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——————————— Monday 19, August 2019 ———————————

Festival d'Avignon 2019

Comme l'année dernière, j'ai assisté à l'édition 2019 du festival off de théâtre et de spectacle vivant d'Avignon. Ici, je vais donner mon avis sur le festival en lui-même. Pour lire mon avis sur les spectacles auxquels j'ai assisté, c'est par là.

Je refuse toujours d'assister au festival officiel (dit festival in) pour les raisons que j'évoquais l'année dernière : le prestige, la prétention et la haute culture, ce n'est pas pour moi.

J'adore toujours autant la parade (défilé dans les rues) qui marque le début du festival. C'est toujours un moment agréable et un bon endroit pour voir les comédiens défiler, faire des trucs hallucinants et distribuer des tracts. Mais, cette année, la parade n'a pas été ma seule source d'inspiration pour me rendre à des spectacles : conseil de collègues, marque-page publicitaire fourni par ma librairie préférée, parcours du catalogue numérique, etc. Les sources de pub se diversifient.

J'adore toujours autant que les rues de l'intra-muros s'animent avec des chants, des danses, des mini-spectacles sans prétention.

J'ai toujours beaucoup de mal avec le coût écologique des affiches placardées absolument partout en 20 exemplaires qui se décrochent à la première pluie. Une affiche pour un même spectacle par-ci, par-là serait suffisante. Certains trouvent que le bottin papier qui recense les spectacles est tout aussi inutile, mais je ne suis pas de cet avis : en en déposant un dans les lieux de vie en commun (la salle de pause de ton lieu de taff, par exemple), ça permet de toucher des gens qui n'auraient pas fait la démarche de consulter le catalogue numérique. Là, le catalogue papier est sous leur nez. Certains y jettent un coup d'œil et se laissent tenter.

J'ai toujours vraiment beaucoup de mal avec la distribution de tracts dans la rue. Il est toujours impossible de faire 50 mètres sans se faire interrompre. Je ne suis pas toujours disponible pour recevoir ces tracts : des fois, je réfléchis, d'autres fois je divague, et encore d'autres fois, je suis pressé.

Comme l'année dernière, je confirme que, durant le festival, tout lieu devient un lieu de représentation. Cette année, j'ajoute à ma liste le gymnase d'un collège-lycée, un appartement et un bar. L'année prochaine, je découvrirai peut-être que même une cave peut accueillir une représentation, qui sait ? :P

Je confirme qu'il faut arriver au moins 30 minutes avant le début d'un spectacle, car, même si t'as réservé ta place, comme elle n'est pas numérotée (sauf exception), cela permet d'avoir une très bonne place dans la file d'attente et donc de pouvoir choisir ton siège. C'est important si tu souhaites être au premier rang car t'es malvoyant ou malentendant, par exemple. Sans compter que, dans de nombreux théâtres, des sièges ont des angles morts avec la scène (pilier, etc.). Dans certains théâtres, il faut se méfier des deuxième et troisième rangs qui sont à la même hauteur que le premier, ce qui signifie que, si t'es petit et que tu t'y installes, tu vois essentiellement des têtes.

Un truc que je n'avais pas percuté l'année dernière, c'est que ce festival est aussi celui des spectacles vivants. Ça veut dire qu'il ne s'y joue pas que des pièces de théâtre, mais aussi des conférences gesticulées, des spectacles de magie, des monologues comiques, de l'humour seul en scène, etc.

Deux conseils utiles. Le premier, c'est de toujours prêter attention à la date de début et de fin d'un spectacle, car certains spectacles ne sont pas joués durant toute la durée du festival. De même, il faut prêter attention aux spectacles qui sont joués seulement les dates paires ou impaires. Attention : ce n'est pas les jours (lundi = impair, mardi = pair), mais bien les dates (16 juillet = paire, 17 juillet = impaire). C'est logique, dimanche = 7 et lundi = 1, donc il y aurait un couac, même si beaucoup de spectacles sont en relâche tous les lundis. Le deuxième conseil, c'est que les places vendues via le web (sur BilletReduc, par exemple), ne permettent pas toujours l'accès à la salle de spectacle : il faut parfois les échanger sur site avant la représentation.

Compte-tenu de l'affluence imprévisible (des spectacles "intellos" sont complets en semaine et en fin de semaine, des divertissements sont complets en semaine mais pas en semaine et inversement, des divertissements en soirée sont parfois moins complets en semaine qu'en fin de semaine, etc.), il est très recommandé de réserver ta place. Cela se fait en présentiel ou par téléphone. Dans les deux cas, il faut donner un nom et un numéro de téléphone. Il faut aussi donner son nom pour qu'il soit imprimé sur le ticket d'entrée. Je déteste donner ce type d'information. On ne sait pas à quoi ça sert (n'importe quel identifiant temporaire, genre un nombre imprévisible, ferait l'affaire, et, dans le cas du nom imprimé sur le billet, c'est pour une éventuelle réclamation ou un désistement, m'a-t-on dit, ce qui me convainc qu'à moitié) ni ce qui sera fait de ces infos (dans un futur plus sombre, j'ai pas forcément envie que l'on ait des traces qui disent à quels spectacles j'ai assisté) ni combien de temps elles seront conservées. Bref, je trouve que c'est très limite vis-à-vis de la loi de 1978 sur les fichiers nominatifs (et du RGPD, si l'on veut paraître moderne). J'ai choisi de ne pas réserver et de retenter ma chance en présentiel, encore et encore et encore. L'inconvénient, c'est que c'est extrêmement chronophage et sans garantie de résultat. Quand je n'avais plus trop le choix, j'ai demandé s'il était possible de réserver puis d'acheter une place sans donner de nom. La réponse est très majoritairement négative. Alors, j'ai décidé de donner un nom d'emprunt (et pas de numéro de téléphone), généré au pif, différent à chaque spectacle afin qu'on ne puisse pas recouper les différents spectacles auxquels j'ai assisté. Attention à ne pas utiliser l'identité d'une personne que tu connais, sinon c'est de l'usurpation d'identité, ce qui est interdit. (J'avais aussi pensé à donner les quatre premières lettres du résultat de la fonction mathématique sha256 avec mon pseudo et le nom du spectacle en arguments. Exemple : echo -n 'GuiGui-LPEAMC' | sha256sum | head -c 4 soit e2c9 pour ce spectacle. Un mélange entre un pseudo et le nom d'un spectacle permet de garantir que le pseudo que je donne est différent à chaque spectacle, ce qui empêche de recouper les spectacles que j'ai vus… Sauf que comme je suis le seul à utiliser cette méthode, il est en fait extrêmement facile de me tracer). À ceux qui voudraient me dire que tout ça sert à rien puisque je publie ici-même la liste des spectacles auxquels j'assiste. D'abord, rien permet à qui que ce soit d'affirmer que je publie la liste complète. ;) Ensuite, dans des temps plus sombres, je publierai rien, mais il faudra que la possibilité d'assister à des spectacles sans donner son nom ait perduré, et on la fait perdurer en étant majoritaire à ne pas donner son nom dès aujourd'hui. Enfin, mon audience ici n'est pas forcément identique à celle que je cherche à éviter. Ce n'est pas parce que je parle de quelque chose à un cercle (famille, amis, collègues, lecteurs de mon shaarli), que j'ai envie que l'info déborde du cercle dans lequel je l'ai rendu publique. Sans compter qu'ici, je bénéficie d'un pseudonymat tout relatif.

L'avantage de mon comportement décrit au point précédent est que ça permet de créer des liens. Je pense à cette guichetière qui m'a appliqué le tarif OFF (alors que je n'ai pas la carte de réduction, car, là aussi, il faut communiquer une identité…) après m'avoir vu tenter plusieurs fois d'obtenir une place. Je pense à cette autre guichetière qui avait sorti une place du lot en vente ce soir-là, car elle supposait que j'allais encore re-re-re-tenter ma chance ce soir-là. Je pense à ces guichetiers qui ont monté un petit sketch comique "‒ ha, tiens, monsieur je-n'ai-pas-de-nom, tu penses qu'il a réservé cette fois ? ‒ Ha bah non, tu penses bien. ‒ Ça va être le running-gag de l'été. ‒ je peux peut-être prendre un pseudo. ‒ waaaah t'es trop ouf de lui avoir demandé un pseudo". :D

Dans la continuité, je conchie les théâtres suréquipés en caméras de flicage vidéo et/ou équipés en agent de sécurité privés qui fouillent les sacs. Je ne supporte pas ce monde où l'on suspecte tout le monde en permanence et dans lequel on souhaite se protéger de tout le monde en permanence. Je pense au théâtre du train bleu et au théâtre des carmes (oui, le théâtre qui a vu naître le festival OFF…), par exemple. Le nom d'un troisième théâtre m'échappe… Je le rajouterai quand ça me reviendra.

