L'ONG belge Transparencia milite pour l'accessibilité des données publiques. Elle a obtenu la publication, à l'avance, des documents préparatoires de certains conseils municipaux. Elle a produit un outil, Cabineto, qui permet de consulter la composition des cabinets des maires. La Belgique dispose de 6 CADA. :O Contrairement à la France, le patrimoine des élus n'est pas public, seul un juge peut le connaître.
Et si la transparence était une histoire belge ? Une ONG milite pour l'accessibilité des données censées être publiques et plus de transparence dans la vie politique. Pas con !
Proverbe d'outre-quiévrain : « Si vous avez compris la politique belge, on vous a mal expliqué. » Mais, même si le vote y est obligatoire, un pays qui est resté aussi longtemps sans gouvernement ne peut pas être totalement mauvais. En tout cas, l'exemple de l'ONG Transparencia peut inspirer !
En effet, souligne Ariane Thibault, le but de cette organisation, c'est de « rendre les documents publics accessibles ». Une problématique que l'on connaît bien en Paca puisque la surveillance du citoyen - dans l'espace public comme sur le web - n'a d'égale que l'opacité de la vie censée être publique, l'open data n'étant bien souvent qu'une vaste fumisterie.
« L'accès aux documents permet de faire vivre la démocratie, poursuit la responsable de l'ONG. À Mons et à Boisfort-Watermael, on a réussi à obtenir la publication des documents préparatoires des conseils municipaux une semaine à l'avance. » Avant ce succès, face au refus initial des autorités locales de les communiquer, l'association avait monté un site web en y publiant les documents qu'elle était parvenue à se procurer ! Un activisme bienvenu au regard de la difficulté chronique de nombreux élus provençaux d'opposition pour avoir les documents en temps et en heure…
Autre fait d'arme : « À Namur, le comité local a mis la main sur un compte-rendu du conseil municipal que la mairie avait refusé de donner et, avant de le publier, nous avons fait le tri entre les informations d'intérêt public et ce qui relève du huis-clos. » Une forme de démocratie 2.0 que prolonge le site web de l'ONG en recensant demandes de documents et réponses. Sans oublier Cabineto qui permet de connaître la composition des cabinets.
De fait, les situations sont contrastées. Si, en Belgique, il n'y a pas une seule commission d'accès aux documents administratifs mais six, elles ne mettent qu'un mois pour répondre contre plusieurs en France. A contrario, note la militante, « en Belgique, les élus ont l'obligation de rendre publics leurs mandats mais pas leur patrimoine. Il n'y a que le juge qui peut le connaître.
Une pudeur étonnante au pays du Manneken Pis ! En tout cas, alors que l'ONG cherche à nouer des liens avec Anticor et les médias locaux, pour notre prochain « palmarès des villes à fuir » et les municipales, le Ravi ne fera pas l'impasse sur cette obscure question de la transparence. C'est clair ?
Dans le numéro de septembre 2019 du Ravi, journal satirique en PACA.
La banque du Vatican ne serait toujours pas ordonnée (dans les années 80, elle fut accusée de blanchir le fric de la mafia italienne) : opacité totale, même vis-à-vis du pape, 90 % des dépenses seraient faites en dehors des règles fixées, solde de comptes de dépôt pour cardinal dépassant les 2 millions d'euros (l'œuvre de Dieu enrichit, que veux-tu), commissions versées pour l'achat d'un immeuble, etc. À côté de ça, la décision a été prise d'intégrer, en Amazonie, des hommes mariés comme prêtre. Les femmes n'étaient pas autorisées à voter.
Après les scandales de pédophilie, les complots pour déstabiliser le pape et les menaces de schisme, ça chauffe encore au Vatican.
L’un des principaux adjoints du pape, le cardinal Marc Ouellet (préfet de la Congrégation pour les évêques), descend ainsi en flammes les annonces faites par son saint patron à l’issue du synode pour l’Amazonie (« Le Figaro », 28/10). Son Eminence dénonce la décision d’ouvrir la prêtrise locale à des hommes mariés et se fait l’apôtre d’un célibat pur et dur. Un peu comme si Castaner fustigeait la politique de Macron…
Pour les non-initiés, les débats de ce synode amazonien ont eu des airs de discussions pré-historiques. Fallait-il faire voter les femmes présentes dans cette assemblée ? La réponse a été un non papal.
Les progressistes du Vatican se rassurent en espérant que les premiers coins enfoncés dans le dogme du célibat vont faire des petits. Les réacs, eux, guettent l’état de santé de ce pape, quasi hérétique à leurs yeux, qui va fêter ses 83 ans en décembre prochain.
En attendant, la fête continue. Comme le révèle un livre du journaliste italien Gianluigi Nuzzi, les grands argentiers du Vatican persistent à faire les quatre cents coups. Selon l’auteur, 90 % des dépenses sont faites en dehors des règles. Le bureau qui gère le budget du souverain pontife et le « denier de Saint-Pierre » « n’admet aucun contrôle sur ses comptes [et] même les gens envoyés par le pape n’y ont pas accès », s’étonne « La Croix » (23/10).
La banque du Vatican (IOR), prétendument remise au pas, héberge, malgré les interdictions, des comptes personnels de cardinaux avec des dépôts dépassant les 2 millions d’euros. Le pape, furieux, aurait exigé qu’ils soient fermés « im-mé—dia-te-ment ». Mais personne ne sait s’il a été obéi. Enfin, de nouvelles affaires ont éclaté, telle la révélation de commissions versées pour l’achat d’un immeuble de luxe à Londres.
En prime, le déficit courant de la maison ne cesse de se creuser. Il devrait atteindre 95,3 millions cette année, pour un budget d’environ 500 millions. Mais impossible d’en savoir davantage : le Vatican ne publie plus de comptes précis depuis 2013 et l’élection du pape argentin. « Perseverare diabolicum », comme disent les latinistes. ..
Dans le Canard enchaîné du 30 octobre 2019.
Visite de Macron à La Réunion : accréditations de journalistes refusées, escorte afin d'éviter les escapades hors de la zone réservée à la presse, journal local mis à l'écart. Bref, la pratique courante en France. Le Canard du 9 octobre 2019 ne parlait-il pas d'un renouveau de la flamme entre le Président et la presse lorsque ce premier apelait cette deuxième à lutter contre les fake news (comme la comparaison Lubrizol <-> AZF) lors de sa venue au centenaire du journal La Montagne ? J'avais bien rigolé en lisant ça. :)
La visite de Macron à La Réunion, la semaine passée, aura encore été un grand succès sur le plan des relations entre Jupiter et les journalistes. Plusieurs confrères, notamment locaux, se sont plaints de la manière dont ils ont été traités par l’Elysée : accréditations refusées et même escorte jusqu'aux toilettes pour éviter toute escapade hors de la zone réservée à la presse. « Il n'est pas nécessaire d'être accrédité pour informer », a aimablement riposté Macron. « Peut-être. Mais, lors d'une visite présidentielle, sans accréditation on reste à des kilomètres et on ne fait rien ! » raille-t-on au « JIR », le quotidien de mauvaise humeur coupable d'un vilain titre en une (« Pour l’instant, c'est du vent ! »), qui lui a valu d’être mis à l'écart du show présidentiel.
Ah, la douceur des îles…
Dans le Canard enchaîné du 30 octobre 2019.
On entend souvent que les Kurdes ont bataillé contre Daech. Ils ont aussi fourni, aux Américains, l'emplacement de la planque de l'ex-chef de Daech. Un ex-activiste de Daech avait filé l'info aux Kurdes. Notons que la planque se trouvait près de la frontière Turque… … … Là où Erdogan a décidé que les Kurdes n'ont pas droit de cité. 25 000 à 30 000 personnes seraient plus ou moins proches de Daech dans cette région.
Une ironiee tragique de l’Histoire. Les Kurdes, méchamment trahis par Donald Trump, avaient fourni les renseignements qui ont permis aux forces spéciales américaines de bien préparer leur opération et de régler son compte à Al-Baghdadi. Cette surprenante révélation et plusieurs précisions sur le raid US ont été transmises à l’Elysée, via l’état-major des armées, par la Direction du renseignement militaire.
Résumé de ces informations : ce sont les Kurdes des Forces démocratiques syriennes qui ont localisé le repaire du calife de l’Etat islamique à Barisha, dans la province d’Idlib (nord-est de la Syrie), non loin de la frontière turque. Voilà quelques mois, un ancien activiste de Daech, après avoir rompu avec ses anciens compagnons et leur chef, avait rencontré des responsables kurdes et décrit la cache où vivaient Al-Baghdadi, sa famille et ses gardes du corps. L’opération a été concoctée pendant cinq mois, mais Trump n’en a pas moins décidé, il y a deux semaines, de retirer de Syrie la plupart des militaires US et d’abandonner les Kurdes à la vindicte turque.
Toujours selon le rapport transmis à l’Elysée, la surveillance permanente du refuge d’Al-Baghdadî a été facilitée par la « sonorisation » de plusieurs pièces, afin de découvrir le nombre d’occupants du lieu, leurs habitudes et leurs allées et venues (remarque du « Canard », au passage : la pose de micros est parfois tout à fait justifiée…). Puis la décision a été prise d’intervenir.
Une centaine de militaires de la Force Delta, l’une des unités relevant du haut commandement des forces spéciales américaines, ont engagé l’assaut, transportés sur place par huit hélicoptères lourds CH-47 Chinooh. Des agents de la CIA ont aussi participé au raid.
Des documents ont été trouvés sur place, et des avions américains ont détruit le dernier repaire du chef terroriste afin qu’il ne puisse devenir un lieu de pèlerinage. D’autant que, selon les agents français, il y aurait entre 25 000 et 30 000 hommes et femmes plus ou moins proches de Daech dans cette région.
Une récompense de 25 millions de dollars avait été promise pour la capture d’Al-Baghdadi, mais les informations du Renseignement militaire n’indiquent aucun nom de bénéficiaire. Pourquoi pas les Kurdes ?
Dans le Canard enchaîné du 30 octobre 2019.
