Lors de mon dernier déménagement (qui impliquait un changement de région), je me suis interrogé : quelles entités ont connaissance de ma nouvelle localisation ?
Évidemment, il y a l'opérateur de téléphonie mobile (ça fait plus de trois semaines que ton téléphone est accroché aux mêmes antennes GSM, donc tu n'es probablement pas en vacances). Évidemment, en cas de souscription à une réexpédition du courrier entre l'ancienne et la nouvelle adresse postale, La Poste (et sa filiale de valorisation des données personnelles, Mediapost) a l'information. Il y aurait eu tous les services Internet que j'utilise si je n'utilisais pas le VPN d'un FAI associatif. Il y a l'opérateur réseau (ADSL, câble, fibre) : comme ils sont en oligopole, tu tombes toujours sur les mêmes, donc ils voient bien, dans le dossier client, que t'es passé de telle adresse à telle adresse. Même raisonnement pour les fournisseurs d'énergies. Il y a tous les acteurs auxquels il faudra communiquer la nouvelle adresse (assurance, mutuelle, sécurité sociale, etc.). Et puis, il y a la banque et, en cas d'utilisation d'une carte bancaire, les réseaux de Visa, MasterCard, etc. Au final, cette liste comporte peu d'acteurs du numérique, alors que l'attention des pro-vie privée se concentre sur eux. Évidemment, il faut distinguer les acteurs vitaux qui disposent de la nouvelle info sans que je la leur communique (j'aime bien me les représenter mentalement comme des acteurs qui savent où je suis avant ma famille et mes amis), comme mon opérateur de téléphonie mobile ou ma banque, et les autres. C'est dans ce contexte que la traçabilité bancaire devient intéressante à examiner.
Une banque est un point de passage obligé, donc elle va récolter et concentrer beaucoup d'informations. Que tu règles en chèque, par virement bancaire ou en carte bancaire, ta banque sait qui est ton propriétaire, quels sont tes fournisseurs d'énergies, quel est ton opérateur réseau, quel est ton opérateur de téléphonie mobile, quel est ton marchand de nourriture, à quelles organisations tu fais des dons, quelles activités tu pratiques en club, si t'es à la recherche de l'amour ou de cul via un site web de rencontre, etc. Ta banque sait où te trouver. Tes paiements par carte bancaire révèlent où tu zones et quelles sont tes habitudes (courses tous les deux jours, troquet tous les matins pour un café, etc.). Si tu payes en espèces, les retraits aux guichets ou aux distributeurs automatiques révèlent ta localisation (tu viens régulièrement aux mêmes distributeurs… hum, tu dois habiter ou travailler ou consommer pas loin). Bref, en ce qui me concerne, ma banque en savait autant que Google (mes pensées les plus sombres sont partagées entre différents moteurs de recherche, mais mes achats les plus sombres sont connus par ma banque).
Sans compter que toutes ces informations, même anonymisées, peuvent être croisées et elles permettent alors de retrouver l'identité précise d'une personne à partir de son numéro de carte et du lieu et de la date de quatre de ses achats. Pratique, en cas de fuite côté commerçant (deuxième moitié du ticket de caisse) ou côté banque ou côté individu (première moitié du ticket de caisse, ticket du distributeur automatique), etc.
Pour répondre à la question initiale, ma banque est clairement, avec mon opérateur mobile, l'un des deux acteurs les mieux informés de mon déménagement. Avant même le fournisseur d'énergie, l'opérateur réseaux, etc., elle savait que j'étais dans telle ville (paiements CB, retraits d'espèces) et, au bout d'un mois, avec le versement de mon salaire, elle était en mesure de savoir que ce n'était pas un déplacement temporaire.
Cette réflexion en a amené une autre : comment réduire ma traçabilité bancaire ? Comment faire en sorte que ma banque en sache le moins possible sur mon compte (jeu de mots détecté) ?
Quatre autres motivations ont dynamisé cette réflexion (bullshit détecté).