Dans l'un des rares lieux de représentation où les places sont numérotées, un spectateur plutôt âgé expliquait que les places numérotées, c'est trop bien, ça évite de devoir galoper et d'attendre entre les spectacles. Il préconisait une généralisation de ce système, avec choix du siège durant la réservation sur le web. Je suis fasciné par la capacité des gens à trouver quelque chose de génial dès lors qu'il y a un bout de technologie au milieu, comme si sa seule présence avait le pouvoir de tout rendre fantastique et de résoudre magiquement les problèmes de fond. Si tu leur créais un site web qui désigne les prochaines victimes de viol, ils te diront que le viol c'est trop bien. Perso, les places numérotées ne me tentent pas. Quid des réservations qui sont annulées ? Cela me prive d'une meilleure place qui est pourtant libre le jour J. On m'a vendu une place numérotée sur un zoli schéma… qui évidemment ne mentionnait pas les gros piliers qui empêchent de voir la scène depuis certains sièges ni le fait que les deuxièmes et troisièmes rangs sont à la même hauteur que le premier (coucou les têtes du premier rang si t'es petit) ni le bout de scène qui sera réellement utilisé par l'artiste (alors que, de visu, tu le devines en fonction des objets présents sur scène). Bref, si un schéma n'est pas la réalité, il est en revanche la porte ouverte à des entourloupes commerciales. Quid du flicage ? Je n'ai pas envie d'utiliser un site web de réservation (voir ci-dessus pour les raisons, sans compter que ça peut tomber en panne, que ça exclu les personnes non-équipées, et que c'est abstrait alors que j'aime les échanges de main à main) ni qu'il associe mon numéro de carte bancaire, mon identité et d'autres infos à un siège précis, infos qui seront connues par une tripoter d'acteurs techniques… Enfin, je trouve qu'attendre avant un site web est plutôt agréable. C'est un mec impatient qui écrit ça ! Ça permet de se vider l'esprit, de se préparer au spectacle, etc.

Quand tu n'as pas réservé, ça sert à rien de t'enregistrer sur la liste complémentaire. Tu pourras acheter les places seulement quand tout le monde (ou presque) sera entré dans la salle de spectacle. Donc, tu auras une place pas top : dans les escaliers, angle mort avec la scène, etc. De plus, quand tu arriveras dans la salle, le spectacle aura souvent commencé.

Au guichet de certains théâtres (et autres lieux de représentation), il est possible d'acheter directement ta place pour une date future sans réservation préalable. Je parle bien d'une vraie place, pas d'un ticket échangeable le jour J. Normalement, elles sont mise en vente en présentiel 45 minutes - 1 heure avant le début de la représentation. Néanmoins, on m'a vendu une place pour une représentation qui avait lieu deux jours plus tard dans un cas, et une semaine plus tard dans un autre cas. J'ai aussi essuyé des refus ("en vente 1 heure avant uniquement"). Bref, il ne faut pas hésiter à demander…

Je constate que les gens assistent à des spectacles engagés. Exemples : la salle qui accueillait une représentation du Discours de la servitude volontaire peut contenir 49 personnes et elle a été complète tous les jours. Plus d'un millier de personnes ont donc assisté à ce spectacle. Même chose pour un spectacle de vulgarisation de raisonnements philosophiques dont la salle peut accueillir 149 personnes. Ça permet de nuancer l'idée reçue selon laquelle les gens voudraient seulement consommer du divertissement.

Dans les banalités, je me suis fait reconnaître par des artistes. Forcément, assister à deux de leurs spectacles deux années de suite… :D

À l'année prochaine ?

Mon avis sur quelques pièces de théâtre et autres spectacles

J'ai assisté à ces spectacles lors de l'édition 2019 du festival off d'Avignon, mais ils sont quasiment tous joués dans toute la France voire, pour certains, dans la francophonie.



Voici mon échelle de jugement (de ce que j'ai le plus apprécié à ce que j'ai le moins apprécié) :s qu'il a vendu car il att

  • « je recommande très vivement […] » = ce spectacle m'a appris des choses importantes ou il m'a ému ou il m'a beaucoup fait rire, en tout cas, il m'a bouleversé (18-20/20) ;

  • « je recommande vivement […] » = ce spectacle m'a appris des choses importantes ou il m'a ému ou il m'a beaucoup fait rire, en tout cas, j'ai passé un excellent moment (16-18/20) ;

  • « je recommande ce spectacle […] » ou « bon divertissement » ou « j'ai passé un bon moment » = j'ai appris des choses ou j'ai bien rigolé, j'ai passé un moment agréable (14-16/20) ;

  • « divertissement, mais sans plus », « divertissement ou spectacle intéressant [ mais sans plus ] » ou « spectacle que l'on peut voir » = j'ai bien rigolé, c'était sympa, mais sans plus (12-14/20) ;

  • « divertissement qui se laisse regarder » ou « je suis très mitigé » = ce spectacle était plaisant, on peut y assister si l'on s'ennuie, mais la valeur ajoutée me semble faible (10-12/20) ;

  • « Spectacle à fuir » ou « je n'ai pas aimé […] = je déconseille vivement d'y assister, même si l'on s'ennuie (< 10/20) ;



La liste à venir est classée par ordre chronologique, c'est-à-dire l'ordre dans lequel j'ai assisté aux spectacles.


#DEMAINJEMELÈVEDEBONHEUR!

Genre : humour (quasi) solo
Interprètes : Cartouche et Sidney ZAOUI de la compagnie Youpla Boom Productions

Cartouche va nous confier les secrets du bonheur. Rien de neuf ni d'extraordinaire, en fait. Il raconte l'histoire de sa vie (gamin qui subi les choix vestimentaires de sa mère, ado boutonneux, etc.). Il interagit avec le public en imaginant des situations ("tu n'es pas heureux car… ta copine t'as quitté"… … … sur un ado qui n'a pas (encore) de copine :D). Plusieurs séquences vidéos sont projetées dont, ATTENTION DIVULGATION PRÉMATURÉE, un extrait de Rox et Rouky. FIN DE LA DIVULGATION PRÉMATURÉE. Au final, je retiens les conseils banals suivants : dire aux gens qu'on les aime, pratiquer l'étreinte sans contrepartie et se souvenir que le bonheur est relatif (chacun désire des choses différentes et le bonheur né, entre autres, de l'adéquation entre nos actes et nos désirs).

Bref, il s'agit d'un divertissement qui se laisse regarder.


Nos pénis divergent

Genre : humour en groupe
Interprètes : François RIVIERE, Antoine BERNARD et Nicolas GILLE de La grosse compagnie

Dans une émission de TV à la Ça se discute (en plus déjantée et avec un présentateur à l'égo surdimensionné), des pénis prennent la parole pour exposer leurs problèmes du quotidien. Les interprètes évitent le terrain archi-galvaudé de la taille, mais on n'échappe pas aux autres grands classiques (la capote, la vulve (mal-)odorante, l'ennemi féminin, etc.). Dans le registre de l'ennemi féminin, du doute, de la peur, je préfère largement le sketch La première fois de Dubosc dans son spectacle Il était une fois… Franck Dubosc (où il compare la peur de la première fois à la peur ressentie par le soldat en pleine guerre du Viêtnam). Le trio d'interprètes est dynamique et débitent des jeux de mots bien sentis. C'est ça, ainsi que l'interaction avec le public (jeune, probablement une colonie de vacances), qui a probablement fait de ce spectacle un bon moment.

Bref, il s'agit d'un divertissement intéressant, mais sans plus.