Je découvre l'indemnité de sujétions particulières, remplaçante des fonds ministériels secrets, qui permet de compenser la surcharge de travail des membres des cabinets gouvernementaux en contournement les grilles de salaire de la fonction publique (exemples : un seul conseiller au numérique rafle 45 500 euros/an de prime, le directeur de cabinet de Grivaux avait perçu 79 000 € de prime) puisque c'est à la tête du client. 224 personnes sur 324 éligibles la perçoivent.
Le projet de budget pour 2020 recèle quelques perles dans ses annexes consacrées aux « primes et salaires versés aux conseillers ministériels ». En principe, les 324 éminences grises peuplant les cabinets peuvent toutes prétendre à une indemnité de sujétions particulières (ISP), censée compenser la surcharge de travail inhérente à leurs fonctions. En réalité, elles sont seulement 224 à les percevoir…
Si, à Matignon, à la Justice ou à la Culture, tout le monde ou presque passe au guichet, ils ne sont que quatre (sur dix) chez Gérald Darmanin (Budget) et trois chez Agnès Buzyn (Santé) à se partager le grisbi. Chez Cédric O (Numérique), un seul quidam rafle tout, soit 45 500 euros de bonus. Oh !
Créée en 2001, l’ISP a remplacé les regrettées enveloppes d’argent liquide distribuées en toute opacité et alimentées par les fonds secrets. fixé pour 2019 à 22,32 millions (4 % de mieux en un an), cette indemnité permet parfois de contourner les règles salariales de la fonction publique.
Les chouchous du patron
L’an passé, Benjamin Griveaux (alors porte-parole du gouvernement) avait ainsi dépensé l’intégralité de ses ISP pour gonfler de 79 000 euros (brut) le salaire de son directeur de cabinet, prof agrégé de philo dans le civil… Comme au bon vieux temps des fonds secrets, c’est le chef du gouvernement qui fixe le montant alloué aux différents ministres.
A ce jeu, Matignon remporte le gros lot, avec 1,8 million pour 70 personnes. Nicole Belloulet, à la Justice, Florence Parly. aux Armées, Christophe Castaner, à l’Intérieur, et Jean-Yves Le Drian, au Quai d’Orsay, ne s’en sortent pas mal non plus avec, en gros, 850 000 euros chacun pour 10 ou 11 conseillers.
Salaires et primes comprises, les rémunérations de chacun de ces quatre cabinets coûtent environ 1,5 million. Soit, rapporté au nombre de membres, un montant équivalent à celui du staff du Premier ministre… En revanche, Edouard Philippe s’est montré plutôt pingre avec Gérald Darmanin (Budget), qui n’a droit qu’à 175 000 euros d’ISP. Il a mis à la diète Agnès Buzyn (Santé) — 130 000 euros — et Didier Guillaume (Agriculture) — 84 000 euros. Au total, avec les traitements de base, les crédits de leurs cabinets sont ratiboisés de 20 %.
Côté secrétaires d’Etat, les dotations sont également allouées à la tête du client. Quand Brune Poirson (Transition écologique) reçoit 14 600 euros d’ISP pour ses collaborateurs, Gabriel Attal (Education) dispose de 126 000 euros, et Olivier Dussopt (Fonction publique) de 256 000 euros. Dussopt peut se vanter d’être le membre du gouvernement coûtant, en proportion, le plus cher : salaires et primes inclus, la facture de son cabinet (cinq conseillers) s’élève à 880 000 euros.
Pour un sous-ministre chargé de la réforme de la fonction publique, c’est un bon début…
Dans le Canard enchaîné du 30 octobre 2019.
On entend de plus en plus parler d'une réforme des retraites qui s'appliquerait uniquement aux personnes qui entreront dans la vie active à partir de 2025 (ce qui reporte à 2068 la fin de la réforme). Cette stratégie enlève rien aux côtés négatifs de cette réforme, elle permet d'engager les futurs présidents et gouvernements (car ils devront faire un effort pour contrecarrer ou modifier cette réforme alors que rien faire sera moins coûteux pour leur image) mais, dans une société "tout pour ma gueule", ça permet de limiter le nombre de personnes dans les rues (je suis pas concerné ? je ne vais pas manifester).
Devant ses troupes, lundi matin, Macron est revenu sur le projet de réforme des retraites et sur les concessions d’ores et déjà envisagées :
« On ne peut pas être pour une société de contrat et déchirer le contrat d’un simple geste. La philosophie de la réforme des régimes spéciaux, c’est de respecter le contrat signé et de stopper la machine pour les nouveaux entrants. La valeur d’une réforme, ce n’est pas de tout changer immédiatement mais de la rendre pertinente pour l’avenir. »
Il aurait peut-être été plus simple d’annoncer franchement la couleur il y a quelques semaines et de ne pas laisser la vapeur s’accumuler…
Dans le Canard enchaîné du 30 octobre 2019.
Des derniers mois, on entend parler de fronde des députés macronistes, notamment car ils contestent les projets de loi de financement de l'État et de la Sécu. Le président du groupe à l'Assemblée affirme que les députés macronistes jouent persos en portant des amendements d'intérêt local afin de favoriser leur re-élection. À côté de ça, tout ce beau monde vote bien gentiment les mesures contestables voulus par le gouvernement comme le pillage de la Sécu, donc bon, frondeurs, mais pas trop… De même, les frondeurs socialistes n'étaient pas parvenus à préserver les libertés et les acquis sociaux du peuple, pour rappel.
La discussion budgétaire à l’Assemblée nationale a eu au moins un mérite : mettre en lumière l’existence de « frondeurs » au sein de La République en marche ; ce genre de frondeurs que Macron abhorrait quand ils étaient socialistes et qu’ils s’en prenaient a Hollande…
Cette fronde encore latente, il en a été question le 22 octobre au petit déjeuner de la majorité, et c’est Gérald Darmanin qui a mis le sujet sur la table. Le ministre des Comptes publics venait de passer une nuit éprouvante à l’Assemblée et il était de fort méchante humeur.
« Je suis très inquiet de l’état de la majorité, a-t-il lancé à ses convives. On en est au point où des députés En marche ! s’amusent à battre le gouvernement sur des amendements financiers. »
Et Darmanin d’insister sur le mauvais esprit manifesté par ces élus.
« Lors des suspensions de séance, soit ces députés ne viennent pas à la réunion de conciliation, soit ils viennent mais maintiennent leur position en expliquant qu’ils ne peuvent pas soutenir le gouvernement sur ce coup-là et qu’ils préféraient le Macron candidat au Macron président ! »
A vrai dire, ce ne sont peut-être pas les seuls.
Encore plus incroyable, le patron des députés Marcheurs , Gilles Le Gendre, s’est rallié, toujours au cours de ce petit déjeuner, à l’avis de Darmanin. Enfin, patron, si l’on peut dire, car le président du groupe LRM a le plus grand mal à tenir ses troupes, et il ne s’en cache même plus !
« Chacun est un peu à son compte, a-t-il déclaré, un rien désabusé. Chacun est persuadé qu’il sera réélu dans sa circonscription en portant tel ou tel amendement d’intérêt local, et qui provient parfois de lobbys. »
Et Le Gendre d’ironiser sur les « autoentrepreneurs » de la majorité.
Bah… c’est ça la « start-up nation » !
Si Darmanin était si nerveux ce 22 octobre, c’est parce qu’il redoutait aussi le vote, prévu dans la soirée, de l’article 3 du PLFSS, le budget de la Sécu.
Une semaine plus tôt, en commission, les députés avaient pris au mot le gouvernement, qui s’était engagé naguère à compenser dans le budget de la Sécu le coût des dépenses pro-gilets jaunes dont elle avait dû assumer la charge, soit 3 milliards en année pleine. Or, entre-temps, le gouvernement a renoncé à reverser ce fric à la Sécu.
L'article 3 du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale dispose que la Sécu, c'est-à-dire les cotisations sociales, et non le budget général de l'État c'est-à-dire les impôts (TVA, IRPP, etc.), paiera la note des mesures "gilets jaunes" c'est-à-dire l'exonération de cotisations sociales salariales sur les heures supplémentaires et le retrait de la hausse de la CSG pour les retraités percevant moins de 2000 €/an. En clair, le trou de la Sécu vient d'être creusé de 3 milliards d'euros supplémentaires, ce qui permettra de justifier de nouveaux non-remboursements de médocs et autres économies… Cela s'ajoute à la ponction étatique de 20 milliards d'euros sur 5 ans votée fin 2017.
Finalement, les députés ont baissé pavillon en séance publique et voté comme le voulait Darmanin : les mesures gilets jaunes resteront à la charge de la Sécu.
Comme quoi ces frondeurs macronistes sont encore un peu tendres, par rapport à leurs camarades socialistes…
Dans le Canard enchaîné du 30 octobre 2019.
Les habitants des quartiers populaires de Marseille sont 2 fois moins nombreux à pratiquer un sport dans un club que les habitants des autres quartiers. Coût élevé. Aides publiques faibles et compliquée sà décrocher. Manque d'infrastructures puisque tout le monde veut pratiquer en même temps à cause des contraintes taff/école. Ouvrir des terrains en dehors des centres-villes nécessite de construire des infrastructures de transport public. Les aménagements sont surtout prévus pour les hommes : stades et terrains de foot à gogo au détriment de salles omnisports alors que les femmes ont une diversité dans leurs pratiques sportives.
Seulement 8 % des habitants des quartiers populaires de la métropole marseillaise sont licenciés dans un club de sport. Explications.
« Les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont deux fois moins nombreux à pratiquer un sport dans un club fédéral que les habitants hors des QPV », constate l'Agam, l'Agence d'urbanisme de l’agglomération marseillaise. Une situation due à de nombreux obstacles à la pratique sportive dans les quartiers populaires. Revue des quatre principaux éléments qui éloignent les habitants des clubs de sport.
