En préparant mes mails sur ce pjl réforme pénale, je me suis rendu compte que d'autres saloperies (comme si ça suffisait pas, voir
http://shaarli.guiguishow.info/?_W8BUw ) sont passées en séance plénière au Sénat :
* Article 4A : hausse des sanctions contre la non-dénonciation d'un crime ou délit "terroriste"… dont l'apologie fait partie…
* Article 12 ter : toute carte bancaire prépayée rechargeable doit être attachée à un compte bancaire dont le propriétaire est identifiable. Comment tuer un concept…
* Article 15 : les plateformes de conversion de monnaie virtuelles (Bitcoin & co) sont reconnues comme des plateformes de paiement et doivent donc soumettre leurs soupçons de fraude financière à Tracfin (la cellule spécialisée de Bercy). Le gouvernement était contre cet amendement d'un sénateur Les Républicains en prétextant que ces plateformes sont déjà soumises à cette obligation et que le terme de « monnaie non régulée numérique » n'a aucune base légale rendant cet article caduc.
* Article 16 octies A : augmentation des peines prévues pour la contrefaçon en bande organisée… dans un texte qui cause de sécurité, de lutte contre la criminalité et de terrorisme… Alors que ça mériterait discussion dans un projet à part… On est tout prêt du cavalier législatif, quand même…
* Plusieurs articles mega longs comme l'article 4 ter BB portant sur la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté. Ajouté en dernière étape législative (oui car tout le jeu du gouvernement est d'obtenir un vote conforme du texte qui sortira de la CMP par les deux chambres)… Belle illustration du débat parlementaire…
Et voici le mail que j'ai envoyé aux membres titulaires et suppléants de la commission mixte paritaire en charge du projet de loi crime organisé, terrorisme, procédure pénale :
« J'ai pris connaissance du fait que *vous êtes membre de la commission mixte paritaire en charge du projet de loi crime organisé, terrorisme, procédure pénale*.
Parmi les articles encore en discussion, *j'attire votre attention sur les principaux points qu'il convient de corriger pour que ce texte devienne plus acceptable* :
* L'article 1 bis définit en réalité un *régime administratif de saisie des emails archivés* sous couvert que l'individu fasse l'objet d'une autorisation d'interception. C'est une *atteinte disproportionnée à la vie privée* : l'autorisation d'interception a été émise sur des faits/soupçons actuels, elle ne suffit pas à justifier la saisie du passé. *L'article ne définit pas les limites* : quelle durée de conservation des emails récupérés ? Quid de la suppression des emails saisis alors qu'ils sont extérieurs à l'enquête, etc.
* Article 2 : il est désormais possible d'utiliser les *IMSI catchers* (fausses antennes de téléphonie mobile) *pour capturer les communications reçues ou émises ainsi que les sites Internet consultés par un téléphone mobile*. Lors de l'examen de la loi Renseignement à la mi-2015, *le gouvernement promettait de ne pas toucher aux correspondances* mais uniquement aux métadonnées (qui échange avec qui, quand, à quelle fréquence, pendant combien de temps). Cet engagement doit être respecté.
* Il s'agit d'une *captation massive et disproportionnée de données personnelles dans un lieu géographique donné* : la logique est erronée : *de manière générale, être présent dans un lieu donné ne fait pas de nous un suspect donc des techniques de renseignement de doivent pas être utilisées sans un ciblage très précis* que ne permettent pas les IMSI-catchers !
* De plus, cet article prévoit la destruction des données qui ne concernent pas l'enquête pour laquelle le dispositif a été déployé sous 3 mois max. Questions : comment faire valoir ce droit ? Comment puis-je savoir que j'ai été collecté par un IMSI catcher puisque j'ai simplement circulé dans une zone géographique ? Comment puis-je vérifier que les données ont été détruites ?
