Le 15 novembre 2023, le Comité européen de la protection des données (CEPD) a adopté des lignes directrices sur le champ d’application technique des dispositions sur le « traçage » de la Directive ePrivacy. Ces lignes directrices sont soumises à consultation pour une durée de six semaines. [ jusqu'au 18 janvier 2024 ]
[…]
L’article 5 (3) de la directive ePrivacy garantit aux utilisateurs et abonnés la protection de leurs terminaux contre tout accès ou stockage d’information non désiré. Il soumet en effet ces opérations au consentement [ sauf si elle sert à effectuer techniquement la transmission d’une communication ou est nécessaire pour fournir le service demandé par la personne ] Cet article est transposé dans la loi « Informatique et Libertés » à l’article 82 qui s’applique notamment aux cookies.
[…]
Elles comportent également un ensemble de cas d’usages représentatif des pratiques de l’écosystème publicitaire, notamment les liens et pixels de suivi, les identifiants uniques et le traitement local de données.
EDPB provides clarity on tracking techniques covered by the ePrivacy Directive :
The Guidelines aim to clarify which technical operations, in particular new and emerging tracking techniques, are covered by the Directive, and to provide greater legal certainty to data controllers and individuals.
These guidelines discuss solutions, such as tracking links and pixels, local processing, and unique identifiers, to ensure that the consent obligations set out by the article are not circumvented.”
The Guidelines only address the scope of the application of Art. 5(3) ePrivacy Directive. They do not address how consent should be collected, or the exemptions set out in the article.
Que dispose le paragraphe 3 de l'article 5 (5.3) de la directive UE e-Privacy de 2002 (« concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques ») ? Attention, elle a été modifiée par une directive de 2009, donc il faut consulter sa version consolidée :
Les États membres garantissent que le stockage d'informations, ou l’obtention de l’accès à des informations déjà stockées, dans l’équipement terminal d’un abonné ou d’un utilisateur n’est permis qu’à condition que l’abonné ou l’utilisateur ait donné son accord, après avoir reçu, dans le respect de la directive 95/46/CE, une information claire et complète, entre autres sur les finalités du traitement. Cette disposition ne fait pas obstacle à un stockage ou à un accès techniques visant exclusivement à effectuer la transmission d’une communication par la voie d’un réseau de communications électroniques, ou strictement nécessaires au fournisseur pour la fourniture d’un service de la société de l’information expressément demandé par l’abonné ou l’utilisateur.
Résumé : stockage et obtention d'infos déjà stockées (hors élément nécessaire à la transmission d'une communication ou à la fourniture du service demandé par l'utilisateur) se font après recueil du consentement, qui lui même intervient après information de l'utilisateur. (La directive 95/46/CE a été remplacée par le RGPD dans lequel les obligations mentionnées demeurent.)
Guidelines 2/2023 on Technical Scope of Art. 5(3) of ePrivacy Directive :
In the same manner, the application protocol can include several mechanisms to provide context data (such as HTTP header including ‘accept’ field or user agent), caching mechanism (such as ETag or HSTS) or other functionalities (cookies being one of them). Once again, the abuse of those mechanisms (for example in the context of fingerprinting or the tracking of resource identifiers) can lead to the application of Article 5(3) ePD.
On the other hand, there are some contexts in which local applications installed in the terminal uses some information strictly inside the terminal, as it might be the case for smartphone system APIs (access to camera, microphone, GPS sensor, accelerator chip, radio chip, local file access, contact list, identifiers access, etc.). This might also be the case for web browsers that process information stored or generated information inside the device (such as cookies, local storage, WebSQL, or even information provided by the users themselves). The use of such information by an application would not be subject to Article 5(3) ePD as long as the information does not leave the device, but when this information or any derivation of this information is accessed through the communication network, Article 5(3) ePD may apply.
A tracking pixel is a hyperlink to a resource, usually an image file, embedded into a piece of content like a website or an email. This pixel usually fulfils no purpose related to the content itself; its sole purpose is to establish a communication by the client to the host of the pixel, which would otherwise not have occurred. Establishment of a communication transmits various information to the host of the pixel, depending on the specific use case. […] In the case of an email, the sender may include a tracking pixel to detect when the receiver reads the email. […] Such tracking pixels may also contain additional identifiers as part of the link.
Tracking links are functioning in the same way, but the identifier is appended to the website address. When the URL (Uniform Resource Locator) is visited by the user, the targeted website loads the requested resource but also collects an identifier which is not relevant in terms of resource identification. They are very commonly used by websites to identify the origin of their inbound source of traffic. For example, e-commerce websites can provide tracked links to partners to use on their domain so that the e-commerce website knows which of their partners is responsible for a sale and pay a commission, a practice known as affiliate marketing.
Under the condition that said pixel or tracked URL have been distributed over a public communication network [ définition dans la section 2.4. C'est tellement large que la condition est remplie l'écrasante majorité du temps ], it is clear that it constitutes storage on the communication network user’s terminal equipment, at the very least through the caching mechanism of the client-side software. As such, Article 5(3) ePD is applicable. […] The inclusion of such tracking pixels or tracked links in the content sent to the user constitutes an instruction to the terminal equipment to send back the targeted information (the specified identifier).
En 2023, on récite encore ce qu'est un lien ou une image de traçage et on ré-affirme que ça nécessite le consentement (au sens du RGPD)… Youhou… La vie privée est en marche, c'est sûr…
Hahaha la première séquence est tellement vraie. Un salarié qui produit ce que la société commerciale vend et trouzemilles parasites (= payés par le salarié productif) pour le surveiller et/ou pour assurer des fonctions de support dont celles rendues nécessaires par l'accumulation des surveillants. Tout ça pour débusquer une prétendue perte de productivité, une familiarité et une divergence sur des goûts persos. Et, forcément, ça se termine en une non-atteinte des objectifs… qui ont drastiquement augmentés afin de rémunérer les parasites.