Bien qu'une adhésion dans un club soit deux à trois fois moins chère qu'une salle de sport, le sportif doit tout de même mettre la main à la poche. Les difficultés économiques amènent parfois à des entraînements en dents de scie. « C'est plus dur de demander une cotisation à l'année complète. On fait donc au mois par mois. Mais avec ce système, on a des petits qui viennent pendant deux mois, mais qui ne reviennent pas pendant 6 mois », observe Romain Berton, encadrant bénévole du club de boxe « B.C. Saint-Louis » situé dans le quartier de la Cabucelle à Marseille (15ème arr.).
Trous dans la raquette urbaine
« 200 euros, cela reste quand même dur à sortir pour certaines familles, même s'il y a des facilités de paiement », confirme Thibault Cerboni du Comité olympique 13 (CDOS 13). Le département donnera bientôt une somme de 150 euros à chaque collégien, dont une partie pourra être utilisée pour payer leur licence ou la cotisation à un club sportif. Pour les 6/10 ans en revanche, l'aide de la ville de Marseille reste limitée à un financement de 25 euros pour l'achat de la première licence sportive. Un dispositif qui n'a bénéficié qu'à 700 enfants l'année dernière. Un faible résultat à mettre en regard des nombreuses formalités administratives pour toucher la petite somme.
Quand bien même certaines disciplines prennent en compte le facteur prix, les équipements de sport et les clubs ne suivent pas. « Nous dans le 15-16, on a deux terrains de tennis pour 225 licenciés. Cela nous pose problème », constate Marc Habadou, le président de l'association de tennis « Fête le mur ». Fondée par Yannick Noah en 1997, elle vise à démocratiser la pratique du tennis dans les quartiers populaires en proposant des tarifs attractifs. « On fait payer autour de 70 euros l'année en fournissant les raquettes, les balles, avec l'école de tennis comprise. Dans n'importe quel autre club, le prix serait quatre fois supérieur. Mais quasiment tous les jours de la semaine, nos terrains sont utilisés », expose le bénévole qui souhaiterait un développement des cours de tennis dans le quartier.
Ce manque d'infrastructures est loin d'être cantonné au tennis. « Tous les clubs de football à Marseille manquent de stades », estime Jean-Claude Cappello, le président du district de Provence de football. Malgré l'implication de la mairie dans la rénovation et la création de stades, cela reste une gageure pour l'ensemble des clubs de foot marseillais de trouver des créneaux d'entraînement sur les terrains municipaux. Une gestion encore plus problématique lorsque les rénovations de stades s'y ajoutent. Le club de football de Félix-Pyat (3ème arr.) en a fait les frais. Depuis la fermeture du stade à proximité en 2015 pour cause de rénovation, le club a dû délocaliser ses entraînements dans les 13ème et 14ème arrondissements. « On est passé de 280 licenciés en 2015 à 145 l‘année d'après », explique Linda Christi, la coordinatrice du club de football.
Seulement 20 % de femmes
« Les gens se découragent très vite dès lors qu’ils ne sont pas à un quart d’heure de marche ou de transport en commun. À Marseille, il y a un problème de manque de métro et d’infrastructures. Cela rend complexe le fait d'avoir une pratique structurée », analyse Alexandre Caribone, délégué départemental de la Fédération sportive etgymnique du travail (FSGT), dont 25 % des 16 000 adhérents estimés viennent des quartiers populaires.
Les femmes restent encore sur le banc de touche dans les quartiers populaires. On y compte une sportive pour quatre sportifs rappelle l'Agam, contre 30 % dans l'ensemble de la métropole. Comme le rappelle l'ouvrage Le sport fait mâle (2016, ed. Pug) de la sociologue Carine Guérandel, l'offre sportive des quartiers populaires cible principalement les garçons, tandis que les pratiques féminines sont moins valorisées. Une politique sportive à deux vitesses qui se lit très bien dans les aménagements dont l'usage reste masculin. Stades et autres terrains de foot représentent 31 % des aménagements sportifs dans les quartiers prioritaires de la métropole selon l'Aagam, loin devant les salles multi-sports (16 %) et les terrains de basket (8 %).
D'autant que l'absence de diversité des infrastructures sportives les touche en priorité. « Chez les femmes, 50 % des pratiquantes le sont dans une quinzaine de sports différents », note l'Agam. Les clubs omnisports proposant plusieurs disciplines captent un quart des femmes licenciées des quartiers populaires. Un taux qui n'est pas près de bouger tant l'accès à d'autres sports est compliqué. « Les grands clubs multisports de Marseille sont concentrés dans les quartiers Sud et il n'y a pas les mêmes géants associatifs dans les quartiers Nord », explique Alexandre Caribone. Reste le sport en autonomie, la course à pied ou à vélo par exemple, mais la encore, les freins pour les femmes sont nombreux.
Dans le numéro de juillet-août 2019 du Ravi, journal satirique en PACA.
Quelques mots sur la loi d'octobre 2019 réformant la distribution de la presse. Les administrations de contrôle seront fusionnées avec l'ARCEP, l'administration de contrôle des télécoms et des postes. L'unique réseau de distribution privé Presstalis sera ouvert à la concurrence alors que les difficultés économiques du secteur ont conduit au regroupement des sociétés de diffusion (la concurrence a donc échoué…). En dehors de la presse d'Information Politique et Générale (IPG), les distributeurs pourront choisir les titres qu'ils distribuent. C'est problématique puisque les autres titres de presse et magazines représentent 70 % du chiffre d'affaires des magasins de presse. Est-on sûr que ces titres continueront à être diffusés au fin fond de la France ? Le ticket d'entrée pour se faire diffuser ne va-t-il pas devenir inabordable ? J'ai aussi mis de côté le point de vue de l'Union des commerçants de loisirs et de presse (qui représente environ 50 % des magasins de presse).
Pour résoudre la crise de la diffusion de la presse, la macronie va l'ouvrir… au privé !
L'affaire a fait grand bruit. Début mai, L’Equipe Magazine se penche sur l'homophobie dans le sport. En une, deux joueurs de water-polo s'embrassant. Un kiosquier refuse de distribuer le titre ! Depuis, il a été suspendu. Un dérapage qui pourrait devenir la norme ? Peut-être.
La question de la distribution de la presse est suffisamment électrique pour que le ministre de l'Intérieur italien accuse la CGT d'avoir bloqué la distribution du Point qui affichait sa frimousse. Le syndicat a démenti, expliquant que le blocage n'a rien à voir avec le contenu, Marianne n'ayant pas été distribué non plus…
Le Ravi a lui aussi connu quelque retard quant à sa mise en kiosque. Car, depuis plusieurs mois, le SGLCE CGT se mobilise contre la réforme de la distribution qui vient d'être adoptée au Sénat et qui sera examinée en juillet à l'Assemblée.
Pluralisme dans le viseur
Pour Didier Lourdez, du SGLCE, « cette réforme, c'est la mort de la loi Bichet qui, depuis plus de 70 ans, régit la distribution. Et assurait le pluralisme ». En effet, au regard des difficulté de l'opérateur historique — Presstalis — la solution envisagée est, ni plus ni moins, l'ouverture à la concunence. Jusque-là, le système était des plus encadrés avec, schématiquement, une solidarité entre petits et gros éditeurs. Et ce, sous le contrôle du CSMP et de l'ARDP (le Conseil supérieur des messageries de presse et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse).
Outre le remplacement de ces instances par l'autorité qui régulait jusque-là les télécoms (l'Arcep) [N.D.L.R : et la distribution postale ] et au-delà de l'arrivée d'un nouvel opérateur, ce que pointe la CGT, c'est le fait de laisser davantage de choix aux marchands de journaux quant aux titres qu'ils vont pouvoir ou non distribuer : « Certes, il y aura obligation de distribuer la presse d'information politique et générale (comme le Ravi, Ndlr). Mais, pour le reste, les marcbands de journaux vont pouvoir, au nom de la rentabilité, choisir ce qu'ils distribuent. »
Soupir de Thierry Guillen, responsable CGT a la SAD 13, la société de diffusion basée à Marseille : « On se remet à peine d'un plan à l'issue duquel il y avait eu regroupement des sociétés de diffusion. Voilà pourquoi on couvre désormais presque tout le sud-est. On craint donc le pire. Et pas qu'en interne. Qui nous dit que les plus gros éditeurs ne finiront pas par décréter que ça coûte trop cher d'aller livrer au fin fond de la France tel ou tel titre ? A part les leurs, bien entendu… Aujourd'hui, tout est remis en cause. Et les salariés comme les petits titres sont en première ligne. »
Concurrence renforcée
Laurent Gandy, responsable de la diffusion chez KapMedia, qui épaule le Ravi dans sa distribution, est lui aussi critique : « Le but, c'est avant tout de sauver les quotidiens. Mais avec une approche assez paradoxale. D'abord parce que les "petits" se retrouvent à payer pour les "gros". Mais aussi parce que si tous les diagnostics tendent a pointer, comme source des difficulté, la forte concurrence entre les opérateurs, la solution préconisée c'est de… renforcer cette concurrence ! » Sa crainte ? Voir « le ticket d 'entrée pour être distribué grimper, en particulier pour les nouveaux entrants. Parce qu'on se focalise sur les quotidiens. Mais le pluralisme et ce qui fait vivre le secteur, ce sont aussi les nombreux titres spécialisés ». Et de se souvenir qu'il y a quelques années, « les marchands de journaux avaient la possibilité de retirer de la vente un bimensuel après un mois et demi, comme s'il était resté trop longtemps en vente. Résultat : ceux qui avaient opté pour cette solution ont vu leur chiffre d'affaires baisser. Le problème, ce nest pas qu'il y a trop de titres. C'est une crise plus profonde ».
Le ministère n'a de cesse de calmer les inquiétudes. Sans véritablement y parvenir. En témoigne cette saillie de Franck Riester, le locataire de la rue de Valois, ironisant dans L'Express pour calmer le chaland : « Des magazines sur les râpes à fromage peuvent être imposés aujourd'hui aux marchands de journaux. Eh bien le marcband de journaux ne sera plus obligé de vendre ce magazine-là, qui n'a pas grand-chose de crucial. » Après vérification, nous n'avons trouvé aucune trace de publication consacrée à cet ustensile. Y a peut-être pas de quoi en faire un fromage mais, à l'heure de la lutte contre les « fake news » et autres « infox », ça la fout mal.
