Un livre-enquête sur les films pornographiques pro-am (professionnel-amateur) français. On pourrait croire qu'il s'agit d'un style artistique (peu de lumière, intimiste, etc.) ou que des amateurs tournent dans un milieu professionnel, mais il s'agit surtout d'un porno qui répond à une demande commerciale (d'où « pro »), mais dont les moyens de production sont très limités (d'où « am »). Ce modèle économique a émergé au début des années 2000.
Alors, forcément, on n'est pas surpris d'avoir confirmation de l'absence de contrats de taff, de l'existence de contrats de cession de droits signés avec des autoentreprises à la fin du tournage (utile pour marchander, a posteriori, le consentement des actrices. Tu ne voulais pas les 4 gaillards sur toi ? Allez, 100 € de rabe et on n'en parle plus), des acteurs qui absorbent du Kamagra (Viagra pas cher) ou qui se piquent à l'Edex, au Caverjet et au Bi-Mix pour maintenir leur érection, le non-respect fréquent du consentement féminin (un acteur initialement prévu pour une scène, quatre acteurs au final, une promesse de scène sans rapport anal est rompue par le producteur, actrices fragiles psychologiquement et financièrement, etc.), des blessures infligées souvent aux femmes (elle s'évanouit pendant un fist vaginal ? C'est l'effet d'un orgasme intense dit le producteur… ou d'une plaie de 6 cm dira le docteur. Mais, ce que ne précise pas le livre, c'est que si le diffuseur ajoute le tag « painful », la vidéo se vendra niquel…), la reticence des producteurs à retirer une scène de leurs sites web suite à la demande d'une actrice (au motif des contrats de diffusion ‒ voir ci-dessous ‒ et que des gens lambda la mettront à disposition sur les sites web gratuit ?), la prépondérance des marchés de niches standardisés - les fameux mots-clés - qui tuent l'imaginaire, etc.
On est toujours aussi peu surpris d'avoir la confirmation de l'existence d'inégalités et de clichés genrés et racistes. L'espérance de vie d'une actrice est de 6 mois à 2 ans, car elle perd de sa valeur marchande après dix tournages environ (le public veut de la nouveauté). Un mec peut tenir 15 ans. Un acteur peine à percer, car il y a trop d'offre tandis qu'une actrice peine à perdurer à cause de la demande du public. Les hommes sont moins rémunérés que les femmes, voire pas du tout quand les producteurs envoient des messages à leurs fans pour mater un tournage et y participer. Le salaire de l'homme est conçu comme un complément au plaisir qu'il tire du tournage. Pour la femme, on achète la marchandise prisée par le marché, son honneur, sa transgression des normes de la sexualité féminine et sa sexualité qui ne se donne pas, mais s'échange. Parfois, les actrices ne sont pas rémunérées non plus en échange d'une mise en avant de la vidéo sur le site web du producteur… Un Noir jouera très rarement un statut social supérieur (médecin, par exemple) et il embrassera moins sa partenaire, cela afin de conforter le cliché de la bestialité du Noir. Les actrices US sont payées plus cher pour une scène avec un Noir car cela détruirait leur carrière. Le Noir est dans le porno pour punir la femme blanche de sa sexualité jugée débridée. La réception sociale sera également différente : l'acteur est perçu comme le héros du quartier, il serre des paluches, l'actrice est drapée d'une mauvaise réputations et reçoit des sourires carnassiers.
On est un peu plus surpris de découvrir l'existence de réseaux et d'une division horizontale du travail. Des rabatteurs dénichent les potentielles actrices, notamment via les réseaux sociaux (celles qui participent à des shooting, celles qui font des cams, toutes ont des fans… futurs clients potentiels). Les acteurs amènent également de la chaire fraîche en échange de garanties de tournage. Des producteurs dans la dèche produisent les vidéos. Lui est chômeur, tel autre vit des revenus de sa concubine, tel autre vit avec l'aide de sa maman, d'autres exercent leur art en plus d'un métier conventionnel (agent d'accueil, vigile, etc.). Revenus en berne, loyers en retard. Une vraie guerre commerciale doublée d'une politique de la terre brûlée a lieu entre producteurs qui s'échangent parfois des tuyaux et des actrices pour survivre : les gros signent des actrices pour les dix tournages fatidiques, empêchant ainsi les petits producteurs de tourner avec elles (car elle est "périmée", voir paragraphe précédent). Notons que les mœurs des producteurs pro-am différent de celles de ceux du porno-chic qui les ont précédé : mouvement libertaire, contre-culturel et émancipateur pour les ancêtres contre milieu réactionnaire / blasé du monde, pro-FN, homophobe et misogyne pour le pro-am. Les scènes sont découpées, compilées, et revendues à prix cassé à quelques diffuseurs dont le leader actuel est Jacquie et Michel (ne cherchez pas Jacquie, le business est principalement tenu par Michel, ex de l'éducation nationale et son fils ; Jacquie, c'est la première personne qui a envoyé ses photos à Michel quand celui-ci voulait créer un site web après sa formation de webmaster financée par son droit à la formation). Sans originalité, ceux-ci déclinent toute responsabilité pour les illégalités commises sur les tournages, mais ils mettent en place des chartes, cessent de publier des vidéos directement produites par des réalisateurs trop critiqués négativement (pas de panique, ces réalisteurs bosseront en sous-main pour d'autres contractuels de J&M) et tout le baratin habituel. J&M procède par avance sur contrat (1 250 €) et partage du revenu des ventes durant quatre ans (la vidéo ne peut être retirée avant). À cause du jeu de revente de scènes à la découpe, il est difficile d'éviter du porno pro-am qui ne respecte pas le consentement ou le droit du travail… Même Dorcel, le porno-chic à la française revend du pro-am "crade"… J'imagine qu'il doit y avoir moyen de s'en sortir en prêtant attention aux labels et aux gammes, mais bon… Les « tubes », les sites web gratuits comme le réseau MindGeek (PornHub, Youporn, etc.), xHamster, etc., ont pris une place considérable : des producteurs pro-am déclarent que lorsqu'un de ces sites est en maintenance, la fréquentation de leurs sites web chute de 1 300 à 100 visiteurs/jour (j'en doute un peu : seul un léger logo permet parfois d'identifier l'origine des vidéos, je doute que les consommateurs de ces fast-food cherchent aussi massivement à remonter à la source). Les petits producteurs d'aujourd'hui, puissants d'hier n'ont pas vu les tubes débarquer alors qu'ils avaient eux-mêmes contraints la profession à s'adapter une décennie auparavant.
Les profils des actrices et des acteurs sont ceux que la presse nous a toujours présenté. Une minorité de femmes maîtrise la situation et tourne pour gagner rapidement un fric d'appoint pour des vacs ou autre. Une écrasante majorité est composée de femmes précaires qui dépendent des producteurs pour vivre, au point parfois de """"racoler"""". Certaines viennent de ZUP, sont des oubliées sociales, ont été violées, battues, ont des parents internés en hôpital psychiatrique, etc. D'autres ont un trouble dissociatif de l'identité ou une irrationalité chronique médicalement reconnues. Les producteurs ne vérifient pas, car ça les obligeraient à changer de modèle de """"recrutement"""". Elles débarquent dans ce milieu via des rencontres fortuites. Une majorité d'hommes revendique un choix conscient « pour se vider les couilles », mais derrière, on trouve minoritairement une misère sexuelle dans l'adolescence / début de la vie active, des moqueries, etc. Pour les femmes, le porno est un moyen de chercher son identité / découvrir des trucs, d'acquérir une célébrité pour exister / qu'on s'occupe d'elles (240 fans Twitter qui encouragent), de se venger ("t'as dit que je suis une salope ?! Ouais, je serai la meilleure des salopes !") voire de s'auto-détruire. Certaines jouent les femmes fortes qui maîtrisent, disent refuser les rapports anaux qu'elles détestent à cause de la douleur ou les bukkakes qui leur brûlent les yeux / peau… mais renoncent finalement à faire valoir leur choix face au producteur. Mêmes celles qui prétendent assumer grave ont des idées morbides. Au début, j'étais sceptique face à ces témoignages, car l'auteur à très bien pu les sélectionner afin d'être conforme à l'attente sociale qu'une femme qui tourne dans des pornos est une femme fragile exploitée. Mais, au final, je trouve tout cela crédible : il y a tellement de gens malheureux dans leur taff, qui s'auto-détruisent (burn-out, bore-out, etc.), qui subissent des accidents prévisibles, qui n'ont pas de contrat de taff, qui sont sous-payés, etc. qu'il est statiquement normal de retrouver cela dans le monde du porno bas de gamme… L'auteur explique d'ailleurs que la connaissance des coulisses ne change pas le comportement des fans de pro-am, car le plaisir passe avant l'éthique… comme un consommateur lambda, en fait ? La différence, c'est que les réseaux de la grande distribution (par exemple) sont socialement admis, pas le porno.
Je ne résiste pas à l'envie de recopier cette phrase tirée de l'entretien téléphonique avec Thibault, le fils de Michel et directeur général du site web Jacquie et Michel : « Mais, du coup, dans ton bouquin, ça va être dur de dépeindre le truc sans que ça soit trop sordide ? »
Je recommande la lecture de ce livre, car il est pédagogique, même si, plutôt souvent, le ton qui y est employé est gonflant. Tantôt l'auteur en fait des tonnes pour exposer qu'il a fait de nombreuses démarches, qu'il a donné de sa personne sur des tournages (en restant derrière la caméra, faut pas charrier), bref qu'il a tout donné. Tantôt l'auteur devient moralisateur : telle pratique sexuelle est pas cool selon ses critères donc les actrices ne peuvent pas être consentantes et celles qui lui répondent qu'elles le sont, sont des exploitées qui ne peuvent pas répondre autre chose si elles veulent continuer à tourner, donc à bouffer…
J'ai déjà évoqué ici-même les années de plomb, c'est-à-dire ces dizaines d'années de violence politique dans toute l'Europe de l'Ouest. J'ai pointé des ressources audiovisuelles concernant quelques groupes militants d'extrême-gauche qui, constatant l'échec des méthodes de contestation politique traditionnelles, avaient fait le choix de commettre des attentats politiques ciblés (séquestration de PDG et de politiciens, assassinat de politiciens, de juges, de membres de cabinets ministériels, braquages, bombes, etc.) : Action Directe (France), la Fraction Armée Rouge (Allemagne), et les Brigades Rouges (Italie).
