Directive européenne 2019/790. Improprement nommée « directive copyright » (régime juridique différent du droit d'auteur qui existe uniquement en droit anglo-saxon).
À l'époque, deux dispositions avaient fait grand bruit : un droit voisin de 20 ans pour la presse, et une obligation de conclure des accords avec les ayants-droits ou, à défaut, de mettre en œuvre un filtrage automatisé des contenus publiés par les utilisateurs.
Au final, on est loin du cataclysme annoncé : le droit voisin ne concerne pas les liens ni les usages perso / non-commerciaux, et le droit de citation prévaut ; le filtrage auto n'est exigé que d'entités ayant un chiffre d'affaires conséquent et/ou un nombre d'utilisateurs actifs conséquent et/ou une certaine ancienneté, et le droit de citation, revue, parodie, critique, prévaut. Je rejoins l'analyse de Calimaq selon laquelle ces critères sont utiles et pertinents pour défendre un Internet acentré à taille humaine (qui, pour moi, passe, entre autres, par l'entrave des géants).
En avril 2022, dans son arrêt C-401/19, la CJUE a validé le filtrage automatique en insistant sur le fait que le contenu doit être manifestement illégal (les FSI n'ont pas à en apprécier de manière autonome ‒ cela vaut aussi pour les plaintes des ayants-droits qui devront être précises ‒), qu'il convient de limiter les faux-positifs (entraves aux usages licites), et qu'un recours contre une censure doit pouvoir être exercé auprès d'une personne physique du FSI. J'observe que YouTube ne satisfait pas ces critères (il ignore les usages licites, et les recours sont automatisés).
+ https://www.nextinpact.com/article/45632/reforme-loi-renseignement-pistes-senat (NI ne propose pas d'étude de la version finale du texte).
Loi 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement. Prise en urgence après l'assassinat d'une flic à Rambouillet. Mon court shaarli sur cette loi.
Le Conseil d’Etat a catégoriquement rejeté l’argument selon lequel les tribunaux des Etats membres, en particulier leurs cours suprêmes (ou constitutionnelles), seraient habilités à contrôler un « ultra vires » des institutions européennes. La formulation de l’arrêt est une manière implicite de reconnaître qu’il existe un monopole de la Cour de justice de l’UE dans l’interprétation authentique du traité – contrairement à la Cour constitutionnelle fédérale allemande dans l’affaire Weiss. L’arrêt reprend également la jurisprudence (désormais classique) du Conseil d’Etat selon laquelle ce n’est que s’il n’existe pas en droit de l’Union un droit fondamental correspondant à celui garanti par le droit constitutionnel français que ce dernier doit prévaloir.
[…]
Ce point de vue [ « ultra vires » ], défendu par une partie de la doctrine de droit public allemand, a été rejeté l’essentiel de la doctrine des autres États membres, ainsi que par la doctrine allemande de droit communautaire.
[…]
Il s’agit d’une référence à la jurisprudence développée par le Conseil d’État depuis l’affaire Arcelor. Selon cette jurisprudence, qui peut être considérée comme une version française de la doctrine des contro-limiti de la Cour constitutionnelle italienne, s’il existe en droit de l’UE soit en droit primaire, soit comme principe général du droit, un droit fondamental équivalent à celui garanti par le droit constitutionnel français (dans l’affaire Arcelor, il s’agissait du principe d’égalité), le droit de l’UE tel qu’interprété par la Cour de justice doit être appliqué. Ce n’est que si un tel droit n’existe pas dans les deux systèmes juridiques (par exemple le principe de laïcité) que le droit constitutionnel français s’applique le cas échéant en n’appliquant pas une norme européenne.
Pour ceux qui n'ont pas reconnu : l'arrêt qui est commenté, daté du 21 avril 2021, est celui par lequel le Conseil d'État a adapté le droit français en matière de données de connexion aux arrêts de la CJUE. L'arrêt Weiss de la Cour constitutionnelle allemande, qui a capoté, porte sur le rachat de la dette d'États sur le marché secondaire (entre organismes financiers par la BCE (programme PSPP, couramment nommé quantitative easing).
Ces dernières années, chez les militants de tout poil (y compris les animateurs de causeries TV, donc), j'ai vu des mots inconnus apparaître de plus en plus souvent… J'y comprenais rien (et c'est toujours le cas). Et surtout, je pigeais pas l'apport de ces mots (et c'est toujours le cas). SJW, cancel culture, woke, essentialiser, anthropocène, classiste, validiste, masculiniste, transphobe, grossophobe, psychophobe, spéciste, etc.
J'avais ouvert quelques onglets pour mener des recherches :
Au final, j'ai décidé de m'en foutre. Quand il faut un doctorat en charabia (ou dans une spécialité) pour comprendre des mots excluants qui servent à montrer qui est dans le coup et qui ne l'est pas et qui s'utilisent dans des débats de terminologie interminables (façon anars et marxistes-léninistes-trotskistes), c'est que les propos ne me sont pas destinés (comme quand des chercheurs en économie ou en sociologie ou en… échangent avec un vocabulaire précis ultra chiadé pour faire avancer leur science) et qu'ils ne seront jamais majoritaires (comme l'anarchisme et le communisme, précisément). Du coup, il est inutile de s'attarder.
La presse a exigé des droits voisins pour la reprise en ligne de ses contenus (par Google News ou sur Facebook, par ex.). Les journalistes perçoivent les miettes que leurs journaux veulent bien leur laisser. Ce combat était donc celui de bourgeois possesseurs de journaux, quelle surprise.