On retrouve la râpe à fromage dans l'argumentaire de l'Union des commerçants de loisirs et de presse.
Dans le numéro de juillet-août 2019 du Ravi, journal satirique en PACA.
Inégalités hommes/femmes dans les sports. Les compétitions sportives féminines représentaient 14 % des retransmissions TV en clair. Moins de sponsors et de moyens. 32 % de femmes éducatrices sportives (moins de 3 % dans le foot). Les sportives sont moins bien rémunérées, et les jeunes sportives éprouvent des difficultés pour s'identifier à quelqu'une puisque peu d'éducatrices et peu de vedettes féminines. Certains sports sont moins exigeants pour les femmes, comme la boxe (72 rounds de 3 minutes pour les hommes contre 70 rounds de 2 minutes pour les femmes). La présence des femmes dans les sports est un combat permanent : en 1900, elles ont été autorisées à participer aux JO ; En 1960, on exclut des compétitions les femmes trop musclées et trop performantes ; En 2014 (!!!), on les autorise à pratiquer le saut à ski de haut niveau ; En 2018-2019, l'hyperandrogénie est sanctionnée par l'obligation de subir d'un traitement médicamenteux. En 2019, les jeunes joueuses de foot, contrairement aux jeunes joueurs ne bénéficient pas de contrat avec un club.
Les performances françaises lors de la coupe du monde de football féminin (sic !) vont-elles changer le sort des sportives en Provence-Alpes-Côte d'Azur ? Les discriminations médiatiques, scodiales, financières et historiques y ont la peau dure…
« Le foot féminin prend, d'un point de vue médiatique, plus d’ampleur et c'est très bien », salue Caroline Pizzala, capitaine de l'équipe de l'OM et ex-joueuse en équipe de France. Et ça paye ! Les matchs France-USA et France-Brésil, avec à chaque fois près de 12 millions de téléspectateurs, ont obtenu les meilleures audiences de l’année. Pour la première fois en France, tous les matchs de la Coupe du Monde féminine ont été retransmis à la télévision. La communication autour de l'événement est sans précédent pour une compétition « féminine ».
Une situation exceptionnelle qui révèle une autre réalité : les compétitions sportives féminines restent moins diffusées. En 2015, elles ne représentaient que 13,8 % des retransmissions en clair selon le ministère de la Culture. « Au moins deux matchs de garçons sont retransmis par semaine. Pour nous ce n’est pas le cas », affirme Marina David, handballeuse de l'OGC Nice. Conséquence : moins de sponsors, de moyens, et une difficulté pour les jeunes filles à trouver des modèles.
Si les sportives sont moins visibles, elles sont aussi traitées différemment dans les médias. « On ne parle pas de la même chose avec une femme athlète qu’avec un homme. Il faudrait poser les mêmes questions aux uns et aux unes », soutient Anne Vial, directrice de la ligue Paca de natation. Lors de la remise du premier ballon d'or à une footballeuse, en décembre dernier, la première question posée à Anna Hegerberg par Martin Solveig, animateur de la soirée, a été « est-ce que tu sais twerker ? » (le tvverk est une danse à base de mouvements de hanches et de fesses, ndlr).
En même temps, Solveig est un DJ, le twerk est dans son giron et il avait prévu cette """"danse"""" (ainsi qu'une valse), y compris avec d'autres personnes, donc s'il animait la soirée, c'est un peu logique qu'il ait demandé ça, non ? Il va pas te parler cuisine. Solveig a aussi fait danser Mbappé, hein.
Moins capables ?
Cette réduction d'une sportive à son corps et sa désirabilité n'est pas nouvelle. Le contrôle du corps des athlètes a pendant longtemps été au cœur de la pratique sportive des femmes. Au point de les empêcher d’atteindre leur plein potentiel. Dans les années 1960, les compétitions internationales ont mis en place des vérifications de « féminité ». Mesdames, ne soyez pas trop fortes, trop musclées, trop performantes ou vous n'aurez pas le droit de concourir ! Si ces contrôles ont disparu, la féminité des sportives reste toujours surveillée, rappelle Anne Vial : « L’affaire Caster Semenya, une athlète sud-africaine, est un scandale. Elle naît avec un taux de testostérone supérieurà la moyenne. Le tribunal lui demande de prendre un traitement pour le faire baisser. Et il ne faut pas oublier que c'est une femme noire et lesbienne. On n’a jamais demandé à des athlètes masculins de modifier leur fonctionnement génétique. »
Certains sports, comme la boxe ou le tennis, ont des exigences moins élevées pour les femmes. Alors qu'elles ne sont pas moins endurantes ou moins capables que les hommes. « En boxe aux championnats du monde, les hommes font 72 rounds de 3 minutes. Les femmes vont faire 70 rounds de 2 minutes. Sauf qu’on s'entraîne avec les hommes sur 3 minutes et 72 rounds », affirme Johanne Cavarec, championne de France 2010 de boxe anglaise.
« Nous sommes au moins deux fois moins payées que les hommes » avoue la handballeuse niçoise Marina David. Au-delà des salaires, les moyens structurels et financiers sont moindres pour les femmes comme l'explique Johanne Cavarec : « En 2009-2010, l’équipe de France féminine de boxe avait moins de moyens. Elles étaient moins bien loties en terme de structures d'accueil (…) Elles sont maintenant mieux encadrées. Ça aide à être meilleure et plus performante. »
Malgré tout, une partie des sportives s’estiment satisfaites. « Le hand a été bien féminisé depuis quelques années. À la Ligue française de handball on est vraiment bien », affirme Marina David. Caroline Pizzala voit également en positif l'évolution du football féminin où, selon elle, beaucoup d’efforts ont été faits depuis le début de sa carrière, il y a 15 ans : « Les structures de formation et les clubs se développent. Il y a plus de moyens humains, financiers, donc les joueuses sont de plus en plus performantes »
Féminisme fait peur
La réduction des inégalités permettrait ainsi aux sportives de pouvoir aller au bout de leurs capacités. « Les performances des femmes se rapprochent de celles des hommes. (…) En natation, en moyenne, on est passé de 50 % d’écart de performance en 1900 à environ 8 % dans les années 1980 », explique Catherine Louveau, sociologue spécialiste du sport.
Mais sur la suite à donner, plusieurs écoles s'opposent. Pour Caroline Pizzala, « il faut être conscient de l'évolution qu’a pris le sport féminin en général et ne pas vouloir aller trop vite non plus (…) Il faut se satisfaire de ce qui est fait ».
Un état d’esprit que déplore Catherine Louveau : « Aux Etats-Unis, les joueuses de tennis se sont battues pour avoir les mêmes primes. En France, je n'entends pas les sportives râler, réclamer. Le mot "féminisme" leur fait peur (…) Ça me choque qu’elles acceptent cette infériorisation. Et elles l'acceptent parce qu'elles sont éduquées comme ça, parce qu'il ne faut pas politiser le sport. »
D'autres comme Anne Vial sont plus mitigées sur les revendications à défendre et les politiques à mener. « Je n'aime pas forcément la discrimination positive, mais peut-être qu’il faut en passer par là. Forcer le trait sur les athlètes féminines et les difficultés qu'elles rencontrent, car il y a moins d'argent, de visibilité, de couverture médiatique. »
Une nouvelle génération de sportives aura peut-être la réponse. Suzanne a 12 ans. Elle fait du handball depuis 4 ans, dans une équipe entièrement masculine. « Au hand, j'oublie que je suis une fille mais parfois je suis obligée de le souligner, de dire "arrête de me traiter comme ça". Heureusement, c'est rare. Des fois, j'ai envie de m’imposer en disant "je suis une fille dans une équipe de garçons et rien que pour ça tu me respectes" (…) Je suis encore un peu jeune mais je pense que j'ai des idées féministes. » Jeune fille indignée par les inégalités deviendra peut-être handballeuse professionnelle
Le sport a été longtemps pensé et conçu comme un domaine d'hommes. Les femmes en étaient écartées, considérées comme trop faibles pour avoir une activité physique. En 1900, elles ont été pour la première fois autorisées à concourir aux Jeux Olympiques. Et depuis, leur participation n’a fait que s'accentuer : elles étaient 10 % en 1948, et 45 % aux JO de 2016. Mais l'égalité dans l'accès au sport de haut niveau est encore laborieuse. Il a fallu attendre les JO d’hiver de 2014 et plusieurs années de bataille judiciaire, pour que les femmes soient autorisées à concourir en saut à ski, sur petit tremplin seulement. Les arguments avancés auparavant prétendaient une incapacité des femmes à pratiquer cette discipline à haut niveau.
Les perceptions sont difficiles à changer car le sport est lié à la virilité. « Symboliquement, l'idée que des femmes puissent l’emporter sur les hommes est une véritable angoisse collective pour eux », explique Catherine Louveau, sociologue du sport. Angoisse qu'elle illustre par une anecdote de l'université où elle enseigne : « Une fille très grande et costaude s’est pris un coup de pied dans la tête par un garçon qui n’a pas supporté qu’elle joue au rugby dans un match mixte. » Pour Anne Vial, présidente de la Ligue Paca de natation, le sport est vu comme un domaine masculin, notamment car il y a peu de sportives à la télévision ou dans les médias. « Le sport a un discours guerrier et combatif. Ces valeurs-là, elles sont considérées comme masculines et pas féminines. »
Ce discours est une connerie… Le sport devrait être exclusivement une activité de bien-être, de plaisir, de partage et de rencontres…
D'après un rapport de 2017 du secrétariat d'Etat chargé de l'Egalité entre les femmes et les hommes, en 2016 en France, les femmes ne représentaient que 38 % des sportif-ves de haut niveau. L‘encadrement est aussi essentiellement masculin. En 2015, sur 133 393 éducateur-es sportif-ves, on comptait seulement 32 % de femmes. Elles ne sont que 2,6 % pour le football.
