsabilité pour les illégalités commises sur les tournages, mais ils mettent en place des chartes, cessent de publier des vidéos directement produites par des réalisateurs trop critiqués négativement (pas de panique, ces réalisteurs bosseront en sous-main pour d'autres contractuels de J&M) et tout le baratin habituel. J&M procède par avance sur contrat (1 250 €) et partage du revenu des ventes durant quatre ans (la vidéo ne peut être retirée avant). À cause du jeu de revente de scènes à la découpe, il est difficile d'éviter du porno pro-am qui ne respecte pas le consentement ou le droit du travail… Même Dorcel, le porno-chic à la française revend du pro-am "crade"… J'imagine qu'il doit y avoir moyen de s'en sortir en prêtant attention aux labels et aux gammes, mais bon… Les « tubes », les sites web gratuits comme le réseau MindGeek (PornHub, Youporn, etc.), xHamster, etc., ont pris une place considérable : des producteurs pro-am déclarent que lorsqu'un de ces sites est en maintenance, la fréquentation de leurs sites web chute de 1 300 à 100 visiteurs/jour (j'en doute un peu : seul un léger logo permet parfois d'identifier l'origine des vidéos, je doute que les consommateurs de ces fast-food cherchent aussi massivement à remonter à la source). Les petits producteurs d'aujourd'hui, puissants d'hier n'ont pas vu les tubes débarquer alors qu'ils avaient eux-mêmes contraints la profession à s'adapter une décennie auparavant.
Les profils des actrices et des acteurs sont ceux que la presse nous a toujours présenté. Une minorité de femmes maîtrise la situation et tourne pour gagner rapidement un fric d'appoint pour des vacs ou autre. Une écrasante majorité est composée de femmes précaires qui dépendent des producteurs pour vivre, au point parfois de """"racoler"""". Certaines viennent de ZUP, sont des oubliées sociales, ont été violées, battues, ont des parents internés en hôpital psychiatrique, etc. D'autres ont un trouble dissociatif de l'identité ou une irrationalité chronique médicalement reconnues. Les producteurs ne vérifient pas, car ça les obligeraient à changer de modèle de """"recrutement"""". Elles débarquent dans ce milieu via des rencontres fortuites. Une majorité d'hommes revendique un choix conscient « pour se vider les couilles », mais derrière, on trouve minoritairement une misère sexuelle dans l'adolescence / début de la vie active, des moqueries, etc. Pour les femmes, le porno est un moyen de chercher son identité / découvrir des trucs, d'acquérir une célébrité pour exister / qu'on s'occupe d'elles (240 fans Twitter qui encouragent), de se venger ("t'as dit que je suis une salope ?! Ouais, je serai la meilleure des salopes !") voire de s'auto-détruire. Certaines jouent les femmes fortes qui maîtrisent, disent refuser les rapports anaux qu'elles détestent à cause de la douleur ou les bukkakes qui leur brûlent les yeux / peau… mais renoncent finalement à faire valoir leur choix face au producteur. Mêmes celles qui prétendent assumer grave ont des idées morbides. Au début, j'étais sceptique face à ces témoignages, car l'auteur à très bien pu les sélectionner afin d'être conforme à l'attente sociale qu'une femme qui tourne dans des pornos est une femme fragile exploitée. Mais, au final, je trouve tout cela crédible : il y a tellement de gens malheureux dans leur taff, qui s'auto-détruisent (burn-out, bore-out, etc.), qui subissent des accidents prévisibles, qui n'ont pas de contrat de taff, qui sont sous-payés, etc. qu'il est statiquement normal de retrouver cela dans le monde du porno bas de gamme… L'auteur explique d'ailleurs que la connaissance des coulisses ne change pas le comportement des fans de pro-am, car le plaisir passe avant l'éthique… comme un consommateur lambda, en fait ? La différence, c'est que les réseaux de la grande distribution (par exemple) sont socialement admis, pas le porno.
Je ne résiste pas à l'envie de recopier cette phrase tirée de l'entretien téléphonique avec Thibault, le fils de Michel et directeur général du site web Jacquie et Michel : « Mais, du coup, dans ton bouquin, ça va être dur de dépeindre le truc sans que ça soit trop sordide ? »
Je recommande la lecture de ce livre, car il est pédagogique, même si, plutôt souvent, le ton qui y est employé est gonflant. Tantôt l'auteur en fait des tonnes pour exposer qu'il a fait de nombreuses démarches, qu'il a donné de sa personne sur des tournages (en restant derrière la caméra, faut pas charrier), bref qu'il a tout donné. Tantôt l'auteur devient moralisateur : telle pratique sexuelle est pas cool selon ses critères donc les actrices ne peuvent pas être consentantes et celles qui lui répondent qu'elles le sont, sont des exploitées qui ne peuvent pas répondre autre chose si elles veulent continuer à tourner, donc à bouffer…
J'ai déjà évoqué ici-même les années de plomb, c'est-à-dire ces dizaines d'années de violence politique dans toute l'Europe de l'Ouest. J'ai pointé des ressources audiovisuelles concernant quelques groupes militants d'extrême-gauche qui, constatant l'échec des méthodes de contestation politique traditionnelles, avaient fait le choix de commettre des attentats politiques ciblés (séquestration de PDG et de politiciens, assassinat de politiciens, de juges, de membres de cabinets ministériels, braquages, bombes, etc.) : Action Directe (France), la Fraction Armée Rouge (Allemagne), et les Brigades Rouges (Italie).
Ce que je n'ai pas encore écrit, c'est qu'à cette époque, la violence politique émanait d'un peu partout, y compris de la droite et de l'extrême-droite (attentats à la bombe de 1969 en Italie). On sortait de la deuxième guerre mondiale (donc il y avait des gros bras à canaliser / réintégrer dans le civil) et de la guerre d'indépendance de l'Algérie (l'arrivée de De Gaulle est un quasi coup d'État pour empêcher celui des militaires pro-Algérie française), on était en pleine guerre froide avec une peur des communistes (par ailleurs, le service d'ordre du Parti Communiste n'était pas tendre), sans compter les attentats d'extrême-gauche sus-cités et les attentats dits islamistes à la fin de cette période des années de plomb (1985-1990). Bref, pour beaucoup, la nation était en péril.
