Je n'ai pas la prétention d'être exhaustif, mais plutôt de pointer les endroits où chercher.
Toujours faire très attention à la date de publication, car la loi change (trop) vite.
Bibliographie
Guide du manifestant 2023 de la LDH Paris et les points droits de l'observatoire des libertés publiques. Très complet, récent, mais très mal mis en forme.
Les collectifs anti-répression / legal teams. Celui de Paris propose un excellent schéma « de la garde à vue au tribunal », plein de guides, BD, etc. Récents.
Syndicats professionnels de salariés : guide CGT militant⋅e face à la police. Je trouve la fiche de Solidaires sur la garde à vue moins directe (sur le fait de se taire, par ex.) et moins complète (sur la prise d'empreintes, par ex.). Dans les deux cas, c'est insuffisant (sur le code de déverrouillage de son smartphone et les gages de représentation, par ex.). En revanche, le guide des manifestant-es Solidaires, qui détaille le avant et le pendant une manif', est bien fourni.
Guide d'autodéfense juridique. Pour avoir une vue d'ensemble. Attention à son obsolescence : il ne traite ni de l'ordonnance pénale, ni de l'avertissement pénal probatoire, ni du code de déverrouillage d'un smartphone, ni des évolutions en matière de prise des empreintes (et de durée de conservation).
Guide du manifestant arrêté par le Syndicat de la Magistrature. Léger sur les empreintes (digitales et génétiques).
Droits et conseils en cas d'interpellation par le Syndicat des Avocats de France. Ne traite pas du code de déverrouillage d'un smartphone, ni de la prise forcée des empreintes sous conditions.
La coalition des libertés associatives propose une bibliographie, mais c'est foutraque, et entre autodéfense numérique et juridique.
Plus modestement, mes notes sur le code de déverrouillage d'un smartphone, sur les empreintes, sur le filmage des flics en manif, sur les types de manifestation (non déclarée, interdite, etc.).
Résumé
Le risque d'interpellation varie en fonction du contexte (manifestation déclarée ou non, interdite ou non, Paris ou ville moyenne de province, marche syndicale du 1er mai ou Sainte-Soline, consignes des préfets / commissaires, etc.) et de ta situation ("mauvais endroit au mauvais moment", tes actes, participant ou organisateur / leader, ta couleur de peau et/ou religion et/ou appartenance politique genre anar, etc.).
Bref, il ne faut pas psychoter, on peut encore manifester en France (surtout en province, pour des mots d'ordre liés au taff, encadrée par des syndicats de salariés, etc.), mais il ne faut pas être niais non plus.
De la section précédente, et des deux "formations" par des avocats de collectifs anti-répression auxquelles j'ai assisté, je dégage de grandes tendances consensuelles :
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Ne pas s'énerver ni gueuler sur les flics ni mal leur parler ni faire le malin ni résister (et encore moins violemment). Ça ne fera rien avancer, et ça rajoutera des infractions comme outrage à agent ou rébellion (cf. ci-dessous). Au cas où je ne sois pas assez clair, je précise : y'a une différence entre insulter et maintenir fermement une position (ne pas donner son code de déverrouillage de smartphone, par ex.) ;
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Garder le silence (et une expression du visage neutre). La garde à vue est très souvent fondée sur un dossier vide, que tes paroles, déformées si besoin, rempliront. C'est un jeu de dupes. Parler ne peut qu'apporter du négatif. Tu auras les bons interlocuteurs, le temps et l'espace pour contester par la suite ;
- Ne rien reconnaître, pas même les petites choses qui semblent sans intérêt. Ex. : tu peux porter un masque en manif' car t'es malade, pas dans l'intention de dissimuler ton visage (qui est une infraction) ;
- Tu peux demander à voir les preuves, mais, ensuite, il faut être capable de tenir sa langue et son expression faciale.