Pour Catherine Louveau, cet apprentissage du sport comme domaine masculin commence dès l'enfance : « La socialisation des filles et des garçons, dans le rapport à l’espace, au jeu, à l’engagement du corps n’est pas du tout le même ». Faire changer les mentalités auprès des enfants, un début de solution ?
Dans le numéro de juillet-août 2019 du Ravi, journal satirique en PACA.
D'après la Chambre régionale des comptes, il y aurait une trentaine de fonctionnaires sans affectation, donc rémunérés sans poste associé, depuis 25 ans au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var. :O
La Chambre régionale des comptes contrôle, depuis 2011, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var (CDG). Elle y a déniché quelques irrégularités. « Pratiques budgétaires portant atteinte à la sincérité des comptes », rien qu’ça ! Un siège social de 6 millions d'euros qui plombe les comptes, des budgets présentés en déséquilibre chaque année et des salles d’examen promises par le prestataire mais inexistantes. Le centre serait surtout hanté par une trentaine de « fonctionnaires fantômes », payés depuis 25 ans sans bosser car sans affectation. Une situation qui coûterait plus d’un million d'euros par an. Claude Ponzo, maire LR de Besse-sur-Issole et président du CDG 83 assure « tout mettre en œuvre » pour faire la chasse aux fantômes. Booo !
1 000 000 €, ça fait tout de suite scandaleux alors que… 1 000 000 / 12 = 83 333 € par mois. 83 333 / 30 = 2 777 € de coût employeur par tête. Si l'on prend un coefficient de 1,4 pour les charges patronales (réaliste pour la fonction publique), ça fait 1983 € brut par mois par tête. Si l'on prend un coefficient de 1,2 pour les charges salariales, ça fait 1652 € net/mois/tête.
Dans le numéro de juillet-août 2019 du Ravi, journal satirique en PACA.
Près de Dijon, le seul fabricant français de mâts en acier (utiles pour une éolienne, par exemple), qui représente 15 % du marché national, agonise lentement (3 redressements judiciaires). Des mâts sont fabriqués 10 % moins cher en Espagne, au Portugal ou en Asie. La ministre de la transition écolo semble s'en moquer… Absence d'une vision industrielle pour l'avenir. La France ne fabrique ni les pâles ni les moteurs des éoliennes, de toute façon.
Pour faire écolo, on ferme une usine d’éoliennes, et on transporte les mâts à travers l’Europe sur de gros camions bien polluants. Vous la voyez, vous, la logique ?
Tout est immense, ici.
Dehors, c’est un hangar grandiose, cent mètres de long, peut-être plus, dix mètres sous le toit, des portions de mâts démesurés, de quatre mètres de diamètre. Même le bureau dans lequel nous reçoivent les salariés, et la direction. On est dix, on pourrait y entrer à deux cents.
On se sent tout petits. C’est Gulliver chez les géants : nous voilà au pays des éoliennes.
Mais l’affaire a du plomb dans les pâles. « On a eu trois redressements judiciaires et on n’a jamais vu personne bouger ! » Imad, les dents serrées, lâche sa colère devant sa direction.
Lui et une cinquantaine de collègues fabriquent des mâts d’éoliennes pour FrancEole, à Longvic, en lisière de Dijon.
On pourrait croire que les éoliennes ont le vent dans le dos, vont dans le sens de l’histoire. Mais non. Le seul fabricant français de mâts en acier vit une lente agonie industrielle, ponctuée de sursauts d’espoir. Comme en septembre 2017, quand l’usine est rachetée par Nimbus, un fonds d’investissement néerlandais. Qui promet monts et merveilles : la totalité des emplois préservés, des investissements. La fatalité industrielle semble s’enrayer, l’éolien français n’a pas dit son dernier mot.Mais un an et demi plus tard, rebelote. Nimbus a certes investi, mais seulement 300 000 €. L’équivalent d’une semaine de production. Le prix d’un seul mât. 1 % du chiffre d’affaires de 2016. « Ça nous a permis de tenir dix-huit mois » soupire Sophie, la directrice, aux côtés de ses salariés. « Notre carnet de commandes est rempli jusqu’en juillet. Après, on n’a plus rien. »
L’Etat reste muet, et la boîte, 15% du marché national, meurt dans son coin.
Pourquoi ?
Parce que « la concurrence ».
Parce que des mâts qui coûtent 10 % moins cher viennent d’Espagne ou du Portugal, voire d’Asie du Sud-Est. Soit la direction s’aligne sur ces prix, et produit à perte, soit les commandes lui passent sous le nez. A ce jeu-là, la trésorerie est désormais cramée. Pour les éoliennes, la France ne fabrique aucune pâle. La France ne fabrique aucune nacelle. Et la France va donc perdre ce fabricant de mâts.
Le dossier est arrivé sur le bureau du ministre de la Transition écologique et solidaire. Pas de réponse. « Ça ne faisait pas partie de ses priorités. Pourtant, il y a en France un marché pour dix boîtes comme la nôtre. On espère que ça va changer très vite… », songe Sophie.Au-delà de cette boîte, c’est un symptôme : de la nullité des élites françaises, infoutue de se placer sur un marché d’avenir, de mettre en œuvre une politique industrielle, d’instaurer un protectionnisme des industries naissantes…
Des camions chargés de mâts, gigantesques, vont donc sillonner l’Europe, voire le monde. Pour une énergie propre…
Via le numéro 89 (juin-août 2019) de Fakir.
Je découvre le concept de village avec des vitrines factices (autocollants dits vitrographies) afin de ne pas donner aux touristes l'image d'un bourg abandonné. Fausse boucherie, faux marchand de souvenirs, faux marchand de fruits et légumes, faux restau, etc. :O Dans cet article, il s'agit de Laon dans l'Aisne (25 000 habitants), mais le constat est identique à La Roche-sur-Yon en Vendée (54 000 habitants). Un projet identique était annoncé en 2018 pour Sainte-Ménehould dans la Marne (4 000 habitants). À Laon, le maire semble vouloir étendre le grand centre commercial à l'extérieur de la ville, lol.
Laon, 23 avril 2019.
« Regarde ! Mais regarde mieux ! » J’ouvre de grands yeux, je ne vois rien. « Mais si, la, regarde ! »
J’ai pas envie de le contrarier, Laurent, ancien routier, 49 ans, imposant, une force de la nature. Alors, je plisse les yeux, je scrute. Il me dépasse d’une tête, malgré mon mètre quatre-vingts. Entre la gare et le ciné, et chez lui, il me raconte spontanément ses problèmes de dos, ancien routier, son mariage infructueux, sa femme, quatre enfants avec lui, huit avec d’autres, et les études qu’il a reprises pour devenir juriste. Tout ça sur le ton de la confidence, comme si nous étions des amis depuis longtemps. Chez lui, il me montre ma chambre, Celle de son fils, absent ce soir-là. Et au-dessus de mon lit… Marine Le Pen. Un grand portrait. Un grand portrait de Marine Le Pen. Une affiche de campagne, les Présidentielles 2017. A côté, au mur, des affiches agricoles, avec tracteurs, moissonneuses-batteuses. Et aussi, des photos sépia de deux jeunes qui s’aiment. Avec Laurent, on visite ensuite la ville, la cathédrale et les vieilles bâtisses médiévales, qui surplombent les voies ferrées et des immeubles d’après--guerre mal entretenus. Il flotte un air de mélancolie dans cette petite cité. Les jeunes fuient, me raconte Laurent, puis se retournant, pour vérifier que personne n’entend, il me chuchote avec tristesse : « Seuls restent les cas sociaux. »
Et c'est là, donc, que je ne vois rien. Il m’avait prévenu, pourtant, avec un sourire narquois, en descendant du bus qui serpentait vers le centre-ville : « Ouvre bien les yeux ! » On est devant la principale rue commerçante, pavée en beige, proprette. Rien ne me choque mais… Si, plusieurs commerces attirent mon attention : leur façade est jolie et lisse, mais rien ne semble bouger. Pas un mouvement. Ce sont des images. Des décors. La majorité des commerces est factice, pour donner l’illusion que la rue est vivante. Deux commerces sur trois, voire trois sur quatre, sont faux. L’impression d’une vaste opération Potemkine : ne surtout pas donner l’image d’un bourg abandonné. « Tout ça, oui, c’est du faux, s’exclame Laurent. On recouvre l'ensemble des façades des commerces fermés afin que les visiteurs n'aient surtout pas l'impression de visiter une ville qui tombe en ruine. Tout est en toc. Presque plus aucun commerce ouvert ! » A côté, pourtant, un peu d’animation. « Une petite place avec quelques cafés aux terrasses vides. Sur la devanture, des drapeaux français, anglais, espagnols et allemands. Mais au moins, les cafés sont ouverts. « Alors ici, les serveurs ne sont quasi pas payés, précise Laurent, qui fait guide touristique. C’est un bar tenu par un copain du maire, tu vois, et les gens acceptent d’être pas payés ! On est si pauvres ici qu'on accepte n’importe quel boulot. Et regarde bien par ici. » Il me montre du doigt un magasin de souvenirs, en peinant à contenir sa colère. « Tu vois cette dame dans cette boutique ? Elle a 70 ans. Elle a passé sa vie a travailler et elle ne touche que le minimum vieillesse. Alors, une fois arrivée à la retraite, elle a vendu son échappe et finalement y a été embauchée. Elle n'y arrivait tout simplement pas, sans ça, avec ses 600 € par mois. Les loyers sont trop chers pour elle, il faut mettre au moins 300 € pour vivre décemment. »
Le nombre de magasins Potemkine sur la route de la cathédrale : une fausse boucherie avec des personnages dessinés et souriants, et l’inscription « ma petite boucherie ». Un faux marchand de fruits et légumes, un marchand de souvenirs factice… Il faut donner le change, ne pas perdre la face, continuer à faire croire aux habitants et aux passants que Laon n’est pas morte. Même s’il manque les humains. La dernière fierté, c’est la cathédrale, qu’on va visiter, symbole de la glorieuse histoire médiévale de la cité, ancienne capitale de France. Un panneau plein de défi ose un « Laon, cité de Dieu ». En sortant, Laurent se penche par-dessus une rambarde, et au bord du précipice me montre une clôture sur une pente escarpée. « Tu vois ça ? C’est encore un projet absurde. Le maire s'est dit qu’on mettrait des chèvres sur les bords du plateau de Laon, comme d’antan. Problème : il n'y a finalement jamais eu de chèvres, enfin si, juste quatre, car on ne savait pas trop quoi en faire, de ces chèvres. Résultat, on a bâti toute une clôture électrique pour rien tout le long du plateau, avec nos sous évidemment, et on a un élevage de chèvres fantôme. » En redescendant vers la basse ville, il maugrée. « Tu vois, la pauvreté ça fait faire n’importe quoi aux gens. On a maintenant des cas de gens qui se font poignarder le soir pour des conneries de vol. On en a eu deux depuis le début d année, il paraît. » Une autre rue commerçante, mais cette fois on ne fait même plus semblant, beaucoup de magasins fermés ou à vendre. Comme si les commerçants étaient partis en courant par crainte d’une éruption volcanique. Le plus souvent, placardée à l’entrée, une feuille arrachée d’un cahier à spirale sur laquelle est griffonné un numéro de portable. Laurent semble avoir perdu toute velléité de rébellion, il égrène simplement les dates de fermetures des différents magasins, comme autant d’épitaphes dans le cimetière économique de la ville, et « le maire qui veut qu'on étende un grand centre commercial a l'extérieur de Laon ».