Cette bande dessinée, réalisée par un journaliste et un dessinateur se penche sur le Service d'Action Civique (SAC). Il s'agit d'une association crée en 1960 pour, en façade, soutenir et promouvoir De Gaulle et sa politique dans le contexte explosif sus-mentionné. En réalité, il s'agissait plutôt d'une milice privée qui assurait la sécurité des meetings du parti gaulliste, qui veillait sur les militants gaullistes qui distribuaient des tracts ou qui collaient des affiches (à cette époque, cela se faisait avec des flingues…), qui brisait les grèves des ouvriers, etc. Les membres avaient diverses origines : grand banditisme, anciens de la guerre d'Algérie, politiciens, services secrets, etc. Des membres du SAC ou des correspondants étaient "infiltrés" un peu partout : police, justice, syndicalisme, gouvernement, ORTF, etc., ce qui constituait un puissant réseau d'influence. Le financement du SAC provenait des cotisations des membres (5 francs ;) ), du budget des frais de police du ministère de l'Intérieur (qui sert aussi à rémunérer les indics), de la rémunération pour pose d'affiches électorales pour le compte du RPR, de la Françafrique, du monde des jeux, de la filière belge d'armes et de drogue, etc. Le SAC disposait d'un atelier de fausse monnaie à Seyne-sur-Mer qui profitait aux services secrets (financement de leurs opérations). La pègre aidait l'OAS en échange d'une impunité procurée par le SAC et son fameux macaron bleu-blanc-rouge. Suite à la tuerie d'Auriol en 1982 (Jacques Massié, membre du SAC semble en pincer pour Mitterrand, le SAC veut récupérer des documents, Massié et sa famille sont assassinés par le SAC), l'association est dissoute par le gouvernement Mitterrand et une commission d'enquête de l'Assemblée nationale tente de faire la lumière sur le SAC… sans trop de succès, car les membres du SAC refusent de parler, prétendent que c'est une petite association inactive sans histoire ou s'énervent "vous ne me faites pas peur !". Le SAC, et notamment sa partie Françafrique, survivront longtemps à l'alternance. Lors de son meeting de campagne du 26 janvier 2007, Sarkozy évoque Boulin… pour marquer son appartenance (il s'agissait d'un discours sur la droite en général) ou signifier qu'il détient des informations et qu'il veut mieux ne pas venir le provoquer ? En 2015, la fondation De Gaulle se trouve dans d'anciens locaux du SAC et son président en est Jacques Godfrain, un membre du SAC. Ça en dit long.
Ce livre se consacre à 3 dossiers liés au SAC (j'exclu l'inintéressante tuerie d'Auriol sus-mentionnée) : les milices patronales, l'assassinat du juge Renaud et l'assassinat du ministre du travail Boulin.
Commençons par les milices patronales post 1968. La Confédération Française du Travail, qui s'est renommée Confédération des Syndicats Libres après l'assassinat d'un syndiqué salarié, et les sociétés d'intérim Nota et Siter, entre autres, servaient à maîtriser les syndicats salariés, notamment la CGT et la CFDT (jugée très gauchiste à l'époque, les temps changent). Ces milices patronales n'étaient pas constituées uniquement de membre du SAC, mais aussi d'anciens de l'OAS, des truands, etc., tous les milieux où il y avait des gros bras, en fait, mais le SAC en était le noyau dur. Que faisait-elles ? Elles « aidaient les syndiqués [ salariés ] à avoir des malaises » (citation issue de la commission d'enquête de l'Assemblée sur le SAC), elles surveillaient les usines (faux ouvriers qui ne travaillaient pas mais qui rodaient et discutaient en permanence) et les syndiqués (avec des enquêtes d'environnement dans les quartiers d'habitation), elles tabassaient les membres de syndicats salariés (sutout lors de la distribution de tracts à la sortie des usines), elles essayaient de les faire licencier (en leur vendant de l'alcool, interdite sur le lieu de travail, ou en cachant des outils de travail, des forets, par exemple, dans leurs habits civils), elles sabotaient leur voiture (freins…). Il y avait aussi les nervis qui, eux, travaillaient mais qui pouvaient s'absenter à tout moment pour poser des affiches pour les campagnes électorales du RPR, pour escorter des personnalités politiciennes ou pour bastonner des syndicats salariés avec des chaînes de vélo et des matraques. Des policiers membres du SAC fouillaient les poubelles de la CFDT.
Assassinat du juge Renaud en 1975. Décontracté et incorruptible, il aurait été assassiné par le gang des Lyonnais, car il aurait été en train de prouver qu'une partie de l'argent dérobé lors d'un des braquages du gang, celui de l'hôtel des postes de Strasbourg, aurait servi à financer l'UDR (ex-RPR-UMP-LR), le parti gaulliste. Un proche du gang des Lyonnais donne des détails sur le déroulé de l'assassinat… détails non publiés par la police. Le chef du gang, Edmond Vidal, laisse entendre, lors de son audition, que c'est un acte politique. Comme beaucoup de truands Lyonnais, Vidal dispose de la carte bleu/blanc/rouge passe-droit du SAC. En 2014, il confirme à des journalistes qu'une partie de l'argent du braquage de Strasbourg a financé l'UDR. Le gang échappe aux barrages de police dressés dans toutes la France (grâce au macaron du SAC ?). Quelques jours avant sa mort, le juge Renaud reçoit deux membres du SAC qui l'incitent à la plus grande prudence sur ce dossier, et, le juge souhaite voir en présentiel une amie d'enfance. Le bureau de l'avocat de la famille du juge est incendié après la déclaration de l'avocat dans la presse selon laquelle il est nécessaire de suivre les flux financiers pour comprendre l'affaire. Je note que la greffière du juge Renaud, une amie d'enfance du juge, et un commissaire proche du juge divergent : elles croient au financement de l'UDR via le SAC, lui non.
