Voilà bien trois instruments qui me gonflent et dont j'essaye de me défaire depuis quelques années. Je documente cela en espérant que ça t'inspire.
Ma détestation des montres vient d'un constat pratique : dans les moments de creux (comprendre : d'ennui), comme dans les transports en commun ou les files d'attente (ou à l'école), je la regardais de manière compulsive (plusieurs fois par tranche de 2 minutes). Bien entendu, à part rendre ce moment encore plus long et ennuyeux, ça ne servait à rien.
Celui qui contrôle l'emploi du temps contrôle l'individu. C'est en partie pour cela qu'un travailleur (salarié ou indépendant) consent à réduire sa liberté : il doit respecter des horaires et des contraintes d'agenda (réunions, déplacements, etc.) indépendantes de sa volonté. Dans un autre registre, quand on constate que la majorité des textes débattus au Parlement français sont des projets de loi (émanant du gouvernement) et que le gouvernement peut moduler le temps des députés (activation de l'examen accéléré d'un texte, possibilité de s'auto-attribuer des créneaux horaires pour ses textes), on comprend bien que le gouvernement est le patron du Parlement qui est un simple bureau d'enregistrement des désidératas du gouvernement.
Cela est sans compter les injonctions multiples à bien utiliser notre temps. Les loisirs sont l'incarnation de cela : il faut consommer notre temps dans des activités que l'on estime être pertinentes. Cela va à l'encontre de la liberté de perdre notre temps, de le dépenser en pure perte. Le temps est fait pour être perdu, sans calcul, sans chercher à le gagner ou à l'échanger (contre du plaisir, de la connaissance, de l'argent, etc.). Tel un bovin dans un champ qui se moque bien du temps qui passe. Nous considérons même que nous gagnons notre temps libre. Nous gagnons nos soirs, nos fins de semaine et nos vacances à la force de notre emploi. Ainsi, notre temps libre se définit comme une propriété privée immatérielle opposée à notre temps contraint (emploi, tâches ménagères, soins aux enfants, etc.). Pourtant, nous naissons avec du temps libre… que nous choisissons plus ou moins de rentabiliser par un emploi ou des loisirs. Je paraphrase grandement Jean Baudrillard (avant-dernière citation).
Durant toute sa retraite, la montre de ma grand-mère demeura sur son buffet. Elle n'était pas femme de discours, donc il est inenvisageable qu'elle ait tenu les propos que je viens d'énoncer. Néanmoins, dans sa réponse à mon interrogation sur cette curiosité (montre sur le buffet), autant dans ses mots que dans ses expressions non verbales, on pouvait lire que la montre symbolisait pour elle toute l'aliénation qu'elle avait subie tout au long de sa vie. Une vie passée à se presser pour le compte d'autrui. C'est cela qui m'a poussé à m'interroger sur ce simple objet qu'est la montre.
Cela fait plus de 7 ans que je ne porte plus de montre (tiens, un calcul du temps qui passe). Au début, j'ai remplacé l'addiction à la montre par l'addiction au téléphone mobile. Mais cela fait bientôt 2 ans que je n'ai plus d'ordiphone.
Bien sûr, sur mon poste de travail, j'ai un agenda numérique qui me rappelle mes contraintes. Oui, j'ai du mal à ne pas regarder l'horloge affichée par mon ordinateur. Oui, j'ai un environnement de vie qui fait que relâcher ma vigilance aura peu d'impact négatif, à commencer par le fait que je ne dépends plus des transports en commun. Oui, je pense qu'on ne peut pas échapper au calcul du temps qui passe par des moyens dérivés comme la luminosité d'une pièce, le départ de collègues, et, bien sûr, l'alternance du jour et de la nuit. Oui, mes actions sont encore excessivement liées à l'heure : s'il n'est pas 13 h ou 20 h, je me retiens de manger. Pourquoi se retenir si l'on a faim ?
Je pense que le réveil-matin n'est pas la chose la plus saine qui soit. Il casse nos rêves et nos phases de sommeil (parfois profond). À cause de lui, on se réveille grincheux. Les rêves sont importants pour notre plaisir, la construction de nos désirs et pour imaginer notre possible futur. Oui, je sais qu'il existe des applications mobiles et des gadgets pour calculer l'heure idéale du réveil en fonction de notre cycle de sommeil. Je ne veux pas de cela, car il s'agit encore d'un piètre palliatif pondu par notre société industrielle pour réparer la merde qu'elle a générée (jour permanent avec les ampoules et l'électricité, écrans, emploi à heure fixe, etc.). Je préfère être plus radical (au sens propre, me concentrer sur la racine du problème) et me passer de réveil-matin. C'est Johndescs qui, en praticien, m'a inspiré cette démarche.