Ce que je n'ai pas encore écrit, c'est qu'à cette époque, la violence politique émanait d'un peu partout, y compris de la droite et de l'extrême-droite (attentats à la bombe de 1969 en Italie). On sortait de la deuxième guerre mondiale (donc il y avait des gros bras à canaliser / réintégrer dans le civil) et de la guerre d'indépendance de l'Algérie (l'arrivée de De Gaulle est un quasi coup d'État pour empêcher celui des militaires pro-Algérie française), on était en pleine guerre froide avec une peur des communistes (par ailleurs, le service d'ordre du Parti Communiste n'était pas tendre), sans compter les attentats d'extrême-gauche sus-cités et les attentats dits islamistes à la fin de cette période des années de plomb (1985-1990). Bref, pour beaucoup, la nation était en péril.
Cette bande dessinée, réalisée par un journaliste et un dessinateur se penche sur le Service d'Action Civique (SAC). Il s'agit d'une association crée en 1960 pour, en façade, soutenir et promouvoir De Gaulle et sa politique dans le contexte explosif sus-mentionné. En réalité, il s'agissait plutôt d'une milice privée qui assurait la sécurité des meetings du parti gaulliste, qui veillait sur les militants gaullistes qui distribuaient des tracts ou qui collaient des affiches (à cette époque, cela se faisait avec des flingues…), qui brisait les grèves des ouvriers, etc. Les membres avaient diverses origines : grand banditisme, anciens de la guerre d'Algérie, politiciens, services secrets, etc. Des membres du SAC ou des correspondants étaient "infiltrés" un peu partout : police, justice, syndicalisme, gouvernement, ORTF, etc., ce qui constituait un puissant réseau d'influence. Le financement du SAC provenait des cotisations des membres (5 francs ;) ), du budget des frais de police du ministère de l'Intérieur (qui sert aussi à rémunérer les indics), de la rémunération pour pose d'affiches électorales pour le compte du RPR, de la Françafrique, du monde des jeux, de la filière belge d'armes et de drogue, etc. Le SAC disposait d'un atelier de fausse monnaie à Seyne-sur-Mer qui profitait aux services secrets (financement de leurs opérations). La pègre aidait l'OAS en échange d'une impunité procurée par le SAC et son fameux macaron bleu-blanc-rouge. Suite à la tuerie d'Auriol en 1982 (Jacques Massié, membre du SAC semble en pincer pour Mitterrand, le SAC veut récupérer des documents, Massié et sa famille sont assassinés par le SAC), l'association est dissoute par le gouvernement Mitterrand et une commission d'enquête de l'Assemblée nationale tente de faire la lumière sur le SAC… sans trop de succès, car les membres du SAC refusent de parler, prétendent que c'est une petite association inactive sans histoire ou s'énervent "vous ne me faites pas peur !". Le SAC, et notamment sa partie Françafrique, survivront longtemps à l'alternance. Lors de son meeting de campagne du 26 janvier 2007, Sarkozy évoque Boulin… pour marquer son appartenance (il s'agissait d'un discours sur la droite en général) ou signifier qu'il détient des informations et qu'il veut mieux ne pas venir le provoquer ? En 2015, la fondation De Gaulle se trouve dans d'anciens locaux du SAC et son président en est Jacques Godfrain, un membre du SAC. Ça en dit long.
Ce livre se consacre à 3 dossiers liés au SAC (j'exclu l'inintéressante tuerie d'Auriol sus-mentionnée) : les milices patronales, l'assassinat du juge Renaud et l'assassinat du ministre du travail Boulin.
Commençons par les milices patronales post 1968. La Confédération Française du Travail, qui s'est renommée Confédération des Syndicats Libres après l'assassinat d'un syndiqué salarié, et les sociétés d'intérim Nota et Siter, entre autres, servaient à maîtriser les syndicats salariés, notamment la CGT et la CFDT (jugée très gauchiste à l'époque, les temps changent). Ces milices patronales n'étaient pas constituées uniquement de membre du SAC, mais aussi d'anciens de l'OAS, des truands, etc., tous les milieux où il y avait des gros bras, en fait, mais le SAC en était le noyau dur. Que faisait-elles ? Elles « aidaient les syndiqués [ salariés ] à avoir des malaises » (citation issue de la commission d'enquête de l'Assemblée sur le SAC), elles surveillaient les usines (faux ouvriers qui ne travaillaient pas mais qui rodaient et discutaient en permanence) et les syndiqués (avec des enquêtes d'environnement dans les quartiers d'habitation), elles tabassaient les membres de syndicats salariés (sutout lors de la distribution de tracts à la sortie des usines), elles essayaient de les faire licencier (en leur vendant de l'alcool, interdite sur le lieu de travail, ou en cachant des outils de travail, des forets, par exemple, dans leurs habits civils), elles sabotaient leur voiture (freins…). Il y avait aussi les nervis qui, eux, travaillaient mais qui pouvaient s'absenter à tout moment pour poser des affiches pour les campagnes électorales du RPR, pour escorter des personnalités politiciennes ou pour bastonner des syndicats salariés avec des chaînes de vélo et des matraques. Des policiers membres du SAC fouillaient les poubelles de la CFDT.
Assassinat du juge Renaud en 1975. Décontracté et incorruptible, il aurait été assassiné par le gang des Lyonnais, car il aurait été en train de prouver qu'une partie de l'argent dérobé lors d'un des braquages du gang, celui de l'hôtel des postes de Strasbourg, aurait servi à financer l'UDR (ex-RPR-UMP-LR), le parti gaulliste. Un proche du gang des Lyonnais donne des détails sur le déroulé de l'assassinat… détails non publiés par la police. Le chef du gang, Edmond Vidal, laisse entendre, lors de son audition, que c'est un acte politique. Comme beaucoup de truands Lyonnais, Vidal dispose de la carte bleu/blanc/rouge passe-droit du SAC. En 2014, il confirme à des journalistes qu'une partie de l'argent du braquage de Strasbourg a financé l'UDR. Le gang échappe aux barrages de police dressés dans toutes la France (grâce au macaron du SAC ?). Quelques jours avant sa mort, le juge Renaud reçoit deux membres du SAC qui l'incitent à la plus grande prudence sur ce dossier, et, le juge souhaite voir en présentiel une amie d'enfance. Le bureau de l'avocat de la famille du juge est incendié après la déclaration de l'avocat dans la presse selon laquelle il est nécessaire de suivre les flux financiers pour comprendre l'affaire. Je note que la greffière du juge Renaud, une amie d'enfance du juge, et un commissaire proche du juge divergent : elles croient au financement de l'UDR via le SAC, lui non.
Assassinat du ministre Boulin en 1979. Il aurait eu l'intention de balancer le financement du RPR par la Françafrique. À cette époque, la presse, prévenue par le RPR, semble-t-il, se déchaîne sur lui pour un terrain acquis avantageusement auprès d'Henri Tournet, un proche de Foccart (co-fondateur du SAC), ce qui laisse penser à un suicide. Tournet avait sollicité l'aide de Boulin pour construire un lotissement, demande refusée par Boulin. Avant le jour J, Boulin et ses proches ont reçu des menaces et les alertes habituelles. Le jour J, proche du lieu, une témoin le voit dans une voiture en compagnie de mecs à l'expression faciale pas sympa. Dans sa voiture, un mot indique que les clés sont dans sa poche (quel suicidé fait ça ?). Il y a des traces de pas bidirectionnelles entre la voiture et la rive (quel suicidé revient sur ses pas ?). Le procureur Louis-Bruno Chalret, proche du SAC (il connaît également la personne qui menaça le juge Renaud), informé en pleine nuit, dessaisi les gendarmes qui étaient déjà sur place. L'autopsie est bizarre… Le visage en est exclu alors que plusieurs témoins de la famille, dont le kiné de Boulin, l'ont vu dans un sale état lors de la remise du corps post-autopsie. Elle ne cherche pas la présence d'eau dans ses poumons (ça peut être intéressant pour prouver un suicide par noyade, non ?). Elle ne cherche pas d'éventuelles fractures. Les lividités cadavériques (le sang "descend" par gravité et laisse des marques sur la peau) se trouvent sur le dos, alors que Boulin est retrouvé """"en levrette"""" dans l'eau (donc les lividités cadavériques auraient dû se situer dans les jambes, le ventre, le visage, etc.). Il n'a pas absorber une quantité dangereuse de médocs. Des proches de Boulin, le procueur Chalret, Pasqua, etc. sont prévenus avant la découverte officielle du corps par la police. La nuit du meurtre, Achille Peretti, proche de Foccart et de Pasqua, qui lancera Sarko en politique, débarque en pleine nuit chez la famille Boulin et conseille de rendre les dossiers sinon « on va tous y passer ». Le même relayera, à la femme de Boulin, une proposition financière en échange de son silence (cette conversation fut enregistrée).
Quelques notes :
Pour faciliter des recherches ultérieures, je note l'identité de quelques membres du SAC : Charles Pasqua, Jacques Foccart (monsieur Françafrique de De Gaulle), Alexandre Sanguinetti, Pierre Debizet, Jacques Godfrain (son nom est aussi donné à la première loi qui criminalise le piratage informatique), Roger Frey, Robert Galley, René Tomasini, Marcel Francisci, Maurice Boucart (filière financière belge du SAC), Paul Comiti, Jean Augé, Jean Schnaebelé.
En bref, je recommande la lecture de cette bande dessinée, car elle est très pédagogique. Tout comme la dernière bande dessinée d'enquête que j'ai lue, [Grandes oreilles et bras cassés)(/?YNeekw), je n'arrive pas à percevoir l'intérêt de ce format, car je trouve que l'image exprime rien, qu'elle apporte pas d'informations par rapport à du texte, à l'inverse des bandes dessinées de la blogueuse Emma où l'image illustre des émotions.
Un livre de développement personnel écrit sous la forme d'un roman. Original.
Ce livre traite deux grandes thématiques : les croyances limitantes et l'inépuisable « réussir sa vie ».