Assassinat du ministre Boulin en 1979. Il aurait eu l'intention de balancer le financement du RPR par la Françafrique. À cette époque, la presse, prévenue par le RPR, semble-t-il, se déchaîne sur lui pour un terrain acquis avantageusement auprès d'Henri Tournet, un proche de Foccart (co-fondateur du SAC), ce qui laisse penser à un suicide. Tournet avait sollicité l'aide de Boulin pour construire un lotissement, demande refusée par Boulin. Avant le jour J, Boulin et ses proches ont reçu des menaces et les alertes habituelles. Le jour J, proche du lieu, une témoin le voit dans une voiture en compagnie de mecs à l'expression faciale pas sympa. Dans sa voiture, un mot indique que les clés sont dans sa poche (quel suicidé fait ça ?). Il y a des traces de pas bidirectionnelles entre la voiture et la rive (quel suicidé revient sur ses pas ?). Le procureur Louis-Bruno Chalret, proche du SAC (il connaît également la personne qui menaça le juge Renaud), informé en pleine nuit, dessaisi les gendarmes qui étaient déjà sur place. L'autopsie est bizarre… Le visage en est exclu alors que plusieurs témoins de la famille, dont le kiné de Boulin, l'ont vu dans un sale état lors de la remise du corps post-autopsie. Elle ne cherche pas la présence d'eau dans ses poumons (ça peut être intéressant pour prouver un suicide par noyade, non ?). Elle ne cherche pas d'éventuelles fractures. Les lividités cadavériques (le sang "descend" par gravité et laisse des marques sur la peau) se trouvent sur le dos, alors que Boulin est retrouvé """"en levrette"""" dans l'eau (donc les lividités cadavériques auraient dû se situer dans les jambes, le ventre, le visage, etc.). Il n'a pas absorber une quantité dangereuse de médocs. Des proches de Boulin, le procueur Chalret, Pasqua, etc. sont prévenus avant la découverte officielle du corps par la police. La nuit du meurtre, Achille Peretti, proche de Foccart et de Pasqua, qui lancera Sarko en politique, débarque en pleine nuit chez la famille Boulin et conseille de rendre les dossiers sinon « on va tous y passer ». Le même relayera, à la femme de Boulin, une proposition financière en échange de son silence (cette conversation fut enregistrée).
Quelques notes :
Pour faciliter des recherches ultérieures, je note l'identité de quelques membres du SAC : Charles Pasqua, Jacques Foccart (monsieur Françafrique de De Gaulle), Alexandre Sanguinetti, Pierre Debizet, Jacques Godfrain (son nom est aussi donné à la première loi qui criminalise le piratage informatique), Roger Frey, Robert Galley, René Tomasini, Marcel Francisci, Maurice Boucart (filière financière belge du SAC), Paul Comiti, Jean Augé, Jean Schnaebelé.
En bref, je recommande la lecture de cette bande dessinée, car elle est très pédagogique. Tout comme la dernière bande dessinée d'enquête que j'ai lue, [Grandes oreilles et bras cassés)(/?YNeekw), je n'arrive pas à percevoir l'intérêt de ce format, car je trouve que l'image exprime rien, qu'elle apporte pas d'informations par rapport à du texte, à l'inverse des bandes dessinées de la blogueuse Emma où l'image illustre des émotions.
Un livre de développement personnel écrit sous la forme d'un roman. Original.
Ce livre traite deux grandes thématiques : les croyances limitantes et l'inépuisable « réussir sa vie ».
La première partie a rien d'original pour qui a lu les accords Toltèques : toute notre vision des choses, toute notre vie est basée sur l'interprétation que nous faisons du monde qui nous entoure. Nous filtrons la réalité car il y a trop d'informations à assimiler par nos cinq sens. Ce que nous retenons dépend des filtres que nous appliquons et donc de nos croyances : si l'on est convaincu que le monde qui nous entoure est hostile, nous retiendront que ce chien semble dangereux, que cet homme a une démarche dangereuse, que ce plancher qui grince est dangereux, etc. Nous croyons en permanence et nous agissons de manière à confirmer nos croyances. Quelqu'un qui se pense inintéressant aura des prises de parole hésitantes, confuses, monotones, etc., ce qui le rendra inintéressant et fera que quelqu'un lui coupera la parole, ce qui confortera sa croyance : il est inintéressant. Prophétie autoréalisatrice et croyance renforcée. Nos croyances ont des effets négatifs et positifs. Même croire que tout le monde est méchant a un aspect positif : l'absence de naïveté et la protection que l'on construit autour de soi nous protégeront, alors que la personne qui pense que tout le monde est tout le temps gentil aura développé aucune protection et sera donc plus vulnérable. Nos croyances viennent de l'enfance, d'autrui, et de la conclusion que nous tirons de nos expériences. Ces conclusions peuvent être inconscientes ou être des généralisations au lieu d'être circonscrites : c'est un échec à un instant T (instant de fatigue ?), dans un lieu donné (était-il propice à cette activité ?), dans un contexte donné, avec un niveau d'expérience donné, etc. Aucune raison de ne pas réessayer après avoir corrigé ce qui fait défaut.
La deuxième partie est tout aussi classique dans le monde du développement personnel. Qu'est-ce qu'une vie réussie ? Se conformer à ses souhaits. Exprimer ses compétences. Respecter ses valeurs. Donner le meilleur de soi (l'humain s'épanouit dans l'exigence de soi et se complaît dans le laisser-aller). Rester en harmonie avec qui on est. Se consacrer à autre chose qu'à nous-même, même si c'est infime et indirect, comme un sourire pour les autres. Si l'on ne respecte pas nos valeurs, on ressent une gêne, un léger malaise, un sentiment de culpabilité. Comment savoir si l'on est en harmonie avec soi-même ? Si tu te sais mourant, quels moments de la semaine passée conserves-tu ? Si tu gardes seulement 30 % de tes activités, c'est que tu n'es pas en harmonie avec toi-même. Il faut découper ses souhaits en tâches et, pour chaque, associer les compétences requises avant de se demander si l'on les possède, si quelqu'un qui les possède peut nous aider ou si nous pouvons les acquérir. Ressentir qu'on n'arrivera pas à mener une action à bien, c'est l'affirmation consciente qu'il manque une réponse à la question inconsciente « comment puis-je réaliser cela ? ». Il faut s'entourer de gens qui te croient capable de faire ce que tu souhaites. Il ne faut pas se laisser déstabiliser par des gens qui se réconfortent en te rabaissant ou qui ont besoin que tu sois une victime afin d'être ton sauveur ou à qui ton courage leur rappelle leur absence de courage. Les choix qui nous font avancer et nous satisfont sont ceux qui nous coûtent, mais on a toujours le choix, même pour un boulot moins bien payé mais plus épanouissant qui entraîne un logement plus petit, qui, si on quitte son logement actuel, entraîne un éloignement de la famille et des amis. On ne peut pas être heureux si l'on se croit être une victime permanente des événements et d'autrui.
Quelques notes :
Je suis mitigé voire en désaccord sur les points suivants :
Évidemment, comme tout bouquin de dév' personnel, celui-ci aussi contient son petit lot de propos charlatans qui peuvent être dangereux : un placebo guérirait le cancer, « envoyer de l'amour » (ce n'est pas défini) permettrait de guérir des cellules cancéreuses dans une boîte de Petri.
Pour conclure, je ne résiste pas à l'envie de recopier cette petite blague : pourquoi un homme éjacule par saccades ? Parce qu'une femme avale par gorgées.
