Merci Stéphane d'avoir encore le courage de corriger la merde qui se propage partout. Je n'ai pas eu cette force.
Est-ce que je peux demander à plusieurs shaarlieurs qui me suivent de prendre 5 minutes pour vérifier les faits avant de shaarlier nawak ?! Parce que sérieux, sans être technicien, une tribune de Pouzin et Bellanger, c'est déjà de gros warning qui doivent se déclencher dans la tête du lecteur. Quand en plus, on cherche les noms des auteurs de la tribune et que 2 sur 3 bossent pour Open-Root, une racine alternative, please quoi, ce contenu ne devrait pas être propagé. Surtout qu'au moment où plusieurs d'entre vous ont shaarlié ce torchon, Stéphane (que vous connaissez puisque vous avez déjà shaarlié des articles de son blog) l'avait déjà commenté sur son Twitter donc même sans le suivre (ce que je ne fait pas, pas de Twitter pour moi), une vérif' était rapide et simple à faire. :-
« Une tribune sensationnaliste dans le Monde le 6 mai prétendait que « Google [avait] changé l'Internet » et portait une accusation précise : le navigateur Google Chrome utiliserait une racine DNS spécifique à Google. Passons sur le fond politique de l'article, est-ce qu'au moins les faits allégués sont exacts ?
[...]
Avec un outil d'usage courant, tcpdump, on peut voir le trafic DNS de la machine. Lançons Chrome, tentons de visiter
http://nic.la/ et observons ce trafic.
Que voit-on ? La machine d'adresse IP 2001:691:1348:7::bad:209 a fait une requête DNS au serveur 2001:67c:217c:6::2, qui est bien un serveur de la racine (leurs adresses IP sont publiques et connues).
Amusant détail, je n'utilise personnellement pas la « racine ICANN » mais une racine « alternative », Yeti. Donc, même si on a fait un choix différent de la majorité, Chrome respecte ce choix (en fait, Chrome ne parle pas directement à la racine : comme tout bon logiciel, il parle au résolveur configuré par l'utilisateur, et ce résolveur a été configuré pour utiliser telle ou telle racine). Le complot s'effondre donc : le principal reproche fait à Google dans cet article ne repose sur rien. Alors que la vérification des faits prend quelques minutes à n'importe quel technicien, les auteurs de la tribune n'ont pas vérifié, ni demandé à un technicien de le faire.
Est-ce un accident isolé dans une tribune par ailleurs raisonnable ? Non, il y a beaucoup d'autres erreurs techniques. Par exemple, les auteurs affirment « [la racine de Google est] plus rapide puisque souvent délivré d'étapes de contrôle et de surveillance ». Enregistrer les requêtes (comme le fait la NSA) ne ralentit rien, cette affirmation est donc dénuée de sens.
Autre exemple du manque de rigueur de cette tribune, la mention du .google comme étant « la racine de Google » alors qu'il s'agit d'un banal TLD... [...]
On notera aussi que des affirmations tout aussi fausses (« Cependant Google (et Chrome) utilise leur propre racine (copie de la racine ICANN) dont une est l’adresse IP 8.8.8.8 » se trouvent depuis longtemps sur le serveur Web de la société commerciale Open-Root, pour laquelle travaillent deux des auteurs. (8.8.8.8, alias Google Public DNS, est un résolveur DNS, qui n'a donc rien à voir avec une racine.
[...]
Est-ce parce qu'il y a un risque que Chrome, un jour, fasse ce qui lui est reproché dans cette tribune ? Tout est possible mais ce ne serait pas très malin de la part de Google. En effet, l'utilisation d'une autre racine se voit (comme montré avec tcpdump plus haut). Ce ne serait pas très discret de la part de Google (la tribune parle de « substitution invisible », ce qui n'a pas de sens, vu cette visibilité du trafic réseau). D'autre part, pas mal d'entreprises utilisent en interne des TLD non-existants comme .corp, qui ne sont connus que de leurs résolveurs. Si Chrome n'utilisait pas ces résolveurs, ces TLD ne fonctionneraient pas.
Autre chose frappante, ce texte a largement circulé sur les réseaux sociaux, étant repris sans nuances, sans aucune vérification. On l'a par exemple vu cité sur un site d'une émission qui donne des leçons à tous les autres médias [ NDLR : Arrêt sur images ]. Apparemment, le fait d'être publié dans le Monde a un poids qui suffit à débrayer toute critique. (Alors qu'il s'agissait d'une tribune et pas d'un article, ce qui indique que le Monde n'a pas exercé de contrôle trop serré sur le contenu.) »