La première, c'est la simplicité. Le paiement par CB, les virements, tout ça, là, c'est d'une complexité folle… Qui comprend vraiment comment tout cela fonctionne, quels sont les acteurs ? Et les dysfonctionnements : la carte bancaire muette, le paiement sans contact qui échoue, le terminal de paiement dans les choux, etc. Tout cela est perte de temps. Mais surtout, tout ce virtuel, tout cet abstrait nous éloigne de l'échange entre humains, je trouve. J'apprécie beaucoup d'être revenu à quelque chose de palpable : j'ai cet objet que je désire dans ma main, tu as ces pièces de monnaie dans ta main, affaire conclue. J'apprécie également de compter pour faire l'appoint, "casser" des billets, donner plus pour échanger de la monnaie, discuter avec le commerçant pour savoir ce qui nous arrange (non, aujourd'hui j'ai vraiment besoin que tu me casses ce billet ; ha, aujourd'hui t'es en manque de ferraille, voilà pour toi, etc.). Je trouve que les espèces sont un moyen de recréer du lien. Certes, c'est un lien faible, mais je ne suis visiblement pas capable de mieux. Merci de ne pas me parler de la transmission de microbes et de virus : les alliages de métaux des pièces sont conçus pour limiter leur propagation. Et notre peau est conçue comme une barrière. C'est juste normal d'avoir plein de saloperies sur nous.
La deuxième motivation, c'est l'esprit de contradiction. Quand je vois les banques (limite de retrait, limite de dépôt, etc.), nos gouvernants (le paiement en espèces à un professionnel est plafonné à 1 000 € depuis 2015, arrêt de l'émission de billets de 500 € depuis 2019, etc.), et nous tous (quelle société commerciale paye encore ses employés en espèces ? Quel particulier propriétaire accepte de percevoir ses loyers en espèces ? Qui paye encore ses achats en espèces ?), nous imposer des restrictions à tour de bras sur l'utilisation des espèces, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il est important d'aller à contre-courant : quand une chose est restreinte ou interdite, c'est qu'elle est vraiment utile et qu'elle émancipe vraiment les gens. Aucune raison de s'en priver, donc.
La troisième motivation, c'est que les intermédiaires de paiement, ça coûte aux commerçants. Location (ou achat) du terminal de paiement, abonnement Internet pour que le bignou communique avec la banque, abonnement auprès de la banque, frais sur chaque transaction, réparation d'éventuels dysfonctionnements du terminal de paiement, etc. Tout ce qu'il faut pour faire chier une personne simple qui veut juste se lancer dans le commerce. Tout ce qu'il faut pour tuer le petit commerce, réduire le nombre d'acteurs, qui, du coup, parce qu'ils deviennent des puissances financières, deviennent incontrôlables et nuisibles à la société (non-respect du droit du taff, non-respect du client, non-respect de la fiscalité, etc.). Oui, les commerçants payent pour certains services bancaires (encaissement d'espèces au-delà d'un seuil, fourniture d'espèces par la banque, etc.), mais ça me semble moins coûteux que le système carte bancaire payant aux deux bouts, par le commerçant et par l'usager de la carte bancaire.
La quatrième motivation, c'est que l'utilisation d'espèces fait chier les banques et remplie les caisses de l'État. Les banques privées peuvent émettre de la monnaie scripturale (écriture virtuelle dans des livres de compte) en accordant des prêts, mais elles ne peuvent pas créer de la monnaie fiduciaire (pièces et billets). Ça, c'est du ressort des banques centrales nationales et européenne et des imprimeurs / fondeurs agréés. Les banques privées achètent les pièces et les billets à l'État dont elles dépendent. Et comme il ne faut pas 2 € de camelotes pour produire une pièce de 2 €, l'État encaisse un bénéfice. Sans compter la logistique des transferts de fond entre les agences et l'approvisionnement des distributeurs automatiques de billets. Au moins, ça rentabilise les prétendus frais de gestion de compte.
Depuis le début de ce shaarli, je considère les espèces comme ZE solution à la traçabilité. Oui, mais, en même temps, le choix est restreint.