En bref, ce livre est agréable à lire. Il condense, sous forme de roman, des idées clés du mouvement de dév' personnel. Je ne pense pas que la méthode proposée (découper ses souhaits en actions, etc.) est efficace, entre autres car le narrateur-auteur va trop vite pour suivre la recette et acter ses choix décisifs d'où j'ai du mal à m'identifier à lui, mais, au moins, ce livre ne présente pas les fumeuses tirades vide de sens destinées à s'encourager et à résoudre tous nos problèmes, tirades habituelles dans le milieu.
Ce livre du député-journaliste Ruffin se présente comme une lettre adressée au Président Macron pour lui présenter les gilets jaunes, et plus largement, la France du bas avec laquelle il a construit zéro lien.
Ce livre a rien d'original. Ruffin décortique le CV de Macron afin d'illustrer la déconnexion des élites. Cette partie est bigrement pertinente, je vais y revenir. Néanmoins, comme dans Fakir, le style de Ruffin est lourd. Des pages et des pages pour introduire une ouvrière. Une négation du vécu de Macron qui apporte rien (exemple : "t'es resté peinard derrière les murs protecteurs des différentes écoles que t'as fréquenté pendant que moi je me suis ouvert aux autres"). Le « moi, je » habituel de Ruffin. Parfois, je crois percevoir de la jalousie quand Ruffin évoque la belle gueule et le charme de Macron qui lui rendent la vie plus facile au lycée, ainsi que la prétendue « pauvreté » de son style littéraire. Je ne comprends pas en quoi tout cela aide la critique. En revanche, je mesure combien ça alourdit le bouquin.
Le nombre des interconnexions entre Macron et les politiciens, les médias et les industriels est impressionnant et le rappel de Ruffin est salvateur. Avec ça, Macron peut toujours prétendre, comme d'autres, qu'il s'est fait tout seul…
Quelques notes :
Bref, c'est un livre que l'on peut lire, mais sans plus. À mes yeux, seul le travail journalistique de rappel minutieux du CV de Macron est intéressant.
Ce livre contient les paroles de la pièce de théâtre interprétée par le célèbre avocat pénaliste (entre autres). Je n'ai pas assisté à une quelconque représentation.
Cette pièce relate son enfance, le début de sa carrière, ses expériences professionnelles et surtout ses coups de gueule.
La partie sur son enfance est courte : petit fils d'immigrés italiens qui vit la xénophobie de la France des années 60, l'assassinat de son grand-père et la mort de son père cancéreux. Autant d'injustices qui le motiveront, comme l'annonce de l'exécution de Ranucci et son intention de séduire les femmes par les mots, car il ne pense pas être capable de « pécho en teboi ». Le début de sa vie pro est résumée aux galères pour obtenir du travail d'un avocat qui veut se consacrer exclusivement au pénal (il échouera) et la prise sous son aile par l'avocat toulousain Alain Furbury.
Concernant son expérience professionnelle et ses coups de gueule, les thématiques abordées sont le rôle de l'avocat défenseur, le blâme du rôle institutionnalisé de victime, le tribunal médiatique, la liberté d'expression et la délation, ainsi que la moralisation rampante de notre société (sur des œuvres, la cigarette est effacée du bec de fumeurs notoires comme Malraux ou Gainsbourg ; être vegan ou un gros crevard ; faire du sport, etc.).
Je regrette que les définitions soient uniquement dégrossies par des exemples et que les prises de position soient aussi peu argumentées et aussi peu nuancées en mode "c'est comme ça et pis c'est tout". Comment convaincre quiconque que les déjà convaincus ?
Quelques notes intéressantes sur le rôle de l'avocat, de la victime et du juge :
Bref, c'est un livre que l'on peut lire, mais sans plus. Les non-initiés sont très peu pris en main dans la définition du rôle de l'avocat, de la victime et de l'institution judiciaire. Le reste n'est qu'une compilation de coups de gueule sans nuance enchaînés au débit d'une mitraillette. On est content quand ça s'arrête. Je recommande plutôt la lecture du recueil de trois plaidoiries de François Sureau orientées sur la question des libertés.
Suite de Les Prud'hommes virent les ordonnances Macron concernant le "barème Macron".
C'est fait, la Cour de cassation a sifflé la fin de la rébellion d’une quinzaine de conseils de prud’hommes s’opposant au plafonnement des indemnités dues aux salariés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Concoctée par le gouvernement Macron, cette mesure est censée favoriser l’emploi en simplifiant le licenciement… Eh oui, les employeurs seraient bien plus enclins à embaucher s’ils n’avaient pas si peur de devoir payer cher pour virer. Hardi et hasardeux !
Jusqu’ici, les juges appréciaient chaque situation au cas par cas. Aujourd’hui, la loi restreint énormément les indemnités des licenciements abusifs, désormais fixées à un mois de salaire par année d’ancienneté et à vingt mois pour une présence de vingt-neuf ans.
Dans la majorité des cas, ce plafonnement change environ rien. L'écart apparaît dans les TPE et pour les salariés ayant plus de 10 ans d'expérience. Le plus grave, à mon avis, est que cela empêche les tribunaux de sanctionner fortement les licenciements indignes, plus rares. Or, la proportionnalité de la sanction en fonction de la gravité de l'acte me semble très important si l'on veut pouvoir parler de justice.
Cela n’a pas empêché les plus hauts magistrats du pays d’estimer cette disposition « compatible avec la convention de l’Organisation internationale du travail ».
Même si leur « avis » n’est pas contraignant, il dessine l’horizon juridique. À l'humiliation d’être congédié — sans raison, faut-il le rappeler ? — et de pointer au chômage s’ajoutera une compensation limitée. Premier « succès » : sans même attendre la Cour de cassation, les procédures prud’homales ont déjà bien chuté ! Mieux vaut s’écraser et transiger au plus bas plutôt que se lancer dans une interminable et coûteuse procédure, pour zéro bénéfice…
En période de fort chômage, tout cela serait excellent pour l’emploi !
Dans le Canard enchaîné du 24 juillet 2019.
Vols d'œuvres d'art et de vaisselle dans les ministères, à l'Élysée, dans les mairies, dans les ambassades, etc. durant des décennies Moi qui pensais qu'il y'a que les sales pauvres, les bougnoules, les arabes et les allocataires de minimums sociaux qui piquent dans les caisses de l'État. On m'aurait menti ? :O
Tout de même : 50 000 œuvres disparues, 2 300 plaintes déposées ! C’est le beau bilan, dressé par la Commission de récolement des dépôts d’œuvres d’art, de quelques décennies de vie agitée dans les palais de la République, les ministères, les musées, les mairies et autres ambassades (« Le Parisien », 6/7). L’Etat prête des biens mais ne les revoit pas toujours. Tableaux, meubles, vaisselle, statues, décorations… Envolés, piqués, revendus à l’occasion sur Le Bon Coin. Le haut personnel n’est plus ce qu’il était !