ÉDIT DU 30/06/2024 : suite. FIN DE L'ÉDIT.
Cet été, nous avons voté la revalorisation des pensions de retraite de 4% afin d'aider nos aînés face à l'inflation […] Notre majorité @LaREM_AN reste pleinement mobilisée pour protéger le pouvoir d'achat des Français
Si vous aviez voté la hausse des salaires (ou au moins une incitation sérieuse), alors les cotisations sociales auraient suivi. Là, vous avez creusé le trou dans le système de retraites. Et vous le savez. Et vous allez vous en servir pour justifier la réforme à venir.
+1. C'est comme le MEDEF qui demandait l'exonération de toutes les « charges sociales » en cas d'une baisse subite de chiffre d'affaires durant le Covid (source). C'est reporter un problème à plus tard ou sur d'autres personnes, pas le résoudre…
VOUS ME SAOULEZ avec la vidéo de la députée LR qui veut interdire les danses aux mariages : vous êtes des gros débiles. Ils proposent n'importe quoi qui a 0 chance de passer, vous vous indignez comme des robots, et hop ce sujet envahit le débat public... Et la députée (que je ne nomme volontairement pas) ? Elle est ravie, mission accomplie : jusque là elle n'était connue que pour ne pas savoir tenir l'hémicycle quand elle préside, maintenant elle va avoir a une petite aura médiatique de droitarde et son entrée sur les plateaux.
[…]
"Oui, mais ça aurait pu être voté". Non. Désolé de me la jouer expert, mais j'ai un accès permanent à l'hémicycle : je sais comment marche ce jeu. Alors faites confiance aux gens comme moi : on vous prévient quand il y a vraiment danger et qu'il faut monter au créneau.
[…]
Surtout qu'au final, vous allez effectivement finir par transformer ça en truc voté. Exemple ? La proposition de loi Ciotti qui interdisait de filmer les flics : elle allait faire un flop total si personne ne l'avait relevée... Sauf que vous vous êtes tous indignés en pilotes automatiques, en face ils ont vu que ça mordait, ça a fait le tour des plateaux, résultat, 6 mois plus tard, elle se retrouvait dans la loi sécurité globale. Super vous vous êtes indignés, mais vous êtes contents du résultat ?
[…]
on fait pas bien de la politique si on refuse de penser stratégiquement.
[…]
Précision qui semble échapper à beaucoup : une députée LR n'est PAS l'Etat français, et n'est PAS son représentant. […] Quand c'est Macron ou un ministre qui tient ces discours (Blanquer, Vidal, Darmanin), là, il me semble que la réaction est importante, parce que ce n'est pas du tout la même chose.
Je suis d'accord pour dire que c'est l'indignation qui fait crée et fait circuler les sujets et que les propositions de lois ont très souvent un but médiatique. Mais…
Faire confiance aux experts, c'est non. Comment déterminer qui est expert ? LQDN ou Greenpeace, par ex., hurlent quasiment à chaque fois (exemple). Comment faire la part des choses (sauf à étudier soi-même chaque cas en détail) ? Comment dénoncer un comportement déplaisant d'élu sans citer d'exemple ? Ça serait aux politiciens d'être raisonnables, calmes, responsables, etc.
Les propositions de loi "qui ont aucune chance de passer" sont des ballons d'essai, parfois poussés par le gouvernement, pour discuter de la faisabilité, pour récupérer les premiers contre-arguments pour étude, pour repérer les premiers soutiens, etc. et les idées de merde ne meurent jamais. Ça n'a rien à voir avec la publicité d'une idée. Même sans bruit médiatique, le point serait gagné. Y'a qu'à voir l'historique de l'instruction en famille… Toutes les lois que j'ai suivi ont eu une phase de maturation par des propositions de loi et/ou des amendements rejetés.
Prétendre que c'est uniquement l'audimat qui transforme une idée absurde en loi est réducteur. La loi renseignement (2015), la loi séparatisme (2021), et autres lois ayant rencontrées une vive opposition argumentée ont été votées grâce à l'indignation, du coup ?
Tu fais des études (agriculture et environnement), tu apprends l'écologie scientifique, les exigences des espèces, tout - tu lis la biblio sur la disparition des oiseaux des villes qui met en avant la perte de bouffe faute de végétation spontanée mais le jour où une ville laisse volontairement pousser l'herbe sur trois pieds d'arbre en expliquant que c'est écologique, tout le monde gueule que "c'est pas possible, c'est une parodie, comment on peut être aussi ignorant de l'écologie".
C'est pareil dans toutes les spécialités. Les épidémiologistes étaient en souffrance durant le Covid. Les experts en sécurité informatique le sont au quotidien sur des comportements banalisés. Etc. S'agirait de redescendre sur l'écologie : elle est autant maltraitée que les autres idées.
De plus, je pense que la phrase « comment peut-on être aussi ignorant de l'écologie » a surtout pour objet de dénoncer que ce genre de petit geste changera rien, même si toutes les villes le pratiquent. Il y a d'autres priorités : sur-consommation, sur-production, accords internationaux, etc. On peut alors rétorquer que l'un n'empêche pas l'autre, qu'il faut jouer sur plusieurs tableaux pour avancer. Le problème est alors que les choix (comme les espaces de pleine terre) ne sont pas expliqués ni justifiés, la communication joyeuse et neutre remplace l'argumentaire.