Ersatz

Genre : mime
Interprète : Julien MELLANO de la compagnie Aïe Aïe Aïe

Critique de l'homme augmenté / virtuel / fusionné avec la machine / solitaire. Inhumain ? J'ai beaucoup de mal à apprécier le mime, mais j'ai été impressionné par les accessoires, les bruitages, la synchronisation entre l'interprète et les bruitages, etc. En revanche, ceux qui ont les yeux sensibles aux changements de l'intensité de la lumière, prenez des lunettes de soleil peu opaques, car les changements brutaux de l'intensité lumineuse sont vraiment très difficiles à supporter. Sur le fond, quelques temps forts sont très intéressants et, d'une manière générale, cet homme isolé et froid m'a glacé le sang, mais je pense qu'il s'agit d'une exagération d'un futur possible qui, du coup, ne convaincra pas.

Bref, je n'ai pas aimé ce spectacle, mais c'est très probablement à cause du genre (mime) et de la torture lumineuse.


La philosophie enseignée à ma chouette

Genre : conférence gesticulée / humour
Interprètes : Yves CUSSET et Sarah GABILLON de la compagnie Un jour j'irai

Vulgarisation de quelques raisonnements philosophiques (Schopenhauer, Descartes, Épicure, Freud, etc.), avec beaucoup, beaucoup d'humour. J'en retiens :

  • L'inconscience, c'est le bonheur (Adam et Eve au paradis), mais à quoi ça sert d'être heureux si l'on ne s'en rend pas compte. La conscience rend le monde moche (Adam et Eve, chassés du paradis après avoir mangé une pomme qui symbolise la conscience, découvrent un monde hostile), mais elle offre également la possibilité de jouir du bonheur. On retrouve ici la théorie selon laquelle il faut connaître le malheur pour connaître le bonheur, en somme ;

  • L'amour, c'est l'encadrement de nos pulsions. Pas seulement les pulsions sexuelles, mais aussi le désir profond de la vie qui nous transcende et utilise nos corps pour perdurer ;

  • La vie alterne entre ennui et souffrance (Schopenhauer). Si l'on se focalise sur notre souffrance, on ne s'ennuie pas (mais on est malheureux). En revanche, si l'on s'ennuie, alors on en souffrira. Il faut donc réaliser des activités afin de casser ce cercle vicieux. Mais, d'un autre côté… désirer, c'est souffrir (Épicure), car quand un désir est assouvi, on s'ennuie… ;

  • Dans la mythologie grecque, le vol du feu divin par Prométhée permet la survie des humains, car la maîtrise du feu renforce l'humain faible par nature. L'humain a donc cette capacité de s'opposer à sa condition naturelle de faiblesse en maîtrisant la technique. Mais, par cette maîtrise, l'humain a aussi le potentiel de s'auto-détruire, pas seulement en tant qu'individu, mais en tant qu'espèce, ce dont les autres animaux sont démunis. Ce sont les armes nucléaires et thermonucléaires, par exemple. Le feu qui se retourne contre l'humain apparaît dans la mythologie grecque sous la forme de la folie humaine qui est de se croire supérieurs aux dieux ;

  • On nous propose sans cesse de jouir de l'instant présent. C'est une chimère, car l'instant présent, à peine né, devient du passé, donc il s'évapore. Il vaut mieux jouir d'une succession de moments passés. Pratiquer la nostalgie positive, en somme ;

  • Le temps qui passe est une peur. On peut tous s'offrir des moments d'éternité dans le temps fini de nos vies, car la perception du temps est relative, donc le temps ralentit quand nous passons un moment agréable. À nous de construire ces petits moments agréables ;

  • Raisonnement de Descartes pour démontrer l'existence de Dieu : l'idée d'une substance infinie ne peut pas apparaître dans l'esprit d'un être fini sans avoir été semée par un être infini.

Le philosophe pense pendant que les autres dépensent.

Bref, ce spectacle est tout simplement fabuleux, prodigieux, génial. Je recommande très vivement d'y assister. Il illustre que les raisonnements philosophiques ne sont pas forcément chiants comme la mort. En revanche, je ne suis pas certain que ce spectacle donne à voir une image satisfaisante de la femme, car celle présente sur scène a peu l'occasion de débiter des propos intéressants. Elle est cantonnée au rôle de la chouette puis de la croyante qui parle à dieu (Yves Cusset, bien entendu) puis…


Petit manuel d'engagement politique à l'usage des mammifères doués de raison et autres hominidés un peu moins doués

Genre : humour
Interprète : Yves CUSSET de la compagnie Un jour j'irai

Compte-tenu de l'autre spectacle joué par l'interprète (La philosophie enseignée à ma chouette), je m'attendais à une conférence gesticulée sur les manières de s'engager dans la politique c'est-à-dire la prise de décisions collective pour l'organisation de la vie en commun). Il n'en est rien, il s'agit d'un spectacle humoristique qui, certes, dénonce la passivité de chacun lorsqu'il s'agit de penser collectivement. L'interprète débitera donc des évidences comme la droite, c'est naturel, tout homme inerte penche vers la droite ; l'asile ou la naissance, c'est bien pareil : on vient de rien, sans papier et on existe quand même, donc la peur des réfugiés relève du n'importe quoi ; on est tous engagé politiquement en fait : engagés dans une vie de merde individualiste, nous allons tous dans la même direction : métro, boulot, dodo, vie de merde. C'est le parti politique extrêmement majoritaire en France. J'ai beaucoup apprécié la mise en scène d'un membre de la PAF (Police Aux Frontières) qui interprète une révision du Déserteur de Boris Vian pour signifier son refus d'obéir au rejet des réfugiés, c'était juste magnifique.

Bref, il s'agit d'un spectacle drôle mais pas innovant qui permet néanmoins de passer un bon moment. Mais si tu dois choisir entre ce spectacle et La philosophie enseignée à ma chouette, choisis le deuxième sans hésiter.


Self coaching

Genre : humour seul en scène
Interprète : Ludovic MONROE

La chute d'un gus bien éduqué à qui son école de commerce surfaite lui a ancré dans la tête qu'il est un sur-adapté qui peut prétendre à des emplois prestigieux. Évidemment, il se découvre sous-adapté, perdu dans la folie des postes dits à responsabilité, et isolé. je retiens quelques trucs : il vaut mieux désirer être moyen et remplacer le désir de la performance par la performance du désir (vivre intensément ses vrais désirs) ; La psychothérapie a pour but de soigner un traumatisme passé. La psychanalyse a pour but de parler, le psychanalyste étant l'intermédiaire entre soi et son soi profond. Les thérapies courtes ont une fâcheuse tendance à devenir longues. La thérapie comportementale est un truc à regarder. Je suis déçu : je m'attendais à une critique de la performance ou de la mesure permanente de soi (avec la notation en entreprise et les objets connectés à la maison) qui conduit à la folie.

Bref, il s'agit d'un divertissement qui se laisse regarder.


Révolte

Genre : théâtre engagé
Interprètes : Agnès GUIGNARD, Denis JOUSSELIN, Francesco MORMINO et Leila SCHAUS de la compagnie Théâtre du centaure

Un spectacle féministe revendicatif et incisif. Le franc-parler est-il la conséquence de l'origine luxembourgeoise de cette compagnie théâtrale ? En tout cas, c'est fortement appréciable. Il faut reprendre le vocabulaire : une femme peut aussi baiser un homme ; est-ce le pénis qui pénètre ou le vagin qui entoure ? La femme doit se ré-approprier son corps. Celle que l'on injurie de salope est libre : elle a réduit les frontières entre elle (son corps) et l'extérieur. Elle se donne en spectacle. On ne peut plus rien lui prendre, car elle donne déjà tout. L'homme ne peut plus désirer la pénétrer, puisqu'il n'y a plus de dedans et de dehors clairement établi. Il faut se réapproprier nos emplois du temps… et ce spectacle illustre que le refus des patrons sera tenace (celui mis en scène propose espaces de pause, d'amener le chien au bureau, etc. pour éviter une demi-journée hebdomadaire d'absence). Quand on demande en mariage, on croit dire qu'on aime, qu'on veut partager la vie de l'autre et plein d'autres attentions gentilles… mais on dit rien de tout cela, le mariage en lui-même n'a pas cette signification. Cette troupe traite aussi de la violence conjugale et du mal-être profonds des gamins qui naîtront d'une telle union.

Bref, je recommande vivement d'assister à ce spectacle.


