Résultat du scrutin public portant sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, examiné en première lecture au Sénat.
299 pour, 29 contre, 18 abstentions.
Comme le gouvernement a engagé la procédure accélérée et que chaque chambre du Parlement a examiné et modifié le texte, celui-ci part en Commission Mixte Paritaire. En CMP, les représentants de chaque chambre discutent uniquement des points qui restent en discussion c'est-à-dire des dispositions qui n'ont pas été adoptées à l'identique par les deux chambres.
La plupart des dispositions que je trouve merdiques ont été approuvées des deux côtés à part la consultation habituelle de site web faisant l'apologie du terrorisme, l'entrave au blocage administratif des sites web faisant l'apologie du terrorisme, l'usage judiciaire des logiciels espions (déjà prévus par la LOPPSI de toute façon), l'interdiction du territoire, IMSI catchers (contenu des correspondances et destruction des infos hors enquête), captation des mails archivés et l'alourdissement des peines pour les fournisseurs de cryptos).
On peut donc encore jouer mais on est sur des dispositions numériques donc la probabilité d'un échec est elevée, faut pas se mentir.
Petit tour des mauvaises choses qui sont encore là :
* retenue administrative préventive pour contrôle d'identité en dehors du cadre plus contraignant de la garde à vue visant des personnes dont on présume des activités terroristes...
* fouille administrative préventive des véhicules et des sacs pour pecho des activités terroristes. On est suspect dès lors qu'on circule dans une zone géographique délimitée par un Magistrat... Sérieux ?
* Caméras mobiles individuelles pour les policiers et gendarmes. Durée de conservation d'un mois. Il n'est plus prévu que le citoyen puisse demander l'activation de l'enregistrement. Pas de demande d'accord préalable à l'enregistrement (droit à l'image et à la vie privée quand un agent des forces de l'ordre filme une perquisition, par exemple). Rien de dit que la CNIL pourra vérifier l'absence d'enregistrements me concernant au-delà du délai autorisé comme elle vérifie les fichiers policiers (et y constate des taux d'erreur mirobolants !).
* l'administration pénitencière et plus largement les services du Ministère de la Justice deviennent des services autorisés à recourir aux techniques de renseignement légalisés par la loi Renseignement de mi-2015
* perquisitions administratives de nuit des habitations. Les députés avaient ajouté qu'elles peuvent avoir lieues uniquement si impossible de les réaliser en plein jour... sans préciser les critères qui fondent cette impossibilité...
* techniques de renseignement (sonorisation véhicules et habitations, captation de données, IMSI catchers,...) utilisables par des Magistrats du Parquet (procureurs & co) qui ne bénéficient pas d'un statut d'indépendance vis-à-vis de l'exécutif.
* IMSI catchers (article 2) : peuvent désormais capter le contenu des correspondances elles-mêmes. Protection des professions du secret et apparentées (reste à savoir comment ce droit s'appliquera puisque l'IMSI catcher capte tout sans vérifier l'identité...). Destructions des données qui ne concernent pas l'enquête pour laquelle le dispositif a été déployé sous 3 mois max. Question : comment faire valoir ce droit ? Comment je sais que j'ai été collecté par un IMSI catcher car j'ai simplement circulé dans une zone géographique ? Comment je vérifie que les données ont été détruites ? Ça reste toujours massif.
* Captation des mails archivés (article 1 bis). S'apparente à un régime de saisie administrative qui ne dit pas son nom. Pas de durée ni de destruction ni ce qui sera fait des données collectées.
* Alourdissement des peines pour les constructeurs de moyens de cryptologie qui refuseraient de communiquer les données chiffrées et les clés (article 4 quinquies).
* Punir la consultation habituelle de sites internet faisant l'apologie du terrorisme (2 ans de placard et 30 000 €) + l'entrave au blocage administratif de site web (5 ans et 75 000 € ) - article 4 sexies. L'entrave concerne clairement les miroirs et les récursifs DNS ouverts et autre proxies. Pour limitée l'impact des sanctions de la consultation, les journalistes et chercheur-euses scientifiques sont exclues ainsi que les personnes de bonne foi -> LOL. :)
* Le contrôle administratif des personnes de retour de l'étranger dont on a des « raisons sérieuses de penser que ce déplacement a pour but de rejoindre un théâtre d’opérations de groupements terroristes ». Il n'est plus demandé la communication des identifiants de connexion sur les sites web...
* Article 4 septies A : interdiction du territoire à un-e étranger-e pour des activités terroristes... dont l'apologie ! On n'est pas loin de la déchéance de nationalité, hein...
* Article 3 bis A : captation de données informatiques à distance (VNC, keylogger, fouille des supports de stockage) via un logiciel espion pour tout une palette de crimes et de délits. La LOPPSI permet déjà cela mais ça n'a pas encore été déployé (voir
http://www.numerama.com/politique/150304-la-pj-pourra-enfin-installer-des-keyloggers-et-autres-mouchards.html ). Durée non précisée, périmètre des données collectées pas précisé.