Le patron de la mutuelle cultive sa passion pour les bagnoles, les avions et ses enfants.
Qui a tué le nouveau géant français de l’assurance mutualiste ? En moins de quatre mois, le mariage d’AG2R La Mondiale et de la Matmut, qui devait réunir 16 000 collaborateurs, s’est transformé en divorce.
Selon les communiqués officiels, « des divergences de valeurs, de vision et de méthode » ont ruiné cette union. Mais les « valeurs » ont bon dos… Une bagarre féroce a très vite opposé les équipes dirigeantes des deux mutuelles. Les patrons d’AG2R ont constaté que Daniel Havis, le président de la Matmut, ne voulait sûrement pas « mutualiser » le pouvoir, cherchant à évincer deux de leurs dirigeants — ce que le groupe, contacté par « Le Canard », dément. Et ils ont découvert une gestion pour le moins clanique…
Rejetons pas rejetés
Figure incontournable de la mutualité française, Havis, l’homme aux quatre enfants, aux huit Porsche et aux deux avions, qui se vante de gagner 450 000 euros par an, règne depuis vingt-six ans sur la Matmut. Avec le zélé soutien de son épouse, Elisabeth, qui, jusqu’à sa retraite, en 2018, cumulait les fonctions de directrice générale adjointe de la caisse et d’admirfistratrice de plusieurs filiales du groupe normand.
En bon père de famille, Daniel Havis s’est aussi occupé de la carrière de ses enfants. L’aînée, Emilie, travaille pour Visaudio, le réseau mutualiste d’optique et d’audition, dont le conseil de surveillance est présidé par son papa. Le deuxième, Maxime-René, a été bombardé, entre 2013 et 2015, chargé de com’ d’Imsa Racing, l’écurie d’endurance alors sponsorisée à grands frais par la Matmut. Le troisième, Arthur, a été coopté au directoire de Visaudio, tandis que son épouse, Natacha, a été embauchée à la Matmut dans l’équipe de placements immobiliers. Le benjamin, Hector, s’est fait nommer juré du Prix international Matmut de l’orchestre de jazz. Explications de la Matmut : ils ont tous « des formations, des diplômes, des parcours professionnels… » C’est pas beau, l’esprit de famille ?
Havis a d’autres passions. Le rugby, par exemple. Après avoir cumulé 9 millions de pertes, le MTG XV de Montauban, dont la mutuelle était actionnaire et Havis vice-président, a dû déposer le bilan en 2010. Vilain plaquage.
Désormais, le mutualiste s’entiche d’avions. Le 17 avril 2015, la Matmut a pris le contrôle de Phenix, petite compagnie d’aviation d’affaires installée au Havre. En dépit d’une situation économique précaire, la société s’est dotée d’un appareil quasiment neuf, immatriculé F-HMUT. Pour les « opérations d’assistance » et les « rapatriements sanitaires », précise sa direction.
En trois ans, Phenix a accumulé 1,95 million de pertes ! Matmut Développement, la filiale portant la compagnie aérienne (rebaptisée « Air Matmut » en interne), affiche 3 millions de dettes au compteur.
Et le décollage, c’est pour quand ?
Encore un exemple qui illustre pourquoi les frais de gestion des mutuelles dépassent ceux de la sécurité sociale. Salaires mirobolants, entre-soi idéal pour prendre de mauvaises décisions, sponsor sportif et actionnaire pour le prestige / l'image, matraquage publicitaire avec Chevallier et Laspalès, etc. Forcément, tout ça, ça coûte un « pognon de dingue », et c'est répercuté sur les cotisations, contrairement à la sécu…
Dans le Canard enchaîné du 15 mai 2019.