Faisant fi de sa majorité présidentielle pléthorique, l’Assemblée vient, en toute discrétion, d’infliger à Macron un joli camouflet. Durant la campagne, ce dernier avait promis que « l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) sera[it] intégrée à l’indemnité parlementaire et, à ce titre, fiscalisé ». Il n’en sera rien : la nouvelle réglementation, adoptée le 29 novembre par le bureau de l’Assemblée, ne contraint nullement les députés à déclarer dans leurs revenus cette IRFM, qui leur permet de régler divers frais (loyer, transport, repas) liés à leur fonction. Et les parlementaires se sont gardé quelques privilèges.
Au grattage et au trrage
Comme par le passé, ils peuvent piocher dans les 5 373 euros qui leur sont alloués chaque mois pour payer, dans le cadre de leur mission, « leurs transports aériens ». Mais le nouvel arrêté de questure ne dit rien sur les cartes de fidélité permettant aux voyageurs de s’envoyer en l’air aux frais de la princesse. Avec leur carte Club 2000 d’Air France, réservée aux meilleurs clients de la compagnie, les députés bénéficient de menus avantages (embarquement prioritaire, surclassement…) et accumulent des miles. Ils se sont « engagés sur l’honneur » à ne les utiliser que lors de leur missions. Un engagement qui ne manque pas d’air !
Désormais, les élus peuvent aussi puiser dans l’IRFM pour s’offrir les services d’avocats dans le cadre de conflits du travail les opposant à leurs collaborateurs ! Ces derniers, eux, n’ont droit à rien.
Si les députés ne peuvent plus payer leur adhésion à leur parti en puisant dans leur IRFM, l’utiliser pour régler leurs cotisations aux groupes politiques est permis. C’est pourtant grâce à ce procédé qu’entre 2003 et 2014 le groupe UMP du Sénat avait reversé en loucedé quelque 15 millions d’euros à certains de ses membres. La justice enquête…
C’est désormais la déontologue seule — ce qui la laisse perplexe — de l’Assemblée qui vérifiera les dépenses des élus. Lesquels seront contrôlés par tirage au sort au cours de leur mandat. Les privilégiés radiographiés la première année n’auront, ensuite, plus rien à craindre jusqu’à la fin…
Premier arrivé, premier servi ?
Avant, les parlementaires pouvaient dépenser leur IRFM comme il⋅elle⋅s le souhaitaient la somme allouée. Certain⋅e⋅s parlementaires, comme le député Alain Tourret, s'en servaient pour rembourser des prêts personnels, pour réaliser des achats de biens immobiliers à usage personnel, pour offrir des cadeaux à la famille et/ou aux ami⋅e⋅s, pour se faire un complément de salaire, pour se payer des vacances, etc. Seule la presse faisait tomber quelques magouilleur⋅euse⋅s par-ci, par-là, et encore…
Maintenant, l'indemnité sera toujours versée en intégralité aux élue⋅e⋅s… qui en feront toujours ce qu'il⋅elle⋅s en veulent… En revanche, il⋅elle⋅s devront conserver des justificatifs pour les maigres contrôles que devra réaliser, la⋅e seule déontholoque de l'Assemblée ou le comité de déonthologie du Sénat (qui est composé… de sénateur⋅rice⋅s… qui vont donc juger leurs pairs ;) ). Seule la presse fera toujours tomber quelques magouilleur⋅euse⋅s. Ça change tout, non ? Mais puisqu'on nous assure que la moralisation de la vie politique est en marche…
Moi aussi, je vais demander à mon employeur⋅euse de me payer des soi-disants frais pros sans justificatifs préalables… La fin des régimes privilégiés, ce n'est pas encore pour aujourd'hui. :(
Dans le Canard enchaîné du 6 décembre 2017 et https://www.publicsenat.fr/article/politique/frais-de-mandats-les-senateurs-font-presque-comme-les-deputes-80573 .