Les paiements en crypto-monnaie sont tracés : la divulgation de l'association entre mon identité et mon adresse Bitcoin permet de retrouver toutes mes transactions passées et futures, leur horodatage, leur montant et avec qui elles ont eu lieu (si les adresses Bitcoin sont elles aussi publiquement associées à des identités) et à quelle fréquence. Exemple : sur son blog, Stéphane Bortzmeyer indique que l'adresse Bitcoin « 1HtNJ6ZFUc9yu9u2qAwB4tGdGwPQasQGax » est sienne. L'historique des transactions de cette adresse est public. Si l'un des donateurs de Stéphane révèle aussi publiquement que telle adresse Bitcoin est la sienne, et qu'il apparaît dans cet historique, soit l'un des deux ment sur l'association entre une adresse Bitcoin et son identité, soit l'un des deux s'est fait pirater, soit on est certain qu'une transaction a eu lieu entre ces deux personnes. Oui, il est possible d'avoir plusieurs portefeuilles et même des sous-clés, mais paye ta complexité pour quelqu'un qui recherche la simplicité. De toute façon, comme il est très difficile et énergivore d'obtenir des unités d'une crypto-monnaie populaire (donc acceptée par quelques commerçants, sinon ça sert à rien), il faut convertir des euros en crypto-monnaie. Les organismes de change réclament une identité (copie de la carte nationale d'identité, par exemple), comme leurs petits camarades. Certes, ils n'ont pas l'historique de mes transactions, mais la fréquence de change donne une idée de mon rythme consommation, donc de mon train de vie. Enfin et surtout, aucun petit commerce du coin de ma rue accepte les crypto-monnaies (ouais, y'a bien des cartes de débit en Bitcoin… adossées à un réseau comme Visa, donc traces de partout).
Les paiements en carte bancaire sont tracés : de qui, à qui, où, à quelle seconde, combien, à quelle fréquence. Les banques (du débiteur et du créditeur) disposent des informations puisqu'elles apparaissent sur nos relevés. Les réseaux Visa, MasterCard et autres également. Il paraît que ces acteurs voient uniquement passer des numéros de transactions imbitables, mais je n'en suis pas convaincu, et ça ne change pas trop le problème : ils connaissent l'heure, le montant et les numéros de compte engagés dans la transaction. Si la transaction se déroule sur le web, des intermédiaires de paiement en tout genre qui disposent des mêmes informations (Stripe, etc.) viennent très souvent se greffer. Enfin, la détention d'une CB est facturée par la banque en sus des frais de tenue d'un compte. Payer pour se faire tracer, en somme. Et, comme écrit ci-dessus, le commerçant doit payer lui aussi. L'identité (prénom + nom) de l'usager d'une carte bancaire est stockée dans la puce de ladite carte. En 2012, cette information (et l'historique des 20-120 dernières transactions) était accessible en NFC (= sans contact). Je ne sais pas si le terminal de paiement récupère cette information et l'imprime sur le ticket de caisse conservé par le commerçant, auquel cas le commerçant connaît l'identité de son client. Lors de transactions ponctuelles (non-récurrentes) sur le web, le commerçant peut stocker, pour un futur achat, le numéro de la carte, sa date d'expiration, le CVC et le nom de l'usager dans sa base de données si l'on ne décoche pas la case KiVaBien. Dans le cas d'un achat sur le web, le commerçant a connaissance de l'identité via l'adresse de facturation, de toute façon. En revanche, la plupart de nos achats en boutique ne sont pas liés à un contrat écrit nominatif, donc si le terminal de paiement stocke le nom de l'usager, le commerçant obtient bien une info supplémentaire sur son client.
Les paiements par prélèvement / virement bancaire sont tracés : de qui, à qui, à quelle seconde, combien, à quelle fréquence. Seule la localisation est inconnue (reléguée aux FAI ;) ). Notons que, pour les prélèvements, l'heure de la transaction est insignifiante car l'ordre de prélèvement est très souvent émis automatiquement. Les banques disposent des informations. Si la transaction se déroule via le web, il n'y a plus d'intermédiaires de paiement… à condition de refuser la validation d'une transaction par saisie d'un code reçu par SMS, sinon l'opérateur mobile devine qu'une transaction est en cours… En revanche, je ne sais pas comment fonctionne le réseau SEPA ni quels acteurs sont derrière (juste les banques ou trouzemilles autres acteurs privés ?)… La prise en compte des virements par les commerçants est bien longue à côté de l'immédiateté d'un paiement CB. Le commerçant et le client connaissent l'identité (prénom + nom) et l'adresse postale (déclarée à leur banque respective) de l'autre. Tout cela apparaît dans les détails d'un virement / prélèvement dans l'espace personnel du site web de la banque. Ce n'est pas forcément très grave car un virement ou un prélèvement est souvent associé à un contrat écrit nominatif (loyer, fourniture d'énergies, etc.) ou à une adresse de livraison, mais pas toujours. Pour émettre des prélèvements, il faut payer un abonnement et mettre en œuvre toute une machinerie branchée à l'outil de comptabilité. Notons que, même si tous les acteurs ne l'imposent pas, le prélèvement bancaire suppose d'envoyer une autorisation de prélèvement à sa banque, ce qui fait un petit côté paperasse chiante. Je suis également sceptique sur la sécurité : la date d'expiration d'une CB est une protection relative en cas de désaccord avec un marchand ou en cas de renouvellement tacite et dissimulé d'un abonnement, par exemple. La simple connaissance de mon RIB permet de prélever sur mon compte bancaire. En théorie, il faut autoriser le débiteur auprès de sa banque et un débit frauduleux est remboursé par la banque. En pratique, les banques laissent tout le monde prélever, ce qui peut être difficile à gérer si mon RIB est récupéré dans la base de données piratée d'un site web marchand. Le blocage d'une CB me paraît palpable comparé au blocage d'ordres de prélèvement multiples qui peuvent arriver depuis n'importe où… Comment change-t-on de RIB puisqu'il est composé, entre autres, d'un numéro qui identifie la banque et d'un numéro qui identifie un compte dans cette banque ?