On part pour la séance du film. Le seul cinéma de la ville est un ancien CGR reconverti en art et essai, un très beau bâtiment des années 1960, flétri par les années et la poussière, mais qui connut probablement des heures glorieuses autrefois. A l’extérieur, plusieurs groupes de Gilets jaunes sont en train de se retrouver et de chanter. Dehors, la rue commence à grouiller de monde. Les Gilets jaunes se sont désormais mués en un collectif chaotique, mêlés à des spectateurs perdus dans cette ruche improvisée. Cette foule énergique entre à l’intérieur de la salle, non sans mal, et le cinéma semble déborder, et même craquer, sous le poids des gens, de leur enthousiasme et de leur colère. Au moment même de lancer le film, les chants à l’intérieur résonnent encore : « Les gens n'aiment plus trop aller au cinéma en soi, pour le prix, confie le directeur du ciné. C'est triste. Ils viennent pour vivre une expérience. Propose-leur j’veux du soleil sans rien, ils ne viendront pas. Annonce-leur un débat après le film, ils seront deux cents comme aujourd'hui. » Alors, la, juste avant le débat, je me dis que l’on aura, en quelques heures, accompli de petits exploits. Comme aller chercher des Laurent et des Myriam qui viennent d’autres mondes, de ces univers que la gauche ne parvient plus et se refuse à approcher. Des univers qui possèdent pourtant une vraie ardeur humaine. Laon a brillé ce soir du feu de l’espoir.
Dans le numéro 89 (juin-août 2019) de Fakir.
Claquer 12 millions d'euros pour bétonner 8,4 hectares de terres agricoles pour y construire un parc à surf, des hôtels, des restaus, un camping, etc. à Saint-Père-en-Retz (à côté de Saint-Nazaire), soit à 5 kilomètres de l'océan atlantique et de ses vagues naturelles. Génies ! Tout ça et un gâchis d'énergie pour avoir des vagues parfaites de 20 secondes… Quel intérêt de surfer sur des vagues parfaites ?! Le projet devrait obtenir son permis de construire d'ici début 2020.
Un Surf Park artificiel à deux pas de l‘océan, au milieu des terres ? C’est ce qu'on appelle le bon sens…
« Mais on est en plein milieu des terres, ici ! C'est là qu ils veulent construire une mer artificielle ? Avec un moteur, avec des vagues ? »
Eh ben oui.
C’est bien ici.
Dans les champs, parmi les bosquets.
« C’est un projet qui s'est déjà monté en Ecosse, nous explique Yoann, la trentaine, grosses lunettes et chemise rouge à carreaux. Un grand bassin au milieu de la campagne, pour y faire du surf. Pour une heure de fonctionnement, la consommation, c’est l'équivalent énergétique de quatre foyers sur un an. Donc imaginez en multipliant par le nombre d'heures ou le bassin va fonctionner… »
Précision, quand même : on est à cinq kilomètres de l’océan… Mais le « Surf Park », lui, prévoit de bétonner 8,4 hectares de terres agricoles pour créer un bassin de 200 mètres de long sur 75 de large. Evidemment, derrière, tout est à l’avenant : un complexe sportif et hôtelier, un camping de huit hectares… Douze millions d’investissement prévus. C’est à une société privée, Nouvelle Vague, qu’est venue cette idée de génie. Il ne lui a pas fallu longtemps, remarquez, pour convaincre la commune, et la communauté de communes, et le Département, et même le ministère des Sports. Ils en rêvent, certains se frottent même les mains : quinze emplois créés, 100 000 visiteurs espérés.Après l'échec de Notre-Dame-des-Landes et du YelloPark (l' ex futur stade de foot du FC Nantes), il fallait bien ça pour se refaire la cerise… « Mais les terres, elles sont pas cultivables ou quoi ? reprend le rédac’ chef.
Maïté : Mais si, bien sûr !
Yoann : On pourrait y faire du foin, ou mettre les animaux… On a d’ailleurs monté un collectif, Terres communes, qui se bat pour les terres agricoles, contre les accaparements de terres, comme ce projet de Surf Park.
François : Mais y a peut-être pas de maraîchers, alors, qui veulent s’installer ici ?
Yoann : Si, si, il y a des milliers de jeunes qui veulent s'installer. Mais les terres disparaissent, avec le béton, et leur accaparement par les industriels. »
Alors, avec ses collègues, au sein de leur collectif, ils pétitionnent, manifestent, pour « défendre l'avenir de la petite paysannerie ». Qui sait, peut-être les vaches ne s’exerceront-elles pas au surf de sitôt…
Dans le numéro 89 (juin-août 2019) de Fakir.
Un article sur le village Emmaüs Lescar-Pau. L'une des communautés Emmaüs, c'est-à-dire un lieu où vivre, participer, faire partie d'un groupe. Depuis 2010, les compagnons sont reconnus comme des travailleurs solidaires, qui cotisent pour leur retraite et un accès à la CMU-C. Ce village près de Pau n'est pas auto-géré ni auto-suffisant, mais ça progresse. 130 habitants, 70 éco-constructions, une ferme alternative, une épicerie, un bar, un restau, un journal local, des ateliers, etc. La population inclut des ex-conseillers financiers, des ex-agent immobilier, des enfants de riches, etc. en quête d'un sens à leur vie et à leurs actions.
On pensait trouver des gueules cassées, des abîmés de la vie, des SDF paumés, chez Emmaüs. Mais non : un cadre sup’, un conseiller financier, une agent immobilier…
« Je bossais pour des multinationales, dans un cabinet de conseil en droit. Je n’avais jamais de doutes. Mais aller n’importe où en France pour faire des plans sociaux, un jour, ça vous bouffe. Alors, je suis venu ici. Je me suis mis dans le collectif. J’ai abandonné la pression.
[…]
On était dans l’enclave d’Emmaüs Lescar-Pau. 130 habitants, 70 baraques. Un territoire libéré du capitalisme. Sans doute pas parfait, non, pas une utopie, mais une expérience, sa ferme alternative, ses cochons, ses poules, ses champs pour le blé, ses maisons en éco-habitat. Et son patron-fondateur, Germain. Qui s’était présenté, d’emblée, le matin : « Des chaussures de moine, une tête de missionnaire, mais entre les deux, c’est Satan qui domine. » Un diable, donc, avec un projet politique : « On a de suite voulu faire autre chose que de la gestion du misérabilisme. On veut renverser le système, proposer autre chose. »[…]
« Et alors, comment vous en êtes arrivés là ? », relance le rédac’ chef.
Jean-Pierre, l’ancien conseiller des multinationales, la cinquantaine, poursuit :« Quand j’ai vécu la mort de mon frère dans mes bras, ça a tout changé. Je suis d’abord venu pour quinze jours, puis je suis rentré, j’ai tout vendu, tout liquidé, et je suis revenu. Ici, je fais plein de choses dont je ne me pensais pas capable. Quand on arrive au village, on est un peu consommateur, on a besoin de se refaire. Puis on devient acteur. Ici, si quelqu’un veut créer quelque chose, il le fait. »
Telma, une jeune quadra, a elle aussi fait sa révolution.
« J’avais envie de changer de vie. Avant, j’étais agent immobilier, je ne doutais de rien : je travaillais de 8 heures à 21 heures, et je ne voyais pas mon enfant. J’ai eu beaucoup d’argent, mais je ne profitais pas de la vie avec lui : on avait de l’argent, mais pas de temps. Je suis arrivée il y a cinq ans, un peu par hasard, et je ne suis pas repartie. »
Les mêmes histoires se succèdent, avec ça à chaque fois : la quête d’un sens, fuir des vies qui n’offraient plus d’horizon, étouffantes. […]
[…]
Marzena, elle, a débarqué à Emmaüs à 20 ans, en 1996, depuis sa Pologne natale : « Ici, c’est pas le chemin classique de la société : on n’est pas là pour un patron ou pour des bénéfices. Ailleurs, les gens sont formatés à ça. On est devenus des robots, juste bons à bosser et payer. Je ne veux pas de cette vie-là.[…]
Via le numéro 89 (juin-août 2019) de Fakir.