Rien qu’à Matignon, une soixantaine de plaintes ont été déposées. Mais les dernières « disparitions » concernent l’Elysée : sept vols au total, qui font l’objet de recherches actives des flics de l’art. La découverte de ces larcins date de décembre 2012. Voilà qui innocente d’emblée Macron et son entourage. Et laisse peu d’espoir de retrouver des œuvres chez François Hollande : Pépère n’allait quand même pas jouer le piqueur six mois seulement après son élection !
Dans ce Cluedo élyséen, il reste de sérieux suspects. Comme le résume le dénommé Jean-Philippe Vachia, patron de la fameuse Commission de récolement : « Jusque dans les années 2000, il faut le reconnaître, nous avions beaucoup de salariés de grandes institutions qui prenaient un souvenir en quittant les lieux. »
Sarkozy dans le salon Doré avec la clé à molette ? Chirac dans le salon Napoléon-III avec la corde ? A l’Elysée, un « buste en bronze » a notamment été volé, paraît-il. S’il s’agit d’une statue de Kadhafi, ça, c’est du Sarko tout craché ! Parmi les objets disparus, il y a également des « statuettes en bois et en terre cuite ». Holà, ça sent le Chirac à plein nez !
Gare au Macron : en quittant l’Elysée, il est capable d’embarquer la statue de Jupiter…
Dans le Canard enchaîné du 24 juillet 2019.
La cour d'un tribunal doit être majoritairement composée de magistrats en poste (titulaires, non retraités). Or, face à la pénurie (250 magistrats et 484 greffiers font défaut), de plus en plus de jugements sont rendant par des tribunaux incorrectement constitués, sans que l'on sache (ou qu'on le veuille ?) les quantifier…
En annulant, le 8 juillet, un jugement du tribunal de Cusset (Allier), la cour d’appel de Riom a déclenché un fameux bazar. Un prévenu avait été condamné, le 24 janvier, à 5 ans de prison — dont 1 an avec sursis — pour agression sexuelle. Mais son avocat, Yves Levano, a découvert que, sur les trois juges ayant siégé le 24 janvier, seul le président était un « vrai » magistrat. Les deux autres étaient des retraités, l’un magistrat honoraire, l’autre à titre temporaire.
Une justice pleine de trous
Problème : plus de deux retraités au sein d’une « formation collégiale », c’est interdit depuis une décision du Conseil constitutionnel, suivie par la loi Belloubet de mars.
Si l’un des jugements du 24 janvier à Cusset est « illégal », tous ceux rendus ce jour-là par le même tribunal auraient logiquement dû être annulés aussi. Pourtant, ils ne le seront pas, le délai d’appel ayant expiré… Question : combien d’autres jugements « illégaux » ont ainsi été rendus, en France, par des tribunaux « illégaux » ?
« Ces irrégularités sont rares », assure-t-on à la Chancellerie, en se fondant sur celles qui sont « constatées ». Et celles qui passent à l’as ? Tout le monde n’est pas doté d’un avocat vigilant. La preuve : à Cusset, un seul a fait appel…
Or les postes vacants sont nombreux, Fin 2018, 250 magistrats et 484 greffiers faisaient défaut. Selon le rapport sénatorial sur la loi de finances 2019, on arrive même, en comptant les arrêts maladie ou maternité, à « plus de 30 % d’effectifs manquants ». Pour combler ces trous béants, 167 juges honoraires et 508 « à titre temporaire » officient dans les tribunaux de France aux côtés des 8 537 magistrats professionnels.
Vu les contestations qui s’annoncent, il va falloir recruter dans les cours d’appel !
Dans le Canard enchaîné du 24 juillet 2019.
Comment contourner massivement les contraintes de l'interim ? Créer des associations sans but lucratif nommés Groupement d'Employeurs qui emploient et facturent des heures travaillées aux membres de telles assos (Carrefour, La Poste, Geodis, Auchan, Casino, Intermarché, Vente privée, Danone, Nestlé, Cdiscount, etc.). Ainsi, les employés peuvent facilement bouger d'un client à un autre et ils ont des droits (pas de formation pro, pas de comité d'entreprise, etc.) et une paie au rabais (primes inférieures, pas d'intéressement, etc.). La gestion de ces groupement d'employeurs est déléguée à des sociétés commerciales spécialisées comme D2L dont l'effectivité des prestations semble ne pas être démontrée. Évidemment, les GE perçoivent des subventions (56 000 € par la région Île-de-France) et le CICE.
Ils turbinent pour Carrefour, La Poste, Geodis, etc. Mais sont payés par des “groupements d’employeurs” qui contournent l’intérim. Et engraissent une curieuse officine.
En condamnant, le 8 juillet, La Poste et l’un de ses prestataires (deux responsables ont écopé chacun de 120 000 euros et 6 mois de prison avec sursis) pour recours abusif à la sous-traitance, le tribunal de Nanterre risque de gâcher les vacances de plusieurs patrons de la grande distribution et de la logistique (transport). Leurs méthodes, proches de celles des postiers, ont en elfet alerté l’Inspection du travail et la justice, laquelle a mobilisé l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI).
Chaque jour, des centaines d’employés turbinent dans les entrepôts d’Auchan, Casino, Carrefour, Intermarché, Vente privée, Geodis ou ID Logistics sans y être salariés ni même intérimaires. Ils sont préparateurs de commandes ou conduisent des chariots avec les mêmes horaires et dans les mêmes conditions que leurs collègues, mais leurs droits sont bien inférieurs, et leurs paies au ras des pâquerettes.
Bien que travaillant à temps plein, depuis plusieurs années parfois, ils ne perçoivent ni intéressement ni participation. Leurs éventuelles primes — contrairement à ce que prévoit la loi — sont inférieures à celles de leurs collègues, et ils n’ont accès ni aux prestations du comité d’entreprise ni à la formation professionnelle.
Pour pouvoir disposer de ces salariés low cost, les majors de la logistique, de la grande distribution et du commerce en ligne ont recours à un astucieux stratagème : il leur suffit de devenir membres d’un groupement d’employeurs (GE) — un dispositif initialement réservé aux boîtes de moins de dix salariés mais élargi, en 2011, à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.