Les paiements en chèque sont tracés : de qui, à qui, où (ça se falsifie), quel jour (ça se falsifie), combien, à quelle fréquence. Les banques disposent des informations. Il n'y a pas d'autres acteurs. Enfin… Tout comme le virement / prélèvement, je ne sais pas si les banques s'échangent directement les infos sur les flux financiers ou si des intermédiaires sont impliqués. En revanche, un chèque, c'est chiant à remplir (les petits commerçants n'ont pas de machine qui complètent le chèque en imprimant dessus), et chiant à déposer pour le commerçant. Sans compter la lenteur pour payer des achats sur le web. Comme les moyens précédents, le commerçant connaît ton identité et ton adresse postale (c'est écrit dessus)… Et il exige souvent de voir une pièce d'identité afin d'éviter les fraudes. Alors, oui, j'accorde ma confiance au commerçant, mais, même avec ça, ce n'est pas forcément souhaitable qu'il connaisse mon identité. Raison : déni plausible. Quand le bruit des bottes retentira, j'ai pas envie que ma librairie préférée associe mes saines lectures à mon nom + prénom + adresse postale, par exemple. L'une des banques sait quel jour (et, avec la surveillance vidéo, quelle minute) est déposé le chèque.
Les paiements en espèces ne sont pas tracés… pas directement, du moins. En revanche, il y a des témoins des transactions. Mais, la surveillance symétrique (je sais que tu étais présent à telle heure et ce que tu faisais là et toi tu sais que j'étais présent à la même heure et ce que je faisais) me dérange moins qu'une surveillance asymétrique massive. Il y a le flicage vidéo du commerçant et de la voirie (c'est bien pareil que les traces numériques conservées par les commerçants et les fournisseurs d'accès à Internet). La banque (voire les réseaux Visa, MasterCard, etc. en cas de retrait aux distributeurs automatiques) sait d'où sont retirées les espèces. Ça révèle où tu étais tel jour à telle heure. Le fait d'aller à un / deux / trois distributeurs et/ou guichets, ça dit dans quel secteur géographique tu vis. La banque sait quel montant tu retires et à quelle fréquence. Retirer 200 €/semaine, par exemple, ça donne une idée de ton train de vie. Si tu ne prévois pas un événement, tu devras retirer subitement plus d'espèces. La banque devinera un usage imprévu et son montant approximatif. Lisser les retraits, c'est-à-dire retirer plus que nécessaire, toujours la même somme, à la même fréquence, ça permet de gérer les imprévus… mais tu rageras en cas de cambriolage et de non-dépense du surplus… Je me suis demandé si les banques ne pouvaient pas consigner automatiquement, avec des scanners, à qui elles distribuent les billets (qui sont numérotés) et pour le compte de qui elles les encaissent. Cette traçabilité existe entre les banques centrales et les banques privées (des enquêtes journalistiques, comme celle sur un potentiel financement de la campagne électorale 2007 de Sarkozy par Kadhafi, en esquissent les contours) et probablement pour les grosses coupures distribuées aux particuliers. Mais, il apparaît très difficile de la généraliser et, surtout, d'en extraire une information utile : ce n'est pas parce que l'argent distribué à M. X revient en banque par le biais de Mme Y que cela signifie que X connaît Y : l'argent a changé plusieurs fois de main, surtout pour les petites coupures qui servent à faire le rendu, à casser des coupures plus grosses, etc.
