Une obligation que le Conseil constitutionnel avait pourtant refusée lors de l’examen de la loi Avia.
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La situation change toutefois quelque peu entre 2020 et 2022 : déjà, la loi plus récente [ 2022-1159 du 16 août 2022 ] n’est pas franco-française. Elle vient adapter notre droit à un règlement européen [ 2021/784 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne ], répétons-le. Or, cette adaptation est, à elle seule, une obligation constitutionnelle inscrite à l’article 88-1 de la Constitution.
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Dans un tel scénario, le contrôle des Sages de la rue de Montpensier se limite alors à vérifier si la transposition ou l’adaptation législative ne vient pas heurter un principe inhérent à « l’identité constitutionnelle de la France », qui ne trouve pas d’équivalent dans le droit européen. Les libertés de communication, d’information et d’expression ayant été plusieurs fois consacrées à l’échelle européenne, l’avenue s’est transformée en impasse et il reviendra à la Cour de justice de l’UE, plutôt qu’au Conseil, d’analyser ce nouveau régime.
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De même, sont expressément prévues deux exceptions : l’une pour les contenus diffusés « à des fins éducatives, journalistiques, artistiques ou de recherche, ou à des fins de sensibilisation contre les activités terroristes », l’autre pour « l’expression d’opinions radicales, polémiques ou controversées dans le cadre du débat public sur des questions politiques sensibles ».
https://libertescheries.blogspot.com/2022/08/loi-avia-le-retour.html :
Sans doute aurait-il pu statuer autrement car la séparation des pouvoirs pourrait fort bien être considérée comme un tel principe. [ identité constitutionnelle de la France ] […]
La lettre de saisine rédigée par des parlementaires LFI ne permettait guère, cependant, d'envisager la mise en oeuvre de la jurisprudence issue de la loi Avia. On ne saurait trop, à cet égard, leur conseiller de s'entourer des quelques vrais juristes. Ils s'appuient en effet exclusivement sur l'atteinte à la liberté d'expression qu'emporte la disposition litigieuse. Certes, il est incontestable qu'elle s'analyse comme une ingérence dans cette liberté, mais sa proportionnalité à la finalité recherchée ne fait aucun doute. Il y avait bien peu de chances que le Conseil voit une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression dans une disposition dont le seul but était de lutter contre les contenus terroristes.
Ceci d'autant plus que le juge constitutionnel refuse de donner son plein effet à l'article 66 de la Constitution qui dispose que "l'autorité judiciaire, (est) gardienne de la liberté individuelle", faisant de cette protection une norme constitutionnelle. L'intervention du juge judiciaire devrait donc être de droit. Mais sa jurisprudence restrictive, allant contre le texte même de la Constitution, considère que la liberté individuelle se limite au principe de sûreté. Or, on ne voit pas comment il est possible de considérer que la liberté d'expression n'est pas une liberté individuelle. Le Conseil constitutionnel malmène ainsi le texte constitutionnel.