Les entretiens d'embauche

Genre : comédie humoristique
Interprètes : Mathias SENIE, Eugénie DE BOHENT, Mathieu MOCQUANT, Perrine LENZINI, Thibault DENISTY et Hortense DU BERNARD de la compagnie Des oh et des bah

Les interprètes simulent des entretiens d'embauche. Je m'attendais à une satire, mais on est plus proche d'une comédie. Forcément, il y a l'entretien d'embauche classique du mec hyper diplômé que l'on fait chier pour un trou d'un mois dans son CV. Il y a l'entretien tout aussi classique du bluffeur qui n'a pas du tout les compétences requises. Puis vient le recruteur imbu de sa personne. Et puis, il y a les entretiens plus inattendus. Celui conduit par un robot (même s'il est cliché et que les robots actuels dysfonctionnent déjà beaucoup moins que ça). Un entretien amoureux dans lequel la femme se met à son avantage et le mec ignore ses réponses, sauf celles sur les pratiques sexuelles (qui sont perçues comme des compétences). « ‒ Vous faites quoi, là ? ‒ Je calcule si vous êtes plus rentable qu'une pute ! Alors, menu à volonté Flunch 12,90 € plus […] ». Il obtiendra une période d'essai de 3 mois. Et enfin… un entretien entre un ovule snobe et le spermatozoïde gagnant. L'accueil en musique (Le bal masqué de la Compagnie créole) était sympa. Considérer chaque membre du public comme un chercheur d'emploi et lui octroyer un travail d'une heure (avec un représentant du personnel désigné :D) l'est tout autant. Le duo était dynamique. j'ai beaucoup rigolé.

Bref, je recommande d'assister à ce divertissement.


L'amitié entre les hommes et les femmes n'existe pas

Genre : comédie
Interprètes : Nicolas GILLE et Benoît GAUDRIOT de La grosse compagnie

Un gus débarque chez son ami au bord du suicide (Le mal-aimé de Claude François est diffusée) car sa copine (qui est amie avec le protagoniste qui vient d'entrer) l'a quitté. Chacun expose son opinion sur les amis qui gravitent autour d'une femme en couple, entre celui qui croit à une sincère amitié et l'autre non. On enchaîne sur des clichés : les femmes veulent ceci et cela et c'est contradictoire. Le plus marrant étant « elles veulent de la douceur, de la prévenance, etc., mais un coup de bite brutal de temps en temps, ça ne se refuse pas ». Ensuite, une histoire folle se met en place où l'ami essaye de savoir ce qui s'est passé, et, au fil des réponses loufoques et des quiproquos, on a de plus en plus l'impression que l'ami a craqué et qu'il a buté sa copine. Je ne peux pas détailler la suite, mais l'angle d'attaque m'a vraiment surpris, et je suis entré sans trop de peine dans l'histoire.

DIVULGATION PRÉMATURÉE de l'intrigue jusqu'à la fin de ce paragraphe : au final, le gus tue son ami qu'il pense être coupable de meurtre… avant de recevoir un appel téléphonique de la copine… durant lequel il avoue ne pas être intéressé pour plus qu'une amitié… prouvant ainsi que l'amitié entre les hommes et les femmes existe. Finalement, on découvre que tout cela (le suicide, les réponses loufoques, le meurtre de l'ami) est une mise en scène (et un coup de chance pour le meurtre) du prétendu suicidé destinée à connaître les vrais sentiments de l'ami (voudrait-il avoir des relations sexuelles avec sa copine quand celle-ci le quitterait ?). FIN DE LA DIVULGATION.

Bref, je recommande d'assister à ce divertissement.


Histoire du communisme raconté pour les malades mentaux

Genre : théâtre contemporain
Interprètes : Théa ANCEAU, Ronan BACIKOVA, Fanny BIZOUARD-BACHELIN, Antonio BRUNETTI, Marie-Anne FAVREAU, Sacha GUITTON, Eleonore HAENTJENS, Jean HUSSON, Lucie JOUSSE, Paul LUNEAU, Lisa MARIE-ROSSO et Mathieu RIBET de compagnie Conspi Hunter

En 1953, un poète du Parti communiste de l'Union soviétique est envoyé dans un hôpital psychiatrique afin d'expliquer aux malades la Grande Révolution et le régime stalinien, car, après tout, personne doit être en dehors de la société (et, surtout, car personne doit ignorer l'existence du Grand Camarade Staline). Ainsi, la doctrine de Lénine est résumée à « construire un pays où personne ne foutra plus personne dans la merde » (et Staline est présenté comme un ami de Lénine). Ce mantra sera récité en boucle aux malades. Le poète explique les kolkhozes, ces expropriations de terres afin de moderniser le pays dans le but de pouvoir faire face aux pays capitalistes (les États-Unis connaissent un boom économique depuis les années 1920). Puis, il explique comment on a voulu commencer à vouloir séparer les indésirables (les koulaks expropriés, les diplomates, les vagabonds, etc.) du reste de la société et à rechercher une certaine forme de pureté (trier les malades mentaux avec une méthode scientifique, interdire des relations sexuelles ou en autoriser d'autres, etc.). On se rend compte que les fous ne le sont pas autant que ça : ils ont bien perçu les dérives du régime stalinien. Puis l'hôpital apprend la mort du Grand Staline, la fin de tout…

Bref, il s'agit d'un spectacle que l'on peut voir, mais sans plus. Le spectacle ne se suffit pas à lui-même pour comprendre la période présentée, il faut des connaissances supplémentaires (sur le pourquoi des kolkhozes, par exemple), ce qui est dommage.


L'enseignement de l'ignorance

Genre : théâtre engagé
Interprètes : Héléna VAUTRIN, Frédéric GUITTER et Seb LANZ de la compagnie DDCM - La Vie Moderne

On pouvait s'attendre à une analyse critique habituelle de l'école. Raté ! Ce spectacle prend l'école comme élément dans un tout : l'économie libérale. En effet, en 1995, lors du State Of The World Forum, environ 200-500 dirigeants, économistes et scientifiques exposent la conclusion qu'au 21e siècle, deux dixièmes de la population active mondiale suffiront à maintenir l'activité économique. Dans ce contexte, comment gouverner 8/10 de la population mondiale qui sera sans emploi donc sans revenus dans le système actuel ? Réponse : le tittytainment, un mélange d'aliments et de nourriture de l'esprit provoquant une léthargie, mais aussi « tits », les seins en anglais, ce qui fait penser à une actualisation de l'expression latine « Panem et circenses » (« Du pain et des jeux »), ce qui renvoie aux divertissements douteux et anesthésiants (téléréalité, séries télévisés, jeux d'argent, etc.) qui pullulent de nos jours. Dans ce contexte-là, l'école est inutile, on la rationalise avec les sciences de l'éducation, puis on laisse les sociétés commerciales vendre leur modèle (privation lente de l'école) puis, en fait, on se rend compte que s'attaquer à l'école sert à rien : il suffit d'envelopper en permanence le citoyen dans du divertissement et, hop, ça nettoie le cerveau sans cristalliser d'opposition.

Évidemment, on cite le théoricien de l'économie libérale, Adam Smith « Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu'ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme. » afin d'illustrer que les comportements individualistes actuels ne sont une dérive, mais bien le comportement escompté. On cite son condisciple David Hume : « Il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde à une égratignure de mon doigt » qui signifie que la passion de l'humain précède et domine sa raison, ce qui nous condamne.

À la sortie, j'étais perplexe : ce spectacle n'est-il pas lui-même du tittytainment ? Après tout, cette pièce est dérivée d'un livre afin de le rendre accessible et, surtout, une femme se trémousse, prend des poses suggestives et simule un orgasme… Alors, oui, elle récite aussi des propos des théoriciens de l'économie libérale, mais assez peu, en comparaison.

Bref, il s'agit d'un spectacle intéressant (mais sans plus), même si les idées qui y sont développées ne sont pas nouvelles. Attention : il y a beaucoup de texte à lire sur un écran et certains passages sont modérément écrits petit, donc essaye de trouver une place en fonction de ton niveau de vision. ;)


Banque centrale

Genre : conférence gesticulée
Interprète : Franck CHEVALLAY de la compagnie Sol en scène

Vulgarisation de la création monétaire via le regard d'un fou interné qui conte, à son médecin, la micro-société marchande fondée par les patients au sein de l'établissement ainsi que son désarroi.