Au final, aucun moyen de paiement est satisfaisant (ho, tiens donc, quelle surprise !), mais les espèces et les virements / prélèvements bancaires sont ceux qui virent le plus d'intermédiaires - voire le plus d'informations dans le cas des espèces - tout en restant pratiques.
Cela fait bientôt deux ans que je paye quasi exclusivement en espèces et par virement bancaire. Sur cette période, j'ai fait 5 exceptions, 5 paiements par CB sur Internet, car je n'avais visiblement pas trouvé d'alternative.
Évidemment, mes usages s'y prêtent. Il me semble impossible de réduire ses traces sans changer son mode de consommation tellement l'univers bancaire est le cœur du système de production et de consommation standard.
Je reçois un unique revenu par virement bancaire.
Je consomme peu… Un loyer (avec énergies incluses) payé par virement bancaire, des abonnements réseau et mobile payés par prélèvement bancaire, de rares services numériques payés par virement bancaire, de la nourriture, de la presse, des livres, et tout le reste payé en liquide… et c'est à peu près tout…
J'achète très peu sur le web, car, comme je l'ai écrit plus haut, j'aime le palpable (je vois ce que j'achète, le commerçant voit mon pognon), la simplicité (coucou les transporteurs de colis qui te rendent la vie infernale), la réduction des arnaques (tu retournes physiquement le produit, pas besoin de dialoguer par formulaire web, réseaux asociaux ou autres conneries pour obtenir un bon de retour, pas de frais de renvoi, etc.) et la non-traçabilité (mon identité, mon adresse postale et mon historique des achats ne sont pas stockés dans une base de données qui se fera forcément pirater un jour).
Je vis dans un centre-ville vivant et bien organisé dans lequel l'on trouve tout à proximité : presse, bazar, droguerie, mercerie, chausseur, marché, etc. Bref, tout plein de commerces à taille humaine et accueillants qui donnent pas juste envie de prendre les articles, de payer viteuf et de s'enfuir.
Il faut vraiment se sortir de la tête le préjugé qui voudrait que, lorsque l'on paye en espèces, on emmerde le commerçant et les autres clients. Entre les cartes muettes et les différents dysfonctionnements, j'ai souvent plus vite fait de dégainer l'appoint que d'autres de payer avec leur CB sans contact. Ben, oui, à force on connaît le prix (Canard enchaîné ? 1,20 €) et l'on additionne mentalement les prix affichés en rayon, donc on prépare la monnaie en avance.
De même, il faut vraiment s'ancrer dans la tête que tous les produits ne sont pas forcément exposés dans les rayons d'une boutique et qu'il est très souvent possible de commander le reste du catalogue… et ainsi, de payer en espèces et sous une fausse identité (un prénom + nom est souvent demandé pour commander). Bref, il ne faut pas hésiter à demander au commerçant s'il expose l'intégralité de son catalogue.
Évidemment, il faut déchirer sérieusement les tickets des distributeurs automatiques, car ils contiennent des informations dont on a écrit plus haut qu'elles permettent de remonter jusqu'à une identité précise… Dans une moindre mesure, il convient de faire de même avec les reçus de caisse. Mais ça, ces deux points sont aussi vrais avec le paiement par CB.
Évidemment, il y a des inconvénients au paiement en espèces (j'ai déjà évoqué ci-dessus le principal inconvénient du virement bancaire, à savoir la lenteur de prise en compte par le destinataire).
Les distributeurs automatiques de billets de ma banque (elle est populaire ;) ) ont une qualité de service déplorable : ils fonctionnent presque jamais. « Guichet momentanément indisponible » avant mon arrivée, ticket non imprimé, « centre d'autorisation pas accessible pour le moment » après la saisie du code et du montant désiré, redémarrage complet de l'ordinateur (Windows + l'applicatif) entre le client précédent et moi, voire non-distribution des billets alors que mon compte bancaire est débité réparée après une réclamation longue et pénible. J'ai signalé tout cela à ma banque par LRAR en avril 2019. 5 mois plus tard, je suis forcé de constater l'absence totale de progrès.