La première partie a rien d'original pour qui a lu les accords Toltèques : toute notre vision des choses, toute notre vie est basée sur l'interprétation que nous faisons du monde qui nous entoure. Nous filtrons la réalité car il y a trop d'informations à assimiler par nos cinq sens. Ce que nous retenons dépend des filtres que nous appliquons et donc de nos croyances : si l'on est convaincu que le monde qui nous entoure est hostile, nous retiendront que ce chien semble dangereux, que cet homme a une démarche dangereuse, que ce plancher qui grince est dangereux, etc. Nous croyons en permanence et nous agissons de manière à confirmer nos croyances. Quelqu'un qui se pense inintéressant aura des prises de parole hésitantes, confuses, monotones, etc., ce qui le rendra inintéressant et fera que quelqu'un lui coupera la parole, ce qui confortera sa croyance : il est inintéressant. Prophétie autoréalisatrice et croyance renforcée. Nos croyances ont des effets négatifs et positifs. Même croire que tout le monde est méchant a un aspect positif : l'absence de naïveté et la protection que l'on construit autour de soi nous protégeront, alors que la personne qui pense que tout le monde est tout le temps gentil aura développé aucune protection et sera donc plus vulnérable. Nos croyances viennent de l'enfance, d'autrui, et de la conclusion que nous tirons de nos expériences. Ces conclusions peuvent être inconscientes ou être des généralisations au lieu d'être circonscrites : c'est un échec à un instant T (instant de fatigue ?), dans un lieu donné (était-il propice à cette activité ?), dans un contexte donné, avec un niveau d'expérience donné, etc. Aucune raison de ne pas réessayer après avoir corrigé ce qui fait défaut.
La deuxième partie est tout aussi classique dans le monde du développement personnel. Qu'est-ce qu'une vie réussie ? Se conformer à ses souhaits. Exprimer ses compétences. Respecter ses valeurs. Donner le meilleur de soi (l'humain s'épanouit dans l'exigence de soi et se complaît dans le laisser-aller). Rester en harmonie avec qui on est. Se consacrer à autre chose qu'à nous-même, même si c'est infime et indirect, comme un sourire pour les autres. Si l'on ne respecte pas nos valeurs, on ressent une gêne, un léger malaise, un sentiment de culpabilité. Comment savoir si l'on est en harmonie avec soi-même ? Si tu te sais mourant, quels moments de la semaine passée conserves-tu ? Si tu gardes seulement 30 % de tes activités, c'est que tu n'es pas en harmonie avec toi-même. Il faut découper ses souhaits en tâches et, pour chaque, associer les compétences requises avant de se demander si l'on les possède, si quelqu'un qui les possède peut nous aider ou si nous pouvons les acquérir. Ressentir qu'on n'arrivera pas à mener une action à bien, c'est l'affirmation consciente qu'il manque une réponse à la question inconsciente « comment puis-je réaliser cela ? ». Il faut s'entourer de gens qui te croient capable de faire ce que tu souhaites. Il ne faut pas se laisser déstabiliser par des gens qui se réconfortent en te rabaissant ou qui ont besoin que tu sois une victime afin d'être ton sauveur ou à qui ton courage leur rappelle leur absence de courage. Les choix qui nous font avancer et nous satisfont sont ceux qui nous coûtent, mais on a toujours le choix, même pour un boulot moins bien payé mais plus épanouissant qui entraîne un logement plus petit, qui, si on quitte son logement actuel, entraîne un éloignement de la famille et des amis. On ne peut pas être heureux si l'on se croit être une victime permanente des événements et d'autrui.
Quelques notes :
Je suis mitigé voire en désaccord sur les points suivants :
Évidemment, comme tout bouquin de dév' personnel, celui-ci aussi contient son petit lot de propos charlatans qui peuvent être dangereux : un placebo guérirait le cancer, « envoyer de l'amour » (ce n'est pas défini) permettrait de guérir des cellules cancéreuses dans une boîte de Petri.
Pour conclure, je ne résiste pas à l'envie de recopier cette petite blague : pourquoi un homme éjacule par saccades ? Parce qu'une femme avale par gorgées.
En bref, ce livre est agréable à lire. Il condense, sous forme de roman, des idées clés du mouvement de dév' personnel. Je ne pense pas que la méthode proposée (découper ses souhaits en actions, etc.) est efficace, entre autres car le narrateur-auteur va trop vite pour suivre la recette et acter ses choix décisifs d'où j'ai du mal à m'identifier à lui, mais, au moins, ce livre ne présente pas les fumeuses tirades vide de sens destinées à s'encourager et à résoudre tous nos problèmes, tirades habituelles dans le milieu.
Ce livre du député-journaliste Ruffin se présente comme une lettre adressée au Président Macron pour lui présenter les gilets jaunes, et plus largement, la France du bas avec laquelle il a construit zéro lien.
Ce livre a rien d'original. Ruffin décortique le CV de Macron afin d'illustrer la déconnexion des élites. Cette partie est bigrement pertinente, je vais y revenir. Néanmoins, comme dans Fakir, le style de Ruffin est lourd. Des pages et des pages pour introduire une ouvrière. Une négation du vécu de Macron qui apporte rien (exemple : "t'es resté peinard derrière les murs protecteurs des différentes écoles que t'as fréquenté pendant que moi je me suis ouvert aux autres"). Le « moi, je » habituel de Ruffin. Parfois, je crois percevoir de la jalousie quand Ruffin évoque la belle gueule et le charme de Macron qui lui rendent la vie plus facile au lycée, ainsi que la prétendue « pauvreté » de son style littéraire. Je ne comprends pas en quoi tout cela aide la critique. En revanche, je mesure combien ça alourdit le bouquin.
Le nombre des interconnexions entre Macron et les politiciens, les médias et les industriels est impressionnant et le rappel de Ruffin est salvateur. Avec ça, Macron peut toujours prétendre, comme d'autres, qu'il s'est fait tout seul…
Quelques notes :
Bref, c'est un livre que l'on peut lire, mais sans plus. À mes yeux, seul le travail journalistique de rappel minutieux du CV de Macron est intéressant.
Ce livre contient les paroles de la pièce de théâtre interprétée par le célèbre avocat pénaliste (entre autres). Je n'ai pas assisté à une quelconque représentation.
Cette pièce relate son enfance, le début de sa carrière, ses expériences professionnelles et surtout ses coups de gueule.
La partie sur son enfance est courte : petit fils d'immigrés italiens qui vit la xénophobie de la France des années 60, l'assassinat de son grand-père et la mort de son père cancéreux. Autant d'injustices qui le motiveront, comme l'annonce de l'exécution de Ranucci et son intention de séduire les femmes par les mots, car il ne pense pas être capable de « pécho en teboi ». Le début de sa vie pro est résumée aux galères pour obtenir du travail d'un avocat qui veut se consacrer exclusivement au pénal (il échouera) et la prise sous son aile par l'avocat toulousain Alain Furbury.
Concernant son expérience professionnelle et ses coups de gueule, les thématiques abordées sont le rôle de l'avocat défenseur, le blâme du rôle institutionnalisé de victime, le tribunal médiatique, la liberté d'expression et la délation, ainsi que la moralisation rampante de notre société (sur des œuvres, la cigarette est effacée du bec de fumeurs notoires comme Malraux ou Gainsbourg ; être vegan ou un gros crevard ; faire du sport, etc.).
Je regrette que les définitions soient uniquement dégrossies par des exemples et que les prises de position soient aussi peu argumentées et aussi peu nuancées en mode "c'est comme ça et pis c'est tout". Comment convaincre quiconque que les déjà convaincus ?
Quelques notes intéressantes sur le rôle de l'avocat, de la victime et du juge :
Bref, c'est un livre que l'on peut lire, mais sans plus. Les non-initiés sont très peu pris en main dans la définition du rôle de l'avocat, de la victime et de l'institution judiciaire. Le reste n'est qu'une compilation de coups de gueule sans nuance enchaînés au débit d'une mitraillette. On est content quand ça s'arrête. Je recommande plutôt la lecture du recueil de trois plaidoiries de François Sureau orientées sur la question des libertés.
Dans ce recueil de trois bandes dessinées inédites, la blogueuse Emma traite du réchauffement climatique sous trois angles : 1) comment en sommes-nous arrivés là ? 2) Flinguer les fausses solutions ; 3) Solutions. Il s'agit d'une compilation de ses lectures, donc il ne faut pas s'attendre à de l'original. Néanmoins, cela remet les idées en place, d'où j'en recommande la lecture.
J'aime assez l'analyse sur l'origine du problème. La machine à vapeur fut d'abord rejetée par les industriels : pourquoi payer du charbon alors que nos machines hydrauliques actuelles nous coûtent rien en énergie ? Selon moi, il y a deux biais : la puissance motrice limitée de l'eau et l'espace géographique limité où un courant suffisant permet d'actionner les machines désirées. Les usines étaient donc proches des cours d’eau, à la campagne. Mais, il était difficile de trouver de la main d'œuvre docile. Les hommes préféraient s'occuper librement de leurs terres. Les femmes commençaient à comprendre leur exploitation. On inventera l'école moderne pour les calmer et les contrôler. Les campagnes de recrutement régulières, la construction de villages ouvriers et tout ce qu'il faut pour attirer le chaland coûtent cher. Les propriétaires d'usines décident de déménager dans les villes en expansion où la main d'œuvre ne manque pas et d'utiliser la machine à vapeur qui fonctionne partout, elle. Le coût du charbon est compensé par la docilité et la productivité du personnel.
J'aime ce rappel des analyses du GIEC :
J'aime bien le dézingage des solutions dites du capitalisme vert :
Les solutions envisagées par l'auteure sont assez classiques : changer nos modes de vie (suppression de la publicité commerciale et de la mode vestimentaire, interdiction de l'obsolescence programmée, consommer moins, etc.) via des prises de décision collectives et solidaires (pour accompagner les destructions d'emplois…), refuser de marchander avec toutes les sociétés commerciales qui réclament un subventionnement avant de se mettre au vert (à quel niveau de résignation faut-il être pour accepter de payer pour que des millions de vie soient menacées ?) et manifester / faire grève / bloquer l'économie, même si l'auteure reconnaît que ça ne fonctionne pas en citant Ségolène Royal qui, quand on l'interroge sur les 2,8 degrés Celsius de hausse de la température moyenne du globe induite par le respect des accords de Paris, répond que la COP21, c'était quand même un « moment historique extraordinaire », comme si le but avait été de passer un bon moment entre potes…
Dans ce livre de la série « un autre regard » de la blogueuse féministe Emma, je retiens deux bandes dessinées inédites que j'ai envie de résumer ici. L'une porte sur la charge émotionnelle, la suite de la charge mentale ménagère. L'autre porte sur le complexe partage du travail domestique gratuit et invisible.