Un vote peut avoir plusieurs propriétés / caractéristiques : confidentialité+anonymat (= secret du vote), résistance à la coercition, sincérité (qui se décompose en vérifier que mon vote est pris en compte et que le calcul du résultat à partir des votes est correct), éligibilité+unicité (= pas de bourrage, uniquement les membres de la liste électorale), disponibilité (accéder à l'urne électronique est compliqué en cas de déni de service), transparence, compréhensibilité. Toutes ces propriétés ne sont pas forcément nécessaires pour tout vote : certains votes sont à main levée. Tous les votes ne se valent pas : celui du club des jeux de cartes du village n'a pas besoin d'être fortement résistant à la coercition.
La vérifiabilité individuelle (vérifier à tout moment que mon bulletin est dans l'urne) est antagoniste à la résistance à la coercition (c'est évident, mais je source quand même). Le système de vote Civitas résoudrait cela (via un faux identifiant qui permet de voter ce que le méchant demande et/ou de prouver son vote… qui sera ignoré, mais bonjour la complexité, et, surtout, le faux identifiant est aussi reçu par le votant, donc il peut tomber entre les mains du méchant…). Belenios n'assure pas la résistance à la coercition.
Une étude (Chevallier-Mames et al.) démontre une incompatibilité formelle entre la vérifiabilité universelle (vérifier que le résultat a été correctement calculé à partir des votes individuels), l'anonymat et la résistance à la coercition. Source. Voir l'excellent schéma page 7. Comme d'hab, certains systèmes contournent en réduisant les exigences démocratiques ou en sacrifiant une propriété (tiers de confiance, supposer comme vraies des conditions inatteignables comme l'existence de canaux parfaitement anonymes, etc.). Le chiffrement homomorphe permet la vérifiabilité universelle mais pas l'anonymat (le papier l'affirme par les maths, mais il suffit de constater que la distribution des clés privés par les autorités laisse des traces et/ou la machine de vote donne un récépissé, etc.), d'où Belenios, qui l'utilise et qui garantit la vérifiabilité individuelle, ne garantit pas la résistance à la coercition.
Le vote papier parvient à concilier ces propriétés par sa localité et sa temporalité. L'absence de résistance à la coercition dure uniquement tant que j'ai le bulletin en main, et la présence de public empêche de vérifier mon vote. La vérifiabilité individuelle se constate de fait puis en assistant au dépouillement. Vérifier qui je suis et que j'ai le droit de participer à l'élection est aussi plus facile. La vérifiabilité universelle est plus compliquée à vérifier : je peux vérifier que le résultat de mon bureau de vote est correct sur le site web du ministère de l'Intérieur, mais je dois faire confiance pour tous les autres bureaux.
J'ignorais l'existence des preuves à divulgation nulle, qui permettent de prouver le contenu d'un vote chiffré (vote blanc ou pour l'un des candidats, rien d'autre, un seul vote, etc.) sans le déchiffrer.
Ainsi que les conclusions du rapporteur public qui rappelle que le référé mesures utiles est une procédure subsidiaire, et que dès lors, la suspension même temporaire de l'antenne ne pouvait avoir lieu que via le référé suspension.
Au-delà de l'aspect dramatique du cas d'espèce (personne ne nie la détresse de l'éleveur), c'est un petit rappel : on ne peut se servir du référé mesures utiles pour shunter une procédure référé suspension
Le référé mesures utiles permet de gérer les cas dans lequel l'urgence est incompatible avec la sollicitation d'une décision de l'administration que l'on attaque (ou son rejet implicite après 2 mois) ensuite en référé-suspension. Cela vient du principe qu'un référé-conservatoire / mesures utiles ne peut faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative.
"C'est pareil en France". "J'ai cru que vous parliez de la France". Ce commentaire que j'ai quasiment sur tous les posts où j'explique le fonctionnement du régime politique russe.
[…]
D'une part, il y a une question cruciale de degré. Lorsque l'on décrit le socle du régime russe comme structuré par des loyautés personnelles, et qu'on me répond "autour de Macron, c'est pareil", cela montre juste une ignorance des politiques russe et française.
L'existence de liens personnels dans les équipes politiques au pouvoir est caractéristique de tous les régimes occidentaux. On ne choisit pas une équipe dirigeante sur petites annonces; les carrières politiques se construisent dans des cercles et les liens perso comptent.
La question cruciale n'est pas là. La question cruciale est: est-ce que ces élites exercent au sein d'institutions qui contraignent leur action, ou est-ce qu'elles remplacent les institutions? Nous avons observé le début de cette désinstitutionnalisation avec Trump mais aussi constaté la résistance des institutions à un exercice du pouvoir purement personnel. Dans le régime russe, les institutions sont vidées de leur substance. Le lien personnel est surdéterminant. Cette différence de degré est en réalité une différence de nature
[…]
Cela fait un moment déjà que la science politique a renoncé à une délimitation claire entre démocratie et autoritarisme qui sont des idéaux-types impossibles à observer à l’état pur. D’un point de vue quantitatif, l’hybridité des régimes politiques est la norme. […] En tout cas, un certain nombre d’espaces autoritaires est normalement présent dans tout régime politique sans le disqualifier. […] Pour prendre la décision de décréter un confinement Covid, un pouvoir politique va s’appuyer sur un diagnostic d’experts plutôt que sur un référendum populaire. Les experts ne sont élus par personne mais cooptés. Le Conseil scientifique est une « enclave autoritaire ». Ce qui est intéressant, c’est notre réaction à ces espaces autoritaires, car en protestant lorsqu’ils paraissent injustifiés ou inadmissibles, nous définissons le bon dosage des espaces de décision démocratiques et autoritaires dans notre société au moment M.