La quatrième séquence invite à la réflexion. La pénibilité du travail, qui a servi à la négociation de conditions de travail aménagées (âge dérogatoire de départ en retraite, prime de risque, etc.), s'est transformée (« un boulot aussi con »), n'a pas disparu et est invisible, ce qui peut toujours justifier les aménagements négociés par le passé.
Une démythification de quelques dispositifs anti-ondes, et la confection + vente d'un dispositif anti-ondes bidon. Je me suis bien marré. :D
Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) admet que le salarié peut acquérir des congés payés pendant sa maladie d'origine non-professionnelle. Cette position a été confirmée par la Cour de cassation française le 13 septembre 2023. [ Pourvoi 22-17.340 dont les salariés étaient soutenus par la CGT (transports urbains de Reims et fédération des transports) ]
Voir cette excellente présentation.
Il reste encore des questions pratiques à régler. Notamment, deux QPC seront tranchées d'ici février 2024.
Cela couvait depuis des décennies, la Cour de cassation a prévenu dans plusieurs rapports…
C'était déjà le cas pour les fonctionnaires et les contractuels de droit public. Sources : 1, 2 (page 9).
Le Conseil constitutionnel a censuré l’article de la loi de programmation de la justice 2023-2027 adoptée en octobre dernier qui permettait d’activer à distance le micro et la caméra d’un appareil connecté. Il a en revanche validé la géolocalisation en temps réel.
Argument central du Conseil constitu : cela peut impacter la vie privée de tierces personnes… Sans déc'… Aucune interrogation sur le concept même de l'activation à distance…
Pour justifier cette nouvelle forme de surveillance, le gouvernement et ses soutiens ont répété que les services de renseignement seraient déjà autorisés à activer à distance les micros ou caméras de terminaux. Pourtant, la lecture de l’article L. 853-2 du code de la sécurité intérieure montre précisément l’inverse […] Cette pratique, pourtant avancée pour justifier le bien-fondé de la mesure, semble donc illégale et doit être sérieusement questionnée.
Le Conseil a aussi tranché des cavaliers législatifs (articles sans rapport avec l'objet du projet de loi, donc ils reviendront) : confidentialité des avis / consultations des juristes d'entreprise afin de limiter l'auto-incrimination, mais qui limitait l'action des autorités de contrôle (concurrence, marchés financiers, etc.) ; réécriture d'un bout du Code de procédure pénale par ordonnance ; modification du fichier TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires).
Toujours plus de visio que le Conseil a borné viteuf (sécurité, aspect exceptionnel, etc.) et dégagé l'absence de juges en outre-mer (en gros). Idem pour les perquisitions de nuit désormais autorisées en flagrance, sous réserve, pour certains crimes, pour prévenir un risque immédiat d'atteinte à la vie / intégrité physique / disparition de preuves, blablabla. Bref, la brèche est ouverte.
+ https://noyb.eu/en/gdpr-complaint-against-x-twitter-over-illegal-micro-targeting-chat-control-ads
In September 2023, the Commission used unlawful micro-targeting on Twitter (X) to promote its heavily criticized chat control regulation.
Trololo…
Le ministre de la Justice vient de vanter la création de deux nouvelles procédures amiables de résolution des litiges [ audience de règlement amiable (ARA) et césure ], espérant attirer les justiciables vers ces procédures en cours de procès et raccourcir les délais de résolution. Deux procédures qui s’ajoutent aux nombreuses autres [ médiation, la conciliation, l’arbitrage, les accords de règlement des différends, le droit collaboratif ou encore les négociations collectives ]. Explications.
l’intérêt de son livre est d’interroger le privilège d’avoir une deuxième vie professionnelle, de même que la possibilité de bâtir du collectif sur des gestes individuels.
le mépris déversé sur elle et d’autres par les déserteurs et le refus de reconnaître les contraintes qui pèsent sur celles et ceux qui restent. C’est une motivation très légitime. Anne Humbert écrit du côté « des timides, des bizarres, des non-diplômés, des vieux inemployables, des moches, des anxieux, des pénibles, des fous, des pas cools, de ceux qui se disent qu’on n’attend pas après eux, de ceux qui ont besoin d’une institution fixe pour tisser des liens ou structurer leur emploi du temps, de ceux qui n’ont pas confiance en eux ». Agilité, agentivité, mobilité, capacité à se remettre en cause, assurance et résolution sont les qualités propres aux déserteurs. Comme d’ailleurs aux héros des sociétés libérales, qui ne peuvent compter que sur leurs propres forces et n’ont pas besoin du collectif, toujours capables qu’ils sont d’aller vers de plus vertes prairies […] Ces « néo » au fort capital économique, social ou culturel peuvent contribuer à faire grimper le marché immobilier local et mettre la main sur de jolies petites fermes sans être responsables pour autant de la concurrence sur le marché des terres
On entend beaucoup les « winners » de la désertion, dit-elle, mais pas celles et ceux qui n’arrivent pas à abandonner un peu de sécurité matérielle ; qui se plantent ; qui se lancent en autoentreprise pour vendre le fruit de leur travail et se partagent des niches de consommation minuscules, luttant contre la concurrence des produits manufacturés ou de plus grosses entreprises. Ou qui ne réussissent à changer de métier que pour découvrir que tous les domaines d’activité sont taylorisés, soumis au contrôle et déshumanisés […]
Elle critique le désinvestissement du collectif que permet, justifie et parfois encourage la désertion, geste très individuel. Le revenu universel a suscité les mêmes espoirs. La « grande démission » a apporté quelques réponses très concrètes, mais pas franchement positives, à ces rêves de changement social par la déstabilisation du marché du travail. […] Même si on trouve des gens géniaux parmi les néo-paysan·nes, beaucoup ont des objectifs très individuels (selon mes collègues et dirigeant·es) parfois jusqu’au survivalisme soft comme dans un exemple que donne Anne Humbert. Ils et elles ont peu de temps à consacrer aux organisations qui les ont aidé·es à s’installer, ce qui est compréhensible, surtout en début d’installation, mais trop peu parmi elles et eux voient l’intérêt de faire vivre le syndicalisme ou l’associatif agricole, qui manque pourtant de bénévoles.