CDI ? Non merci !
Ces associations loi 1901 à but non lucratif embauchent des salariés pour les mettra à la disposition de leurs adhérents en leur facturant les heures effectuées. Abracadabra ! les boîtes recrutant ces travailleurs bénéficient de tous les avantages du recours à l’intérim, sans en subir les contraintes.
Exemple : il est interdit d’embaucher un intérimaire pour un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Dans certains cas, le travailleur lésé peut même voir son job requalifié en CDI par les prud’hommes. Pas de risques de ce genre avec un salarié de GE.
Parmi les premiers fans de ces groupements d’employeurs ? La Poste, qui — selon des documents consultés par « Le Canard » — a recours depuis des années à des centaines de ces « travailleurs détachés ».
Soucieuses de s’épargner l’administration fastidieuse d’un GE, les entreprises s’adressent au groupe lyonnais D2L, spécialisé dans « le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion », et plus particulièrement dans… la création et la gestion de groupements d’employeurs.
Entre autres services, D2L gomme — au moins en partie — les profits des GE, théoriquement « à but non lucratif ». Utile, car un salarié mis à disposition et payé 1 200 euros mensuels par le groupement sera facturé près de 2 200 euros à l’entreprise utilisatrice.
De plus, les GE empochent chaque année plusieurs millions d’euros versés par l’Etat au titre du CICE, voire des subventions. La région Ile-de-France leur a ainsi alloué 56 000 euros à ce jour.
Introuvables conseils
Tout ou partie des bénefs remontent discrètement vers D2L, en vertu de conventions de « conseil en ressources humaines » passées entre les groupements d’employeurs et diverses sociétés du groupe. Or des inspecteurs du Travail ont relevé que, « lors des contrôles réalisés [chez D2L], il est apparu de façon concordante que la prestation de conseils en ressources humaines n’était pas réalisée ». Pisse-froid !
Pour l’Inspection, c’est tout le système mis en place avec GE et grandes boîtes qui relève du « prêt illicite de main-d’œuvre » et du « marchandage » — deux pratiques qui constituent un délit et sortent du cadre légal de l’intérim. Saisi du dossier, le parquet de Bourg-en-Bresse a confié l’enquête aux limiers de l’OCLTI, et les services fiscaux sont entrés dans la danse.
De l’aveu même du PDG de D2L, Guilhem Dufaure de Lajarte, « en permanence, 2 000 personnes travaillent en CDI temps plein, en tant que détachés dans les groupements d’employeurs ». Un business qui lui a permis de s’offrir un hélicoptère, un haras avec ses pur-sang… et d’introduire son groupe en Bourse fin 2014. En voilà un qui gère son compte en banque sans aucun « détachement ».
Parmi les gros clients de D2L, la société ID Logistics, qui, avec ses 20 000 salariés, gère clés en main plus de 300 entrepôts, notamment pour Danone, Nestlé, Cdiscount ou la grande distribution.
Ça tombe bien : le pédégé d’ID Logistics, président du syndicat patronal, est chargé, par les ministres de l’Economie et des Transports, d’une mission pour « améliorer la compétitivité de la filière logistique ». Initialement prévue pour la fin de mai, la publication de son rapport serait imminente. Encore un retard de livraison…
Dans le Canard enchaîné du 24 juillet 2019.
La Chine a pris la tête de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture qui défini, entre autres, les normes sanitaires et les rapports Nord-Sud (intéressant pour une Chine qui investit toujours plus en Afrique). La coutume semble être d'acheter des voix. La Chine y aurait consacré environ 150 millions d'euros, notamment à destination des pays africains. Elle aurait saupoudré le tout d'un espionnage des représentants des États membres de la FAO.
Trop occupé à célébrer Emmanuel Macron en faiseur de reines européennes, l’Elysée s’est abstenu de tout commentaire après la raclée encaissée par la candidature française a la direction générale de la FAO — l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Le 23 juin, contre toute attente, Qu Dongyu, le vice-ministre chinois de l’Agriculture, a pulvérisé par 104 voix contre 71 la favorite, Catherine Geslain-Lanéelle, tandis que le candidat géorgien soutenu par Trump n’a obtenu que 12 voix. Malgré un budget limité — 2,2 milliards d’euros —, la FAO joue un rôle central dans la lutte contre la malnutrition (2 milliards d’humains dénutris et 820 millions mal nourris) et dans la définition des normes sanitaires. Son influence est aussi déterminante dans les rapports Nord-Sud. Un bel enjeu pour la Chine.
Une Chine pompe-Afrique
Catherine Geslain-Lanéelle s’est alignée, au départ, avec 4 millions d’euros, destinés à être saupoudrés sous forme d’aides aux pays électeurs — comme au bon vieux temps. Une misère, comparé au budget de son adversaire Qu Dongyu, qui a bénéficié du soutien actif de Xi dinping. Ce dernier n’a pas hésité, chéquier en main, a faire le tour des capitales pour assurer la promo de son champion. Ainsi, le Cameroun prévoyait de présenter un candidat au nom de l’Afrique. L’oncle Xi l’en dissuada en effaçant, à hauteur de 70 millions d’euros, une partie de sa dette.
Selon le témoignage de diplomates français, la manne chinoise a coulé, avec le débit du fleuve Amour : 30 millions (en euros) pour la Côte d’Ivoire, 38 pour le Tchad, 24 pour la Centrafrique, 18 pour le Congo, etc. Au total, estiment ces jaloux de Français, la Chine a déboursé 150 millions.
L‘ingénieux plan Qu
Les sommes ont majoritairement été débloquées après une menus formalité : selon « L’Opinion » (ZB/7), les Chinois auraient obligé les délégués des pays bénéficiaires à photographier leur bulletin de vote dans l’isoloir. Quasiment tous les pays de l’Afrique francophone ont coché le nom de M. Qu sur leurs bulletins. Après la Françafrique, vive la Chinafrique !
D’autres astuces, plus discrètes, ont été découvertes. Ainsi, consultant la géolocalisation de leurs téléphones portables après une visite au siège de la FAO, à Rome, des membres de la délégation française (qui l’ont raconté au « Canard ») ont lu qu’ils se trouvaient à Shanghai. Le diagnostic des services français est sans appel : leurs conversations étaient « dérivées » vers la Chine.
Interrogée par « Le Canard » sur ces facéties, l’ambassade de Chine à Paris lui a adressé un très long laius… qui ne dément aucune de ses informations.
