Dans le cadre de mes interrogations au sujet du financement de la presse française, j'ai été amené à saisir la Commission d'Accès aux Documents Administratifs. Voici ce que j'en retiens.
En gros, la Commission d'Accès aux Documents Administratifs (CADA) est une autorité administrative que l'on peut sonner quand l'État (au sens large) refuse de communiquer un document public (au sens large) (ou qu'il ne répond pas à une demande de communication d'un document public, pas de réponse = refus).
- Existence légale : le livre III du Code des relations entre le public et l'administration (CRPA) a remplacé la loi 78-753.
- Document public = un peu n'importe quoi (vrai document, note, infos dans un tableur, etc.). Il doit être communicable au public. Documents produits par une administration ou à sa demande (dans le cadre d'une prestation ou non). Il est ainsi possible d'interroger une société commerciale qui remplit une mission de service public afin d'obtenir la grille tarifaire du service, etc. Les arrêtés de nomination sont publics. Les organigrammes aussi. Les bulletins de salaire / bulletins de paie / fiches de paie des agents de la fonction publique sont communicables épurés des mentions persos comme l'adresse postale et les primes individuelles / rattachées à la personne comme le supplément familial, les primes de résultat / variables et l'IFSE (avant RIFSEEP : avis CADA 1, avis CADA 2, premier cas lu dans la presse ; après le RIFSEEP : avis CADA 3, avis CADA 4). Les notes de frais et reçus de déplacement, de restauration et de représentation d'élus locaux et d'agents publics (membres de cabinet, par ex.). La correspondance entre une administration et une autre entité, y compris les observations adressées dans le cadre d'une saisine CADA. Ne sont pas communicables : les documents publiés, les documents frappés d'un secret (secret défense, secret fiscal, secret des affaires, etc.), les documents en cours d'élaboration, les documents à caractère juridictionnel y compris les mémoires en défense / réplique produits lors d'une procédure judiciaire (y compris devant le juge administratif), etc. Voir L311-2, 311-5 et L311-6 du CRPA.
- Pour savoir si un type de document est communicable, tu peux chercher dans la liste des avis rendus par la CADA. Moteur de recherche sur son site web officiel et mini-site sur data.gouv.fr. Le deuxième recense tous les avis rendus par la CADA, ce qui permet de trouver des avis qui correspondent pile à la situation dans laquelle on se trouve et/ou qui sont plus compréhensibles (chacun son niveau de compréhension) et/ou qui sont plus récents (ça rassure toujours de vérifier que la doctrine n'a pas évolué).
- Si un document contient des secrets (cf. ci-dessus), mais qu'il garde du sens et un intérêt (au regard de l'info recherchée par le demandeur) s'ils sont occultés, alors l'administration doit communiquer le document caviardé, sinon non.
- La demande ne doit pas faire peser une charge excessive de travail (identification des documents, nombre de documents, caviardage, etc.).
- A priori, il n'est pas nécessaire de prouver la détention d'un document par l'État pour en réclamer une copie et, pour sûr, il n'est pas nécessaire de connaître le titre précis ou la référence précise d'un document, une description du contenu suffit. Mais, souvent, les administrations ne jouent pas le jeu.
- Il n'est pas nécessaire de s'adresser à la bonne sous-direction / au service / au bureau précis de l'administration qui détiendrait, selon toi, le document que tu cherches. Une administration est tenue de faire circuler, en son sein, une demande de communication d'un document jusqu'à la personne en capacité d'y répondre. Néanmoins, pour fluidifier la démarche, les administrations sont tenues, en fonction de leur taille, de désigner une personne responsable de l'accès aux documents (PRADA). Liste consultable ici (moteur de recherche web) ou là (format CSV).