Charge émotionnelle (lien vers la B.D. : Le pouvoir de l'amour):
Répartition du travail productif et du travail reproductif (ÉDIT DU 06/10/2019 À 12 H 10 : lien vers la B.D. : Michelle. FIN DE L'ÉDIT.) :
Ainsi, des femmes sont en couple par nécessité, par dépendance, pas tellement par amour ;
Solutions ?
La première fois que j'ai lu quelque chose sur les accords Toltèques, c'était chez Zythom. Il y a quelques mois, une collègue m'en a reparlé. Cela tombe bien puisque je lis actuellement d'autres livres de la catégorie développement personnel. Pas par passion, par besoin… J'essaye de trouver de la documentation potable pour améliorer mes relations avec autrui, qui ont pris une bonne dose de plomb dans l'aile ces dernières années, tendance perte de foi totale en l'humanité et cœur ostracé.
Bon, je te rassure tout de suite, je ne perçois pas les accords Toltèques comme le Guide ultime, mais on y trouve tout de même des notions qui gagnent à être diffusées : le fait que les propos d'autrui, y compris les insultes, ne t'engagent pas tant que tu ne le décides pas, le fait que l'amélioration de tes relations avec autrui commence par l'amélioration de tes relations avec toi-même, le fait que tout le monde vit dans un monde qui lui est propre, créé par son interprétation du réel, etc.
Il me reste un point d'incompréhension malgré mes quatre lectures : comment appliquer les accords toltèques au quotidien, c'est-à-dire comment effectuer un suivi de nos comportements ? Un suivi subjectif a-t-il un intérêt ?
Le livre de référence de Don Miguel Ruiz. Il nous présente 4 accords qui forment une philosophie de vie qui nous aide à nous débarrasser des accords limitants que l'on a conclus (parole blessante que l'on a cru, croyance destructrice que l'on a cru, etc.) et à retrouver la liberté personnelle. Je le trouve moins bien écrit que Le cinquième accord Toltèque en cela qu'il n'explique rien : tout est présenté comme une évidence, une vérité incontestable. Quand l'auteur manipule des concepts de sociologie ou de psychologie, il ne les mentionne pas et il préfère les substituer par son propre jargon. Je trouve ça dommage, car ça empêche l'adhésion des personnes qui ont besoin de comprendre, de tout expliquer.
Mes notes ci-dessous.
Généralités :
1er accord : que votre parole soit impeccable - parlez avec intégrité, dites uniquement ce que vous pensez, n'utilisez pas la parole contre vous-même ou pour médire autrui
2e accord : quoi qu'il arrive, n'en faites pas une affaire personnelle - ce que les autres disent et font n'est qu'une projection de leur interprétation de la réalité, de leur rêve à eux
3e accord : ne faites pas de suppositions - ayez le courage de poser des questions et d'exprimer vos vrais désirs. Communiquez clairement avec les autres pour éviter tristesse, malentendu et drame
4e accord : faites toujours de votre mieux - votre « mieux » change d'instant en instant, quelles que soient les circonstances, faîtes simplement de votre mieux et vous éviterez de vous juger, de vous culpabiliser et d'avoir des regrets
L'auteur énonce aussi des idioties :
Dans cet autre livre, Don Miguel Ruiz expose les 4 accords Toltèques sous un jour nouveau, y ajoute un cinquième accord à passer avec soi-même, et présente la Voie Toltèque (maîtrise progressive de soi). Je trouve cet ouvrage plus précis, mieux rédigé, plus agréable à lire et plus pédagogique que l'ouvrage de référence présenté ci-dessus. Même si l'auteur ne source toujours pas les notions de sociologie et de psychologie bien connues qu'il utilise, il explique beaucoup plus les notions qu'il manipule, assez pour qu'elles ne semblent plus tomber de nulle part.
Bref, je recommande la lecture de ce livre, plutôt que du livre Les quatre accords Toltèques.
Mes notes ci-dessous.
Un livre pratique qui résume les accords Toltèques, les applique à la vie quotidienne, procure des conseils et fournis des exercices d'application. Ce livre est très bien structuré : une partie par accord, plusieurs chapitres pour exposer les notions sous-jacentes mais complémentaires. J'apprécie la taille de la police de caractères et la mise en emphase des notions importantes : cela donne envie de ré-ouvrir le bouquin afin d'y relire les notions oubliées. Je déplore l'absence d'une correction voire d'exemples pour la plupart des exercices…
Je recommande la lecture de ce livre si t'as besoin d'une grille de lecture pratique des accords Toltèques.
Mes notes ci-dessous.
1er accord :
Non seulement vous souffrez d'être ce que vous croyez être, mais, peu à peu, à force de ne pas vous apprécier, vous vous sentez tellement mal à l'aise que vous avez des difficultés à supporter votre environnement. Lentement, mais sûrement, vous finissez par en vouloir aux autres, à tous les autres : les gens, votre travail, votre vie, le gouvernement ! Bref, dans ce système rien ne va jamais, surtout vous, et vous souffrez en outre d'un isolement que vous avez vous-même créé.
2e accord :
3e accord :
4e accord :
Ce livre ne m'a pas convaincu : il comporte très peu d'explications et d'applications pratiques des accords Toltèques. La majorité des exercices n'a pas de solution ni de pistes pour comprendre quel spectre de réponses va dans le bon sens… Je ne vois pas comment cela peut aider à progresser…
Mes notes ci-dessous.
1er accord :
2e accord :
3e accord :
4e accord :
5e accord :
Divers :
Ce guide a pour objectif la réappropriation citoyenne d'une partie du droit pénal, celui utilisé par la répression policière courante (en manifestation, par exemple). Il couvre exclusivement le pénal, il n'apprend pas à rédiger des documents juridiques, et il ne couvre pas les cas pointus (aide des sans-papiers, aide au logement, etc.) ni ce qui sort de la répression usuelle de l'État comme les crimes de sang, les crimes financiers, etc. Il est actualisé sur un site web dédié.
Il est disponible en téléchargement gratuit, au format PDF sur le site web dédié.
Je trouve l'initiative excellente. Malheureusement, il n'atteint pas la qualité du guide d'autodéfense numérique, car il manque d'explications globales concernant la machine policière et judiciaire, il n'explique pas bon nombre de termes qui tombent comme des cheveux dans la soupe, et qu'il est fouillis (exemple : il expose que deux mécanismes sont environ similaires… sans en exposer les différences…).
Néanmoins, on y apprend des termes et des choses intéressantes qui peuvent servir à décrypter ce que les médias nous présentent.
J'en recommande le survol aux personnes qui passent leur temps à geindre que l'informatique c'est trop compliqué avec plein de décisions à prendre en permanence dans un environnement qui évolue en permanence. Elles découvriront que c'est tout pareil pour la loi. :)
Mes notes ci-dessous.
Déroulé d'une emmerde judiciaire :
Pour un suspect, il y a deux types d'interrogatoire : l'audition du suspect libre / audition libre et la garde à vue. Dans le premier cas, tu es convoqué et tu n'es pas contraint de rester, dans le deuxième, tu es amené de force et contraint de rester. L'audition libre permet au flic d'avoir moins de paperasse à remplir et de formalités à accomplir ;
Garde à vue (gav) : le délai max. avant prolongation court à partir de l'appréhension (donc s'il y a eu un contrôle d'identité, elle compte dans les 24 h). Un écrit doit t'être remis avec : infraction reprochée, motif de la garde (maintien à disposition, éviter l'effacement de preuve, etc.), la durée, le droit à un avocat, à un médecin, à un interprète, de prévenir un proche ou un employeur (par oral ou écrit, le flic ou toi, mais sous surveillance et pour une durée de 30 min), de se taire, de répondre aux questions ou de faire une déclaration, d’avoir un avocat, de voir un médecin, etc. Un PV doit consigner tout le déroulement (heures de repas, d'audition, de repos, prolongation, etc.). Les règles d'établissement de l'identité sont les mêmes que pour un contrôle. On a le droit à un entretien de 30 min avec un avocat. Chaque prolongation de la gav donne droit à un tel entretien. Toi et ton éventuel avocat n'avait pas accès au PV d'interpellation, ni aux déclarations des témoins (c’est donc difficile de se défendre)… Les flics ont plein de stratagèmes à leur disposition pour retarder l'arrivée de l'avocat et avancer l'heure de l'audition (qui est normalement fixée à deux heures après le contact établi avec un avocat), mais tu peux refuser de parler tant que l'avocat n'est pas là (et même s'il est là). Refuser la prise d'une photo et des empreintes digitales est un délit ;
Résumé des différentes procédures qui peuvent t'amener dans un commissariat : retenue suite à une vérification d'identité (4 h max), retenue douanière (24 h renouvelables), retenu pour les étrangers (16 h max), témoignage (4 h max), audition libre (pas de max), garde à vue (24 h renouvelables sur appel téléphonique au procureur puis au juge des libertés et de la détention pour renouveler au-delà de 96 h dans les cas de bande organisée, terrorisme, etc.), et retenue judiciaire (24 h max, si t'es en attente d'un procès et que la police te soupçonne de ne pas respecter ton contrôle judiciaire) ;
Suites possibles d'une garde à vue :
Alternatives à un procès. Elles reposent toujours sur le chantage : reconnais ta culpabilité et je serai peut-être gentil et/ou on évitera peut-être un procès qui laissera une trace dans ton casier judiciaire.
Tous ces arrangements à l'exception de la CRPC ne sont pas inscrits au casier judiciaire. La CRPC est dangereuse car si elle n'aboutit pas, l'aveu de ta culpabilité sera difficile à nier devant le tribunal alors que le procureur est obligé d'ordonner une poursuite après une CRPC ;
Notons que, si le procureur décide de classer sans suite, la victime peut te traîner devant le tribunal en procéder à une citation directe (si l'affaire est jugeable en l'état) ou en déposant une plainte avec constitution de partie civile (ce qui permet à un juge d'ouvrir une information judiciaire s’il le souhaite) ;
Au tribunal correctionnel.