Dans cet hôpital psychiatrique, pour tout service qu'on lui rend, Mémoire, un patient amnésique, distribue un coquillage. Cela lui permet de se souvenir qu'il a une dette envers quelqu'un qui lui présente un coquillage. Montre-lui le coquillage et il te rendra service. Quand Mémoire disparaît, personne sait où trouver des coquillages (qui doivent être rares, sinon c'est falsifiable et alors tout le monde peut réclamer un service à Mémoire) et puis il faut faire taire ce concours qui consiste à savoir qui a le plus gros coquillage. Quelqu'un propose d'utiliser des morceaux de sucre, car ils sont tous taillés à l'identique. Problème : le personnel médical distribue du sucre le lundi… donc les sucres perdent de leur valeur (inflation), alors que les coquillages étaient rares dans cet hôpital (mais pas au bord de mer, tout est relatif). Puis, puisqu'entre patients tout s'échange avec du sucre, un patient se met à prêter du sucre moyennant intérêt afin de faciliter la vie de tout le monde. Puis il se met à prêter du sucre qu'il n'a pas… car il sait que demain, il détiendra réellement les morceaux de sucres qu'il a prêté aujourd'hui car il attend les retours et les intérêts des prêts antérieurs. Quand on lui détruit ses réserves de sucre par vengeance (payer la location de sucre que le gus n'a pas, c'est dingue !), ce gus décrète que ça n'a pas d'importance, car il a consigné, dans un carnet, qui lui doit des sucres, donc, si besoin, il fera jouer son droit de nantissement et obtiendra ainsi les sucres, qu'il pourra distribuer aux gens qui en réclament. Et si un nombre élevé de patients ne remboursent plus ? Tout s'écroule…

Dans notre monde, les banques rendent aussi de vrais services : protéger des dépôts d'argent (surtout avant la dématérialisation, le fait qu'elles aient des coffres dans plusieurs villes permet aux particuliers et professionnels de ne pas transporter d'énormes sommes entre deux villes en risquant une attaque armée de leur calèche par des bandits) et prêter de l'argent qui existe (qu'elles ont dans leur coffre). Mais, c'est aussi parti en sucette avec les prêts d'argent qui n'existent pas puis les prêts d'argent qui n'existent pas à des gens qui ne peuvent pas rembourser couplés à des taux d'intérêt progressifs exorbitants couplés à des produits financiers dérivés et autres magouilles afin d'assurer ces prêts extrêmement dangereux, prêts qui seront échangés sur toute la planète… Oui, c'est bien la crise de 2008, dite des subprimes qui est ainsi résumée. Et quand les emprunteurs qui ne peuvent pas rembourser se mélangent avec des gens qui veulent récupérer leur dépôt, comment faire puisque l'argent des dépôts n'existe pas (il est seulement une ligne dans un carnet comptable) et que l'argent tout aussi virtuel prêté ne permettra pas d'encaisser d'intérêts (ce qui aurait pu permettre de distribuer l'argent aux déposants qui le réclament) ? Les titres de créances ne valent plus rien. Les titres financiers qui les assurent ne valent plus rien. Et comme ces titres financiers ont été échangés sur toute la planète, tout s'écroule pour ceux qui en détiennent encore (le film Margin call résume très bien ce petit jeu des chaises musicales (voir mes notes sur ce film)).

L'interprète tacle l'Union Européenne qui interdit à la Banque Centrale de prêter aux États. Ainsi, les banques privées octroient des prêts délirants afin de se faire du blé, puis, quand tout va mal, elles viennent pleurer auprès des États (si l'on tombe, tout tombe : le commerce, les emplois, votre légitimité de chef d'État, etc.)… qui sont obligés d'emprunter à un taux non-nul aux banques privées afin que celles-ci aillent se refinancer à taux quasi-nul auprès de la Banque Centrale Européenne en posant en garantie les titres de créance des États emprunteurs (les banques privées se font ainsi des bénéfices sur la propre merde qu'elles ont semée !)… L'interprète explique cette situation par le lobby bancaire qui a su tirer parti de la difficulté pour des États européens (ou des personnes) à se mettre d'accord. Exemple : la France a toujours plutôt voulu une politique d'émission fréquente de monnaie, politique dite inflationniste, là où l'Allemagne a toujours plutôt voulu une politique déflationniste lui permettant d'épargner. Les contraintes économiques des deux États (croissance, commerce extérieur, taux d'épargne, etc.) ne sont pas identiques, donc la politique monétaire (inflationniste, déflationniste, etc.) ne peut pas être identique. Comment mettre d'accord tout ce beau monde ?

L'auteur rappelle que, si les banques privées créent de la monnaie scripturale (dématérialisée) qui n'existe pas en accordant des prêts, seules les banques centrales créent de la monnaie fiduciaire (pièces et billets). Le coût de production de certaines pièces (1 et 2 centimes d'euros, principalement) dépasse leur valeur d'échange (le prix indiqué dessus) donc les États s'endettent auprès des banques privées pour créer cette monnaie-là avant de la revendre aux banques privées (voir Pourquoi la fabrication de pièces rapporte des millions à l’Etat). Lol…

J'aime beaucoup cette imitation d'un banquier Florentin du 14e siècle pour justifier pourquoi personne n'a pu (ou voulu) arrêter les banques quand on a découvert qu'elles prêtaient de l'argent inexistant : « si el senior Banco y tombe, tout lé monde y tombe ». Hé oui, X n'est pas """"riche"""" dans l'absolu, mais parce qu'une banque lui doit xxxxx €, argent qu'elle ne détient pas tant que Y et Z ne remboursent pas leurs crédits, et même alors, puisque l'argent n'est qu'une ligne dans un livre comptable. Tout le monde dans la même roue à hamster.

Bref, je recommande très vivement d'assister à ce spectacle. L'interprète est tout simplement fabuleux. Il joue à merveille ses personnages et il nous emporte dans son histoire vulgarisatrice. J'ai presque été déçu que l'auteur s'arrête là, car je le sens tellement capable de vulgariser d'autres notions compliquées et hallucinantes de la finance.


Je sais plus où j'habite

Genre : conférence gesticulée
Interprète : Julian AUGÉ de la Coopérative citoyenne

Pourquoi être propriétaire de son logement ? Pour l'interprète, les arguments qu'ont lui ressasse (les taux d'intérêt son bas, la location permet de mettre de l'argent de côté, posséder son bout de terre offre une stabilité au cas où, etc.) ne sont pas convaincants. Il n'est pas prêt à être propriétaire, la notion même de propriété le dérange.

Peut-être, faut-il, comme le propose Bernard Friot, se débarrasser de la notion de propriété privée lucrative tout en conservant celle de propriété privée d'usage ? Sûrement faut-il, comme l'écrivit Antonio Gramsci, lutter contre l'hégémonie culturelle qui permet aux dominants de contrôler les dominés en leur faisant rêver d'avoir tout pareil qu'eux ? Tu sais, toutes ces formules toutes prêtes sur le bonheur d'être propriétaire que l'on ressasse à chaque repas de famille. Louis XIV utilisait déjà cette stratégie. Peut-être faut-il privilégier les coopératives d'habitants avec droit d'usage qui existent déjà ? Peut-être faut-il privilégier l'autoconstruction dans laquelle les matériaux sont fournis mais où il faut mettre collectivement la main à la patte ?

Je note également cette analyse dont j'ai oublié le nom de l'auteure. Les parties communes sont un espace de frictions plutôt indéfini, car elles sont l'intermédiaire entre l'espace public et l'espace privé donc les uns et les autres projettent tous leurs fantasmes et désirs dans cet espace, notamment les clichés racistes, de classe (pauvre / riche), etc. Le critère de race revient souvent dans les sondages (qu'est-ce qui vous effraie ?) alors que les critères sociaux prédominent.

Bref, je suis très mitigé… L'auteur pourrait raccourcir le récit de son expérience personnelle et exposer plus en détails les problèmes de la propriété. En l'état actuel, ce spectacle peut parler seulement aux convaincus, à mon avis.