- Demander un avocat. Il y a un éternel débat, mais, pour moi, celui d'une legal team sera plus au fait et plus militant, là où un commis d'office risque de conseiller le circuit le plus court (et le moins risqué), genre CRPC (Reconnaissance préalable de culpabilité), qui ne correspond pas forcément à la mentalité d'un militant et qui peut fermer la voie à d'autres actions militantes par la suite (car la prochaine répression cognera plus dure). Tout le monde s'accorde néanmoins qu'à défaut, il vaut mieux avoir un avocat que d'être seul ;
- Demander un médecin. En cas de douleur (interpellation, etc.) ou si t'as un traitement à prendre (insuline, etc.) ;
- Ne pas avoir de smartphone ou refuser d'en donner le code ;
- Avoir une pièce d'identité sur soi afin de pouvoir plus légitimement refuser le relevé de la signalétique (photo et empreintes digitales) ;
- Éviter à tout prix la comparution immédiate (jugement expéditif, peines alourdies, etc.). Pour éviter la taule dans l'attente du procès, il faut fournir des gages de représentation, c'est-à-dire des éléments tangibles qui montrent que tu ne vas pas te soustraire à la justice : contrat de taff, fiches de paie, quittance de loyer, etc. Tout ce qui montre que t'as une vie stable bien intégrée à la société. Évidemment, tu ne pourras pas aller chez toi les récupérer, donc il faut qu'un tiers y ait accès. Si absence ou fragilité des gages, il vaut mieux accepter une CRPC si elle est proposée plutôt que de risquer d'aller en comparution immédiate, et donc de devoir choisir entre procès bâclé ou détention provisoire ;
J'ajoute un truc strictement personnel. Il existe des gens, dont je fais partie, qui aiment optimiser leur déplacement, et vu qu'après la manif', on va chez la famille ou les amis ou l'asso du coin, on apporte, en manif', des outils de bricolage, de cuisine, ou de piscine ou autre sport dans le sac à dos et/ou la bonbonne de gaz dans le coffre, etc. Je grossis le trait, mais j'ai déjà eu des outils de bricolage en manif, car la fin de manif' était vraiment très proche de mon activité suivante. Si les flics sont mal lunés, beaucoup d'objets du quotidien peuvent être vues comme des armes par destination (c'est pas des armes, mais ça peut servir en tant qu'arme), ce qui constitue un indice que tu voulais commettre des violences.
Notes diverses
Prises lors des "formations" dispensées par les collectifs anti-répression.
- Les flics n'ont pas le droit de confisquer les banderoles, stickers, casseroles, etc. dans une manif' ;
- Outrage : toute parole, son ou image qui porte atteinte à la fonction. Appréciation selon l'humeur du flic et la tête du client. « Mort aux cons » n'est pas un outrage (ou alors ils se reconnaissent ;) ). Filmer les flics sur la voie publique et faire des commentaires à leur sujet n'est pas un outrage ;
- Rébellion : toute opposition, violente ou non, active ou passive, genre faire le poids mort, ne pas se laisser faire physiquement, etc. ;
- Une garde à vue doit être notifiée au procureur sous 30 à 45 minutes (Cour de cassation) sinon elle est nulle (le délai d'attente et de transport entre l'interpellation et la signification de la garde à vue ne comptent pas, car t'es pas en garde à vue) ;
- La palpation de sécurité est pratiquée par un flic du même sexe biologique ou déclaré ;
- Sur un procès-verbal, les fautes mineures qui n'influent pas sur la procédure sont des « erreurs matérielles » insignifiantes. Exemple : tu es accusé d'avoir détérioré le « distributeur de billes » d'une banque. Tout le monde comprend qu'il s'agit d'un distributeur de billets, la banque n'était pas équipée d'un distributeur de billes, c'est une erreur matérielle, il n'y a rien à contester ;
- Un avertissement pénal probatoire (rappel à la loi) aka classement sous conditions vaut reconnaissance de culpabilité. Si tu refuses cela, ne le signe pas, mais tu seras alors renvoyé devant un tribunal ;
- Une Reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) se déroule en deux temps : 1) rencontre avec le procureur qui fixe la peine (généralement la moitié de ce qui est encouru) ; 2) homologation de la peine par un juge. Si tu contestes ta culpabilité ou si tu refuses la sanction ou si le juge n'homologue pas (car il trouve la peine inadéquate / disproportionnée, par ex.), tu seras renvoyé devant le tribunal. Une CRPC n'empêche pas la victime de tes actes d'obtenir, de ta part, le versement de dommages et intérêts, pendant l'audience d'homologation ou après (en se constituant partie civile). Cela vient bien en supplément d'une éventuelle amende validée par le juge ;
- En cas de passage devant le tribunal ("normal", CRPC, comparution immédiate, etc.) : toujours demander ta non-inscription au casier judiciaire. Pour l'obtenir, dire que ça va pénaliser ta recherche d'emploi est insuffisant. Le mieux est de préparer un concours de la fonction publique (il ne faut pas avoir de condamnation « incompatible avec la fonction ») ou de suivre une formation à une profession dont la loi exige un casier propre ou a minima exempt de l'infraction reprochée (genre taxi) ;
- Attendre des gardés à vue / manifester devant le commissariat ne pose pas de problème tant que cela ne gêne pas la circulation des personnes.