La cour d'un tribunal doit être majoritairement composée de magistrats en poste (titulaires, non retraités). Or, face à la pénurie (250 magistrats et 484 greffiers font défaut), de plus en plus de jugements sont rendant par des tribunaux incorrectement constitués, sans que l'on sache (ou qu'on le veuille ?) les quantifier…
En annulant, le 8 juillet, un jugement du tribunal de Cusset (Allier), la cour d’appel de Riom a déclenché un fameux bazar. Un prévenu avait été condamné, le 24 janvier, à 5 ans de prison — dont 1 an avec sursis — pour agression sexuelle. Mais son avocat, Yves Levano, a découvert que, sur les trois juges ayant siégé le 24 janvier, seul le président était un « vrai » magistrat. Les deux autres étaient des retraités, l’un magistrat honoraire, l’autre à titre temporaire.
Une justice pleine de trous
Problème : plus de deux retraités au sein d’une « formation collégiale », c’est interdit depuis une décision du Conseil constitutionnel, suivie par la loi Belloubet de mars.
Si l’un des jugements du 24 janvier à Cusset est « illégal », tous ceux rendus ce jour-là par le même tribunal auraient logiquement dû être annulés aussi. Pourtant, ils ne le seront pas, le délai d’appel ayant expiré… Question : combien d’autres jugements « illégaux » ont ainsi été rendus, en France, par des tribunaux « illégaux » ?
« Ces irrégularités sont rares », assure-t-on à la Chancellerie, en se fondant sur celles qui sont « constatées ». Et celles qui passent à l’as ? Tout le monde n’est pas doté d’un avocat vigilant. La preuve : à Cusset, un seul a fait appel…
Or les postes vacants sont nombreux, Fin 2018, 250 magistrats et 484 greffiers faisaient défaut. Selon le rapport sénatorial sur la loi de finances 2019, on arrive même, en comptant les arrêts maladie ou maternité, à « plus de 30 % d’effectifs manquants ». Pour combler ces trous béants, 167 juges honoraires et 508 « à titre temporaire » officient dans les tribunaux de France aux côtés des 8 537 magistrats professionnels.
Vu les contestations qui s’annoncent, il va falloir recruter dans les cours d’appel !
Dans le Canard enchaîné du 24 juillet 2019.