Pour l’empire du Milieu, qui a l’impérieux besoin d’importer une partie de ses denrées alimentaires, la « signature » d’une structure de l’ONU constitue un atout majeur. L’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ont glissé un bulletin pour M. Qu, ont, par exemple, bien compris le profit qu’elles pouvaient tirer de l’exportation de leurs viandes vers le Mékong [ NDLR : dans son numéro du 31 juillet 2019, le Canard reconnaît que cette expression est bancale puisque si le Mékong est de source chinoise, il circule dans d'autres pays, qui ne sont pas l'objet d'un éventuel accord ].
Quant aux States, ils sont soupçonnés d’une belle fourberie contre notre candidate. Trois semaines avant le scrutin, le quotidien londonien « The Guardian » publiait un mémo de l’administration américaine indiquant que Catherine Geslain-Lanéelle se serait engagée, lors de discussions bilatérales, à « ne pas defendre les positions européennes sur la question des biotechnologies et des OGM ».
Cette bévue a entraîné une levée de boucliers chez les écolos européens, qui n’ont pas oublié les formules de la candidate française sur l’utilité des pesticides en Afrique et des OGM pour la planète. Les Chinois ont dû regretter d’avoir déboursé tant d’argent pour battre une adversaire légèrement dévaluée…
Dans le Canard enchaîné du 24 juillet 2019.
Rappel de quelques magouilles de nos parlementaires avec leur avance de frais de mandat (anciennement indemnité de frais de mandat). Prêt par l'Assemblée, achat d'habitations, spéculation immobilière, etc. Rien de neuf, ça s'ajoute aux autres usages irréguliers de l'IRFM dont on a connaissance : achat de voyages, d'une TV, de places de cinéma, de vins, etc., offrir des cadeaux, s'offrir un complément de salaire, payer les honoraires d'avocats dans des désaccords avec leurs assistants, etc.
Mis à part le homard et les bons pinards, la vraie vedette de l’affaire Rugy, c’est la désormais fameuse IRFM. Cette indemnité représentative de frais de mandat d’un montant mensuel de 5 573 enros est allouée à tous les deputés en plus de leur traitement. En 2013 et en 2014, Rugy a puisé dans cette cassette pour régler sa cotise aux écolos et a profité, du même coup, d’une sympathique ristourne fiscale (6 000 euros) au titre des dons aux partis. Une pratique interdite depuis la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique — ce que rappelle chaque année la Commission nationale des comptes de campagne. Or, non seulement l’infraction est couverte par la prescription fiscale, mais en plus Rugy a réalisé une banale opération de trésorerie (lire p. 2) entre son compte IRFM et son compte courant.
À saisir très vite
Tel n’est pas le cas pour une quinzaine de parlementaires, actuellement poursuivis par le Parquet national financier. Plus d’une trentaine d’autres ont également joué avec le feu — et la loi — en se servant de leur IRFM pour obtenir de la trésorerie de l’Assemblée des prêts immobiliers à taux zéro afin d’acheter une permanence, parfois transformée en lieu d’habitation. Cette pratique limite a été interdite en 2010.
Cette année-là, François Sauvadet (UDI), actuellement président du conseil départemental de la Côte-d’Or, a fini de rembourser un prêt qui lui avait permis d’acquérir, en 1994, une sympathique bâtisse avec piscine pour 124 000 euros ; il en est toujours le proprio. L’ancien ministre de l’éducation de Sarko Luc Chatel, lui, a acheté sa permanence de Chaumont (Haute-Marne) en 2008 pour 211 000 euros et l’a revendue en 2014 pour 280 000 euros. Petit joueur…
Pour les élus du Palais-Bourbon ayant manqué le coche, une dernière occase est à saisir. Mais, attention ! avant le 1er janvier prochain. Les députés peuvent obtenir un « prêt sur l’honneur » de 18 000 euros au maximum, remboursable soit sur leur indemnité parlementaire, soit sur leur indemnité de frais de mandat (devenue, en 2017, « avance de frais de mandat »). « On ne peut contrôler ce que va faire le député de cet argent, déplore un haut fonctionnaire de l’Assemblée. Il peut s’en servir pour des dépenses personelles », sans rapport avec l'exercice de son mandat.
Une vraie incitation à la debauche…
Dans le Canard enchaîné du 24 juillet 2019.
Dans le fameux détroit d’Ormuz, par lequel transite une bonne part du pétrole mondial, un drone américain détruit par les Iraniens. Puis un drone iranien détruit par les Américains. Puis un pétrolier britannique arraisonné par les Iraniens. Puis l’annonce par l’Arabie saoudite qu’elle va accueillir des troupes américaines sur son sol. De part et d’autre, des escarmouches, des mouvements de menton, des intimidations. Le tout fort médiatisé, à coups d’images, de communiqués, de démentis. La tension monte, comme on dit. On joue à la guéguerre. Trump y joue à sa manière habituelle : j’suis capable de tout, je suis imprévisible, mes gesticulations sont illisibles, tremblez !
Sans compter l'envoi (avorté) de bombardiers ricains, les sanctions économiques pesant sur l'Iran, des piratages des systèmes informatiques iraniens et la préparation de 120 000 militaires ricains pour intervenir au Moyen-Orient.
Les Iraniens, eux aussi, jouent leur jeu habituel : le grand Satan américain n’est qu’un gamin, il ne veut surtout pas la guerre, mais, comme il nous a plongés dans une terrible récession, on va lui montrer de quel bois on se chauffe. Et l’Europe, gênée aux entournures depuis que Trump est sorti de l’accord sur le nucléaire, navigue entre deux eaux. Le ministère français des Affaires étrangères a poliment compté les points, appelant « les autorités iraniennes à libérer dans les meilleurs délais le bâtiment et son équipage, et à respecter les principes de liberté de navigation dans le Golfe ».
La France, éternelle vassale des ricains. :)
C’est l’été, on touche du bois pour que cela n’aille pas plus loin et on reprend un sirop d’orgeat.
Dans le Canard enchaîné du 24 juillet 2019.
Bienvenue dans le monde du micro-dopage. J'en comprends toujours pas l'intérêt à part pour faire vivre des événements sportifs qui rapportent des centaines de millions d'euros voire des milliards… Le sport, un business comme un autre. Le dopage, un moyen comme un autre de faire prospérer ce business.
Le cyclisme n’est décidément plus ce qu’il était : désormais, deux Français — Pinot et Alaphilippe — sont en mesure de remporter le Tour, et, plus incroyable encore, aucune affaire de dopage n’est venue entacher l’édition 2019, du moins pour l’instant.