Le Misanthrope

Genre : théâtre classique
Interprètes : Agathe BOUDRIERES, Anthony MAGNIER, Xavier MARTEL, Caroline NOLOT, Laurent PAOLINI, Eugénie RAVON, Loic RENARD et Victorien ROBERT de la compagnie Viva

Pièce classique de Molière dont il est bon de se remémorer les différentes morales. Un homme, Alceste, déteste la flatterie et la lâcheté. Mais il en pince pour une femme qu'il sait pourtant être médisante et dont il aura la preuve qu'elle fricote avec d'autres hommes. Au final, personne a raison et ni lui ni la belle n'auront ce qu'ils désirent. Je me reconnais dans le protagoniste misanthrope notamment quand il expose la nécessite d'exprimer à Oronte que son sonnet est bof (ce qui est plutôt vrai…). Du coup, cette vérité blesse, mais ça reste une vérité (qui peut permettre de s'améliorer). J'apprécie également les arguments de l'ami d'Alceste : la critique négative entraîne un cercle négatif ; supporter les autres, c'est faire preuve de philosophie, car sans tares, la vertu est inutile ; on supporte les tares chez ses amis, ses amours, etc. Même si l'on estime que c'est une faiblesse, pour quoi s'interdire de la généraliser ? ; Au fond, la misanthropie est un amour propre et un amour des autres que la personne n'arrive pas à exprimer (« je vous aime pour vous quereller »). Je note que l'expression « c'est le mal / tare du siècle » revient souvent dans la bouche des personnages à la pensée négative pour désigner l'ouverture "au plus grand monde" des belles lettres, ce qui tend à illustrer que chaque époque, de Molière jusqu'à nous en passant par nos grand-parents, est persuadée de sa décadence qui provoquera son délitement. Comme quoi…

Bref, il s'agit d'un bon divertissement qui est interprété avec dynamisme et justesse.


6e Cérémonie des Doigts d'Or - Les Oscars du Capitalisme 2018

Genre : spectacle engagé
Interprètes : Aurélien AMBACH ALBERTINI et Alessandro DI GUISEPPE de la compagnie Triple AAA

Vous êtes un hyper riche, un puissant de ce monde et vous êtes là pour célébrer ce qui s'est bien déroulé en 2018 : bénéfices et dividendes records, violences policières pour calmer les jaunes, chômage et précarité en hausse, management brutal, mensonges politiciens, etc. Quand le capitalisme est une religion comme une autre… Les vidéos diffusées pour montrer les lauréats sont hallucinantes voire flippantes : un gilet jaune pacifiste éloigné des flics reçoit un coup de LBD dans les couilles ; Pub pour une culotte vibrante pas encore commercialisée qui analyse les matchs de foot afin de faire ressentir à la femme la passion ressentie par son homme ; Se faire tatouer une pub sur le bras afin d'obtenir de la bouffe gratos ; En Chine, une société commerciale laisse le choix à ses employés qui n'ont pas atteint leurs objectifs : manger des cafards, boire leur urine, boire de l'eau des toilettes, se faire fouetter avec une ceinture OU une baisse de leur salaire.

Bref, je recommande vivement ce spectacle, même si je le trouve moins captivant que le déjanté Croissance, reviens ! des mêmes interprètes. En passant, je suis toujours aussi mal à l'aise avec le concept « le sexe, c'est sale » véhiculé par l'expression « Doigts d'Or ».


All'arrabbiata

Genre : théâtre musical engagé
Interprètes : Renata ANTONANTE, Audrey BOMMIER, Lucas LEMAUFF et Pablo SEBAN de la compagnie All'arrabbiata

Une énième critique éculée de notre mode de vie, de notre société, mais, cette fois-ci, en chanson et danse. Je retiens trois choses. 1. « On ne change pas le monde, on change sa place dans le monde ». 2. Une personne regarde un robinet fuir. La droite française proposerait de réparer en soudant… donc en éliminant la fonctionnalité d'un robinet… La gauche française ferait environ de même. L'extrême-gauche proposerait que la personne se bouge les fesses, mais se bouger les fesses, c'est devenir autonome donc ça fait perdre sa légitimité au gouvernement donc l'extrême-gauche ne veut pas ça au fond d'elle. 3. Un riche abrite un pauvre sous son parapluie. En vrai, il lui marche littéralement dessus, lui demande de cirer ses pompes, etc. Mais comme il fournit un parapluie, le pauvre devrait se taire.

Bref, bien que la critique formulée ne soit pas innovante, le choix de la musique, de la danse et de la métaphore filée rend ce spectacle innovant et intéressant.


J'veux du sexe bordel !

Genre : comédie humouristique
Interprètes : Céline DAVITTI et Chris VERNET de Bloody Moon Production

Une femme ne parvient pas à obtenir les relations sexuelles qu'elle désire. Elle est en mode "personne ne m'aime", "toute façon les hommes préfèrent les brunes et pensent que les blondes sont connes" et autres clichés. En boîte de nuit, elle ne connaît pas les codes en vigueur et elle se comporte comme une allumeuse provocante, ce qu'elle n'est pas, donc forcément… Elle se procure un exemplaire du Kamasutra. Non, ce livre n'évoque pas seulement les positions du coït, mais aussi les manières de séduire, de vivre en tant que personne cultivée, les devoirs et privilèges de l'épouse, etc. Le contraste entre cette époque et cette culture et nous est frappant… Les us et coutumes ont bien changé… ce qui provoque le rire.

Bref, il s'agit d'un divertissement qui se laisse regarder.


Si l'homme est né libre, il doit se gouverner

Genre : conférence gesticulée / théâtre engagé
Interprètes : Chantal RAY et Gérard VOLAT de la compagnie Remue-méninges

Nous ne sommes pas en démocratie, il nous faut reprendre le pouvoir, refaire des choses, seul et en collectif, etc. Forcément, on convoque Voltaire et Rousseau. Forcément, on évoque la démocratie athénienne et ses limites dénoncées à l'époque par, entre autres, Aristophane (corruption présumée des tribunaux grecs paperassiers, aristocratie, etc.). On évoque la souveraineté du peuple et de l'individu. On estime cette dernière compromise par les puces et les nanopuces que l'on présume bientôt obligatoires. Comme solution, on évoque les trucs habituels : auto-organisation, AMAP, circuits courts, etc.

Bref, je suis très mitigé au sujet de cette conférence gesticulée bien rythmée qui n'apprendra pas grand-chose à ceux qui ont étudié la question, mais, visiblement, elle a de l'effet sur les personnes qui ignorent la problématique (je pense à la personne âgée à côté de moi, totalement sidérée, renversée, par ce qu'elle a entendu, comme si un nouveau monde s'ouvrait à elle…).


L'ArnaQueuse

Genre : comédie
Interprètes : Elza PONTONNIER et Thom TRONDEL

Une femme tient une agence matrimoniale. Elle fait sortir tous ses clients masculins avec une même complice… qui les rejettera… lui donnant ainsi l'occasion de continuer à prodiguer des conseils très lucratifs. Et voici Luc Le Pen (fils d'Hervé, grand entrepreneur de la région fictive, pas de Jean-Marie ;) ), gars très maladroit, naïf, qui exerce un métier pas ouf (vendeur de porte-manteaux) et qui a le bilboquet comme loisir. En avant pour l'arnaque habituelle…

DIVULGATION PRÉMATURÉE de l'intrigue jusqu'à la fin de ce paragraphe. Sauf que la complice a un empêchement de dernière minute. Notre coach se retrouve donc au restaurant avec Luc… qui lui avoue en être amoureux. Vu qu'il est radin et bruyant dans ce resto de luxe (c'est bien connu, toutes les femmes veulent être invitées dans ce genre d'endroit pour un premier rendez-vous, d'après la coach), le repas tombe à l'eau… Mais elle apprend que Luc possède 20 k€ en assurance-vie… et lui propose donc des cours supplémentaires. Mise en situation dans la rue. Il suit ses conseils pour l'inviter au bar… elle refuse… il fait du """"chantage"""" : « vous m'avez dit que ça marche à chaque fois votre truc donc soit vous acceptez, soit c'est que vos conseils sont bidons et on arrête-là ». Ils vont au bar. Défoncés, ils vont chez elle. Ils parlent. Il continue d'être maladroit, mais ça a plus aucune importance. Ils dansent. Ça parle bilboquet ("j'ai un gros bilboquet, vous voulez le voir ?") pour de vrai, loin du jeu de mot. Et, finalement, ils baisent. Le lendemain matin, le téléphone sonne. la complice laisse un message sur un répondeur à l'ancienne (où l'on entend le message durant son enregistrement). Luc comprend qu'il est un pigeon. Et le masque tombe : elle l'aimait bien. Oui, il est maladroit, oui ceci et cela, mais il la faisait rire et il parlait de son boulot et de son bilboquet avec tellement de passion que ça compensait, et il est si gentil… Mais c'est trop tard. Elle se reconvertit dans un business de mise en relation entre particuliers et artisans… tout en continuant les arnaques genre un "forfait rapidité" à un prix exorbitant pour réparer une fuite d'eau dans l'heure. Luc vient la voir, car il a reçu une pub. Il comprend qu'elle n'a pas vraiment changé, mais un peu quand même… Elle lui avoue son amour… Tout semble bien… Il va lui chercher à manger (car elle est totalement fauchée, elle n'a pas mangé depuis 3 jours, dit-elle). Pendant ce temps-là, elle téléphone à sa complice : "il est revenu, ce con, on va le plumer !". FIN DE LA DIVULGATION.

