Je découvre l'indemnité de sujétions particulières, remplaçante des fonds ministériels secrets, qui permet de compenser la surcharge de travail des membres des cabinets gouvernementaux en contournement les grilles de salaire de la fonction publique (exemples : un seul conseiller au numérique rafle 45 500 euros/an de prime, le directeur de cabinet de Grivaux avait perçu 79 000 € de prime) puisque c'est à la tête du client. 224 personnes sur 324 éligibles la perçoivent.
Le projet de budget pour 2020 recèle quelques perles dans ses annexes consacrées aux « primes et salaires versés aux conseillers ministériels ». En principe, les 324 éminences grises peuplant les cabinets peuvent toutes prétendre à une indemnité de sujétions particulières (ISP), censée compenser la surcharge de travail inhérente à leurs fonctions. En réalité, elles sont seulement 224 à les percevoir…
Si, à Matignon, à la Justice ou à la Culture, tout le monde ou presque passe au guichet, ils ne sont que quatre (sur dix) chez Gérald Darmanin (Budget) et trois chez Agnès Buzyn (Santé) à se partager le grisbi. Chez Cédric O (Numérique), un seul quidam rafle tout, soit 45 500 euros de bonus. Oh !
Créée en 2001, l’ISP a remplacé les regrettées enveloppes d’argent liquide distribuées en toute opacité et alimentées par les fonds secrets. fixé pour 2019 à 22,32 millions (4 % de mieux en un an), cette indemnité permet parfois de contourner les règles salariales de la fonction publique.
Les chouchous du patron
L’an passé, Benjamin Griveaux (alors porte-parole du gouvernement) avait ainsi dépensé l’intégralité de ses ISP pour gonfler de 79 000 euros (brut) le salaire de son directeur de cabinet, prof agrégé de philo dans le civil… Comme au bon vieux temps des fonds secrets, c’est le chef du gouvernement qui fixe le montant alloué aux différents ministres.
A ce jeu, Matignon remporte le gros lot, avec 1,8 million pour 70 personnes. Nicole Belloulet, à la Justice, Florence Parly. aux Armées, Christophe Castaner, à l’Intérieur, et Jean-Yves Le Drian, au Quai d’Orsay, ne s’en sortent pas mal non plus avec, en gros, 850 000 euros chacun pour 10 ou 11 conseillers.
Salaires et primes comprises, les rémunérations de chacun de ces quatre cabinets coûtent environ 1,5 million. Soit, rapporté au nombre de membres, un montant équivalent à celui du staff du Premier ministre… En revanche, Edouard Philippe s’est montré plutôt pingre avec Gérald Darmanin (Budget), qui n’a droit qu’à 175 000 euros d’ISP. Il a mis à la diète Agnès Buzyn (Santé) — 130 000 euros — et Didier Guillaume (Agriculture) — 84 000 euros. Au total, avec les traitements de base, les crédits de leurs cabinets sont ratiboisés de 20 %.
Côté secrétaires d’Etat, les dotations sont également allouées à la tête du client. Quand Brune Poirson (Transition écologique) reçoit 14 600 euros d’ISP pour ses collaborateurs, Gabriel Attal (Education) dispose de 126 000 euros, et Olivier Dussopt (Fonction publique) de 256 000 euros. Dussopt peut se vanter d’être le membre du gouvernement coûtant, en proportion, le plus cher : salaires et primes inclus, la facture de son cabinet (cinq conseillers) s’élève à 880 000 euros.
Pour un sous-ministre chargé de la réforme de la fonction publique, c’est un bon début…
Dans le Canard enchaîné du 30 octobre 2019.