[…]
Les sciences sociales décrivent des logiques qui se rencontrent partout et à toutes les échelles. Exemples: la concentration ou la personnalisation des pouvoirs . La science politique est précisément la science de l’exercice du pouvoir. Elle utilise des concepts qui sont opérants dans beaucoup de contextes où le pouvoir s’exerce. Ce n’est pas pour autant que c’est « la même chose ». Le travail comparatif est le plus compliqué en sciences sociales. Construire une comparaison rigoureuse est mission quasi impossible
Je me demande de plus en plus si la comparaison est une figure utile au discours. Si je qualifie une situation, une personne, un processus, etc. et que je suis obligé de recourir à la comparaison, c'est soit que mon interlocuteur n'a pas compris le problème ou ma qualification du problème ou la gravité à laquelle je conclue (pour attirer son attention, provoquer une réaction, etc.), soit qu'il s'en moque ou qu'il ne partage pas mon avis. La comparaison sert alors d'épouvantail, à forcer le trait pour expliquer en quoi ce que je décris est important et grave. Soit elle ne convaincra pas plus, soit elle convaincra sur des bases erronées et mon interlocuteur ne sera convaincu, par tromperie, qu'un temps. Dans les deux cas, je perds. D'autant que la comparaison nécessite que mon interlocuteur connaisse aussi la situation à laquelle je me réfère, et la qualifie pareillement que moi… Je complexifie donc mon argumentaire… pour quel résultat ?
Peut-être faut-il uniquement qualifier une situation, et ne pas comparer ? D'un autre côté, faire des liens entre des sujets me paraît utile… précisément pour illustrer l'universalité d'une pratique et la remettre en question en tant que telle. Je peine à croire que les différentes déclinaisons de l'autoritarisme (famille, école, emploi, asso, gouvernement, etc.) soit une coïncidence, mais au contraire une caractéristique (tare ?) commune, sous-jacente à ses déclinaisons, qu'il serait illusoire de résoudre lieu après lieu.
D'un dernier côté, les parallèles nuancés sont longs donc difficiles à mémoriser (pour ceux qui ne sont pas spécialistes du sujet, qui manipulent tous les jours avec les concepts) et tout autant à transmettre… Compliqué de faire avancer une de tes préoccupations avec ça.
+ https://web.archive.org/web/20231006084131/https://nitter.privacydev.net/AlexArchambault/status/1369583075211022336
+ https://web.archive.org/web/20231006084051/https://nitter.privacydev.net/AlexArchambault/status/1622570901366616064
Droit des contrats B2B, responsabilité d'un prestataire, dans le cadre de l'incendie d'un centre de données OVH en 2021.
Distinction obligation de moyens / obligation de résultat :
D’un point de vue juridique, un contrat engage les parties, donc les obligations souscrites doivent être honorées. Point.
Après, le diable étant dans les détails, tout est dans l’interprétation du périmètre des obligations et, surtout, de comment on les évalue / conteste
Et c’est là qu’intervient la distinction obligation de résultat / obligation de moyens (qu’on assimile un peu hâtivement au best effort de la common law). En obligation de résultat, en cas de pépin, le débiteur d’une obligation est présumé avoir manqué à ses obligations
Dit autrement, en obligation de résultat, la charge de la preuve de l’absence de manquement incombe au presta. Il peut s’en défaire en établissant le manquement de son cocontractant, le fait d’un tiers, la force majeure (sans que cela ne soit open bar, les juridictions veillent)
A l’inverse, en obligation de moyen, en cas de pépin, le débiteur d’une obligation est présumé avoir respecté le contrat. Il appartient donc au client d’établir le manquement du prestataire à ses obligations contractuelles (et non à ses propres croyances)
[…]
Donc en B2B, la quasi-totalité des contrats liants clients de prestations d’hébergement & cloud et hébergeurs sont en… obligation de moyens.
Limitation de responsabilité en B2B :
Ensuite, en B2B, le contrat peut tout à fait prévoir (une nouvelle fois, le droit, ce n’est pas la morale) un plafonnement de la responsabilité du débiteur d’une obligation en cas de manquement de ce dernier. Dit autrement, ok, on a planté, voici 6 mois d’abonnement en avoir. (6 mois, parce que c’est l’usage sur la plupart des contrats B2B bas de marché. Une nouvelle fois, rien n’interdit aux parties de négocier des seuils différents - par ex. X% du préjudice plafonné à Y Brouzoufs - ou + élevés, ce qui peut influer sur le prix).
Enfin, en cas de pépin, en B2B le contrat peut également prévoir de limiter le périmètre de prise en compte du préjudice, par exemple en se cantonnant qu’aux seuls dommages directs, excluant donc les dommages indirects et pertes de données
Sachant que lorsque ça part dans le décor, il n’est pas rare de voir le juge prendre en compte la faute de la victime, à plus forte raison lorsque cette dernières est professionnelle (genre SSII, webagency, etc…). Par exemple ne pas avoir redondé les sauvegardes Arrêt de la Cour d’Appel de Paris, en date du 25 janvier 2019 - 16/07746 sur la responsabilité d’un hébergeur en cas d’#AlertePelleteuse se traduisant par une perte de données d’un client n’ayant pas procédé à des sauvegardes. Pas de faute lourde.