Petit rappel sur la vacuité de nos journaux. Exemples : à l'Assemblée, Ruffin propose un capital-décès pour les gamins cancéreux, les journalistes l'interrogent sur un opportunisme post-élections européennes alors que la proposition de loi auxquels ils se réfèrent a été pensée et écrite des mois auparavant. Ruffin évoque la Dépakine de Sanofi, les journaux l'interrogent sur les drapeaux européens. Il dénonce les connivences entre le Président et des grands patrons ? Ils écrivent sur sa chemise hors du pantalon. Il publie un livre sur la fabrication d'un Président par les élites économiques, ils y lisent une ambition présidentielle. Oui, la vie des grands éclipse la vie des gens. Même pas forcément pour du profit puisque la presse traditionnelle est en crise alors que les gens lisent des magazines qui écrivent sur le temps long et écoutent des vidéos politiques.
Je recommande de visionner le dessin qui agrémente cet article, car il résume tout :
(Ruffin) ‒ Mais non ! Je vous parle de ju-sti-ce so-cia-le !
(Professeur Tournesol) ‒ Oui… Oui… J'entends… Et pourquoi vous dites que votre groupe est nul à l'Assemblée nationale ?
[…]
« Au lendemain de la débâcle des Insoumis et du bon score des Verts, est-ce que cette conférence de presse aujourd’hui sur l’aérien, c’est aussi une manière pour vous de revenir dans le jeu sur les thématiques environnementales ? »
C’est le gars de Quotidien qui me demandait ça.
La salle est pleine de journalistes, aujourd’hui. Pour notre proposition sur le capital-décès (voir page 22), il n’y en avait qu’un…
J’ai répondu, posément d’abord. Que Joseph, mon attaché, travaillait sur ce texte depuis février. Qu’on l’avait déposé il y a un mois, au moins. Que la conférence de presse, et la venue de la députée néerlandaise, écolo, Suzanne Kröger, était calée avant les Européennes.
Factuel, quoi.Un autre journaliste a rebondi, néanmoins : « Cette proposition intervient quand même au lendemain des élections européennes, où une partie de vos électeurs de la France insoumise se sont orientés vers Europe-Écologie‑Les Verts. Est-ce que cette proposition, ce n’est pas aussi une façon de remettre du vert dans la machine pour relancer le moteur ? » On allait passer une heure là dessus, donc ?
« Je trouve navrant, je vous le dis – je suis de votre métier, puisque je suis journaliste et je le redeviendrai – je vous dis que je trouve navrant qu’au moment où on est en train de s’interroger sur comment on va faire pour sortir la planète de ce guêpier, sur le plan du transport, de la culture, sur le plan de l’agriculture, comment on va faire pour ne pas foncer droit dans le mur écologique, qu’on en soit ramenés à des petites histoires de tambouilles.
Je n’en suis pas.
Ça ne m’intéresse pas.
J’essaie de porter autre chose.
Et je vous prie, vous journalistes, vous qui devez être la conscience aussi de notre pays, je vous prie de faire l’effort, le même effort, de vous demander non pas : “Qu’est-ce que ça signifie Ruffin par rapport à Mélenchon ? Pourquoi Delphine Batho est-elle à cette table ? Mais alors ils sont allés chercher une députée néerlandaise qui est verte ?” Mais de vous mettre dans cette urgence : “Punaise, comment mes enfants, demain, vont pouvoir grandir et grandir avec des hirondelles ?” C’est ça l’enjeu ! C’est ça l’enjeu.
Et si vous me ramenez à des histoires de tambouille, vous allez faire un député qui va se barrer. »Ça a éclaté là.
Mais dans mon mandat, ça participe de ma déprime : affronter les poupées Jivaro de l’info. Qui réduisent tout à des querelles, à des chapelles, à du dérisoire.
Un mercredi, dans l’Hémicycle, lors des questions au gouvernement, je monte au créneau sur la Dépakine, sur les trente mille enfants souffrant d’autisme, sur le mépris de Sanofi, et je m’apprête ensuite, devant caméras et micros, à pointer les mensonges du Premier ministre. Mais sur quoi m’interroge‑t‑on ? Sur les étoiles du drapeau européen.Tard le soir, en séance, malgré l’hostilité ambiante, je dénonce les complaisances et connivences entre Arnaud Lagardère et Emmanuel Macron. Que retiennent les sites Internet ? Ma chemise hors du pantalon.
Je publie un essai sur l’oligarchie, sur la fabrique des élites, comment peut-on diriger un pays qu’on ne connaît pas ?, je dépeins en contrepoint les Marie, les Anne, les Zoubir, les Peggy, que j’ai croisés depuis vingt ans, et la dépêche AFP rassemble trois lignes ici, deux là, sur mes hypothétiques ambitions présidentielles…
Je passe sur France Inter, avec toute une tirade sur le printemps silencieux, la disparition des oiseaux, le bouquin d’Amos Oz, Soudain dans la forêt profonde, et ils titrent sur un tacle, lâché presque malgré moi, « François de Rugy à l’écologie, c’est une pitrerie ».
Et surtout, le feuilleton Mélenchon. Un mot de traviole, un bafouillage, un geste, et c’est parti sur le divorce, le conflit, la guéguerre, etc.Tout ça m’ennuie.
Tellement.
Quel est mon credo depuis vingt ans ? Que la vie des grands n’éclipse pas la vie des gens. Que la politique, les médias, ne se bornent pas à la « chronique du roi Macron », comme Saint-Simon fit celle de Louis XIV, avec les paysans bien sûr absents. Je m’efforce de les « représenter », comme on le dit pour une peinture, de les représenter dans des articles, dans des livres, dans des films, et c’est un titre qui me convient, aujourd’hui, « représentant de la Nation ». […] Mais dans les médias, nada. On en reste à la course des petits chevaux. Aux sondages. À une partie de stratèges sur l’échiquier politique. Et les journalistes, les journalistes politiques encore pires, se prennent pour des Machiavel, fascinés qu’ils sont par la lumière et les ombres de notre univers, pourtant si terne, le pouvoir… Dans leur étymologie même, les « médias » devraient être des passeurs, des intermédiaires, des médiateurs. Ils sont devenus des obstacles. Ils opacifient le réel, ils l’évacuent. La vie, le dehors, ne les intéressent plus, et les voilà enfermés dans le huis clos des élites, espérant faire du clic parce qu’Untel médit de Machin.[…]
C’est normal, on me dira.
Il leur faut du profit.
Donc de la publicité.
Donc de l’Audimat.
Mais même, même côté audience, le calcul me paraît incertain : qui ça intéresse vraiment, ces batailles d’appareil ? Ces frottements d’egos ?
Nos millions de vues, sur Internet, pour un topo sur les clubs de foot, pour une harangue sur les femmes de ménage, pour un sermon sur les auxiliaires de vie scolaire, ces millions de vues en témoignent : il y a, dans la société française, un désir d’autre chose, profond, massif, populaire, un appétit pour une autre actualité-réalité.
[…]
Via le numéro 89 (juin-août 2019) de Fakir.
Quelques rappels sur le conditionnement / la manipulation à l'ère numérique. Les conditionnements traditionnels étaient fondés sur l'effort, la persévérance, la peur du réel, la douleur, etc. C'était explicite. Le conditionnement numérique est implicite, il est fondé sur une profusion de récompenses immédiates, les likes, par exemple, et la peur de l'imaginaire. Ne pas recevoir de récompense frustre. Nous semblons appartenir à des communautés en guerre les unes avec les autres (l'énervement est entretenu volontairement car il génère du clic et de l'adhésion, donc de la participation, qui, elle, fait monter les revenus publicitaires). Nous devenons incapables de réfléchir, car nous sommes sans arrêt interrompus par une notification qui nous fait replonger dans la spirale jeu+récompense qui, elle-même, alimente le business publicitaire. Plein de mécanismes du numérique sont conçus par des ingénieurs pour nous berner : peur de manquer quelque chose d'important, création d'obligations sociales réciproques (spam "rejoins notre réseau", accepte mon invitation FB), approbation sociale (les likes), contenus sans fin et autoplay, distraction de l'attention avant de réaliser l'action désirée, etc.. La possibilité de paramètrer nos joujous numériques, notre cocon, nous donne l'illusion de contrôler nos vies.
On se souvient du commentaire de cet ex de TF1 : son métier était de « vendre du temps de cerveau disponible », soit de récupérer de l'attention pour la vendre à des annonceurs. Dans un Petit Traité sur le marché de l'attention bien torché, Bruno Patino développe cette idée à l'heure d'Internet et des réseaux sociaux. Mais ce sous-titre intelligent a été surtitré *La civilisation du poisson rouge, un titre vendeur montrant qu'il ne connaît rien aux poissons rouges ! Bref, nous ne sommes pas devenus des poissons rouges, mais nous sommes « vidés de notre être, incapables d'attendre ou de réfléchir, noyés dans l'océan des réseaux sociaux et Internet sous le contrôle des algorithmes… » Les éducations traditionnelles étaient fondées sur des conditionnements par peur du réel, douleur physique ou psychique, avec, à la clé, peu de récompenses, mais ils étaient explicites. Les conditionnements numériques promettent, eux, beaucoup de récompenses, mais elles sont virtuelles, occasionnant des douleurs psychiques, surtout par frustration quand on ne reçoit pas de récompenses, ou par peur de l'imaginaire. Les conflits violents sont évités car l'individu ne doit pas abandonner une application, sinon pour passer à une autre qui aggrave sa dépendance. On utilise les vieilles ficelles de l'appartenance à un ou des groupes d'« amis », en compétition entre eux et en guerre avec les autres. Les « like » et les vues sont des bons points distribués à profusion - ils ne coûtent rien et rapportent des informations précieuses sur l'attention et comment la gaver de pub. Patino explique comment la plupart de ces applications enferment leurs utilisateurs dans des cercles de semblables réunis en foules ou groupuscules. Où l'on finit par ne plus voir le reste du monde et se laisser emmener là où les acheteurs d'attention le désirent par de légers « coups de pouce ». Ces derniers utilisent les principaux « biais cognitifs » : le biais de confirmation - on trouve toujours ce que l'on croit savoir sur Internet, le biais de représentativité - un site vous confirme une « vérité » quand mille autres plus sérieux la démentent et le biais « de simple exposition » : une sottise repostée un million de fois écrase une évidence que personne ne diffuse. On peut juste regretter que les moteurs de l'attention (évitement de la douleur, recherche du plaisir) soient considérés comme une boîte noire et que l'utilisation de nos automatismes faciles, plutôt que de notre pensée coûteuse et fatigante, ne soit pas mieux expliquée dans ce « petit traité ».
