Concernant l'idée d'un référendum citoyen, j'arrive à la même conclusion qu'Emma : « c'est l'intégralité de notre système qu'il faut revoir, pas quémander le droit d'y donner notre avis de temps en temps ! […] On combat pas le système avec les outils du système. Pas d'élections, pas de RIC. On bloque le système. On s'organise politique mais pas avec les outils du système ! Avec les nôtres ! ». Le référendum citoyen, c'est l'outil des beaux parleurs, de ceux qui veulent encore discuter au lieu de se remuer pour dénoncer puis stopper ce qui ne leur convient pas dans notre société.
Les arguments d'Emma (que je complète parfois) :
- Virer les élus, c'est mignon, mais il faudrait quasiment virer tout le monde et aurons-nous mieux après ? Les marcheurs prétendument anti-systèmes se sont fait happer par le système et s'y sont très bien acclimatés. Pareil pour les fachos à chaque fois qu'ils ont eu le pouvoir. De même pour le citoyen lambda : il continuera de défendre ses intérêts de classe, tout comme il a élu Macron afin que sa situation personnelle ne change pas, quand bien même le système qui permet son aisance détruit nombre d’autres personnes ;
- Les campagnes de promotion d'un référendum, ça coûte cher, seuls les riches pourront défendre leurs intérêts dans les grands médias qui continueront de construire l'opinion. Oui, voir les exemples américains : élection de Schwarzenegger à un poste de gouverneur grâce à sa fortune personnelle et la révocation, grâce notamment au soutien financier et logistique de la NRA, de deux sénateurs qui désiraient interdire à la vente des chargeurs de plus de 15 munitions ;
- À quoi sert un référendum citoyen si lesdits citoyens n'ont pas le temps (ni l'argent) de s'informer et qu'aucun lieu de débat est prévu (pour rappel, lors du référendum sur une éventuelle constitution européenne, le seul lieu de débat où le non pouvait s'exprimer était Internet (et les bars, mais ils n'ont pas le même impact), les grands médias chantaient le oui à tue-tête) ? ;
- La Suisse dispose d'une implémentation possible d'un référendum citoyen et l'on constate… … … 50 % d'abstention en moyenne à chaque référendum ; Que seulement une initiative populaire sur dix aboutit ; Et que la Suisse a une position proche de celle de la France dans les classements mesurant les inégalités, ce qui montre que l'outil référendum ne permet pas d’atteindre l’objectif fixé par ses promoteurs (les gilets jaunes en cette période, mais pas seulement) ;
- Les gouvernants trouveront un moyen de contrecarrer les choix du peuple effectués par référendum : déclarer le référendum comme non conforme aux règles afin de l'annuler, trahir une bonne idée par des amendements futurs, rendre inoffensive une bonne idée en pourrissant les détails de son implémentation, etc. L'outil étant inutile, passons directement à un vrai pouvoir du Peuple ;
- Le gouvernement pourrait accepter l'idée d'un référendum afin de remettre à plus tard le soulèvement populaire actuel qui lui fait peur. Oui, tout comme les budgets participatifs retardent l'arrivée d'une vraie prise de pouvoir du peuple. Si nous faisons peur, si nous sommes à deux doigts d'une vraie démocratie, pourquoi s'arrêter en si bon chemin ?!
J'ajoute les points suivants :
- Ma pensée est plus complexe qu'un oui ou qu'un non. Je veux décider du moindre détail, des conditions, des modalités, de l'implémentation, pas d'une vague idée énoncée par une question toute aussi vague. Pour avoir participé à des consultations citoyennes sur des projets de loi, examiné des projets de lois, et examiné des projets de régulation des télécoms, j’affirme que le diable se cache dans les détails et que l'enfer est pavé de bonnes intentions perverties par la suite ;
- Comme l'expose un article du Canard enchaîné du 19/12/2018, l'une des différences entre la Suisse et la France est que la Suisse a une culture du débat et du consensus. À l'opposé, le Français moyen est éruptif, toujours à râler de tout, et se retourne facilement (vive Pétain, peu de résistants, beaucoup d'indifférents, peu de collabos, vive De Gaulle, tous résistants). Avec ces éléments, comment espérer qu'un référendum citoyen ne produira pas plus de mal que de bien dans notre pays ? ;
- Faut-il faire confiance au peuple ? Oui, je sais que la démocratie représentative est construite sur l'idée que le peuple est occupé à commercer et est trop stupide pour organiser la vie en commun donc qu'il est malvenu d’avancer cette idée. Néanmoins, je rappelle que le peuple français était plutôt défavorable à l'IVG lors de son adoption (les sondages les plus optimistes mesuraient 48 % de français favorables) et plutôt indifférent vis-à-vis de la neutralité du net lors de son adoption au niveau européen (peu avaient compris la problématique et beaucoup acceptaient l'idée du zéro-rating et des services gérés qui restreignent fortement la neutralité…). Donc oui, je me permets de douter de la jugeote du français moyen. ÉDIT DU 29/12/2018 À 22H25 : on peut aussi citer le référendum pour un quinquennat présidentiel : comment un français moyen peut-il répondre « oui » à ça ?! Il n'avait donc pas conscience que ça allait avoir pour conséquence de donner plus de pouvoir au Président et de transformer l'Assemblée en chambre d'enregistrement des desiderata du Président ?! On peut aussi citer le référendum sur le traité de Maastricht de 1992 auquel les français ont répondu massivement « oui » avant de rager, à la fin des années 90, sur la monnaie unique européenne… pourtant prévue par le traité de Maastricht… FIN DE L'ÉDIT.
Pour ceux qui veulent discuter du RIC, de ses modalités, de son champ d'application, etc. une consultation citoyenne est ouverte jusqu'au 22 février 2019.