Piqûre de rappel. :)
En Russie, les terres et les moyens de production ne sont pas socialisés, mais nationalisés. […] en clair, le gouvernement en a le contrôle et peut en disposer selon ses désirs et ses intentions. Mais si un bien est socialisé, chaque individu y a librement accès et peut l’utiliser sans l’ingérence de qui que ce soit. […] Le reste de la structure économique de l’URSS n’est pas plus communiste que la terre ou les moyens de production. […] Une telle situation relève du capitalisme d’État, il serait grotesque d’y déceler quoi que ce soit de communiste.
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Il n’y a pas la moindre trace de ce communisme - c’est-à-dire, de tout communisme - en Russie soviétique. En fait, là-bas, la seule allusion à une telle organisation est considérée comme criminelle, et toute tentative de la mettre en pratique est punie de mort.
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Pire encore : la vie de chaque localité, et même de chaque individu, dans les prétendues républiques « socialistes » est gérée dans les moindres détails par la « ligne générale » fixée par le « centre ». En d’autres termes, par le Comité central et le Politburo, tous deux sous le contrôle total d’un seul homme, Staline. Donner le nom de « communisme » à une telle dictature, cette autocratie plus puissante et plus absolue encore que celle de n’importe quel tsar, c’est atteindre le sommet de l’imbécillité.
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Et je ne parle même pas ici de communisme libertaire, anarchiste. Ce que j’affirme, c’est qu’en Russie soviétique il n’y a pas la moindre trace de communisme, même d’État, même autoritaire. L’essence du communisme, même de type coercitif, est l’absence de classes sociales. L’introduction de l’égalité économique en constitue la première étape. Telle a été la base de toutes les philosophies communistes, même si elles diffèrent entre elles sur d’autres aspects. […] Le bolchevisme n’a pas aboli les classes en Russie : il a simplement inversé leurs relations antérieures. En fait, il a même multiplié les divisions sociales qui existaient avant la Révolution. Quand je suis arrivée en Russie en janvier 1920, j’ai découvert d’innombrables catégories économiques, fondées sur les rations alimentaires distribuées par le gouvernement. […] Les membres de l’ancienne bourgeoisie, classe officiellement abolie et expropriée, appartenaient à la dernière catégorie économique et ne recevaient pratiquement rien. La plupart d’entre eux ne pouvaient avoir ni travail ni logement - et personne ne se souciait de la façon dont ils allaient survivre - sans se mettre à voler ou à rejoindre les armées contre-révolutionnaires ou les bandes de pillards. La possession d’une carte rouge, prouvant l’appartenance au Parti communiste, permettait de se placer au-dessus de toutes ces catégories. Chaque membre du Parti communiste bénéficiait d’une ration spéciale […] et avait le droit, surtout s’il était recommandé par un responsable plus élevé, à des sous-vêtements chauds, des bottes en cuir, un manteau de fourrure ou d’autres articles de valeur. […]
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[…] La caractéristique fondamentale de la psychologie bolchevik est sa méfiance envers les masses. […]
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Il est clair que la terrifiante famine de 1921 a été provoquée principalement par la razverstka, la méthode d’expropriation impitoyable pratiquée à l’époque [5]. C’est à cause de cela, et de la révolte qui en a résulté, que Lénine a décidé d’introduire la NEP - la Nouvelle politique économique - qui limitait les expropriations menées par l’État et permettait aux paysans de disposer de certains de leurs surplus pour leur propre usage. La NEP améliora immédiatement les conditions économiques dans le pays. La famine de 1932-1933, elle, a été déclenchée par un retour aux méthodes « communistes » des bolcheviks : la collectivisation forcée.
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[…] Depuis les débuts du pouvoir bolchevik jusqu’à maintenant [ 1934 ], l’État n’a fait qu’exproprier d’une manière ou d’une autre, avec plus ou moins d’intensité, mais toujours dans la continuité d’un même processus de vol d’État de la paysannerie, de prohibitions, de violences, de chicaneries et représailles, comme aux pires jours du tsarisme et de la guerre mondiale […] Il y a davantage de classes dans la Russie soviétique d’aujourd’hui [ 1934, toujours ] que dans celle de 1917, et que dans la plupart des autres pays du monde. […]
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[…] Le gouvernement soviétique met en avant sa bonne volonté vis-à-vis des États bourgeois, sollicite leur coopération et entretient d’importantes relations commerciales avec eux. En réalité, il a des relations amicales même avec Mussolini et Hitler, ces fameux champions de la liberté. Il aide le capitalisme à faire face à ses tempêtes économiques en achetant des millions de dollars de marchandises et en lui ouvrant de nouveaux marchés.
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Sur le terrain de l’industrie, on trouve le même genre de « communisme » que dans l’agriculture. Un système Taylor soviétisé fonctionne dans toute la Russie, combinant des normes de qualité minimales et le travail à la pièce - le plus haut degré d’exploitation et de dégradation humaine, impliquant aussi des différences infinies de salaires et de rémunérations. […] Pour résumer, c’est le salariat qui fonctionne actuellement en Russie. Ai-je besoin de préciser qu’un système économique basé sur le salariat ne peut être considéré comme ayant le moindre lien avec le communisme ? Il en constitue son antithèse.