* Enfin, le fait que cette technique de renseignement (comme d'autres mais elles ont été acceptées par les deux chambres) devienne *utilisable par des Magistrats du Parquet qui ne bénéficient pas d'un statut d'indépendance vis-à-vis de l'exécutif est un vrai problème* lorsque l'on voit que les services de renseignement sont utilisés pour nuire à la presse (affaire des fadettes du Monde), aux adversaires politiques (affaire en cours concernant T. Solère) et à des enquêteurs (affaire en cours des écoutes des enquêteurs du Wagram).
* *Toutes ces raisons font que cet article 2 doit être supprimé*.
* Article 3 bis A : *captation de données informatiques à distance* (fouille des supports de stockage, capture des frappes clavier, capture de l'affichage) via un logiciel espion pour toute une palette de crimes et de délits. *L'article ne précise ni la durée ni le périmètre précis des données collectées*.
* Article 4 A : *hausse des sanctions contre la non-dénonciation d'un crime ou délit "terroriste". Il faudrait, a minima, exclure le délit d'apologie prévu par l'article 421-2-5 du Code pénal au motif que l'apologie est très proche du délit d'intention.* La dénonciation d'une intention me semble être une pente glissante.
* Article 4 quinquies : je refuse *l'alourdissement des peines pour les constructeurs de moyens de cryptologie* qui refuseraient de communiquer les données chiffrées et les clés.
* *Les terroristes du 13 novembre ont utilisé des téléphones jetables mais pas de chiffrement* selon l'anti-terrorisme français !
* *Un support de stockage chiffré n'est jamais le seul élément d'une enquête selon des experts judiciaires* (voir interview Libération) donc le *chiffrement ne nuit pas à l'exercice de la justice*.
* Cet article est donc un non-sens et le *signe d'une guerre ouverte contre la vie privée (que seul le chiffrement permet de protéger) des citoyen-ne-s et l'expression d'une défiance* envers les citoyen-ne-s. *Il doit être supprimé*.
* *L'article 4 sexies visant à sanctionner l'entrave au blocage administratif de sites Internet défini dans la loi 2014-1353 doit être supprimé*. Le blocage administratif, *c'est de la censure par la Police, c'est fermer les yeux sur des problèmes réels* en n'aidant pas les victimes ! *Cette disposition fait courir un risque juridique sur des fournisseurs de services (personnes morales ou physiques) parfaitement légitimes* qui proposent, entre autres, du contournement de la censure dans les pays autoritaires/dictatoriaux, par exemple, et qui pourraient voir leur service détourné... Leur demander de vérifier de manière proactive l'usage qui est fait du service est contraire à la loi 2004-575.
* Ce même article prévoit de *sanctionner la consultation de sites Internet faisant l'apologie du terrorisme* sauf quelques motifs spécifiés. *L'apologie est très proche d'un délit d'intention : lire/écouter un contenu n'équivaut pas à l'approuver mais simplement à se forger un esprit critique.* Tant qu'il n'y a pas d'actes ou de coordination publique en ligne pour préparer un acte, alors il n'est pas nécessaire d'agir ou de censurer. La parole doit être libre afin que tous les propos puissent être entendus de tout le monde et être mieux combattus si la société l'estime nécessaire.
* L'article 4 septies A prévoit *l'interdiction du territoire à un-e étranger-e pour des activités terroristes… dont l'apologie ! On est toujours très proche du délit d'intention et on est proche de la défunte déchéance de nationalité…* Cet article doit être supprimé.
* Les articles 12 ter et 13 prévoient de *pénaliser les cartes bancaires prépayées* en fixant des montants maximaux de chargement voire en les rattachant à un propriétaire (*ce qui revient à tuer ce marché*). *Le terrorisme et le crime organisé ne se financent pas avec des cartes prépayées dont la plupart des fournisseurs prévoient déjà des plafonds de recharge et d'utilisation* ! Ces articles constituent une mesure médiatique et doivent être supprimés.
* Article 16 octies A : *que vient faire une augmentation des peines prévues pour la contrefaçon en bande organisée dans ce projet de loi ?!* Il s'agit d'un cavalier législatif qu'il convient de retirer.
Cordialement. »