[…]
Par contre, ami hébergeur, à partir du moment où tu proposes une prestation de sauvegarde, *attention* à ce que tu écris. Si tu la vends comme l'option "tous risques", tu ne peux coller des clauses la vidant de toute portée. […] Dit autrement, si la tentation peut être grande (on ne sait jamais, sur un malentendu, cela peut marcher) de prévoir tout plein de cas où padbol spanou, c'est courir le risque de voir le juge écarter des clauses revenant à vider de sa substance l'obligation souscrite
Dans les deux jugements en première instance de février et mars 2023 (frappés d'appel), ce n'est pas l'incendie qui a entraîné la responsabilité d'OVH mais d'autres erreurs :
[ Avec ] un contrat d'adhésion (rappel, en B2B, un contrat d'adhésion s'interprète en faveur [ du ] client), il faut faire super gaffe à ce qu'on écrit dans le contrat sur la portée de l'obligation. [ Il ] suffit de proposer plusieurs choix à ton prospect (1 € / plafonnement à 6 mois, etc… 1000 € pour 1 million € de plafonnement / etc) en l'invitant à choisir, documenter tout cela, pour écarter la qualification contrat d'adhésion
Les contrats établis à l'avance, standardisés, dont un client ne peut négocier aucune clause, sont des contrats d'adhésion. Ainsi, un contrat qui propose des sauvegardes « physiquement isolées de l'infrastructure du client » doit être interprété en faveur du client, c'est-à-dire sauvegarde dans un centre de données différent.
En outre, quand bien même la responsabilité du prestataire est engagée, on n'est pas aux 🇺🇸 avec des [ dommages-intérêts ] punitifs : il appartient au demandeur d'étayer ses demandes d'indemnisation par des éléments concrets, et se contenter de généralités ne suffit pas. Du coup, quand on peut étayer par des éléments concrets, on est indemnisé, intégralement quand c'est justifié. Quand on ne s'en tient qu'à des généralités, le tribunal ne suit pas. Quand c'est exagéré, le tribunal décide souverainement.
Le règlement (UE) 2022/1031 […] constitue un outil de politique commerciale visant à garantir aux entreprises de l’Union européenne un accès et des conditions de concurrence équitables au sein des marchés publics de pays tiers. L’IMPI vise ainsi à favoriser une plus grande réciprocité dans l’ouverture des marchés publics : s’il apparaît qu’un Etat tiers à l’Union européenne a mis en place des restrictions sérieuses et récurrentes à l'accès des entreprises européennes à ses contrats de la commande publique, les acheteurs et autorités concédantes européens devront eux-mêmes appliquer des mesures qui limitent l'accès des entreprises issues du pays concerné aux marchés publics et aux concessions de l'Union.
[…]
L’IMPI s’applique aux marchés de travaux et aux contrats de concessions dont la valeur est égale ou supérieure à 15 millions d’euros HT, et aux marchés publics de services et de fournitures dont la valeur est supérieure à 5 millions d’euros HT.
[…]
A cet égard, certains pouvoirs adjudicateurs pourront, à la demande d’un Etat membre et si cela est nécessaire et proportionné, être exemptés d’appliquer une mesure IMPI.
Mouais… Donc saucissonnage, exemption, et sanctions pas folles (plomber la note d'un acteur ou l'exclure) après trouzemilles années de procédure, comme d'hab'.
[…] les gens de droite sont cohérents, ils défendent le système actuel et l'utilisent. Seuls les gens de gauche sont incohérents puisque, justement, ils veulent changer le système où on vit.
[…] il est plus facile d'être cohérent quand on est en phase avec le système en place, que quand on le critiquer tout en faisant partie, et en ayant souvent pas beaucoup d'alternatives efficientes.
On revient à l'idée du pragmatisme "j'utilise ce qui existe / est à ma portée, quitte à améliorer ensuite, quitte à nourrir le système que je combats en attendant, tout en prêchant un nouveau système afin qu'il advienne". On revient toujours à savoir ce que je peux accomplir seul ou à ce qui nécessite une action collective voire sociétale, de la possibilité effective de faire autrement (une adresse email propre c'est plus facile que de ne pas recourir à un prêt bancaire), de l'intérêt de faire autrement (ne pas communiquer sur Twitter ou Facebook quand on critique les GAFAM, c'est demeurer confidentiel et refuser d'informer ceux qui en ont le plus besoin), de la fréquence (genre un McDo ou un Uber Eats pour dépanner, ce n'est pas pareil que d'y aller par "passion"), etc.
Piqûre de rappel. :)
En Russie, les terres et les moyens de production ne sont pas socialisés, mais nationalisés. […] en clair, le gouvernement en a le contrôle et peut en disposer selon ses désirs et ses intentions. Mais si un bien est socialisé, chaque individu y a librement accès et peut l’utiliser sans l’ingérence de qui que ce soit. […] Le reste de la structure économique de l’URSS n’est pas plus communiste que la terre ou les moyens de production. […] Une telle situation relève du capitalisme d’État, il serait grotesque d’y déceler quoi que ce soit de communiste.
