Un article du Canard du 13/04/2016 me fait froid dans le dos.
Cet article traite du fait que 4 enquêteurs du service Courses et Jeux de la police judiciaire auraient été mis sous écoute clandestine par la DCRI (ex DGSI, le renseignement intérieur) sous ordre de Bernard Squarcini, ex-patron de la DCRI.
Ces policiers avaient perquisitionné les salarié-e-s du cercle de jeux Wagram (cercle accusé d'extorsion de fonds et de blanchiment en bande organisée puisque façade au gang Corse de la Brise de mer) dont l'une, Marie-Claire Giacomini avait pour "tonton" Bernard Squarcini qui, furieux, se plaint de ces perquisitions auprès du directeur de la police judiciaire et fait procéder aux mises sous écoute clandestine sus-citées. Le Canard dispose de plusieurs sources pour évoquer ces écoutes : des témoignages recueillis par le juge chargé de l'affaire du Wagram + des vérifications effectuées auprès des opérateurs télécoms par ce même juge.
On rappellera que Bernard Squarcini a été condamné dans l'affaire des fadettes du Monde en première instance et qu'il n'a pas fait appel. Voir
http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/04/08/fadettes-squarcini-condamne-a-8-000-euros-d-amende_4397675_3224.html .
On peut aussi mettre cette affaire à côté de la surveillance présumée de Thierry Solère, adversaire de Claude Guéant (alors ministre de l'intérieur) aux législatives de 2012 par la DGSE durant ces mêmes législatives. Je tique sur ce point : la DGSE, c'est les services extérieurs donc pourquoi surveiller une personne présente sur le territoire nationale ? Mais, quoi qu'il en soit, le Canard du 13/04 écrit « Cette affaire d'écoutes en dit également long sur le sérieux des contrôles alors en vigueur chez les barbouzes. Le gouvernement jure aujourd'hui que la maison est désormais bien vérouillée. Mais c'est exactement ce qu'avait claironné Claude Guéant en son temps... ». Gros +1. Il faut bien se dire que la presse a connaissance uniquement d'un tout petit échantillon des mauvaises pratiques, réelles (fadettes) ou encore présumées (Wagram ou Thierry Solère) des services de renseignement. Autrement dit : loi des stats oblige, il y a très probablement des mauvaises pratiques qui touchent des citoyen-ne-s sans responsabilités politiques ou criminelles ! ÉDIT DU 27/04/2017 À 11H45 : voir une analyse de l'affaire Solère :
http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2016/04/20/soleregate-sil-vous-plait-dessine-moi-un-espion/ . En gros : un analyste interne se serait permis de réaliser des écoutes, la direction technique de la DGSE s'en ai rendu compte et a stoppé. FIN DE L'ÉDIT DU 27/04/2017.
Ce qui me fait froid dans le dos, c'est la déclaration suivante émanant d'un gradé des services de renseignement qui confie au Canard, au sujet de l'affaire du Wagram : « Techniquement, [ à l'époque ], c'est très facile. Vous commandez une écoute administrative et vous la justifiez pour un motif de soupçons d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Généralement, l'autorité administrative qui vous l'accorde n'est pas regardante ».
Traduction :
* La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) n'était pas regardante et n'agissait pas comme le contre-pouvoir des services de renseignement que la loi lui confère. On n'a aucune raison de croire que sa remplaçante, la CNCTR, instaurée par la loi Renseignement de mi-2015 fait mieux aujourd'hui. D'autant qu'on peut émettre des doutes sur l'indépendance de la CNCTR et sur la qualité de son travail de vérification quand elle est saisie par un-e citoyen-ne. Voir
http://shaarli.guiguishow.info/?r1h70Q
* Dans l'affaire des fadettes, Bernard Squarcini avait plaidé l'exception dans le cas d'une atteinte à la sureté de l'État. Journaliste + affaire Bettencourt (possibles conflits d'intérêts et financement illégal d'une campagne politique) + transmission d'un procès verbale d'un audition = remet en cause la sureté de l'État, mais bien sûr !
* Soupçons et atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, c'est ce que l'on retrouve dans tous les textes de loi sécuritaires passés récemment ! Autrement dit, ces lois ouvrent bien la boîte de Pandore comme les opposant-e-s l'ont toujours affirmé !