[…] elle renouvelle un classique patronal. « C’est ça ou la porte. » Et pour ceux et celles qui n’y auraient pas pensé spontanément, l’autrice témoigne d’une journée de formation recommandée par son entreprise et faisant l’éloge de la désertion, lardée d’éléments de langage propres au développement personnel.
Le ministère de l'Intérieur a demandé un rapport, la CNIL a initié une procédure de contrôle (source) sur l'État et 7 collectivités. Olala, ça fait trop peur !
Référés (par LDH, ADELICO, Syndicat de la Magistrature, les syndicats Solidaires et CGT, etc.) :
La ville de Moirans utilise ce logiciel (recours CE 463151).
Je m'interroge sur l'existence d'un croisement de telles caméras avec le TAJ et le Fichier des Personnes Recherchées (FPR), et avec la verbalisation à distance de manifestants.
Via Vidéosurveillance algorithmique à la police nationale : des faits passibles du droit pénal.
Le 9 novembre 2023, la CNIL a rappelé à l’ordre le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques et le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique pour avoir utilisé les coordonnées des agents publics afin de communiquer sur le projet de réforme des retraites.
Pour envoyer le message du 26 janvier 2023 aux agents publics, l’administration avait utilisé le fichier ENSAP, régi par le décret n°2022-1446 du 21 novembre 2022 et qui relève du ministre chargé de l’économie. L’ENSAP est un « outil d’échange et de communication », matérialisé notamment par une plateforme numérique sur laquelle sont disponibles les documents confidentiels des agents publics, tels que leur bulletin de paie mensuel. Pour s’inscrire, l’agent public fournit une adresse électronique.
La formation restreinte a d’abord relevé que le décret régissant cette plateforme n’avait pas été respecté. En particulier, il permet seulement à l’’administration d’adresser aux agents publics des courriels les informant qu’un document est disponible sur la plateforme ENSAP afin de leur offrir des services personnalisés. Ensuite, la formation restreinte a rappelé que l’ENSAP ne peut pas servir à une communication de nature politique.
Trololololo, la faiblesse de la sanction… D'un autre côté, la CNIL n'a pas de vrai pouvoir de sanction face à l'État : une amende n'a aucun intérêt (elle serait versée au Trésor public qui la reverserait dans le budget général de l'État, en gros) ; et une saisine du procureur en vue d'une responsabilité pénale d'un ministre, vous n'y pensez pas.
Surtout que les syndicats de salariés commettent régulièrement des usages similaires, mais au moins, c'est avec les adresses emails professionnelles des agents.
#Guérini
La hiérarchie entre les normes nationales (lois, règlements, Constitution notamment) et les normes supranationales (les traités internationaux notamment) est sujette à débat.
L’article 55 de notre Constitution prévoit que les traités sont supérieurs aux lois nationales. Mais rien n’est dit sur le rapport entre les traités et notre Constitution : lequel prime en cas d’incompatibilité entre les deux ? Dans son arrêt Sarran et Levacher du 30 octobre 1998, le Conseil d’État déclare que si les traités européens sont supérieurs aux lois nationales, ils ne priment pas sur la Constitution. La Cour de cassation tient le même raisonnement depuis son arrêt Pauline Fraisse du 2 juin 2000. Dans sa décision de 2007 sur le traité de Lisbonne, le Conseil constitutionnel s’est aligné sur la position du Conseil d’État et de la Cour de cassation en estimant que la Constitution est placée “au sommet de l’ordre juridique interne”.
Afin de prévenir un conflit entre une règle de valeur constitutionnelle et un engagement international, l’article 54 de la Constitution prévoit ce qu’on appelle un “contrôle de constitutionnalité préalable” […] Cela ne signifie pas nécessairement que la Constitution est supérieure au droit international dans l’ordre juridique interne. […] En tout état de cause, l’article 54 de la Constitution n’évoque pas le sort qu’il convient de réserver aux engagements internationaux rendus applicables sans avoir fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité préalable
[…] Aux termes de l’alinéa 14 du Préambule de la Constitution de 1946, qui a pleinement valeur constitutionnelle aujourd’hui, “[l]a République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international”. En d’autres termes, c’est la Constitution elle-même qui prévoit sa subordination au droit international. Ainsi, en contradiction avec l’alinéa 14 du Préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et la Cour de cassation proclament à l’unisson que la Constitution française a une autorité supérieure aux engagements internationaux dans l’ordre juridique interne.
À l’inverse des juridictions nationales, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) considèrent que les engagements internationaux et européens priment sur le droit national, y compris sur les dispositions constitutionnelles. La Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE, aujourd’hui CJUE) a posé ce principe dans sa décision Costa contre ENEL de 1964 […] La seule réserve réside dans le fait qu’une norme internationale peut entrer en conflit avec ce qui fait l’identité nationale d’un État […]
De son côté, la Cour Internationale de Justice, dans un arrêt Nicaragua de 1986 et un autre LaGrand de 2001, a également jugé que les Etats ne pouvaient invoquer leur Constitution pour échapper à leurs obligations internationales.