Et les limites absurdes, on en parle ? Le distributeur qui implémente l'algorithme glouton, ça donne un distributeur qui distribue majoritairement des coupures de 50 € pour tout montant de retrait supérieur à 50 €… Vachement pratique pour payer un Canard enchaîné à 1,20 €. D'autres distributeurs, comme ceux de la Banque Postale, par exemple, laissent le choix entre une majorité de billets de 50 € ou une majorité d'un mix 10 € - 20 €… Ha mais oui, je ne peux pas retirer plus de 300 €/semaine dans une banque concurrente et je suis limité à 3 retraits par mois dans une banque concurrente (peu importe les montants) sous peine de frais supplémentaires (1 €). Bref, le seul moyen que j'ai trouvé, c'est de retirer en plusieurs fois le montant désiré en utilisant des seuils pertinents. Exemple : demander 80 € me procurera 1 * 50 €, 1 * 20 € et 1 * 10 €, sauf les jours de chance où les billets de 50 € manquent à l'appel et où je reçois donc des billets de 20. Demander 40 € permet d'être sûr d'avoir au maximum des billets de 20 €. C'est hyper pénible pour récolter un montant lissé limitant les traces (voir ci-dessus), mais ça fonctionne.
Pourquoi je me laisse ainsi maltraiter par ma banque ? Parce que c'est pareil ailleurs, toutes pourries, et qu'il est impossible de construire quelque chose de plus éthique.
Évidemment, il va y avoir très bientôt de gros inconvénients au paiement par virement bancaire (et CB) via le web, puisqu'au prétexte d'une directive européenne (qui impose rien), les banques privées vont tenter d'imposer une validation des transactions avec leur application mobile remplie de mouchards et qui dépend des Google Apps (bonjour la nécessité de posséder un smartphone fabriqué en épuisant les ressources minières de la planète, adieu les systèmes d'exploitation mobiles personnalisés et plus respectueux de la vie privée comme Lineage OS) ou avec des boîtiers USB qui fonctionnent seulement sous Windows et Mac OS avec trois tonnes de merde dans le navigateur web.
J'ai du mal à concevoir comment je pourrais aller plus loin…
Segmenter mes transactions entre plusieurs comptes et utiliser des cartes bancaires prépayées ? Boarf, les lois anti-criminalité / anti-terrorisme ont tué le concept, c'est fliqué de partout (activation via Internet, donc déclinaison d'un bout d'identité), virement bancaire comme seul moyen de provisionner le compte, etc.). Bref, les banques verront toujours les virements d'approvisionnement…
Ouvrir un compte non-publié chez Clearstream ? Je n'ai pas le prestige requis. :D
On pourrait partager des moyens de paiement (CB, virements) au sein d'un groupe d'amis. C'est Titi qui est fliqué mais le bien profite à Toto et inversement. Ça permet également de casser l'analyse des habitudes de consommation et de déplacement. Mais ça nécessite aussi d'être partageur et d'avoir des amis partageurs tendance communards. Lors d'achats sur le web, il faut prêter attention à ce que l'adresse de facturation soit bien celle du payeur. J'ai le souvenir d'une commande Materiel.net bloquée car l'émetteur du virement bancaire n'était pas la personne mentionnait comme adresse de livraison + adresse de facturation. De toute façon, il vaut mieux que le payeur soit aussi l'adresse de livraison, sinon le commerçant sait que le payeur et le bénéficiaire du bien se connaissent. ;)
Lisser encore plus mes retraits d'espèces en retirant tout mon salaire ? C'est risqué et un coffre-fort ne protège pas contre la vulnérabilité humaine de son propriétaire.
Être plus rigoureux sur le lissage de mes retraits d'espèces afin de dissimuler mes imprévus ? Oui, j'ai encore du travail à ce sujet.
Au final, malgré le fait que ça soit bien la grouille (aucune solution satisfaisante) et que ça semble contraignant, je t'invite vivement à reprendre goût aux choses simples, à revenir au commerce local, à payer un maximum en espèces, ou, à défaut, par virement bancaire. Cela réduit ta traçabilité, c'est moins compliqué au quotidien que ce que l'on imagine, et la palpabilité du réel est agréable (non, je n'ai pas consommé de drogues avant d'écrire cette conclusion perchée, deal with mes émotions !).