Quelques remarques intéressantes sur l'écosystème numérique français :
- Gouvernement qui n'écoute rien. Exemple typique : l'expérience du cloud français. Toute l'industrie avait averti que cela ne fonctionnerait pas. 150 millions d'euros gaspillés ;
- Croyance généralisée que tout est de la haute technologie alors qu'un pauvre site web d'intermédiation n'est pas de la haute technologie. De même, les SSII ne sont pas des boîtes de haute technologie. Elles vendent de la croissance aux actionnaires (pas de suivi des projets, osef du client, etc.) ;
- En France, on a deux conventions collectives pour les métiers du numérique : Syntec ou métallurgie, la plus répandue étant Syntec. Or, dans la convention Syntec, la première qualification de manager, la 2.1, interdit de continuer la technique. Ailleurs dans le monde, il y a une double chaînes de direction : managériale d'un côté (CEO) et technique de l'autre (CTO). Ça crée une déconnexion, entre ceux qui font et ceux qui pilotent, en effet. Vu que c'est une convention collective, on touche là à un problème de représentation : les métiers de l'informatique sont mal représentés au milieu des bureaux d'études, des consultants & co ;
- Il y a une contradiction : les sociétés commerciales demandent des CV longs comme le bras (alors qu'un informaticien est un étudiant à vie) en proposant des salaires de misère et en attendant du salarié qu'il exécute sans penser. Comme d'hab, y'a des exceptions mais je suis plutôt d'accord avec l'orateur ;
- Silicon Valley à la française : projet initié depuis les années 70 avec le déplacement de Supelec et de l'école polytechnique de Paris vers le plateau de Saclay. Oui, Paris est un phare touristique mais on veut attirer les cerveaux et les investisseurs dans la pampa : au bout de la ligne RER B, 20 minutes de marche en montée, Pas un cinéma, pas de bar/café à moins de 5 km, pas d'hôtel. Comment veux-tu accueillir des investisseurs et des partenaires sans te taper la honte ?! Personne n'a suivi à part la R&D de Thales et d'EDF malgré des tractations importantes des gouvernements. En Californie, depuis 2006/2007, il y a un mouv' pour quitter San José / Moutain View, Palo Alto pour remonter vers San Francisco car là-bas y'a une vie, on peut y vivre et y élever une famille. La France continue à croire au plateau de Saclay qui fait pile l'inverse, des années après ;
- Arrêtons de vouloir attirer les salariés et investisseurs étrangers en leur parlant de Paris, la Seine et tout. OSEF complet. Ce qui comptera, c'est les conditions de travail et le salaire. Et ça sera bloquant. Oui, c'est bien ce que démontre le French Tech Ticket ou il faut fournir visa et thune pour convaincre de venir ;
- Points forts de la France : des aides. L'ACRE (Aide à la Création et à la Reprise d'Entreprise) : si ta société en devenir te permet pas de te rémunérer autant que tes allocs chômage, l'État complète. Jeune Entreprise innovante : 5 ans de dégrèvement total d'IS puis 3 ans partiel. Crédit Impôt Recherche : des sommes folles genre 25 % de tout ton investissement (R&D, salaires, déplacements) ce qui représente vite 100 000 € pour une boîte de 2-3 personnes. OSEO/BPI/région : ça bouffe un temps monstrueux qui n'est pas vraiment compatible avec le développement rapide d'une société (tu ne peux pas coder et aller raconter du bullshit pour avoir le blé en même temps). Le truc que l'orateur oublie de dire, c'est que cet argent vient pas sans contreparties : y'a de la paperasse, qui en a lourdement gonflé voire mis en péril plus d'un-e, voir http://sametmax.com/entreprendre-en-france-autopsie-dun-echec/ ou http://www.mercipourlechocolat.fr/2010/12/21/regime-auto-entrepreneur-acre-urssaf/ ;
- Pour l'orateur, il faudrait en finir avec le mantra « nul n'est irremplaçable » car quand on veut bâtir de l'innovation, on embauche des gens irremplaçables. Ça me semble être du capitalisme exacerbé et ça me rappelle beaucoup ce qui a été dit sur Xavier Niel (voir http://shaarli.guiguishow.info/?mvowrw ). Tout le monde ne peut pas devenir irremplaçable, par conception même. On a donc un système pyramidal, une machine à exclusion. On crée des égos surdimensionnés ? On fait quoi des gens que l'on laisse sur le carreau ? Ils-elles vont à Popole ?! Ils-elles ont qu'à nettoyer les chiottes des égos surdimensionnés à longueur de journée au motif que "c'est plus leur place" ?! Que veut dire « remplaçable » ?