Dans le Siné Mensuel de septembre 2019.
Résumé de la réforme Blanquer 2019. Obligation d'instruire dès 3 ans qui était déjà quasi une réalité (97,7 % des enfants de 3 ans étaient scolarisés avant la réforme). 26 000 enfants supplémentaires devront, principalement, être accueillis… dans des écoles surchargées. Génie ! L'obligation de l'État d'accueillir des élèves de 3 ans devient celle des parents de les instruire ou de leur trouver une école. Forcément, les familles se tourneront vers les écoles privées… que les villes devront subventionner toujours plus en s'endettant toujours plus. La réforme du Bac change rien, mais le jeune déscolarisé est désormais obligé de se trouver une activité agréée jusqu'à ses 18 ans, les missions locales d'insertion y veilleront. Bref, rien de concret, à part un renforcement du désengagement de l'État.
Instruction obligatoire dès 3 ans, obligation de formation de 16 ans à 18 ans : avec ces deux mesures, Blanquer et Macron nous la jouent Jules Ferry à l'envers.
Abaisser l’âge de l’instruction obligatoire de 6 ans à 3 ans : c'est la mesure phare de la loi Blanquer sur « l’école de la confiance ». L’objectif n’est pas démesuré : pour les moyennes et grandes sections de maternelle (4 et 5 ans), le taux de scolarisation est de 100 % depuis longtemps et il est très proche (97,5 %) pour les petites sections (3 ans) : « 26 000 enfants qui n’allaient jamais à l‘école maternelle vont y aller ». Une vraie fake news pour deux raisons.
D’abord, instruction obligatoire ne signifie pas scolarisation obligatoire. L’instruction peut être donnée par les familles, en dehors de tout cadre scolaire ; elle fait alors l’objet d’un contrôle. Surtout, le code de l’éducation prévoyait déjà l’obligation pour l’État d’accueillir les enfants dès l’âge de 3 ans dans une école maternelle (article L113-1), une obligation non respectée. Qu’à cela ne tienne, il suffit de changer la règle. Car avec la loi Blanquer/Macron, le sens de cette responsabilité est tout bonnement inversé et celle-ci incombe désormais aux familles. En clair, les familles qui ne feront pas la preuve qu‘elles délivrent une instruction à leurs bambins dès 3 ans pourront être sanctionnées. Exit l’obligation de scoiarisation pour l’Etat, vive l'obligation d’instruction pour les familles !
Faute de moyens supplémentaires, la loi autorise désormais la scolarisation des enfants de maternelle avec ceux de l’école élémentaire. En avant pour une surcharge accrue cles écoles primaires, du moins pour ceux qui n‘ont pas les moyens d'aller dans les maternelles privées, aux frais des contribuables désormais. Car avec cette mesure. plus d’une centaine de millions d’euros de subventions publiques vont tomber dans l’escarcelie des maternelles privées que les mairies seront désormais obligées de financer.
Normal ? La loi contraint les communes à financer, à égalité, les écoles publiques et privées (forfait à la tête). Si l'on baisse l'âge de l'instruction, alors plus d'enfants seront scolarisés, potentiellement dans le privé, surtout si le public ne peut pas absorber la charge, donc oui, l'argent ira au privé. De ce que je lis par ailleurs, la compensation de l'État sera insuffisante, donc les communes vont s'endetter.
Quant à la massacrante « réforme » du lycée, elle ne va certainement pas ramener plus de jeunes au lycée. Elie risque au contraire de rejeter aux marges du système scolaire encore plus de lycéens à qui l’on aura fait miroiter la « liberté de choix » et qui devront faire avec une offre de « spécialités » le plus souvent lndigente, sauf dans les centres«villes des grandes agglomérations. Beaucoup de désillusions et de défections en perspective.
Pour plus d'infos, lire Blanquer mitonne un bac à l‘ancienne.
Pas de problème : une loi fera l’affaire pour ces décrocheurs. Passé l’âge de l’instruction obligatoire, la loi Blanquer inscrit l'obligation de formation de 16 ans à 18 ans. Les jeunes déscolarisés devront ainsi se débrouiller pour trouver un stage ou un contrat d’apprentissage, faire un service civique, occuper un emploi ou être dans un « dispositif d’accompagnement ». Les missions locales d’insertion veilleront au respect de l'obligation, tout comme Pôle emploi. L’avenir de ces jeunes est bien tracé…
Dans le Siné Mensuel de septembre 2019.
Le fichage du génôme et ses dérives sont en route. OpenSNP, une association soutenue par Google prônant la transparence complète des données génétiques propose un site web sur lequel on peut mettre en libre accès son ADN. Un site web de rencontre, Pheramor évalue la compatibilité génétique des rencontres. Bien qu'interdite en France, la pub pour le fichage de l'ADN se fait sur Youtube auprès d'un jeune public plus demandeur de ses origines que d'autres strates démographiques et lors de l'Eurovision 2019. Le partage de son ADN, comme le partage de photos ou de communications, est une décision collective : elle implique a minima les membres de la famille (au sens large) du partageur, donc ceux-ci devraient avoir leur mot à dire.
L’arbre généalogique, c’est dépassé. Désormais, pour connaître ses ancêtres, il suffit de cracher dans un tube, envoyer le tout à une boîte censée vous révéler tout sur vos origines. Sauf qu’on ne sait pas vraiment à qui on confie sa substantifique moelle et quelles sont les dérives éthiques et politiques de cet énorme business.
En 2018, la police a arrêté « le tueur du Golden State » après des décennies de traque. Joseph De Angelo avait tué douze personnes et violé quarante-cinq femmes en Californie entre 1976 et 1986. Les enquêteurs ne disposaient que d’une empreinte génétique, inutile puisque l’ADN du tueur ne figurait pas dans la base de données du FBI. En revanche, il apparaissait en partie sur l’un des sites à qui des millions d‘Américains confient leur ADN, curieux de découvrir pour une poignée de dollars s’ils ne seraient pas cousins de la reine d’Angleterre, une passion des origines dont Dédé-la- science a souligné, dans ces colonnes, l’inanité.
C’est ce hobby partagé par un parent de De Angelo qui a permis aux policiers d’identifier le tueur en limitant leurs recherches à une seule famille. Mais si ces sites de tests ADN sont utiles pour arrêter les méchants, ils peuvent s’avérer tout aussi pratiques pour cibler n’importe qui, du bénéficiaire d’une assurance santé au solliciteur d’un prêt bancaire.
Ces dérives potentielles n’empêche pas le business de se développer à vitesse grand V : il devrait brasser plus de 25 milliards de dollars par an dès 2021. Bien qu’interdite en France par la loi sur la bioéthique, la pub pour les entreprises qui fournissent ces kits de testing a déboulé chez nous avec tambours et trompettes lors du dernier concours Eurovision organisé à Tel-Aviv et sponsorisé par un géant israélien du secteur, MyHeritage. C’est ainsi qu’on a pu voir le candidat français Bilal Hassani assurer la promo sur YouTube du « kit ADN spécial Eurovision » « super fresh » à 59 euros au lieu de 70… Des dizaines de Youtubeurs partagent, avec un enthousiasme et une incompétence remarquables, des vidéos intitulées : « J’ai testé mon ADN et je n’en reviens pas. » Ou : « On a fait un test ADN, le résultat est surprenant ! » Ces pubs à peine déguisées ciblent les ados, qui constituent, comme par hasard, la part de la population la plus disposée — 85 % des moins de 25 ans selon un sondage — à se faire ficher le génome.
ADN en accès libre
Aux États-Unis, le lobby des testeurs d’ADN est déjà en action : la Coalition pour la protection des données génétiques harcèle les législateurs pour que les règles qui encadrent leur activité soient calquées sur celles qui s’appliquent à Facebook ou Google avec le succès très relatif que l'on sait. Pire, comme le montre le cas du tueur du Golden State, le partage de son ADN n’est pas une décision individuelle : elle implique toute sa famille.
« En théorie, chaque individu qui partage son ADN devrait demander le consentement de ses frères et de ses cousins », précise le médecin David Agus dans le LA Times. C’est mal barré : soutenue par Google, l’association openSNP, qui prône la transparence complète des données génétiques, a créé un site où l’on peut déposer en accès libre son ADN aussi facilement que l’on partage un selfie sur Instagram. Il ne manquait plus que les applis de rencontre comme Pheramor qui « évalue la compatibilité génétique de ses membres » grâce à des « prélèvements buccaux examinés par une équipe de scientifiques. » Une méthode infaillible : vous avez 100 % de chances de tomber sur un(e) neuneu.
Dans le Siné Mensuel de septembre 2019.
Après avoir obtenu le renoncement de Casino à implanter un supermarché à l'extérieur de leur village, un groupe de citoyens a constitué une liste électorale pour les municipales de 2014 afin d'aller plus loin. Un projet électoral est construit collectivement, avec les outils d'éducation populaires. Ce projet remporte les élections. Une semaine après la victoire, les citoyens peuvent participer à 8 commissions participatives, environ 250 habitants sur 1 200 y prennent part, soit 20 % de la population. Les élus sont référents des commissions.
Point positif : les citoyens sont montés en compétence. Prise de parole, atelier pour construire le nouveau Plan Local d'Urbanisme (qui doit tenir compte de pleeein de contraintes et d'obligations légales, qui nécessite des compétences en topographie, etc.) qui réuni 430 habitants et usagers du village (environ 1/3), prise de décisions sur les rythmes scolaires, l'éclairage public, la création d'un compost collectif, de logements à loyers modérés, etc.
Points négatifs :
Bref, il s'agit de critiques assez communes qui reviennent souvent dans la vie associative et dans les expériences de démocratie participative, selon moi…
Via le Siné Mensuel de septembre 2019.