Il y a plusieurs types de jugement :
Le jugement est rendu immédiatement ou en délibéré (différé). Il se compose de motifs (« attendu que ») et du dispositif (infraction, peine choisie, texte appliqué, etc.). Le juge peut utiliser ou éliminer des preuves selon sa seule intime conviction. Le jugement complet se nomme « minute ». Il est public en théorie, mais difficile à se procurer en pratique. Tu peux être reconnu non coupable et payer des dommages et intérêts (troubles psychiques, légitime défense, etc.) ou être reconnu coupable et être dispensé de peine. Le tribunal peut aussi prononcer la relaxe (fin des poursuites, ce que l'on nomme acquittement aux assises, en matière criminelle ou non-lieu quand un juge d'instruction clôt son enquête sans poursuivre) ;
Sorties du tribunal :
Peines
Il existe des peines principales prévues par le Code pénal (amendes, prison), des peines complémentaires en plus ou en remplacement des peines principales (interdiction du territoire français, suivi socio-judiciaire, bracelet électronique, privation de droits civiques, interdiction de fréquenter certains lieux, interdiction d'exercer certaines professions, etc.), qui ne sont pas mentionnés à chaque article du Code pénal et d'autres peines dont certaines, comme le Travail d'Intérêt Général (TIG), permettent d'éviter la taule : contrainte pénale (contrôle et assistance socio-éducatif) ; TIG (dans une association ou une administration, non rémunéré, cumulable avec un emploi, le prévenu doit être volontaire) ; jours-amende (xx € par jour, x jours = montant à payer à la fin) ; stage de citoyenneté (le prévenu doit être volontaire) ; sanction-réparation (exemple : réparer un bien dégradé) ;
Sursis (avec ou sans mise à l'épreuve), sursis-TIG et ajournement (avec ou sans mise à l'épreuve) : épée de Damoclés, au moindre faux pas, c'est la taule ou l'amende.
Appel. Tout le monde peut faire appel : prévenu, Parquet, partie civile. La partie civile peut le faire uniquement sur les dommages et intérêts, les autres sur une peine, plusieurs, sur les dommages ou sur tout. Plusieurs parties peuvent faire appel. Une partie qui fait appel a un mois pour se désister. Si le prévenu purge une peine de prison décidée en première instance, on considère qu'il est encore en détention provisoire en attendant l’appel, donc il peut adresser une demande de mise en liberté au greffe de sa taule. Une partie peut faire un appel incident : un appel joint à un autre appel qui est automatiquement retiré si celui auquel il est joint est retiré. Cela permet de mettre la pression à la partie qui a fait appel, souvent la partie civile, en lui faisant courir un risque, qu'elle peut éviter en retirant son appel ;
Fichiers
FAED (Fichier Automatisé des Empreintes Digitales) : empreintes digitales des 10 doigts des suspects et des détenus + traces & motifs relevés au cours d'enquêtes. La durée de conservation est de 25 ans… On peut s'en faire effacer avant la fin de ce délai en s'adressant au procureur… ÉDIT DU 05/09/2023 : il y a eu de "récentes" évolutions. FIN DE L'ÉDIT ;
FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques). Conçu pour contenir l'ADN des délinquants sexuels en 1998, étendu aux vols, aux menaces, aux dégradations et à plein d’autres infractions dès 2003… Il regroupe les suspects, les coupables et d’autres personnes. Durée de conservation : entre 25 (suspects) et 40 ans (coupables)… On peut s'en faire effacer avant ces délais en s'adressant au procureur… En théorie, les empreintes des suspects doivent être effacés s'ils sont innocentés (relaxe, acquittement, non-lieu, abandon des poursuites). Pour savoir si tu dois donner ton ADN ou non, il y a 4 cas :
Divers :
Ce livre, sans droit d'auteur, disponible en PDF sur le site web de l'éditeur, nous parle de la nécessité d'abolir la peine de prison et même toute forme de peine, toute forme de système pénal au motif (je simplifie) que la peine est nécessairement inhumaine.
C'est un excellent ouvrage, j'en recommande vivement la lecture.
Mes notes ci-dessous.
Définitions :
Compenser un mal par un mal a toujours existé, dans toutes les civilisations humaines. Cela nous vient en partie du châtiment religieux. Évolution : plaire aux dieux en punissant les offenses -> féodalité à la justice imprévisible, car le droit coutumier était de rigueur -> droit écrit -> la peine doit être proportionnée (Cesare_Beccaria, 18e) et socialement utile -> futur = estimation prédictive d'une dangerosité ? ;
Il y a 3 grandes justifications de la peine :
Prisons :
Pourquoi abolir toute forme de peine ?
Alternatives aux peines :
Organiser des médiations entre le criminel et la victime ou sa famille, comme ce fût le cas à la fin de l'apartheid en Afrique du Sud ou comme c'est le cas au Canada (on notera que c'est vaguement inefficace puisque l'auteure nous informe qu'il y avait 129 détenus pour 100 000 habitants au Canada au début des années 2000, alors que ce ratio était de 90 pour 100 000 en France).
Erreurs :
Divers :
Un livre sur Bitcoin : la monnaie numérique sans autorité centrale, son code informatique et son réseau.
Ce livre est très intéressant, car il démonte nos croyances monétaires, ce qui permet de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons et de ne plus colporter les idioties qui se racontent sur Bitcoin.
Malgré les efforts des auteurs, vu les références utilisées, ce livre s'adresse tout de même à un public jeune et technophile.
Ce livre se répète beaucoup, vraiment trop. C'est pénible.
J'en recommande vivement la lecture.
Mes notes ci-dessous.
Croyances monétaires et technologiques :
Bitcoin :
Futurs possibles :
Les auteurs commettent quelques erreurs :
Divers :
Un livre qui cause de l'inconscience technologique (on va résoudre tooooous nos problèmes avec la technologie genre un pad, un wiki, un réseau social !), du réductionnisme que constitue une analyse chiffrée de tout, du paternalisme numérique, mais pas que, qui nous empêche de comprendre le monde et d'interagir avec lui, de la ludification de tout dans l'optique de faire participer le citoyen que l'on dénude de tout sens civique, de nos comportements de rats de laboratoires qui réagissons uniquement à des impulsions constamment renouvelées émises par nos joujous numériques, etc.
Si je devais résumer ce livre en quatre phrases :
Bien que ce livre soit pompeux, que son auteur soit excessivement agressif dans la manière de présenter les théories et les auteurs qu'il va tenter de déconstruire, il est rigoureux et sourcé, donc j'en recommande vivement la lecture, notamment aux personnes qui pensent qu'un outil numérique (Wikipedia, Internet, le fact-checking, etc.) peut, en lui-même, en dehors d'une analyse plus poussée, résoudre un problème complexe. Comme ceux qui pensent que l'on peut remplacer les agents de la DGCCRF par une FAQ sur le net : un moteur de recherche ne sait pas analyser une situation et y appliquer des compétences juridiques, il sert uniquement à pointer de l'information. Ce n'est pas le même service. Comme ceux qui pensent traiter les problèmes de solitude, de rejet, de manque de confiance en soi dans les relations amoureuses en vendant des poupées gonflables hyper giga mega réalistes. Ce n'est pas du tout la même chose (sans compter la réduction amour = sexe).
Mes notes ci-dessous.
Généralités :
L'auteur déconstruit deux courants de pensée qui sont liés : le solutionnisme et le webcentrisme.
Je pense que l'auteur se trompe sur plusieurs points :
Divers :
Ainsi que 99 nouveaux dessins pour ne plus faire de fautes.
L'auteure nous propose d'utiliser des dessins mnémotechniques afin de se souvenir de la graphie des mots. J'ai trouvé l'idée originale, d'où ma lecture de ces deux ouvrages. D'autant que je me trouve trop dépendant des correcteurs orthographique et grammatical…
Ces livres se concentrent essentiellement sur les homophones, c'est-à-dire des mots qui se prononcent de la même façon, mais qui s'écrivent différemment (cession / session, pause / pose, quand / quant, détonant / détonnant, etc.), et sur des mots qui ont une orthographe proche mais un sens différent (exhausser / exaucer, discerner / décerner, collision / collusion, hiverner / hiberner, etc.). On y trouve aussi des rappels de règles d'utilisation des mots (comme le bon usage des verbes apporter un objet / amener une personne ou de naguère / jadis (plus vieux dans le temps) ou le fait que « autre alternative » et « double alternative » sont des pléonasmes), des rappels orthographiques (connexion, accueil, câlin, aborigène, marc de café, acquit de conscience, etc.) voir des rappels concernant des noms propres (Victor Hugo, Simone Weil (philosophe) / Simone Veil (IVG), etc.).
Ces livres devraient être lu par les opposants à la féminisation des mots et des expressions voire à toute forme d'évolution de la langue. Les nombreuses explications de l'auteure leur montrerait que notre langue a beaucoup évolué, avec de nombreuses guéguerres de linguistes / grammairiens : sens dessus dessous (c'en -> sans -> sens pendant plus de 7 siècles), amende / amande et ancre / encre (qui ont pris l'orthographe de l'autre au fil des siècles), etc.
Ce livre nous propose un bilan de l'état d'urgence qui a été instauré en France entre le 14 novembre 2015 et le 31 octobre 2017.
Il s'agit d'un bilan à mi-parcours : le livre ayant été publié en 2016, il ne prend pas en compte les derniers dénouements comme la censure constitutionnelle du fait que les préfets pouvaient autoriser les contrôles d'identité + les fouilles de bagages + les fouilles de véhicules sur de longues durées (24 heures renouvelables) et sur de larges zones géographiques (jusqu'à l'intégralité du département), ou le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » qui transpose toujours plus de mesures exceptionnelles de l'état d'urgence dans le droit ordinaire, ou la confirmation que le régime des perquisitions administratives est soi-disant conforme à notre Constitution sauf la copie / saisie de données informatiques qui nécessite une autorisation d'exploitation d'un juge (administratif) et qui ne peut pas être conduite si la perquisition ne permet pas de découvrir des infractions.
J'avais besoin de ce livre-bilan afin de sortir mon nez du guidon, d'avoir un panorama de tout ce qui a été fait pendant l'état d'urgence, et de m'en souvenir à l'avenir. En cela, ce livre, bien qu'un peu pompeux à lire, atteint son objectif : il donne une vision plutôt claire de tout ce merdier.
Je retiens : une législation d'exception inutile pour lutter contre le terrorisme, mais qui a bien servi contre des militants, un emballement de tous bords politique pour conduire une course à l'armement législatif, et des autorités de contrôle (Parlement, Conseil d'État, Conseil constitutionnel) dépassées par les événements.