[…]
Il n’y a pas la moindre trace de ce communisme - c’est-à-dire, de tout communisme - en Russie soviétique. En fait, là-bas, la seule allusion à une telle organisation est considérée comme criminelle, et toute tentative de la mettre en pratique est punie de mort.
[…]
Pire encore : la vie de chaque localité, et même de chaque individu, dans les prétendues républiques « socialistes » est gérée dans les moindres détails par la « ligne générale » fixée par le « centre ». En d’autres termes, par le Comité central et le Politburo, tous deux sous le contrôle total d’un seul homme, Staline. Donner le nom de « communisme » à une telle dictature, cette autocratie plus puissante et plus absolue encore que celle de n’importe quel tsar, c’est atteindre le sommet de l’imbécillité.
[…]
Et je ne parle même pas ici de communisme libertaire, anarchiste. Ce que j’affirme, c’est qu’en Russie soviétique il n’y a pas la moindre trace de communisme, même d’État, même autoritaire. L’essence du communisme, même de type coercitif, est l’absence de classes sociales. L’introduction de l’égalité économique en constitue la première étape. Telle a été la base de toutes les philosophies communistes, même si elles diffèrent entre elles sur d’autres aspects. […] Le bolchevisme n’a pas aboli les classes en Russie : il a simplement inversé leurs relations antérieures. En fait, il a même multiplié les divisions sociales qui existaient avant la Révolution. Quand je suis arrivée en Russie en janvier 1920, j’ai découvert d’innombrables catégories économiques, fondées sur les rations alimentaires distribuées par le gouvernement. […] Les membres de l’ancienne bourgeoisie, classe officiellement abolie et expropriée, appartenaient à la dernière catégorie économique et ne recevaient pratiquement rien. La plupart d’entre eux ne pouvaient avoir ni travail ni logement - et personne ne se souciait de la façon dont ils allaient survivre - sans se mettre à voler ou à rejoindre les armées contre-révolutionnaires ou les bandes de pillards. La possession d’une carte rouge, prouvant l’appartenance au Parti communiste, permettait de se placer au-dessus de toutes ces catégories. Chaque membre du Parti communiste bénéficiait d’une ration spéciale […] et avait le droit, surtout s’il était recommandé par un responsable plus élevé, à des sous-vêtements chauds, des bottes en cuir, un manteau de fourrure ou d’autres articles de valeur. […]
[…]
[…] La caractéristique fondamentale de la psychologie bolchevik est sa méfiance envers les masses. […]
[…]
Il est clair que la terrifiante famine de 1921 a été provoquée principalement par la razverstka, la méthode d’expropriation impitoyable pratiquée à l’époque [5]. C’est à cause de cela, et de la révolte qui en a résulté, que Lénine a décidé d’introduire la NEP - la Nouvelle politique économique - qui limitait les expropriations menées par l’État et permettait aux paysans de disposer de certains de leurs surplus pour leur propre usage. La NEP améliora immédiatement les conditions économiques dans le pays. La famine de 1932-1933, elle, a été déclenchée par un retour aux méthodes « communistes » des bolcheviks : la collectivisation forcée.
[…]
[…] Depuis les débuts du pouvoir bolchevik jusqu’à maintenant [ 1934 ], l’État n’a fait qu’exproprier d’une manière ou d’une autre, avec plus ou moins d’intensité, mais toujours dans la continuité d’un même processus de vol d’État de la paysannerie, de prohibitions, de violences, de chicaneries et représailles, comme aux pires jours du tsarisme et de la guerre mondiale […] Il y a davantage de classes dans la Russie soviétique d’aujourd’hui [ 1934, toujours ] que dans celle de 1917, et que dans la plupart des autres pays du monde. […]
[…]
[…] Le gouvernement soviétique met en avant sa bonne volonté vis-à-vis des États bourgeois, sollicite leur coopération et entretient d’importantes relations commerciales avec eux. En réalité, il a des relations amicales même avec Mussolini et Hitler, ces fameux champions de la liberté. Il aide le capitalisme à faire face à ses tempêtes économiques en achetant des millions de dollars de marchandises et en lui ouvrant de nouveaux marchés.
[…]
Sur le terrain de l’industrie, on trouve le même genre de « communisme » que dans l’agriculture. Un système Taylor soviétisé fonctionne dans toute la Russie, combinant des normes de qualité minimales et le travail à la pièce - le plus haut degré d’exploitation et de dégradation humaine, impliquant aussi des différences infinies de salaires et de rémunérations. […] Pour résumer, c’est le salariat qui fonctionne actuellement en Russie. Ai-je besoin de préciser qu’un système économique basé sur le salariat ne peut être considéré comme ayant le moindre lien avec le communisme ? Il en constitue son antithèse.
Hypothèse du philosophe Savidan : dans la peur du lendemain, dans la perte d'espoir en une victoire collective ou politique (perte de confiance dans les politiciens), nous préférons une solidarité restreinte / directe / chaude dans laquelle nous choisissons qui nous aidons, de quelle manière, et où nous pouvons vérifier ce qui est fait (héritage, don, bénévolat, etc.), au détriment d'une solidarité publique / indirecte / froide (cotisations sociales, prestations sociales, services publics, etc.). Il ne s'agit pas d'une montée d'individualisme (cf. le nombre d'heures de bénévolat en France), mais d'un conflit entre deux types de solidarités.