Évidemment, un réveil sans réveil est possible seulement si nous avons l'espoir que des activités que nous estimons être positives nous attendent. Si tu estimes que ton boulot est inutile ou inintéressant ou pénible ou… alors tu n'arriveras pas à te lever sans réveil. Quand j'étais dans cette situation, même un réveil ne suffisait pas. Oui, avoir un emploi sans contact avec le public (donc sans horaires contraintes pour une raison valable) permet de traverser plus facilement la phase d'apprentissage du sans réveil. Bien sûr, un lever sans réveil repose sur la construction d'habitudes, donc, entre autres, sur une régularité dans l'heure du coucher. J'avoue programmer un réveil-matin pour les lendemains de cuite et autres nuits courtes.
Cela fait bientôt 2 ans que je n'utilise plus de réveil-matin sauf exceptions présentées ci-dessus.
L'apprentissage m'a paru compliqué. Il faut apprendre à se faire confiance. Dans l'attente, ayant peur de rater le coche, on se réveille souvent trop tôt. Ce n'est pas grave en soi : il suffit d'arriver plus tôt à son emploi (si celui-ci, ainsi que le moyen de transport le permettent…), d'en sortir plus tôt (même remarque) et de se coucher plus tôt. J'imagine que vivre à la campagne (chant du coq, oiseaux, etc.) et/ou en compagnie d'un autre être humain doit simplifier cet apprentissage.
J'écris sur les prévisions météo courantes. Je n'écris pas sur la vigilance météo (ni sur l'étude du climat), c'est-à-dire la prévision et l'annonce massive de situations dangereuses pour l'être humain. Je trouve que c'est utile d'anticiper les galères qui vont nous tomber sur le coin du museau, même si l'on pourrait m'objecter que la nature a toujours fait le tri parmi les animaux et que vouloir échapper à une catastrophe naturelle avec notre prétendue technologie est d'une prétention sans nom.
Depuis mon plus jeune âge, j'ai constaté que les prévisions météorologiques sont souvent fausses malgré des modèles mathématiques toujours plus sophistiqués. Même quelques heures auparavant. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne les petites averses et les températures réelles. J'ai vécu, littéralement, aux quatre coins de la France, ce qui exclu une anomalie locale. J'accorde donc, aux prévisions météo, une crédibilité extrêmement limitée.
Ces prévisions, malgré leur lucidité relative, provoquent de la tristesse voire des angoisses à l'avance. Ho non, il va pleuvoir toute la semaine prochaine, c'est triste ! Ho non, chaleurs élevées toute la semaine prochaine ! À quoi cela sert-il ? Demain sera ce qu'il sera, point. On verra bien. Remplacer la peur de l'inconnu par une peur de l'incertain, quelle idiotie ! Je me souviens d'un proche totalement angoissé par l'annonce d'une pluie (pas d'une averse) le jour de son déménagement (ouais, parce que les biens que l'on possède finissent par nous posséder, big up Fight Club, mais c’est un autre problème). Au final, il s'est agit d'une averse de faible intensité et de courte durée que quelques morceaux de tissu ont permis de tenir éloignée des précieux biens de ce proche. Tout cette angoisse et ce mal-être pour quelque chose qui n'est pas arrivé !
Je suis un animal d'intérieur qui doit parfois se déplacer dans les rues. Je ne pratique pas d'activités de plein-air sensibles aux conditions météo. Cela me permet d'être plus détendu, c'est sûr. On constate que cette obsession pour les conditions météo provient, comme celle pour la montre, à notre rapport au temps qui passe : c'est parce que nous avons des activités contraintes par autrui (école, emploi, courses, loisirs) que nous avons cette nécessité de prévoir les conditions météo au moment de les réaliser. Un certain désir de confort dans la réalisation de nos contraintes, aussi, sans doute.
Néanmoins, je dois reconnaître qu'il s'agit d'un sujet de discussion facile et sans risque… … … Peut-être est-ce pour cela qu'il est si répandu ? Et j'avoue que je pratique la causerie météo, ne serait-ce que pour faire remarquer à mon interlocuteur que sa prédiction était fausse. Ça m'amuse.
J'ai beaucoup de mal à ne pas aller vérifier, sur les sites web météo, la température affichée par mon thermomètre. C'est totalement stupide puisque mon thermomètre est plus proche de moi que n'importe quel autre, mais c'est ainsi… Sans surprise, j'ai encore des progrès à faire.