Ah ! comme il paraît loin, le bon temps de l’EPO, du gouleyant pot belge, des seringues retrouvées dans les poubelles, des coureurs faisant des pompes la nuit dans les couloirs d’hôtel afin de se calmer un peu, des vedettes obligées de freiner dans les virages en montant. Comme elle était savoureuse, cette affaire Festina, avec son soigneur dévoué, Willy Voet, il y a vingt et un ans. On savait se marrer, à l'époque !
Désormais, tout fout le camp. Nos champions marchent à l’eau claire, ou presque, et ne dépassent même plus les motos. Tout juste l’équipe Jumbo-Visma a-t-elle admis — même pas à l’insu de son plein gré — consommer des corps cétoniques, parfaitement autorisés par l’Agence mondiale antidopage (AMA), et dont l’efficacité paraît pourtant aléatoire.
« Selon les experts, les tricheurs sont en minorité dans le peloton et recourent à des microdoses, indétectables mais aux effets incertains », écrit « Le Monde » (17/7). Un coup à arriver sur les Champs-Elysées seulement mardi ou mercredi ! « Les choses se sont considérablement améliorées (…), il n’y a plus de mise en danger de la santé. On est davantage dans le microdosage », assure l’Agence française de lutte contre le dopage. « Le Monde » résume : « Se doper exige plus d’astuce et d’encadrement, mais c’est encore possible. » Ouf !
La France retient son souffle. Une victoire tricolore dimanche prochain gâchée par une micro-affaire de dopage, c’est encore possible ?
Dans le Canard enchaîné du 24 juillet 2019.
Dans ce recueil de trois bandes dessinées inédites, la blogueuse Emma traite du réchauffement climatique sous trois angles : 1) comment en sommes-nous arrivés là ? 2) Flinguer les fausses solutions ; 3) Solutions. Il s'agit d'une compilation de ses lectures, donc il ne faut pas s'attendre à de l'original. Néanmoins, cela remet les idées en place, d'où j'en recommande la lecture.
J'aime assez l'analyse sur l'origine du problème. La machine à vapeur fut d'abord rejetée par les industriels : pourquoi payer du charbon alors que nos machines hydrauliques actuelles nous coûtent rien en énergie ? Selon moi, il y a deux biais : la puissance motrice limitée de l'eau et l'espace géographique limité où un courant suffisant permet d'actionner les machines désirées. Les usines étaient donc proches des cours d’eau, à la campagne. Mais, il était difficile de trouver de la main d'œuvre docile. Les hommes préféraient s'occuper librement de leurs terres. Les femmes commençaient à comprendre leur exploitation. On inventera l'école moderne pour les calmer et les contrôler. Les campagnes de recrutement régulières, la construction de villages ouvriers et tout ce qu'il faut pour attirer le chaland coûtent cher. Les propriétaires d'usines décident de déménager dans les villes en expansion où la main d'œuvre ne manque pas et d'utiliser la machine à vapeur qui fonctionne partout, elle. Le coût du charbon est compensé par la docilité et la productivité du personnel.
J'aime ce rappel des analyses du GIEC :
J'aime bien le dézingage des solutions dites du capitalisme vert :
Les solutions envisagées par l'auteure sont assez classiques : changer nos modes de vie (suppression de la publicité commerciale et de la mode vestimentaire, interdiction de l'obsolescence programmée, consommer moins, etc.) via des prises de décision collectives et solidaires (pour accompagner les destructions d'emplois…), refuser de marchander avec toutes les sociétés commerciales qui réclament un subventionnement avant de se mettre au vert (à quel niveau de résignation faut-il être pour accepter de payer pour que des millions de vie soient menacées ?) et manifester / faire grève / bloquer l'économie, même si l'auteure reconnaît que ça ne fonctionne pas en citant Ségolène Royal qui, quand on l'interroge sur les 2,8 degrés Celsius de hausse de la température moyenne du globe induite par le respect des accords de Paris, répond que la COP21, c'était quand même un « moment historique extraordinaire », comme si le but avait été de passer un bon moment entre potes…
Dans ce livre de la série « un autre regard » de la blogueuse féministe Emma, je retiens deux bandes dessinées inédites que j'ai envie de résumer ici. L'une porte sur la charge émotionnelle, la suite de la charge mentale ménagère. L'autre porte sur le complexe partage du travail domestique gratuit et invisible.
Charge émotionnelle (lien vers la B.D. : Le pouvoir de l'amour):
Répartition du travail productif et du travail reproductif (ÉDIT DU 06/10/2019 À 12 H 10 : lien vers la B.D. : Michelle. FIN DE L'ÉDIT.) :
Ainsi, des femmes sont en couple par nécessité, par dépendance, pas tellement par amour ;
Solutions ?
Également en vente chez Arte si tu acceptes les odieux DRM et le logiciel maison d'Arte.tv…
J'ai déjà évoqué ici-même les années de plomb, c'est-à-dire ces dizaines d'années de violence politique dans toute l'Europe de l'Ouest. J'ai pointé des ressources audiovisuelles concernant quelques groupes militants d'extrême-gauche qui, constatant l'échec des méthodes de contestation politique traditionnelles, avaient fait le choix de commettre des attentats politiques ciblés : Action Directe, et la Fraction Armée Rouge. À présent, voici un documentaire sur l'organisation italienne du même acabit, les Brigades Rouges (BR).
Ce documentaire est plein d'images d'archive et de témoignages de principaux membres actifs des Brigades Rouges qui expliquent en détail leurs stratégies politiques et militaires. C'est très intéressant, même si la deuxième partie de ce film est excessivement centrée sur l'assassinat du politicien Aldo Moro.
Ce film met en exergue plusieurs points communs entre les BR et les autres groupes européens de lutte armée. La doctrine bien entendu (antifascisme, communisme, autogestion, radicalité, lutte armée ciblée et réfléchie avec minimisation des dommages collatéraux, etc.), mais aussi le fonctionnement par vague / génération qui se succèdent quand l'une est démantelée par la police, ainsi que le choix des cibles (politiciens, patrons, presse) et le retournement de l'opinion publique. Je note aussi des différences Exemples : les Brigades Rouges étaient composées de groupes locaux décentralisés. Ils ont séquestré et assassinés des magistrats, des avocats et des gardiens de prison, ce qui n'est pas le cas des autres groupes. Leur mode d'action favori, la jambisation consiste à tirer plusieurs balles dans les jambes d'une victime, ce qui diffère de l'assassinat "propre" habituel.
Mes notes :