Donc, dans les sondages, nous continuons à prêcher la réduction des inégalités (pas la fin, le consensus va pour une acceptation d'écarts réduits justifiés par une utilité sociale, une compétence, etc.) tout en pratiquant une solidarité restreinte. On se protège, mais si un programme de réduction des inégalités est mis en œuvre un jour, par magie, ça sera tant mieux. C'est du pragmatisme, de l'optimisation, rêver d'une chose et faire au mieux en son absence, difficile d'y voir un « faites ce que je dis, pas ce que je fais ».
Il nous faut externaliser le risque des lendemains incertains sur d'autres individus ou groupes sociaux (d'où le discours usuel "filez-moi plus de thune en prenant ici ou là"). Les libéraux nous invitent à externaliser ça sur les moins méritants en se fondant sur la responsabilité individuelle ("tu n'as pas fait ce qu'il fait pour réussir, pour te protéger des mauvais lendemains"). Les identitaires, sur les étrangers.
Je ne suis pas convaincu que les riches n'aient pas besoin de la solidarité publique ni qu'ils se soutiennent entre eux. Quid de toutes les aides sociales ciblées qu'ils reçoivent (CICE, dons défiscalisés, CIR, etc.) ? Chacun d'eux défend l'organisation sociale qui lui permet de s'extraire de la peur du lendemain, du boulot subit, etc., ça ne dit rien sur une quelconque solidarité, et j'ai bien l'impression de voir des rapaces en compétition.
Pour moi, il y a aussi une différence entre approuver des idées disparates et approuver un agglomérat d'idées que l'on nomme programme politique. D'où dire que les Français sont « attirés peu ou prou » par des idées portées par des programmes de gauche est plutôt stérile… C'est le mix final qui compte… et qui explique, en partie, la défaite électorale de la gauche.
De même, tout le début de la vidéo oppose sondage contre sondage (sur les programmes, sur les idées, etc.), ce qui, pour moi, n'a pas de sens… Il faudrait vérifier la méthodologie de chacun pour s'assurer qu'ils sont comparables. C'est bouillie contre bouillie, quoi.
La plupart des parents aident spontanément leurs enfants adultes dans le besoin, et réciproquement. Ce soutien est de toute manière prévu par la loi. Selon les articles 203 et 205 du code civil, parents et enfants sont tenus à l'obligation de fournir les moyens de subsistance nécessaires à un parent lorsqu'il ne peut pas - ou plus - s'assumer seul.
Cette obligation joue dans les deux sens et porte sur tout ce qui est indispensable à la vie (le gîte, le couvert, les vêtements...), l'obligation des parents envers leurs enfants étant toutefois un peu plus large puisqu'elle comprend en plus l'obligation de pourvoir matériellement à leur éducation, sans limitation d'âge. Inversement, le code civil impose aux enfants, qu'ils soient légitimes, naturels ou adoptés (art. 342 et 367), de venir en aide à leurs parents, grands-parents, arrière-grands-parents...
Les gendres et belles-filles sont tenus à la même obligation à l'égard de leurs beaux-parents (article 206) ; cette obligation ne cesse qu'en cas de divorce ou au décès de l'époux qui créait le lien d'alliance, à condition que le couple n'ait pas d'enfant. En revanche, il n'existe aucune obligation entre frères et soeurs ou oncles et neveux.
Mon Espace Santé (MES) est l'ex-Dossier Médical Partagé, DMP (anciennement Dossier Médical Personnel), complété par une messagerie sécurisée et un catalogue d'applications (au sens d'appli Facebook quoi, pas de logiciel indépendant). Un agenda est attendu.
J'ai lu tout et son contraire au fil du temps. J'ai trouvé très peu d'avis techniquement éclairés (certains se contentent d'affirmer que MES n'est pas aussi sécurisé qu'une banque car il n'a pas de clavier virtuel, trololo), basés sur la pratique, et dénués d'exagération (LQDN exagère, la Fédération française des médecins généralistes est lunaire, etc.). Bref, j'ai besoin de faire le point.
C'est évident mais je le rappelle : je traite le sujet avec mon point de vue et mes biais, mes pathologies, mon vécu médical, et mes compétences numériques dont j'ai conscience qu'elles sont supérieures au niveau du citoyen-patient lambda.
Je vois un intérêt à MES : conservation d'un historique médical par un tiers. Évidemment, ça dépend du vécu, de l'existence et de la gravité de pathologies, du nombre moyen de recours à des docteurs, de la mobilité, etc. Quand, comme moi, tu n'as plus accès à tes données de santé antérieures (livret de santé, radios, diagnostics, etc.) pour X raisons (dans mon cas, il ne s'agit pas d'une perte), c'est quand même plus pratique que de demander à chaque doc' de te refiler son bout de diagnostic ou d'essayer de te souvenir dudit diagnostic et de le réciter approximativement. D'un autre côté, mon vécu me montre que, sur des pathologies courantes, les médecins spécialistes savent repartir de zéro ou avec très peu d'informations, donc bon… Cet historique est-il vraiment pertinent ? À côté de ça, j'ai parfois dû faire la mule entre les médecins pour filer des documents et des infos, et c'est relou, faut bien l'admettre. Qu'ils puissent échanger dans leur jargon et se filer directement des documents me convient. J'ai lu que certains considèrent ça comme une mise à distance du patient considéré comme menteur, qui ne comprend rien, etc. Je ne le perçois pas ainsi. Il faut dire que j'ai le biais de l'informaticien qui a assuré du support niveau 2 tout en pouvant se mêler du support niveau 1, et qui préfère largement discuter avec ses collègues du niveau 1 dans des termes du métier plutôt qu'avec ses utilisateurs dont la grande majorité ne comprend rien et ne veut pas comprendre (l'informatique doit fonctionner « comme l'électricité », se faire oublier).