Ci-dessous, mes notes.
Généralités :
Inefficacité et dérives des mesures utilisées
Et là, dans cette précipitation, il a fallut obéir à une politique des quotas comme le révèle le syndicaliste Alexandre Langlois, en poste aux Renseignements Territoriaux des Yvelines. « Lorsque l'État d'urgence a été décrété, notre chef de service nous a réunis pour nous transmettre les instructions ministérielles. Il nous a dit : « Maintenant, il faut faire des perquisitions administrative en masse. On doit donner au ministère un nombre de perquisitions à faire. Organisez-vous, il nous fait trois objectifs par nuit ! » Les premiers temps, ça allait. Les gens que l'on choisissait étaient des suspects sérieux. Petit à petit, on a fait le tour et le choix des objectifs a été de moins en moins pertinent ». L’état d’urgence s’éternise. Une nouvelle réunion a lieu. « Il nous a été dit : “Là, il faut ralentir la cadence. Il faut qu’on tienne sur le temps médiatique. Alors n’en faites pas trop car après on n’aura plus personne. Désormais, ce sera une perquisition par nuit ! Il faut que ça dure !” Mais, même comme cela, c’est devenu n’importe quoi. Je me souviens que pour l’un des perquisitionnés, cela reposait sur le simple fait qu’au travail, il avait refusé de serrer la main d’une femme mais c’était sa supérieure. Donc peut-être qu’il avait refusé de serrer la main, non pas parce que c’était une femme mais parce qu’il ne s’entendait pas avec son chef. C’est plutôt léger comme soupçon. Notre travail, en principe, c’est de faire la part des choses entre les gens vraiment dangereux et ceux qui ne le sont pas. Les commissariats locaux désignent eux aussi des objectifs à perquisitionner. « Mais, eux, leur filon d’islamistes s’est épuisé encore plus vite que nous, poursuit Alexandre Langlois. Alors pour remplir les quotas, certains ont fini par mettre sur la liste des gens qui n’avaient rien à voir avec l’islam radical ou le terrorisme. Les mauvais coucheurs de leurs circonscriptions, les petits délinquants qui leur pourrissent la vie, ceux insuffisamment condamnés à leur goût, etc. Les collègues des commissariats me racontaient : “Tiens, lui, le juge ne lui a pas mis le compte. Très bien, on va aller péter sa porte.” Voilà, c’est ça, l’état d’urgence. » Plusieurs policiers, dans différents services de renseignement, nous ont confirmé la pertinence très aléatoire des cibles choisies pour les perquisitions nocturnes. Sollicité par mail, le ministère de l’intérieur n’a pas répondu à notre proposition de commenter nos informations. (source)
Malgré tout, l'état d'urgence est élargit sans cesse… sans plus de résultats :
Les autorités de contrôle sont défaillantes :
Divers :
Un livre de Tristan Nitot, publié sous une licence libre (CC BY-NC), qui nous cause de la surveillance marchande et étatique des services numériques. Les risques qui pèsent sur nos données personnelles (piratage, constitution d'un dossier à charge à partir de ce que nous publions en ligne afin de nous faire chanter, employé malhonnête, dénonciation de comportements aux autorités par les services numériques selon leur propre morale interne, surveillance étatique) sont très bien exposés. Les pistes évoquées pour éviter de subir tout ça se trouvent dans un consensus acceptable donc atteignable par des débutants… même s'il ne me paraît pas sain d'encenser le modèle économique d'Apple basé sur la vente de matérielle plutôt que la revente en douce de nos données personnelles.
Je recommande la lecture de ce livre par des débutants.
Mes notes :
Je relève quelques fautes :
La quatrième de couverture de ce livre évoque l'analyse des injures (qui « renfermeraient des mystères »). Il n'en est rien, il y a des dictionnaires des injures pour ce faire. Non, ce livre nous expose ce qu'est une injure, dans quel contexte, quelles est sont ces utilités, etc. Malgré cela, ce livre est intéressant.
Mes notes :
J'ai lu cet ouvrage que tout le monde s'arrachait il y'a 7-8 ans.
Je le trouve mal écrit (mais après tout, il s'agit de notes prises lors d'une entrevue, ce n'est pas rédigé par Hessel), ça tourne en boucle sans rien argumenter dans l'objectif de justifier un précepte du genre « Indignez-vous, c'est bon pour la société et pour vous-même ». Je reste sur ma faim : pourquoi diable chercherai-je à m'indigner ? Ma vie de peigne-cul est bien, en vrai, non ?
L'idéal de société d'Hessel semble construit exclusivement sur le programme national de la Résistance qui, selon moi, a fait son temps. Oui, parce que bon, parler de respect de la dignité humaine pour ensuite galérer sur la décolonisation africaine (que ce soit avec le franc CFA/comorien ou la lutte pour l'Algérie algérienne…). Oui, parce que bon, parler de liberté de la presse vis-à-vis de l'État et des puissances d'argent pour ensuite créer le ministère de l'information (avec le sinistre Peyrefitte qui se ramène au journal TV pour exposer sa nouvelle formule dudit journal) puis l'ORTF… Bref, l'écart entre le programme du CNR et ce que ses membres et soutiens en ont fait est notable, d'où ce programme ne me fait pas plus rêver que tout autre programme politicien.
Néanmoins, je rejoins Hessel sur plusieurs points :
Point philosophie :
Je suis radicalement opposé à l'école (que ce soit celles de l'éduc' nat' ou celles sous contrat ou celles hors contrat) depuis ma scolarité. À la fin de la version papier du guide d'autodéfense numérique, dans la section « du même éditeur », ce livre de Catherine Baker était référencé. Je m'étais dis que ça serait cool de lire ce que d'autres ont écrit afin de formaliser et affûter mes arguments anti-école.
Entre temps, j'ai lu le livre-recueil de quelques écrits d'Aaron Swartz (mes notes) dont certains ont l'école comme sujet. Ce dernier se concentre sur les faits historiques pour illustrer que l'école a été conçue, au moins aux États-Unis, comme un moyen de contrôle social au service du patronat. Il effleure aussi la psychologie pour expliquer l'échec de l'école à instruire depuis 2 siècles ainsi que la volonté implicite de domination de celle-ci.
Dans ce livre, l'auteure étudie le sujet sous les angles de la philosophie, de la morale et de la psychologie. Elle nous y parle de l'école comme lieu de maintien du Système, comme d'un empêchement de l'enfant de réfléchir au monde qui l'entoure et de se construire (ce qui en fera un⋅e citoyen⋅ne passif⋅ve). Tout comme Aaron, elle expose la violence de l'école (domination, humiliation, etc.). Elle réfute les arguments pro-école classiquee "l’école n’est plus comme ça de nos jours !" et "il n'y a pas d'uniformisation puisque il y a la liberté de l'enseignant⋅e". Au final, l'auteur⋅e explique que l'enfant est un adulte à part entière et qu'il ne faudrait pas le considérer comme un être diminué, donc il faut lui reconnaître sa capacité de réflexion, sa liberté totale, sa possibilité de travailler et de baiser, etc. ainsi que de participer aux choix qui construisent son environnement. Ce livre et les écrits d'Aaron sont complémentaires.
Ce qui manque à ce livre, c'est un contrepoint : ni l'école, ni l'instruction en famille ne sont parfaites, mais l'auteure s'acharne uniquement sur la première. Dans certains chapitres, l'auteure semble réfuter implicitement l'autorité (parfois sous la forme de manipulation pour tromper l’enfant dans ses choix afin de le conduire à faire ce que l'on veut) et la reproduction sociale qui sévit dans certaines (toutes ?) familles. L’auteure n’écrit pas un mot sur le fait que tout le monde n'a pas le temps d'instruire son enfant. De même, tout le monde ne sait pas instruire sans forcer ni vivre en groupe (famille) sans imposer à l'autre. Je n'ose pas croire que la vie des instruit⋅e⋅s en famille est aussi idyllique que celle décrite par l'auteure ("je ne t'ai jamais rien ordonné, on a toujours discuté, sauf une fois où je ne voulais pas que tu achètes des boucles d'oreille", "tu décides librement de tout, d'ailleurs tu vas te coucher bien après moi depuis tes 4 ans").
Le style littéraire (l'auteure s'adresse à sa fille à travers ce livre) rend certaines pages vraiment pénibles à lire, mais on les repère vite (début/fin de chapitre, par exemple), donc on peut les ignorer. En effet, l'auteure en fait parfois des tonnes sur les dommages que provoquerait l'école sur les enfants et sur les (ir)responsabilités qu'on lui prêtera concernant la non-scolarisation de sa fille. Mais, d'un côté, je comprends cette forte externalisation des sentiments… Après tout, je suis celui qui a écrit, dans un courrier à des élu⋅e⋅s, que « l'école de la République [est] une machine à échecs qui broie des âmes. » et qui assume ces propos. Mais je comprends qu’ils puissent faire peur en apparaissant « too much ».
Je recommande vivement la lecture de ce livre.
Quelques notes :
Partout, on enseigne de gré ou de force « pour le bien de l'humanité ». Partout, tu trouveras sous toutes les latitudes, les mêmes règles scolaires : on te fait entrer dans le troupeau des gens nés la même année que toi, on t'oblige à écouter quelqu'un, ce quelqu'un que tu n'as pas choisi et qui ne t'a pas choisie est payé pour te mettre, quels qu'en soient les moyens, certaines choses dans le crâne, lesquelles choses sont choisies par les États qui, en fin de course, sélectionnent par les diplômes la place qu'ils t'assignent dans leur société. Ton espace est aussi clôturé que ton temps : tu ne peux participer d'aucune manière à la vie de ceux qui ne sont pas en âge d'être scolairement conscrits.
Libérale ou non, l'école postule l'inachèvement de la jeunesse. Elle doit avoir une action « maturante ». Bien sûr, me dit-on, que les fruits de toute façon mûriront, mais ils seront plus beaux si on a mis de l'engrais aux arbres ! Peut-être, mais vos fruits n'ont plus de goût.
Il faut garder la jeunesse du vrai savoir (alors on lui donne du savoir « placebo » pour canaliser ses curiosités) afin qu'elle ne rivalise avec ses aînés que sur des sujets sans grand intérêt.
L'individualisation de chaque être ne mène pas à une solitude pire. Au contraire, seul l'être humain dégagé de son animalité sociale (de sa bêtise organisée) donne une chance à chacun de vivre dans un monde où peuvent enfin s'aimer des individus délivrés des mécanismes.