Bref, ce spectacle est à mourir de rire. Les acteurs sont vraiment à fond. Ils sont dynamiques. Ils jouent jusqu'au bout. Ils improvisent et ça part parfois en sucette quand le/a partenaire n'arrive pas à se retenir de rire et peine à reprendre le fil. Génial ! Je recommande très vivement d'assister à ce divertissement.


Ados.com

Genre : comédie
Interprète : Seb MATTIA et Pierre DAVERAT de la compagnie Crazy et salon Marengo

Un ado moderne (donc ultra-connecté) et un père seul dépassé par le mode de vie de son gamin. Au final, malgré, des activités et des goûts différents, père et fils ont les mêmes problématiques à affronter : obligations et contraintes, volonté de pécho, etc. Le reste (la mode, le vocabulaire, les manières de résoudre un problème - utiliser une appli ou se sortir les doigts -), ce qui diffère entre deux générations, est secondaire, en fait. Forcément, on enchaîne cliché sur cliché à propos des ados, mais les comédies sont dynamiques et ils improvisent, au point d'être parfois incapables de tenir la réplique (je pense à l'adulte qui bombarde l'ado de déodorant… il en met trop et se prend donc le retour…).

Bref, il s'agit d'un divertissement intéressant qui m'a fait passer un bon moment.


Le Bourgeois gentilhomme

Genre : théâtre classique
Interprètes : Léonore CHAIX, Daniel JEAN, Stéphane MIQUEL, Ulysse ROBIN, Clara STARKIER, Isabelle STARKIER et Cédric ZIMMERLIN de la compagnie Isabelle Starkier

Pièce de Molière. Un bourgeois, monsieur Jourdain, veut se faire passer pour noble en utilisant son fric pour prendre des cours de danse, de musique, de philosophie, de chevalerie, de science, etc. C'est ainsi que Jourdain découvre qu'il fait de la prose sans le savoir. Forcément, il se fait avoir… Un noble tente de l'abuser en prétextant faire ses louanges dans la cour du roi. Il achète tout bien (et service) dont on lui confirme que les nobles en font de même… Il se retrouve ainsi avec un costume ridicule. Il refuse l'union de sa fille avec le fils d'un bourgeois local. Ses proches s'attellent alors à inventer le fils d'une altesse turque qui voudrait épouser sa fille (qui n'est évidement personne d'autre que le prétendant initial éjecté par le père :D ). Je trouve cette pièce de Molière moins travaillée que les autres que je lui connais, mais j'imagine qu'affirmer qu'un bourgeois pète plus haut que son cul, ça a dû faire du bruit, à l'époque. La troupe est inventive et dynamique et a introduit quelques anachronismes pour mon plus grand plaisir.

Bref, il s'agit d'un divertissement, mais sans plus.


Soyez vous-même

Genre : théâtre contemporain
Interprètes : Éléonore JONCQUEZ et Fannie OUTEIRO de la compagnie Théâtre du fracas

Un entretien d'embauche pour un poste à la direction de la communication. Une madame parfaite se présente. Toute lisse, sans aspérités. Toute joyeuse. Comment l'aider à être elle-même ? Quelles sont ses souffrances ? Quelle est son infirmité honteuse ? Qui est-elle ? Se connaît-elle elle-même ? Il n'est pas facile de laisser tomber les trouzemilles artifices que l'on a mis en place entre soi et son soi profond.

DIVULGATION PRÉMATURÉE de l'intrigue jusqu'à la fin de ce paragraphe. Entretien d'embauche mené par une aveugle. Candidate : une grande blonde plantureuse. Questions banales d'entretien d'embauche : vos qualifications, vos expériences, gnagnagna… La candidate répond les convenances habituelles. La recruteuse lui dit que c'est plat, que ça sent l'ennui, le vide. Elle lui demande qui elle est au fond d'elle. La candidate ne comprend pas la question, donc elle récite ses qualités, ses prétendus défauts ("je suis gourmande", lol)., gnagnagna. Après plusieurs mises sous pression de la recruteuse ("sinon on arrête là") et des dizaines de minutes d'hésitation et de fuite, elle finit par se lâcher : elle déteste son père, sa crasse permanente, la fumée de sa cigarette, son visage écaillé, etc. C'est pour ça qu'elle veut travailler dans cette société qui commercialise de la Javel. Le masque tombe : madame parfaite et propre sur elle n'est pas si propre que ça, il y a de la souffrance en elle. C'était la question de la recruteuse, car nos souffrances en disent plus sur nous que les discours convenus. La recruteuse lui demande ce qui la passionne. Chant, poterie, etc. La recruteuse lui demande de chanter afin de sentir la passion. La candidate hésite, hésite, hésite… Sous la pression de la recruteuse ("qu'avez-vous à perdre ? par contre, si vous ne le faites pas, vous perdez l'opportunité de ce poste"), elle chante et se donne en spectacle en chantant une chanson à moitié paillarde qui dit en substance qu'elle est flemmarde et qu'elle préfère « rester sous la couette à faire des galipettes ». La recruteuse se met à danser… et chute. Elle refuse l'aide de la candidate pour se relever, mais elle n'arrive pas à retrouver le chemin de son bureau. De force, la candidate finie par l'aider. La recruteuse lui demande ce qui l'a poussé à faire ça. La candidate répond les conneries habituelles, genre aider les autres, gnagnagna. La recruteuse lui fait avouer que c'est la pitié de voir une pauvre aveugle galérer qui a déclenché son geste. C'est une attitude de mépris total, et la recruteuse l'a senti lorsque la candidate lui a tendu la main. La recruteuse rappelle ce précepte de la philosophie grecque : connais-toi toi-même. Elle propose à la candidate de l'entraîner pour y parvenir. Ça suppose de laisser son égo de côté et d'accepter son infirmité, celle que l'on cache tous (ex : je me trouve moche). La candidate finira par l'avouer : elle se trouve idiote, ignorante et elle a confiance en elle uniquement sur son physique. Voilà donc la peur de madame parfaite… Pour briser l'égo, il faut vivre une humiliation. Comme celle de l'aveugle qui comprend très vite qu'il devra recourir aux autres pour avancer tout en devant supporter leur mépris mélangé à la pitié. La recruteuse demande à la candidate d'enlever ses vêtements ("qu'est-ce que ça peut faire, je suis aveugle ?!"). Après plusieurs pressions, elle le fait au son de la musique Girls just want to have fun (tout en étant cachée derrière une chaise de bureau et en conservant sa culotte, ne rêve pas, petit mâle). La recruteuse lui demande de parler d'amour. La candidate répond en parlant de sexe avec son mec, etc. La recruteuse lui demande de la séduire. La candidate répond qu'il faut éprouver des sentiments, gnagnagna. La recruteuse rétorque que cette réponse est humiliante, que, là encore, la candidate la voit comme une infirme répugnante alors qu'il y a des caractéristiques plaisantes en elle comme en chacun d'entre nous, et qu'il est possible d'aimer une part de chacun d'entre nous. De plus, « vous m'avez raconté vos ébats en long et en large, mais, alors, quand il faut parler d'amour, là, y'a plus personne ». Après moult essais, la candidate parvient à énoncer les qualités du corps et de l'esprit de la recruteuse et les envies qu'elle a tout en passant ses mains sur la recruteuse afin de sentir ceci ou cela. Étape finale pour se connaître soi-même et se sentir vivant : affronter la mort. La candidate prend le flingue dans le tiroir du bureau. Il y a une seule cartouche. Il faut appuyer, et pendant la pression, se sentir vivante, se sentir exister. La candidate presse, la balle part dans sa tête, fin du jeu. La recruteuse a un seul regret : quel était le nom de cette candidate ? Elle lui a pas demandé. Je trouve que cette fin offre une vision alternative à celle de Fight Club selon laquelle on pourrait se connaître soi-même au prix de longs efforts. FIN DE LA DIVULGATION.