Ma plus grande crainte, c'est la centralisation. Je découpe ça en deux sous-notions :
Je reviens un peu sur la sécurité :
En résumé, MES me semble bien conçu, ça envoie du rêve, mais son utilisation requiert une vigilance, une rigueur et des compétences numériques qui va dépasser l'essentiel de la population.
L'argument « numérisation de nos vies » (affaiblissement de la relation patient<>professionnel, etc.) ne percute pas vraiment chez moi. Avec la massification de la téléconsultation… De plus, tout acte ne nécessite pas forcément une relation forte entre patient et professionnel, comme une ordonnance pour renouveler une énième fois un dispositif médical arrivé en fin de vie dont un patient dispose depuis des dizaines d'années… Même sans MES, je n'ai connu qu'une écrasante majorité de médecins expéditifs, qui discutent peu, qui n'expliquent rien. La connerie humaine existait avant MES. Ce dernier la renforce-t-elle ? La rend-il inévitable ? Difficile à dire.
Contrairement au Health Data Hub, l'hébergement informatique est opéré en France par des entités françaises (Atos et Worldline).
La sécu m'a prévenu de la création imminente de MES en mars 2022. Sans réaction de ma part (j'avais autre chose à faire), elle a créé mon espace début juillet 2022 (d'après la presse, les créations ont eu lieu par vagues, ce qui est crédible vu le nombre d'espaces ‒ la totalité de la population ‒). Lorsque j'écris ce retour, nous sommes le 21/09/2023.
Évidemment, le site web comporte des dépendances JavaScript dont certaines sont hébergées par des entités états-uniennes (AT Internet, Trust/Tag Commander, Google Tag Manager, etc.). Encore une fois, je demande ce que vient faire un outil de mesure d'audience et d'efficacité d'une campagne marketing sur le site web d'un service public, surtout quand celui-ci est créé d'office ?! Si la partie visible par tous n'est pas conforme au RGPD (les transferts de données à caractère personnel étant couverts par le DPF), que penser de la conformité de la partie invisible et incontrôlable par le plus grand nombre ?
On nous propose d'activer notre espace ou de nous y opposer. Dans ce deuxième cas, rien n'est dit sur la suppression des données qui ont pu être ajoutées par un pro. Peut-être qu'un nouvel écran, après la confirmation du souhait de clôturer, propose la suppression, je n'ai pas osé cliquer (d'autant que j'ignore si des documents ont été déposés dans mon espace, même si je soupçonne légitimement que non, sinon j'aurais reçu un email). J'ai donc préféré activer puis clôturer mon espace, et là, j'ai bien eu la possibilité de demander la suppression de mes données en même temps que je demandais la clôture de mon espace.
À la première connexion, y'a un mini tutoriel qui explique la possibilité de masquer les documents, qui nous demande si l'on veut désactiver la procédure d'accès en urgence (sans proposer de ne pas démasquer les documents à cette occasion, il faut aller dans les paramètres pour ce faire, dommage), etc.
Fin 2022, un hosto qui m'a soigné en 2020 m'a envoyé un message (dans MES) m'informant qu'il ajoute depuis quelques mois les documents liés à mes venues récentes et, progressivement, tous les documents antérieurs selon une liste validée par sa commission médicale interne. À ce jour, il n'a rien fait. MES m'indique qu'aucun pro n'a encore accédé à mes « rubriques ». Idem dans la rubrique traçabilité. J'en déduis qu'il est possible, pour un pro, d'envoyer un message sans entrer dans le MES.
Je pense que MES est actuellement plutôt bien conçu (bémol sur l'accès au dossier par consentement oral). Il a l'essentiel des fonctionnalités que j'attends (traçabilité, masquer les documents, bémol sur l'impossibilité d'interdire tout accès sauf ceux accordés). Il faut néanmoins être rigoureux et compétent dans la révocation des accès, dans la traçabilité, dans l'octroi du droit administrateur, etc. Rigueur compensée en se rappelant qu'on n'a même pas ces fonctionnalités sans MES.
J'ai une préférence pour un système décentralisé (ce que MES n'est pas), mais je peine à évaluer le gain concret dans ce cas d'espèce.
Pour moi, le point bloquant est que je n'ai pas confiance pour le futur. Quand le système aura pris, il sera bien trop facile, pour nos politiciens autoritaires et monarchiques et nos technocrates, d'accorder des droits d'accès, des ré-utilisations des données, etc. Nous serons bien eus.
Dans ma situation (je bénéficie de peu de soins), le risque ne vaut pas la peine d'être pris en échange d'une prétendue simplification de mon quotidien et d'un diagnostic prétendument plus affûté. Gain dérisoire. Risque énorme.
C'est pour cela que j'ai clôturé mon espace santé avec suppression de son contenu.
Sources :
Hébergeur des principales solutions de téléconsultation médicale. A priori (je me base sur Doctolib uniquement), seul l'opérateur qui assure la visio a été pris en compte.
Une analyse de l'infrastructure de Doctolib telle qu'elle était en 2021, et l'écart avec sa communication. Même si ça ne reflète pas forcément l'état actuel, je trouve ça instructif.