+ Six ONG attaquent le règlement de l’UE sur les contenus terroristes en justice
Le 8 novembre 2023, une coalition […] a déposé un recours devant […] le Conseil d’État, contre le décret français adaptant le règlement européen [ 2021/784 ] relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne (également connu sous le nom de « TERREG ») [ mais aussi Terrorist Content Online (TCO) ].
Elles demandent [ à titre subsidiaire ] au Conseil d’État de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle sur la validité du TERREG au regard des droits fondamentaux protégés par le droit de l’UE [ et, à titre principal, de toiletter le décret français ]
S'il avait retoqué le retrait en 1 h de la loi Avia, le Conseil constitutionnel a validé la loi 2022-1159 (portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne) qui adapte le droit français au règlement TCO, mais pour des motifs de formalisme.
Côté procédure, les requérantes contestent le décret 2023-432 du 3 juin 2023. Comme le speech introductif annonce un dépôt du recours le 8 novembre et qu'une décision administrative (comme un décret) n'est contestable que dans les deux mois (hors refus de l'abroger suite à un changement en droit ou en fait), on pourrait penser qu'elles sont hors délai. Mais le 8 novembre, c'est un mémoire complémentaire qui a été déposé. Un mémoire d'introduction, annonçant les grandes lignes du recours, a dû être déposé dans les deux mois.
Numéro de dossier côté Conseil d'État : 478441.
Electronic Identification, Authentication and Trust Services (eIDAS) = règlement UE 910/2014. Cadre européen unifié pour les certifs x509, en gros.
eIDAS 2.0 = révision d'eIDAS afin de fournir un cadre unifié pour délivrer une identité numérique et un portefeuille de documents à chaque citoyen (gratos) et à chaque société commerciale (possiblement payant) de l'UE. Fédération d'identité (et partage d'attributs / docs) à la FranceConnect, quoi. Garantie légale que l'utilisation sera volontaire (j'y crois juste pas). Tableau de bord permettant de visualiser et de contrôler la transmission des données persos. Pseudonyme (un seul ?) associable à l'identité numérique. Logiciel open source (sauf côté serveurs), ce qui évitera les merdes à la Adobe Sign actuellement utilisées par les sociétés commerciales dont les banques. Sources : 1 ; 2.
Levée de boucliers car :
Mouais, j'ai l'impression que le risque est sur-estimé, qu'on en fait des caisses (genre l'EFF, rien que le titre, déjà… comme si les AC gouvernementales avaient disparues) :
Suite : affinage technique puis adoption identique par les deux législateurs de l'UE.
EDPB Urgent Binding Decision on processing of personal data for behavioural advertising by Meta ;
noyb files GDPR complaint against Meta over “Pay or Okay”. « Since the beginning of November, Instagram and Facebook users have had to choose between paying up to €251.88 a year or having their personal data surveilled for targeted advertising. […] By comparison: Meta says its average revenue per user in Europe between Q3 2022 and Q3 2023 was $16.79. This equates to an annual revenue of just €62,88 per user – and puts the monthly fee way out of proportion. ». Meta minimiserait-elle les revenus qu'elle tire de la vie privée de ses utilisateurs ?.
Je ne partage pas la conclusion de NOYB ni la teneur du billet de Champeau : on a été biberonné à coup de « Internet, c'est virtuel », « c'est du stockage en nuage / cloud », « c'est serverless » (sans serveurs informatiques), etc. C'est faux. Tout à un coût, y compris un site web, une infrastructure technique et les employés pour développer et maintenir tout ça. Donc, oui, il faudra accepter de payer. Les seules questions pour moi sont : combien ? Pour chaque site ? Mutualisation ou non (toutes les initiatives comme La Presse Libre, y compris de micro-facturation / micro-don comme Flattr, ont échoué…) ? Comment passer d'un modèle publicitaire fortement rémunérateur à un modèle coût de production + marge (c'est, à mon avis, ce qui explique l'écart entre le prix de l'abonnement à Meta et le revenu généré par utilisateur : une minimisation du revenu publicitaire) ? La mauvaise foi pensait qu'on ne pouvait pas facturer en l'absence d'un coût marginal de production (coût pour une unité supplémentaire), mais les abos Spotify / Deezer / Netflix & co ont montré l'inverse, donc j'suis pas inquiet.
Quinze projets de mégabassines, jugés surdimensionnés, ont récemment été annulés par le tribunal administratif de Poitiers.
[…] Le juge administratif a souligné l’importance des volumes d’eau nécessaires au fonctionnement de ces mégabassines, et considère que ces « retenues de substitution » sont incompatibles avec les objectifs fixés par l’État dans le cadre de ses documents de planification, notamment en matière de gestion de l’eau […]
Le tribunal estime que les projets sont « surdimensionnés » à l’égard du contexte hydrologique local, et que les autorités administratives n’ont pas suffisamment pris en compte les « effets prévisibles du changement climatique », qui vont nécessairement affecter la ressource en eau disponible. Le tribunal pointe aussi que les données prises en compte pour autoriser ces projets sont anciennes, certaines datant du début des années 2000. […]
Intéressant. Cependant, appel en cours, donc wait & see.