- L'État a un mois pour répondre à ta demande de communication de documents ;
- La CADA doit être saisie dans les deux mois qui suivent le refus explicite de l'État ou l'absence de réponse de l'État après un mois (qui se conçoit comme un refus implicite). Voir ce schéma. Si l'État n'a pas envoyé un accusé de réception ou si celui-ci ne contient pas les mentions obligatoires (prévues au R115-5 du CRPA), alors tu as un délai raisonnable fixé à un an par la jurisprudence (arrêt Czabaj et arrêt CE 417270 pour les décisions implicites, source : rapport d'activité 2019 de la CADA, p. 15 et 115-119). Ce mécanisme d'AR est décrit dans une courte section du CRPA. Il ne s'agit pas de l'accusé réception La Poste d'une LRAR, l'État doit produire un accusé spécifique. Dans mon cas, en l'absence d'accusé de réception (hors celui de La Poste), j'ai saisi la CADA dix mois après ma demande à l'administration, et c'est passé (et c'est logique). (Le site web de la CADA fait référence à l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, abrogé en 2015, mais la disposition est désormais codifiée dans l'article L112-6 du CRPA). Attention : le délai d'un an ne court pas forcément depuis la date du rejet implicite, mais depuis la date à laquelle le demandeur a eu connaissance dudit rejet (il faut des indices : le délai est mentionné dans des échanges postérieurs, un courrier de relance du demandeur mentionne ladite décision, etc., la connaissance de la naissance de la décision implicite ne peut se déduire du seul écoulement du temps). Envoyer de nouvelles demandes à l'administration ne fait pas courir un nouveau délai de recours, il confirme le silence. Pour les détails sur cet AR, le point de départ du délai raisonnable de contestation, etc., lire les pages 115 à 119 du rapport de la CADA sous-référencé. Si l'État prend une décision explicite de rejet après son délai de réponse mais avant l'expiration du délai de recours, la décision explicite peut être contestée dans les 2 mois (R421-2 du Code de Justice Administrative). Si elle prend une décision explicite de rejet après le délai de recours, il s'agit d'une décision confirmative et seule la décision implicite est contestable sous un an ;
- La CADA a un mois pour répondre. En pratique, en 2021, le délai moyen annuel s'élevait à 82 jours. L'administration a un mois pour informer la CADA de la suite qu'elle va donner à un avis. En pratique, en 2021, le taux de réponse est de 61, 5 %. Source de tout ça ;
- Même si l'avis rendu par la CADA est consultatif (l'État peut décider de se torcher avec), la saisir est un préalable avant de pouvoir attaquer l'État en justice pour défaut de communication d'un document public. Attention : il n'est pas nécessaire d'attendre la réponse de la CADA pour attaquer en justice, il faut simplement l'avoir saisie ;) et c'est logique puisque… ;
- Deux mois après l'enregistrement de la demande d'avis par la CADA, si l'administration n'a toujours pas communiqué les docs, une décision implicite confirmant le rejet naît (R*343-4 et R343-5 CRPA) et se substitue à la décision de rejet qui a permis de saisir la CADA. Elle se conteste, sous deux mois, devant le tribunal administratif dont dépend l'administration à qui l'on demande des docs. Là encore, ce délai ne court pas si l'administration n'a pas délivré un accusé de réception en bonne forme, s'il ne mentionne pas un recours contentieux après le recours obligatoire à la CADA et les délais associés. Le délai est alors d'un an. Source.
ÉDIT DU 25/12/2022 : ajout des PRADA, des différents moteurs de recherche d'un avis CADA, et des documents à caractère juridictionnel. FIN DE L'ÉDIT DU 25/12/2022.
ÉDIT DU 17/01/2023 : en l'absence d'un accusé de réception délivré par l'administration sollicitée, le délai de recours n'est pas infini (contrairement à ce que j'avais écrit), il est d'un délai raisonnable fixé à 1 an par jurisprudence. FIN DE L'ÉDIT DU 17/01/2023.
ÉDIT DU 29/06/2023 : ajout du délai de traitement par la CADA, de l'obligation, pour l'administration d'informer la CADA de la suite donnée, et du recours post-CADA. FIN DE L'ÉDIT.