Je me posais beaucoup de questions sur le mouvement social espagnol des Indignés et sur Podemos, le parti politique engendré par ce mouvement. J'ai déniché ce livre alors que je flânais dans une librairie…
Après lecture, je suis toujours aussi mitigé sur Podemos…
D'un côté, il fait de la politique autrement (populisme de gauche, outils numériques, cercles locaux de réflexion, style vestimentaire populaire au parlement, etc.), il a fait exploser le bipartisme gauche socialiste + droite libérale historique, il a rendu vivante la démocratie participative pendant quelques temps, etc.
De l'autre, il n'y a rien de neuf dans la formation du mouvement : les fondateurs mouillent dans le milieu intellectuel aisé (coucou, les bobos), les discussions sur les places et les outils collaboratifs ont été utilisés avant Les Indignés, le mouvement s'est très vite compromis pour devenir un parti "classique" (vertical, éloigné de sa base, le mode représentatif remplaçant le mode participatif et les cercles locaux devenant vite des antennes locales du parti, etc.) dans l'optique de remporter les élections (adieu, l'encapacitation citoyenne initiale, adieu élections basées sur des idées, bonjour élections basées sur le charisme et la popularité, etc.).
Tout ça, tous ces renoncements pour finalement reconduire les partis politiques historiques (PP et PSOE) dans leurs fonctions et se payer une présence locale par-ci, par-là… Le FN fait tout pareil en France… Je crois de plus en plus au plafond de verre qui empêche toute formation politique qui ne fait pas partie du bipartisme, sorte "d’ordre naturel des choses", d'arriver au pouvoir au niveau national. Pour le confirmer, il faut attendre les prochaines élections et vérifier que Podemos s’inscrit durablement dans le paysage politique espagnol.
Pour résumer : je salue l’immense travail abattu par Podemos, mais je reste déçu : fallait-il vraiment se compromettre, renoncer au participatif pur et à l’encapacitation citoyenne comme premier objectif pour parvenir à ce stade ? Était-il vraiment plus important de tenter de gagner les élections que d’encapaciter les citoyen⋅ne⋅s ? Ce faisant, n'a-t-il pas perdu son utilité (encapaciter les citoyen⋅ne⋅s) ? Une démarche puriste n'était-elle pas envisageable pour parvenir au même point ?
J'aime beaucoup ce livre, car il ne se contente pas de présenter les Indignés / Podemos, mais il présente aussi le contexte politique et social qui a permis l'émergence et la croissance de Podemos. Il décrit Podemos comme un grain de sable dans un ensemble plus vaste. Il reste relativement honnête sur les apports et les résultats de Podemos.
J'en recommande vivement la lecture.
Quelques notes :
Contexte international qui fait naître les Indignés / Podemos : la crise grecque et l'évidence que l'Espagne sera la suivante, le référendum constitutionnel islandais, le Printemps arabe, les crises portugaise et chilienne ;
Contexte national (liste non ordonnée) :
Suite aux mouvements sociaux découlant des événements listés aux points précédents, ces mêmes intellectuels décident de tenter de convertir l'indignation générale en changement politique lors des élections européennes de 2014. C'est la naissance de Podemos. Ce parti répond à un appel d'air, à un besoin : les cercles locaux se sont créés dès la publication du manifeste et avant l'officialisation du parti (sauf dans les régions dans lesquelles d'autres projets de gauche forte existaient antérieurement, comme en Galice). ;
Fonctionnement de Podemos :
Limites de Podemos :
Pour décrédibiliser Podemos durant les campagnes électorales, les vieux partis joueront la partition habituelle : assimiler Podemos à la dictature de Maduro (à cause des activités du numéro 3 de Podemos, lire ci-dessus), flinguer, au niveau de l'UE (le PP, parti au pouvoir est, à ce titre membre du Conseil de l'UE ;) ) les initiatives de refinancement de la dette grecque initié par SYRIZA afin de dénoncer le manque de sérieux politique d’un projet politique identique en Espagne, assimilation à l'ETA quand Podemos dénonce simplement les conditions d'enfermement loin de leur famille des membres d'ETA… ;
Stratégie et résultats électoraux :
Alors que je cherche toujours à approfondir ma compréhension des droits de l'Homme (origine, contexte, signification, justifications philosophiques, etc.), je suis tombé sur l'accroche de ce livre qui se propose d'illustrer la déclaration des droits de l'Homme (celle de l'ONU, en 1948) avec des dessins et des sélections de textes.
Les dessins présents dans le livre sont plutôt réussis : ils transmettent de l'émotion et/ou se montrent critiques sur l'application effective de tel ou tel droit ou liberté. L'absence d'explication de fond des articles de la Déclaration est un manque patent. Les textes d'illustration permettent de se forger une opinion, mais ils manquent de diversité : les corpus proposés pour un article de la Déclaration vont souvent dans le même sens et des auteurs reviennent très très très souvent. D’autres textes sont plutôt méconnus donc il est intéressant de les trouver ici.
Bref, c'est un livre que l'on peut lire, mais sans plus.
Quelques notes :
Nous prenons conscience d'abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce avec d'autres, non dans le commerce avec nous-mêmes. Avant de devenir un attribut de la pensée ou une qualité de la volonté, la liberté a été comprise comme le statut de l'homme libre, qui lui permettrait de se déplacer, de sortir de son foyer, d'aller dans le monde et de rencontrer d'autres gens en actes et en paroles. Il est clair que cette liberté était précédée par la libération : pour être libre, l'homme doit s'être libéré des nécessités de la vie. Mais le statut d'homme libre ne découlait pas automatiquement de l'acte de libération. Être libre exigeait, outre la simple libération, la compagnie d'autres hommes, dont la situation était la même, et demandait un espace public commun où les rencontrer — un homme politiquement organisé, en d'autres termes, où chacun des hommes libres pût s'insérer par la parole et par l'action.
L'égalité naturelle ou morale est donc fondée sur la constitution de la nature humaine commune à tous les hommes, qui naissent, croissent, subsistent et meurent de la même manière [ NDLR : malgré des différences biologiques ]. […] je connais trop la nécessité des conditions différentes, des grades, des honneurs, des distinctions, des prérogatives, des subordinations, qui doivent régner dans tous les gouvernements ; et j’ajoute même que l’égalité naturelle ou morale n’y est point opposée. Dans l’état de nature, les hommes naissent bien dans l’égalité, mais ils n’y sauraient rester ; la société la leur fait perdre, et ils ne redeviennent égaux que par les lois.
Le droit et la loi, telles sont les deux forces ; de leur accord naît l’ordre, de leur antagonisme naissent les catastrophes. Le droit parle et commande du sommet des vérités, la loi réplique du fond des réalités ; le droit se meut dans le juste, la loi se meut dans le possible ; le droit est divin, la loi est terrestre. Ainsi, la liberté, c’est le droit ; la société, c’est la loi. De là deux tribunes ; l’une où sont les hommes de l’idée, l’autre où sont les hommes du fait ; l’une qui est l’absolu, l’autre qui est le relatif. De ces deux tribunes, la première est nécessaire, la seconde est utile. De l’une à l’autre il y a la fluctuation des consciences. L’harmonie n’est pas faite encore entre ces deux puissances, l’une immuable, l’autre variable, l’une sereine, l’autre passionnée. La loi découle du droit, mais comme le fleuve découle de la source, acceptant toutes les torsions et toutes les impuretés des rives. Souvent la pratique contredit la règle, souvent le corollaire trahit le principe, souvent l’effet désobéit à la cause ; telle est la fatale condition humaine. Le droit et la loi contestent sans cesse ; et de leur débat, fréquemment orageux, sortent, tantôt les ténèbres, tantôt la lumière. […] La persistance du droit contre l’obstination de la loi ; toute l’agitation sociale vient de là.
Que les droits de l'homme ne délivrent pas l'homme de la religion, mais lui offrent la liberté religieuse ; qu'ils ne le délivrent pas de la propriété, mais lui offre la libre propriété ; qu'ils ne le délivrent pas du sordide gagne-pain, mais lui accordent au contraire la liberté de la profession.
Ils éprouvaient ainsi la souffrance profonde de tous les prisonniers et de tous les exilés, qui est de vivre avec une mémoire qui ne sert à rien. Ce passé même auquel ils réfléchissaient sans cesse n'avait que le goût du regret.
Diriger les subordonnés avec simplicité, gouverner le peuple avec générosité. La punition n'atteint pas les descendants, les récompenses s'étendent aux héritiers. Pardonner les erreurs, quelle que soit leur gravité ; punir les crimes intentionnels, quelque légers qu'ils soient. Traiter comme légers les crimes dont la gravité est douteuse et comme grands les mérites dont l'importance n'est pas évidente. Il vaut mieux négliger une irrégularité que de tuer un innocent.
Quel est donc le droit, si ce n’est celui de la force, qui peut donner à un juge le pouvoir de faire subir un châtiment à un citoyen, alors qu’on est encore dans le doute quant à sa culpabilité ou à son innocence ? Le dilemme n'est pas nouveau : ou le délit est certain, ou il ne l'est pas ; s'il est certain, il ne faut pas lui appliquer d'autre peine que celle qu'ont fixée les lois, et la torture est inutile, puisque l'aveu du coupable n'est plus nécessaire ; s'il est incertain, on ne doit pas torturer un innocent, puisque tel est, selon la loi, un homme dont les délits ne sont pas prouvés.
Tant il est vrai qu'on est persuadé que les voyages forment le jugement et perfectionnent l'homme, qu'on prétend être comme ces plantes qui ne peuvent porter de bons fruits qu'après avoir été transplantées.
Certains pensent qu'ils font un voyage, en fait, c'est le voyage qui vous fait ou vous défait.
Il élargit la vision du monde et la connaissance des hommes, ; il dissipe les brouillards des conformismes et des particularismes étouffants ; il préserve d'une suffisance patriotique qui n'est en vérité que médiocre contentement de soi-même.
C'est la propriété acquise par le travail, ou par droit de premier occupant, qui fit sentir le premier besoin des lois. Deux hommes qui semèrent chacun un champ, ou qui entourèrent un terrain d'un fossé, et qui se dirent réciproquement : Ne touche pas à mes graines ou à mes fruits et je ne toucherai pas aux tiens, furent les premiers législateurs.