Je suis d'accord avec l'analyse selon laquelle la lutte judiciaire ne se substitue pas à la lutte de terrain afin d'empêcher la construction en attendant la décision du juge, afin de se retrouver devant le fait accompli, puisque les ouvrages construits illégalement ou dont le permis est annulé pendant ou après la construction sont rarement détruits.
En Charente-Maritime, le Conseil d'État a confirmé le 3 février l'interdiction de remplir cinq bassines à usage agricole sur les communes de La Laigne, Cramchaban et la Grève-sur-le-Mignon en raison d'insuffisance des études d'impact. [ donc ça se corrige facilement ]
La Cour administrative d'appel de Bordeaux a aussi invalidé en janvier six autres projets sur six communes de Charente-Maritime (Anais, Benon, Le Gué-d’Alleré, Saint-Médard-d’Aunis, Saint-Sauveur-d’Aunis et Saint-Xandre), jugeant les volumes d'eau envisagés excessifs.
Après, il faut relativiser : il y a 93 bassines en projet dans le Poitou, et de 100 à 300 dans toute la France.
Certaines bassines sont suspendues (référé, attente de la décision de fond) pour un conflit d'intérêt, ce qui se corrige facilement, comme celle de Priaires.
La QPC s'inscrit dans un contentieux de contestation de la décision de créer à Bure un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs. […]
La Charte de l'environnement a intégré la Constitution par une révision, votée en 2005 par une écrasante majorité du Congrès. L'enthousiasme était alors d'autant plus grand que la Charte comportait des dispositions suffisamment imprécises pour satisfaire tout le monde, et que cette imprécision même laissait penser qu'elle ne pourrait pas servir de fondement juridique solide à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Dès sa décision du 19 juin 2008 sur une loi relative aux organismes génétiquement modifiés, le Conseil a pourtant énoncé que les droits et les devoirs figurant dans la Charte avaient pleine valeur constitutionnelle. Quant aux sept alinéas qui servent de préambule à la Charte, le Conseil précise, dans une décision du 7 mai 2014, qu'ils ont valeur constitutionnelle, "sans pourtant instituer un droit ou une liberté que la Constitution garantit". Autant dire que ce préambule était analysé comme un droit déclaratoire qui ne saurait fonder une contrainte juridique.
Précisément, la QPC du 27 octobre met fin à cette distinction […] Le Conseil impose ainsi au législateur de prendre en considération ces éléments lorsqu'il prend des décisions environnementales qui engagent l'avenir. Les générations futures deviennent ainsi, non pas un sujet de droit, mais un objet de droit, imposant à l'État le devoir d'envisager les conséquences à long terme de ses décisions environnementales. Derrière l'apparente ambition de la formulation, on peut se demander si l'obligation ainsi imposée au législateur ne serait pas satisfaite par un simple étude d'impact.
La suite des motifs énoncés par le Conseil est sans doute encore plus intéressante que cette affirmation solennelle de la valeur constitutionnelle des dispositions de la Charte. En effet, le Conseil exerce alors un contrôle de proportionnalité, en affirmant que "les limitations apportées par la loi au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi". En d'autres termes, il appartient au Conseil, et à lui seul, de contrôler cette proportionnalité. L'imprécision des termes de la Charte lui laissent alors un pouvoir discrétionnaire pour préciser le contenu de ses obligations.
Décision du Conseil.
https://nitter.privacydev.net/N_Hervieu/status/1717815020745027870 :
Ha la la, l'humanité a encore brillé.
Entre ceux qui ont redécouvert la guerre avec l'Ukraine… Ouais, à force de l'exporter, avec notre diplomatie et nos marchands d'armes, on avait oublié que ça existait hi hi hi. Je passe sur ceux qui redécouvrent que la guerre c'est pas gentil, que c'est atroce, que tous les coups sont permis, blablabla.
Ceux qui redécouvrent que l'Israël et la Palestine se foutent sur la gueule depuis des décennies et qu'il en sera ainsi demain.
Ceux qui imposent de qualifier de terroriste l'une des parties, t'sais, ce mot galvaudé et usiné pour faire peur aux citoyens (parce que ce conflit, c'est tout comme le 11 septembre, Charlie, le Bataclan, Arras, etc., bien entendu), et ceux qui s'y refusent (à raison), chaque camp œuvrant dans l'argumentaire absurde pour défendre sa position.
Ceux qui ressortent du placard la police des mots et le concept flou d'apologie du terrorisme (présenter sous un jour favorable des actes qui relèvent de cette qualif'). Une Union départementale CGT qui exprime son soutien à la Palestine face à « l'État colonial d'Israël » sans condamner l'attaque du 7 octobre ? Au bûcher ! (Où est la présentation élogieuse des faits ?) Le NPA qui qualifie l'attaque du 7 octobre de moyen de lutte ? Au gnouf ! (Il est intéressant de constater que la LICRA est encore dans le coup, alors que la liberté d'expression, surtout celle dans un débat d'idées, est vivement protégée par la CEDH.)
Ceux qui imposent de dire qui est colon, ou non, ou pas au sens occidental du terme… Qui était là d'abord. Qui a été contraint d'émigrer ou non, vu la Shoah, ou non…
Ceux qui imposent d'être en faveur d'un camp. Bah oui, Israël a le droit de se défendre, de perpétuer le cycle de la violence, d'éradiquer une population plutôt que les seuls responsables de l'attaque du 7 octobre, de se venger de manière indiscriminée. À quoi ça sert ? Peu importe. Les États-Unis sont pro-Israël alors tous les vassaux occidentaux, dont la France, s'alignent. Ho oui, oui, soutien total à Israël. Et puis bon, être contre le massacre d'une population par un État juif, c'est être antisémite, bien entendu (ceci dit, ce n'est que le prolongement du navrant glissement antisionisme = antisémitisme des dernières décennies). C'est effrayant de devoir sortir un mec de la naphtaline pour obtenir une vague position nuancée.