- Conclusion : avec les aides, ça ne coûte rien d'essayer de se lancer. Ne pas demander aux autres le job de vos rêves, créez-le.
Quelques anecdotes :
- Il paraît que la France est excellente dans le domaine du traitement d'image mais qu'il n'y a pas d'industrie pour cela. On assiste donc à l'émigration de nos rares diplômés dans ce milieu-là : près des studios Universal, il n'est pas rare de constater des boîtes dont le personnel est composé à 40 % de français ;
- Le milieu informatique est un des rares milieux qui carburent à l'envie de faire des choses et à la confiance a priori. On détecte les gens pas fiables a posteriori mais on ne les exclue pas d'avance. Oui, je pense aussi que c'est majoritairement le cas. Voir : http://shaarli.guiguishow.info/?qQfkcA . Mais pour moi, la structure hiérarchique des sociétés (mêmes celles qui se vantent d'être horizontales pour pecho du geek / de la geek) à vite-fait d'effacer tout ça ;
Pour le reste, l'orateur raconte aussi n'importe quoi :
- Estimer qu'une société commerciale peut être lancé avec 824 € en comptant chaise + bureau + ordi + connectivité Internet sur 6 mois, c'est un mensonge. Quid du loyer ? Quid des besoins élémentaires ? Quid des charges notamment de création ? Je suis d'accord que le ticket d'entrée est moins élevé que dans d'autres industrie, qu'il n'y a pas d'autorisations préalable d'exploitation à demander, tout ça, mais il ne faut pas pousser non plus. Ce plan est viable uniquement pour ceux et celles qui ont travaillé et mis de l'argent de côté ou qui bénéficient de l'ACRE, comme ce fût le cas de l'orateur. Du coup, ça introduit un biais dans le raisonnement : les fondateurs des mastodontes US, ce sont des gamins qui ont arrêté leurs études, pas des gens qui ont épargné x ans avant de se lancer ;
- L'idée géniale pour lancer un écosystème numérique de haute technologie : prendre les projets de fin d'études des étudiants. Paraît que comme y'a environ 50k étudiants par an, ça nous ferait environ 5k de projets industrialisables dont 1,7k dont le modèle éco et tout ne serait pas bidon. L-O-L. Stats basées sur 2 écoles dans lesquelles l'auteur a récupéré les rapports des étudiants. L-O-L la représentativité de l'échantillon. La plupart des sujets, c'est les profs qui les donne. C'est souvent de la recherche fondamentale qui n'aboutit à rien, notamment en master. Qu'est-ce que tu veux exploiter industriellement RPKI+ROA ou un jeu de casse-briques gourmand en CPU écrit en Java ?! Ensuite, il y a le tempérament des personnes : tous les geek de france ne vont pas être à la tête de leur propre société, faut pas charrier, il y a des compétences à avoir (relationnel, gestion de projets (dans le sens noble du terme), paperasse administrative, etc.). Pour moi, c'est bien ce que démontre le taux d'échec des auto-entreprises : c'était cool de tenter de se prendre en main, ça valait la peine d'essayer mais ça a foiré. Pour moi, il faut aussi en finir avec le mythe de monsieur et madame Toutlemonde entrepreneur de renommée mondiale. BTW, 1/5 de 50k, ça fait 10k, pas 5k. ;)
Via http://lehollandaisvolant.net/?mode=links, très probablement.