Bref, je recommande très vivement d'assister à ce spectacle. Je n'ai pas les mots… C'est fabuleux, prodigieux, totalement génial… Ça m'a totalement retourné.


Discours de la servitude volontaire

Genre : conférence gesticulée
Interprète : François CLAVIER de la compagnie Vue sur la mer

Mise en scène et interprétation de ce texte du 16e siècle d'Étienne de la Boétie qui préfigure l'époque des Lumières (ma fiche de lecture). La liberté est naturelle chez l'humain comme chez les autres animaux (exemple de l'éléphant qui négociera à grands cris son ivoire contre sa vie sauve face à un braconnier). Comment se fait-il, alors, qu'il soit asservi par quelques humains médiocres intellectuellement et en sous-nombre pour mener un quelconque combat ? Comment recouvrer notre liberté ?

République = res publica = chose publique. Une monarchie n'est pas adaptée pour gérer la chose publique en cela qu'il n'y a rien de public dans ce mode de gouvernance mais la volonté privée d'un seul. Comment expliquer la servitude ? L'humain a une paresse naturelle et est soumis aux coutumes et aux habitudes. On peut endormir les masses laborieuses avec des jeux, des loisirs (théâtre, etc.), des festins et des récompenses. Un tyran n'agit pas seul : il a 5-6 personnes envieuses de son statut qui sont très proches de lui, qui sont complices et qui le servent dans l'espoir de pécho des biens (richesse), un statut social et l'espérance de dominer à leur tour autrui en échange. 600 personnes dociles entourent ces 5-6 personnes. 6000 personnes flattées, ravies de gérer les deniers "publics" et de gouverner une province, entourent ces 600 personnes. Etc, etc. C'est ainsi que la servitude se propage de proche en proche dans la population. Qui n'a jamais entendu « lui, faut aller dans son sens, car il connaît les bonnes personnes » ?

Comment se libérer ? Il faut préserver la liberté afin que d'autres en fasse l'expérience, car si l'on connaît la liberté, on y renoncera uniquement sous la contrainte. C'est le Peuple qui fait et défait les tyrans : investiture, soutien, flatterie, attention. Il ne s'agit donc pas d'aller décapiter le tyran, de tout lui retirer, mais plutôt de ne rien lui donner. Cessons d'obéir aveuglement et nous serons libre.

Bref, je recommande vivement d'assister à ce spectacle. L'interprète est fidèle au texte.


Le dernier jour d'un condamné

Genre : théâtre classique
Interprète : Xavier REIGNAULT de la compagnie Conte en chemin

Mise en scène du célèbre réquisitoire de Victor Hugo contre la peine de mort. Je n'ai pas accroché. J'ai lu le livre original à l'école (on devait même rédiger une lettre destinée à Hugo qui devait contredire ses arguments), mais, aujourd'hui, ses arguments (anxiété du temps qui passe, ne plus revoir sa famille, l'enfant qui ne te reconnaît plus, car les adultes lui lavent le cerveau, la perte de liberté, ennui, face à soi-même, etc.) me laissent pantois, principalement car ils pourraient être utilisés pour dénoncer la prison et pas seulement la peine de mort. La seule différence est que le prisonnier lambda sait qu'il recouvrera sa liberté un jour, donc l'espoir continue de le porter, ce qui n'est pas le cas d'un condamné à mort.

Bref, il s'agit d'un spectacle qui se laisse regarder. Je trouve que cette interprétation est plutôt fidèle à ce dont je me souviens du texte, mais ce n'était pas l'avis d'autres spectateurs qui pensaient notamment que l'interprète a coupé des longueurs qui permettent au lecteur de ressentir la pesanteur du temps qui passe.


Plaisir coupable

Genre : monologue comique
Interprète : Matt GUEIREDO de la compagnie On ne laisse pas bébé dans un coin

Un gus seul sur une scène, micro à pied en main, éclairé par un unique projecteur, qui débite des prétendues piques inspirées du quotidien. De l'humour noir, en somme. Il cause de sexe, du handicap, des végétariens / végans / flexitarien, de la pédophilie, de tonton Adolf (Hitler), de l'obésité, etc. La description promettait un spectacle qui flirte avec les limites du politiquement correct. Il en est rien : le gus débite des banalités sans imagination dans des thématiques vues et revues. Moi qui suis un public facile (ceux qui me connaissent savent que je rigole à environ n'importe quoi), j'ai rigolé une ou deux fois seulement. Les propos sont neutres, même pas acides… Si c'est ça être à la limite du politiquement correct, ça signifie que la liberté d'expression est très encadrée.

Bref, il s'agit d'un spectacle à fuir comme la peste. L'humour noir, ça se travaille.


On est sauvage comme on peut

Genre : théâtre contemporain
Interprètes : Marie BOURIN, Antoine COGNIAUX, Sami DUBOT, Thomas DUBOT, et Léa ROMAGNY de la compagnie Greta Koetz

Un repas entre amis. Tout le monde est propre sur lui, tout le monde est gentil, tout le monde est lisse. On discute documentaire télévisé, littérature, etc. Et puis tout va basculer, les pulsions de chacun vont s'exprimer.

DIVULGATION PRÉMATURÉE de l'intrigue jusqu'à la fin de ce paragraphe. Un des protagonistes (dépressif, qui n'a pas été au taff depuis longtemps) annonce qu'il va mourir ce soir et qu'il veut être mangé par sa femme, devant ses amis-témoins. C'est la fin des discussions de surface. On va enfin ordonner de se taire au gus qui monopolise la parole et qui a un avis sur tout. Une convive prépare un prétendu gâteau absolument infecte. Nous sommes perdus dans un tas d'actions incohérentes et libératoires émanant des pulsions refoulées de chacun. On peut être seul, même au sein de ses amis. FIN DE LA DIVULGATION.

Le public est progressivement intégré à l'action. On nous offre des amuse-gueules, puis on nous prend à partie, puis on se sent comme cet ami muet à table puis… J'ai halluciné sur la débauche de moyens mis en œuvre : le décor, la nourriture, le piano et l'accordéon, la pluie de farine, etc.

Bref, je recommande vivement d'assister à ce divertissement.


T'es toi !

Genre : théâtre contemporain
Interprète : Eva RAMI de la compagnie L'éternel été

L'interprète nous résume une vie, sa vie, celle d'une personne qui se cherche. Son père pessimiste et autoritaire, sa mère passive qui tente d'infléchir les positions de son mari, sa grand-mère attentionnée ("pense à manger, hein ?") qui dénonce que tout va trop vite. Son père veut qu'elle fasse des études afin de devenir avocate ou docteure. Elle veut faire du théâtre, car c'est là qu'elle se sent exister. Elle en fait en cachette, avec ses amis. Puis au conservatoire, toujours avec ses amis. En parallèle de ses études. Le rythme est intenable. Elle s'engage à fond dans le théâtre. Ses profs de théâtre sont soit blasés, soit un peu engagées. Elle est une fille perdue et hypersensible (une prof de théâtre lui dira qu'elle contient ses émotions) qui se conforme à ce que la société attend d'elle. Puis, dans un élan émancipateur (Je vole de Sardou, en somme), vient le temps de la provençale qui monte à Paris. On lui fera croire qu'elle doit vendre son cul pour percer. Elle refusera. Bien lui en a pris, vu son succès actuel.

Bref, je recommande très vivement d'assister à ce divertissement. Il est plein d'humanité. Il m'a beaucoup parlé. Je me suis fait percer à nu. Il m'a ému plusieurs fois aux larmes.

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