Ceux qui se rêvent toujours en gardiens / flics / sauveurs du monde sans qui rien n'est possible. Il faut bien que les grands adultes du monde s'occupent des enfants qui se chamaillent. Halala ces enfants, que de problèmes… Faux-nez de l'impérialisme.
Ceux qui utilisent la technologie, des drones, pour diffuser à d'autres des tracts leur expliquant leur bombardement imminent. C'est très chic. Se prendre une bombe sur la tronche mais l'avoir appris de manière moderne, civilisée, humaine, quoi.
Ceux qui découvrent les tunnels sous Gaza. Vu leur finition, ils datent d'hier, c'est sûr, trololo. Du coup, pourquoi bombarder la surface ? Peut-être pour sécuriser les opérations au sol ? Est-ce proportionné ? Pourquoi avoir laissé prospérer ces tunnels ? T'inquiète Jean-Kev', bombarde, on te dit.
Ceux qui interdisent de causerie (sur la colonisation et l'apartheid d'Israël) une militante de la cause palestinienne puis qui l'expulsent car elle aurait dissimulé être une cheffe du Front populaire de libération de la Palestine, mouvement terroriste qui a commis des attentats contre des civils israéliens avant 2015. Source ? Le site web du mouvement (est-il à jour ?). Sa présence sur le sol français est susceptible d'entraîner de graves troubles à l'ordre public. On est dans l'intention, dans l'association d'idée, dans l'interdiction d'un débat d'idées…
Ceux qui sont dans la dénonciation de la guerre, des crimes de guerre, du siège, des viols, des décisions bafouées de l'ONU, que sais-je d'autre. Ha que c'est pratique, la bonne conscience. Ça change rien sur place, mais ça soulage, comme l'absolution en sorte : ouf, j'ai gémi que la guerre c'est mal, je suis dans le camp du Bien, ouf.
Évidemment, le traitement médiatique était insupportable. Même chez les indépendants comme le Canard (un des premiers éditos était dans la dénonciation de ceux qui ne parlent pas de terrorisme) ou Blast. Il faut tout arrêter pour commenter des gus qui se foutent sur la gueule pour la énième fois… jusqu'à la prochaine actualité pressante, hein (ce conflit ayant lui-même éclipsé la guerre en Ukraine). Bien sûr, aucun média ne dira vraiment que, vu la situation sur place, il ne dispose pas de journaliste du côté de Gaza, donc que tout son propos est biaisé (ce point est désormais corrigé, seule la voix du maître empêche d'approcher la vérité).
Et puis, comme d'hab en 2023…
Le ministre de l'Intérieur (Darmanin) a dégainé une instruction aux préfets d'interdiction généralisée des manifestations pro-palestiniennes. En référé, le Conseil d'État a contextualisé l'instruction avec les autres propos du sinistre, pour en regretter la rédaction approximative et ne pas l'annuler. Du coup, on est d'accord que la justice se contentera de regretter la rédaction approximative des communiqués de presse contestés pour apologie du terrorisme (cf. ci-dessus), pas vrai ? :))))
En début d'année 2023, Darmanin avait pris une décision similaire pour les manifestations d'extrême-droite. À l'époque, la gauche, au sens large, n'avait pas moufté car, tu comprends, l'extrême-droite est vraiment caca boudin, il faut lui ôter tout droit. Mais… attends… n'est-ce pas le comportement de l'extrême-droite ? Rah mais chuuuut, là c'pas pareil, on est le camp du Bien, voyons.
Au final, la plupart des tribunaux ont autorisé les manifs. Quelle énergie perdue…
La palme de l'entêtement revient au préfet des Alpes-Maritimes (Moutouh) pour des manifs à Nice : 10 interdictions en 8 semaines, toutes retoquées par le tribunal. Le Conseil d'État ne voit pas de décision (en droit administratif, on conteste une décision d'une administration) dans cette récurrence ni dans les déclarations publiques du préfet et du maire (Estrosi), juste une orientation générale passible d'aucun recours. Et puis, y a pas vraiment d'atteinte aux libertés puisqu'il est possible de contester chaque décision, peu importe que ça dissuade le quidam de participer (car l'annulation de l'interdiction de manifester est souvent connue au dernier moment)…
Afin de m'en souvenir, je consigne les critères pour interdire (ou non) une manif :
Bref, je voulais consigner tout ça que, perso, j'appelle connerie humaine habituelle, pas catalyse totalitaire (même si je suis d'accord avec le fond de cet article). Affirmer le contraire, c'est prêter à autrui une force, une organisation, une intelligence, etc. qu'il n'a pas.
Dans le cadre d’une action de groupe, plusieurs associations et ONG ont saisi le Conseil d'État afin de faire cesser la pratique des contrôles d’identité discriminatoires. Il ressort de l’instruction que la pratique de ce type de contrôles existe et ne se limite pas à des cas isolés. Si elle ne peut être considérée comme « systémique » ou « généralisée », cette pratique constitue néanmoins une discrimination pour les personnes ayant eu à subir un contrôle sur la base de caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée. Le Conseil d'État constate toutefois que les mesures demandées par les associations visent en réalité à une redéfinition générale des choix de politique publique en matière de recours aux contrôles d’identité à des fins de répression de la délinquance et de prévention des troubles à l’ordre public qui ne relèvent pas des pouvoirs du juge administratif. C’est pourquoi le Conseil d'État rejette le recours.
Intéressant.
Procédure initiée en juillet 2021.