Celui qui se nourrit des glands qu'il a ramassés sous un chêne, ou des pommes qu'il a cueillies aux arbres d'un bois, se les est certainement appropriés. Personne ne peut nier que ces aliments soient à lui. Je demande donc : Quand est-ce que ces choses commencent à être à lui ? Lorsqu'il les a digérées, ou lorsqu'il les a mangées, ou lorsqu'il les a fait bouillir, ou lorsqu'il les a rapportées chez lui, ou lorsqu'il les a ramassées ? Il est clair que si le fait, qui vient le premier, de les avoir cueillies ne les a pas rendues siennes, rien d'autre ne le pourrait. Ce travail a établi une distinction entre ces choses et ce qui est commun; il leur a ajouté quelque chose de plus que ce que la nature, la mère commune de tous, y a mis ; et, par là, ils sont devenus sa propriété privée. Quelqu'un dira-t-il qu'il n'avait aucun droit sur ces glands et sur ces pommes qu'il s'est appropriés de la sorte, parce qu'il n'avait pas le consentement de toute l'humanité pour les faire siens ? Était-ce un vol, de prendre ainsi pour soi ce qui appartenait à tous en commun ? Si un consentement de ce genre avait été nécessaire, les hommes seraient morts de faim en dépit de l'abondance des choses [...]. Nous voyons que sur les terres communes, qui le demeurent par convention, c'est le fait de prendre une partie de ce qui est commun et de l'arracher à l'état où la laisse la nature qui est au commencement de la propriété, sans laquelle ces terres communes ne servent à rien. Et le fait qu'on se saisisse de ceci ou de cela ne dépend pas du consentement explicite de tous. Ainsi, l'herbe que mon cheval a mangée, la tourbe qu'a coupée mon serviteur et le minerai que j'ai déterré, dans tous les lieux où j'y ai un droit en commun avec d'autres, deviennent ma propriété, sans que soit nécessaire la cession ou le consentement de qui que ce soit. Le travail, qui était le mien, d'arracher ces choses de l'état de possessions communes où elles étaient, y a fixé ma propriété.
Les croyances dogmatiques sont plus ou moins nombreuses, suivant les temps. Elles naissent de différentes manières et peuvent changer de forme et d’objet ; mais on ne saurait faire qu’il n’y ait pas de croyances dogmatiques, c’est-à-dire d’opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Si chacun entreprenait lui-même de former toutes ses opinions et de poursuivre isolément la vérité dans des chemins frayés par lui seul, il n’est pas probable qu’un grand nombre d’hommes dût jamais se réunir dans aucune croyance commune. Or, il est facile de voir qu’il n’y a pas de société qui puisse prospérer sans croyances semblables, ou plutôt il n’y en a point qui subsistent ainsi ; car, sans idées communes, il n’y a pas d’action commune, et, sans action commune, il existe encore des hommes, mais non un corps social. Pour qu’il y ait société, et, à plus forte raison, pour que cette société prospère, il faut donc que tous les esprits des citoyens soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées principales ; et cela ne saurait être, à moins que chacun d’eux ne vienne quelquefois puiser ses opinions à une même source et ne consente à recevoir un certain nombre de croyances toutes faites. Si je considère maintenant l’homme à part, je trouve que les croyances dogmatiques ne lui sont pas moins indispensables pour vivre seul que pour agir en commun avec ses semblables.
Rappelons-le : dans l'acception du dictionnaire, on est intolérant quand on combat des idées contraires aux siennes par la force, et par des pressions, au lieu de se borner à des arguments. La tolérance n'est point l'indifférence, elle n'est point de s'abstenir d'exprimer sa pensée pour éviter de contredire autrui, elle est le scrupule moral qui se refuse à l'usage de toute autre arme que l'expression de la pensée.
Si tous les hommes moins un partageaient la même opinion, et si un seul d’entre eux était de l’opinion contraire, la totalité des hommes ne serait pas plus justifiée à imposer le silence à cette personne, qu’elle-même ne serait justifiée à imposer le silence à l’humanité si elle en avait le pouvoir. Si une opinion n’était qu’une possession personnelle, sans valeur pour d’autres que son possesseur, et si le fait d’être gêné dans la jouissance de cette opinion constituait simplement un dommage privé, il y aurait une certaine différence, suivant que le dommage serait infligé seulement à peu ou beaucoup de personnes. Mais le mal particulier qui consiste à réduire une opinion au silence revient à voler le genre humain : aussi bien la postérité que la génération présente, et ceux qui divergent de cette opinion encore plus que ces détenteurs. Si l’opinion est juste, ils sont privés de l’opportunité d’échanger l’erreur contre la vérité ; si elle est fausse, ils perdent un avantage presque aussi grand : celui de la perception plus claire et de l’impression plus vive de la vérité, que produit sa confrontation avec l’erreur.
Voilà à quoi se réduisent ces soi-disant libertés politiques. Liberté de la presse et de réunion, inviolabilité du domicile et de tout le reste, ne sont respectées que si le peuple n'en fait pas usage contre les classes privilégiées. Mais, le jour où il commence à s'en servir pour saper les privilèges - ces soi-disant libertés sont jetées par-dessus bord.
La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère.
Il existe donc une cause nécessaire d’inégalité, de dépendance et même de misère, qui menace sans cesse la classe la plus nombreuse et la plus active de nos sociétés. Nous montrerons qu’on peut la détruire en grande partie, en opposant le hasard à lui-même ; en assurant à celui qui atteint la vieillesse un secours produit par ses épargnes, mais augmenté de celles des individus qui, en faisant le même sacrifice, meurent avant le moment d’avoir besoin d’en recueillir le fruit. […] C’est à l’application du calcul aux probabilités de la vie et aux placements d’argent que l’on doit l’idée de ces moyens, déjà employés avec succès, sans jamais l’avoir été cependant avec cette étendue, avec cette variété de formes qui les rendraient vraiment utiles, non pas seulement à quelques individus, mais à la masse entière de la société qu'ils délivreraient de cette ruine périodique d’un grand nombre de familles, source toujours renaissante de corruption et de misère.
Il faut rappeler avec fermeté que la protection sociale n'est pas seulement l'octroi de secours en faveur des plus démunis pour leur éviter une déchéance totale. Au sens le plus fort du mot, elle est pour tous la condition de base pour qu'ils puissent continuer d'appartenir à une « société de semblables ».
L’erreur principale de l’époque fut de persister à croire que, si les travailleurs étaient livrés à eux-mêmes, ils feraient preuve de suffisamment d’imagination pour s’assurer individuellement ou par l’intermédiaire de dispositions collectives volontaires. L’erreur aurait dû être évidente. Les travailleurs étaient tellement absorbés à survivre au jour le jour qu’ils avaient à peine le temps de considérer les éventualités lointaines. Subvenir aux dépenses du jour avait la priorité sur épargner pour demain. Ils n’avaient pas non plus d’argent disponible en cas de maladie ou de chômage.
Le repos, la détente, l'évasion, la distraction sont peut-être des « besoins » : mais ils ne définissent pas en eux-mêmes l'exigence propre du loisir, qui est la consommation du temps. Le temps libre, c'est peut-être toute l'activité ludique dont on le remplit, mais c'est d'abord la liberté de perdre son temps, de le « tuer » éventuellement, de le dépenser en pure perte. (C'est pourquoi dire que le loisir est « aliéné » parce qu'il n'est que le temps nécessaire à la reconstitution de la force de travail - est insuffisant. L'« aliénation » du loisir est plus profonde : elle ne tient pas à sa subordination directe au temps de travail, elle est liée à l'impossibilité même de perdre son temps. La véritable valeur d’usage du temps, celle qu’essaie désespérément de restituer le loisir, c’est d’être perdu. Les vacances sont cette quête d’un temps qu’on puisse perdre au sens plein du terme, sans que cette perte n’entre à son tour dans un processus de calcul, sans que ce temps ne soit (en même temps) de quelque façon « gagné ». Dans notre système de production et de forces productives, on ne peut que gagner son temps : cette fatalité pèse sur le loisir comme sur le travail. On ne peut que « faire valoir » son temps, fût-ce en en faisant un usage spectaculairement vide. Le temps libre des vacances reste la propriété privée du vacancier, un objet, un bien gagné par lui à la sueur de l’année, possédé par lui, dont il jouit comme de ses autres objets – et dont il ne saurait se dessaisir pour le donner, le sacrifier (comme on fait de l’objet dans le cadeau), pour le rendre à une disponibilité totale, à l’absence de temps qui serait la véritable liberté.
C'est l'humanité qui caractérise notre espèce : elle n'est en nous qu'une virtualité native et doit être proprement cultivée. Nous ne l'apportons pas toute faite en venant au monde : elle doit devenir le but de nos efforts terrestres, la somme de nos activités, notre valeur […]. Même ce qu'il y a de divin dans l’espèce résulte de la culture de l'humanité en nous […]. Cette culture est une œuvre à poursuivre sans fin ni cesse, ou bien nous sombrons, grands et petits, dans la bestialité et la brutalité primitives.
Le déracinement est de loin la plus dangereuse maladie des sociétés humaine, car il se multiplie lui-même. Des êtres vraiment déracinés n’ont guère que deux comportements possibles : ou ils tombent dans une inertie de l’âme presque équivalente à la mort, comme la plupart des esclaves au temps de l’Empire romain, ou ils se jettent dans une activité tendant toujours à déraciner, souvent par les méthodes les plus violentes, ceux qui ne le sont pas encore ou ne le sont qu’en partie. Les Romains étaient une poignée de fugitifs qui se sont agglomérés artificiellement en une cité ; et ils ont privé les populations méditerranéennes de leur vie propre, de leur patrie, de leur tradition, de leur passé, à un degré tel que la postérité les a pris, sur leur propre parole, pour les fondateurs de la civilisation sur ces territoires. Les Hébreux étaient des esclaves évadés, et ils ont exterminé ou réduit en servitude toutes les populations de Palestine. Les Allemands, au moment où Hitler s’est emparé d’eux, étaient vraiment, comme il le répétait sans cesse, une nation de prolétaires, c’est-à-dire de déracinés ; l’humiliation de 1918, l’inflation, l’industrialisation à outrance et surtout l’extrême gravité de la crise de chômage avaient porté chez eux la maladie morale au degré d’acuité qui entraîne l’irresponsabilité.