Première action collective / recours collectif en droit administratif, devant le Conseil d'État (77-10-1 CJA).
Il résulte de ces dispositions que, dans les domaines mentionnés à l'article L. 77-10-1 du Code de justice administrative, une action de groupe peut être engagée devant le juge administratif, par une association satisfaisant aux conditions prévues par loi, lorsque plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, subissent chacune un dommage causé par une personne morale de droit public ou une personne morale de droit privé chargée de la gestion d'un service public et que les dommages ainsi subis trouvent leur cause commune dans un même manquement de cette personne morale à ses obligations légales ou contractuelles […] Lorsque le manquement résultant de l'abstention de la personne concernée [ de prendre toute mesure (juridique, financière, technique, organisationnelle, etc.) pour respecter la loi dans l'exercice de ses missions ] est établi et que les conditions fixées par le texte sont réunies, le juge saisi d'une action de groupe lui enjoint d'y mettre fin par toutes mesures utiles.
Le déroulé suit celui de l'arrêt sur le port du RIO par les flics pris le même jour, par la même formation. Par l'action de groupe, les associations requérantes (Amnesty International France, Human Rights Watch, etc.) ont porté des témoignages de personnes s'estimant victimes de contrôles au faciès (seul le juge judiciaire peut dire ce qu'il en est vraiment). Elles demandent au CE d'enjoindre au ministère de l'Intérieur de stopper les contrôles au faciès en prenant les mesures qu'elles préconisent et toutes autres que le Conseil jugerait utiles. Les contrôles au faciès sont interdits par le R. 434-16 du Code de la sécurité intérieure (et par la décision 2022-1025 QPC du Conseil constitutionnel). Offre de preuves supplémentaires : condamnation judiciaire pour des contrôles discriminatoires gare du Nord en 2017, rapport du Défenseur des droits, rapport de la Commission européenne, rapport du déontologue du ministère de l'Intérieur (comme quoi, ces rapports sont utiles), et témoignages de flics.
J'identifie un point craignos : c'est par absence de trace administrative des contrôles d'identité et de leur motif que les preuves sont jugées suffisantes. Vers un fichier des contrôles d'identités rempli de motif bidons pour les justifier ?
Le recours échoue par la nature des mesures exigées : les assos demandent des modifications législatives et/ou profondes (supprimer telle disposition, ajouter des critères dans tel article, crée une autorité indépendante de contrôle, imposer la remise d'un récépissé, changer le contenu des formations, renforcer la réponse disciplinaire, etc.). Tout cela est vague et hautement politique. Le juge n'a pas compétence pour définir une politique publique ni pour faire modifier la loi. En comparaison, dans le recours sur le non-port du RIO, les assos demandent pour « toute mesure utile », le changement d'une caractéristique technique du bandeau sur lequel est inscrit le RIO, le port du RIO (qui est déjà prévu par la loi), etc.
Au moins le Conseil d'État reconnaît des contrôles au faciès qui ne se limitent pas à des cas isolés, et donc un manquement du ministère de l'Intérieur (qui ne prend pas les mesures utiles pour les stopper dans un objectif de conformité à la loi).
Dans un arrêt du 08/03/2023, la Cour de cassation a confirmé la possibilité, pour une salariée du privé, de se voir communiquer, par son (ex-)employeur, les fiches de paie de salariés masculins occupant des postes de niveau comparable au sien, expurgées des données persos.
Attention : on est dans le cadre de l'article 145 du Code de procédure civile, c'est-à-dire dans une procédure permettant de demander à un juge d'ordonner toute mesure pour établir ou conserver des preuves avant un procès. On n'est donc pas dans un accès systématique / à tout moment, aux bulletins de paie de ses collègues (dans le cas d'espèce, on est même après un licenciement). De plus, il faut justifier d'un motif légitime (dans le cas jugé, la requérante a utilisé l'index et les rapports internes sur l'égalité hommes / femmes) et d'éléments de faits qui laissent supposer une inégalité infondée (pas objective).
Ce n'est pas nouveau, la Cour de cassation avait déjà jugée en ce sens en 2021 ainsi qu'en 2012. On retrouve cela dans un arrêt de la Cassation de mars 2025.
Ces derniers temps, la Cour de cass a priorisé le droit à la preuve sur plusieurs autres droits. Nouvelle illustration ici. La Cour a arbitré entre le droit à la preuve et la vie privée (RGPD). Pour elle, l'atteinte à la vie privée était nécessaire et proportionnée au droit à la preuve, quand bien même les données à caractère personnel ont été générées pour un tout autre motif (le premier usage d'un bulletin de paie n'est pas de permettre à autrui d'ester en justice). Je pense que la CJUE pourrait, avec les mêmes éléments, prioriser la vie privée, notamment car l'arrêt de la Cour va au-delà de la directive européenne de mai 2023, donc, comme d'hab', tout se discute. Dans un arrêt plus récent (septembre 2024), la Cour a jugé que la Cour d'appel n'avait pas évalué la nécessité à l'exercice du droit à la preuve ni la proportionnalité au but recherché, et qu'elle n'avait pas cantonné la demande (le salarié, au motif de discrimination, demandait la communication de tous les bulletins de paie depuis 1991, 2003 ou 2006 en fonction des groupes).
Pour moi, les salariés dont la fiche de paie a été communiquée doivent être informés : article 14 RGPD et droit d'accès à la liste des consultations de leurs données à caractère personnel.
La communication porte sur : nom, prénom, classification conventionnelle, rémunération mensuelle détaillée (fixe et variable) et rémunération brute totale par année civile. Le reste d'une fiche de paie doit être caviardé.
Toutes les primes sont communicables, y compris celles à la performance (qui ont un caractère individuel) ou uniquement celles liées à une fonction / sujétion particulière ? D'autant que la Cour de cass ne reprend pas le segment de phrase « (fixes et variable) » de la Cour d'appel.
Quel impact (par ricochet) sur l'employeur public ? Il n'existe pas d'équivalent du 145 CPC dans le droit administratif. Seules la rémunération indiciaire et les primes de fonctions / sujétion d'un fonctionnaire, bref, tout ce qui ne relève pas des primes liées à la personne, sont communicables. Depuis l'entrée en vigueur du RIFSEEP, comme tout est regroupé sous un même intitulé, IFSE, seule la rémunération indiciaire est communicable, alors que les inégalités injustes ne se cachent pas ici. La rémunération des contractuels, si elle est fixée d'un commun accord, sans règle régissant l'emploi occupé, n'est pas communicable (CE 343024 et CE 342339), alors qu'il peut y avoir des inégalités entre contractuels. Bref, il y a, me semble-t-il, une disparité entre public et privé. Mais, je pense qu'il sera difficile de convaincre une juridiction administrative d'harmoniser puisque une demande de communication au titre de l'article 145 du Code de procédure civile n'est pas l'équivalent d'une demande de communication au titre du Code des Relations entre le Public et l'Administration, notamment car cette dernière peut intervenir n'importe quand et viser n'importe quel agent. Mais quid d'une demande de communication CRPA ciblée et effectuée au motif d'alimenter un contentieux en cours ?
Quid, enfin, des autres formes de discrimination salariale (liée à la couleur de peau, etc.) ? Pour moi, le principe dégagé par la Cour s'applique vu que toutes ces discriminations relèvent de la même interdiction légale (au moins au niveau européen).
Le premier article que j'ai lu sur le sujet est celui de LQDN. À le lire, on pourrait penser que le groupe a été arrêté pour utilisation de Tails et de messageries chiffrées. Comme tout revenant d'un lieu de guerre, le prétendu leader est mis sous surveillance à son retour du Rojava (expérience anar, lutte contre Daech, etc.). Il y a aussi eu confection d'explosifs non utilisés et détention de fusils de chasse non déclarés. Le reste est pipeau : lectures révolutionnaires, idéologie révolutionnaire, utilisation d'outils de chiffrement, etc. Il n'y a aucun fait. Même les liens entre les membres de groupe sont flous (à part qu'ils connaissent tous le prétendu leader…). Ces absences sont le plus efrayant.
On reprochait au prétendu groupe de Tarnac le sabotage d'une infrastructure ferroviaire et des violences contre des flics lors d'un sommet. La qualification terroriste des faits a été écartée en janvier 2017 par la Cour de cassation qui n'a cependant pas argumenté sa décision. Manière de dire que les faits ne relevaient pas de la qualification terrorisme mais que d'autres faits pourraient un jour revêtir cette qualification ? De fait, le débat revient ici : quels faits relèvent du terrorisme ? La pêche paraît maigre…
Je ne partage pas la grille de lecture de LQDN : oui, c'est idiot de retenir l'utilisation d'outils de chiffrement comme éléments à charge, mais, à mes yeux, les flics anti-terro, les magistrats et les juges ont réagi comme ils l'auraient fait face à des lectures, idées, ou propos qui sortent de la norme qu'ils peuvent concevoir.Tout ce monde-là cherche à accuser en l'absence de faits, donc tout est bon à prendre. Dès lors, il me paraît imprudent de généraliser ou d'y voir une mise à mal du chiffrement. D'ailleurs, le prétendu groupe de Tarnac s'était vu reprocher des lectures…
ÉDIT DU 25/12/2023 : le tribunal correctionnel de Paris a rendu son jugement le 22/12/2023. Sans surprise, il condamne pour association de malfaiteurs terroriste.
« Affaire du 8 décembre » : l’inquiétante condamnation de militants comme terroristes (via) :
[…] pour le tribunal, les actes des mis en cause « supposent une organisation, une stratégie » qui traduit « de manière univoque leur volonté à plus ou moins long terme de commettre des délits ».
Cette analyse s’applique « sans qu’il soit nécessaire d’avoir de projet, explique la présidente. [ ni que les individus se connaissent tous ]
« Le groupe a fait part de sa volonté à plusieurs reprises de porter atteinte à l’intégrité physique de policiers, explique-t-elle, de s’armer pour la lutte contre ’les chiens de garde’ et ’la violence d’État’ et de constituer une ’milice armée’. »
Le fait de vouloir s’en prendre à des véhicules de police au cours d’une manifestation peut désormais constituer une intention terroriste. C’est-à-dire que l’intention de commettre des dégradations matérielles au cours d’une manifestation constituera un acte de terrorisme.
Affaire « du 8 décembre 2020 » : sept militants d’ultragauche condamnés pour association de malfaiteurs terroriste, dans une ambiance tendue (sans paywall) :
Pour le tribunal, « le but de troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur » est établi par « la volonté de porter atteinte à l’intégrité de policiers et de militaire, de s’emparer de leurs armes, de s’armer contre les “chiens de garde”, d’organiser une milice armée et de détruire des véhicules appartenant aux forces de l’ordre ».
[…] inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes, qui a des implications lourdes sur la vie des condamnés pendant au moins dix ans : obligations régulières de déclarations de domicile, obligation de déclaration pour tous les déplacements à l’étranger…
Ce deuxième article, comme d'autres, témoigne d'un plus grand chahut de la part de la salle (invectives, chants, etc.).
FIN DE L'ÉDIT DU 25/12/2023.