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  • Dans le numéro 114 (octobre - décembre 2024) de Fakir

    Deux excellents articles sur la motivation du vote RN dont je recommande vivement la lecture afin de sortir des clichés ambiants : Benoît Coquard : "C'est les affinités qui bousculeront le politique !" (accès gratuit) et Sur ces terres à reprendre au RN (accès payant). Mes notes ci-dessous.



    Benoît Coquard : "C'est les affinités qui bousculeront le politique !" :

    • Benoît Coquard est sociologue. Pendant 10 ans, il avait suivi ceux qui deviendraient les Gilets jaunes ;

    • Les électeurs du RN ne sont pas racistes au sens trier les personnes et les discriminer en fonction de leur origine, de leur couleur de peau. Il s'agit d'une mise à distance des personnes qui sont socialement plus bas qu'eux, les fameux « cassos », afin de, quand on est pauvre ou handicapé ou…, pallier son humiliation en sachant qu'il y a plus bas, plus écrasé, plus humilié que soi. Le RN, c'est la certitude qu'il y aura plus maltraité que soi. C'est un « Nous contre Eux », le fameux populisme de droite (on rappellera que LFI a tenté le populisme de gauche en 2017). Quelques exemples concrets au 4e point du 2e article ci-dessous ;

    • Pourquoi ces électeurs ne se tournent-ils pas vers les partis politiques de gauche, les syndicats, etc. ? Car on les y rabaisse, on leur explique qu'ils ne sont pas dans la doctrine, qu'ils pensent mal, qu'ils ne s'expriment pas bien, qu'ils sont racistes, etc. Cf. le mauvais traitement des Gilets jaunes, y compris par des syndicats comme la CGT ;

    • Nous votons par affinité avec ceux qui sont sympas à notre égard (cf. point précédent), à qui nous voulons ressembler : la personne qui tient tête, qui fait genre d'être anti-conformiste / anti-système, le cool kid, comme le RN ; le beau gosse comme Bardella ou Macron versus Méluche, Roussel, etc. ; les riches, à qui l'on veut ressembler bien plus qu'aux gauchos sans-le-sou ;

    • Comment expliquer le vote RN des habituels abstentionnistes ? Nous ne votons pas que par conviction, mais aussi par conformisme, par imitation de ce que l'on pense que les autres voteront. Les absentéistes se déplacent quand ils perçoivent que ça va servir à quelque chose. C'est sur ce point que les médias d'extrême-droite ont un impact.



    Sur ces terres à reprendre au RN :

    • Fakir a conduit plusieurs entretiens informels dans des villages de Loire-Atlantique, de la Nièvre, de la Seine-Maritime et de la Somme, y compris avec des votants RN voire des adhérents RN. Évidemment, il faut se méfier des réponses des gens, il y a une méthodologie pour poser des questions et corriger les biais des réponses que Fakir ne met pas en œuvre, etc., mais ça reste intéressant ;

    • Le seul racisme paraît peu crédible : les habitants contents de revoir leurs kebabiers tunisiens, le logement de la mairie mis à la disposition de réfugiés arméniens (qui tiennent un stand de bouffe) sans que ça râle, la belle-sœur marocaine, l'ami tunisien, l'autre sénégalais, l'électrice RN qui œuvre dans une asso d'aide aux migrants, le village volontaire pour l'accueil des migrants sans que ça râle, etc. Aucun racisme subi (un seul contre-exemple datant de 1996). Tout ça sur des terres qui ont voté RN ;

    • Pour un maire, aussi vice-président de l'association des maires ruraux de France, les ruraux se sentent oubliés, déclassés : plus de commerces (zones commerciales), plus d'activités hors taff (plus de budget), les professions supérieures viennent travailler mais vivent dans la grande-ville (donc absence de mixité sociale), etc. Tout au long des entretiens, on retrouve les idées de déclassement, d'écrasement, et d'humiliation (ne pas avoir de travail, se sentir inutile, ne pas avoir accès à la santé, à l'école, aux commerces, avoir le sentiment que sa vie ne compte pas, d'être dirigé par des gens éloignés de la réalité, etc.). La dénonciation des cassos, des assistés, de ceux qui ont et sont moins que les personnes interrogées revient également tout au long des entretiens ;

    • Chacun se compare et jalouse l'autre : le parent d'un handicapé voit bien qu'il n'a pas aussi bien accès à la santé, à l'école, etc. que d'autres alors que l'état de santé de son gosse le justifie ; le réfugié qui veut ses papiers mais pas que les autres en aient afin que ça ne soit pas le bazar ; un député PC qui aide les grévistes très syndiqués d'une grosse boîte se fait mal voir des salariés de petites sociétés commerciales très peu syndiqués qui se sentent écrasés, sans possibilité d'action ; etc. ;

    • Le vote RN est aussi justifié par « tout est interdit de nos jours ». On lisait déjà cela fin 2018. Les gens voudraient faire tout ce qu'ils veulent (travail dissimulé, rouler à fond la caisse, etc.). Forcément, la gauche ne propose pas ça puisqu'elle veut tout discuter, tout politiser, tout réguler, etc. alors qu'avec le RN, chacun espère être du côté qui sera épargné. Il y a ce côté France d'avant, cette nostalgie d'un monde qui n'a jamais existé : les Français ont toujours aimé les règles pour les autres, l'ordre, l'autorité, le contrôle social, la paperasse, demander trouzemilles justificatifs et justifications, etc. tout en prétendant kiffer la liberté, mais la prospérité économique d'après-guerre faisait que personne n'y prêtait attention ;

    • Le vote RN est aussi justifié par la volonté de changer d'élus, et donc, on vote pour celui dont on pense que les autres voteront pour lui, sous l'influence des médias. Même un député PC très apprécié, qui a œuvré sur le terrain, n'a pas été réélu, et même ses ex-électeurs, qu'il a aidé, lui disent "déso, on voulait Bardella pour changer les choses", avant de lui demander de l'aide car le député RN fraîchement élu veut rien faire pour eux ;

    • Les idées de gauche semblent irréalistes. Exemple : les gens gagnent tellement peu que le SMIC à 1 600 € leur paraît infaisable. Les gens ont intégré leur malheur, ont intégré le mantra de droite disant que ce n'est pas réaliste, qu'ils ne sont rien, qu'ils pensent mal, etc. ;

    • D'après une enquête post-électorale du 30/06/2024 d'IPSOS : 57 % des ouvriers ont voté RN (21 % pour le NFP) contre 21 % des cadres (34 % pour le NFP) ; 61 % des électeurs se disant pas du tout satisfaits de leur niveau de vie ont voté RN (23 % pour le NFP) contre 15 % des électeurs très satisfaits (32 % pour le NFP) ; 54 % des électeurs se disant d'un milieu social défavorisés ont voté RN (29 % pour le NFP) contre 21 % des électeurs aisés (28 % pour le NFP).



    Je suis très content que Fakir ait fait ce travail, ait publié cela, car ça permet de nuancer tout ce qu'on entend depuis juin 2024 sur le prétendu racisme des gens, leur fascisme, leur misogynie, leur transphobie, etc, y compris quand il s'agit de la réélection de Trump ("comment peut-on voter pour un menteur, un misogyne, un anti-LBGTQI+, un tyran, blablabla ? Ma réponse : parce que ce n'est pas le sujet de préoccupation des électeurs). Tout cela m'a semblé et me semble incomplet.

    Ce qui m'interroge, c'est pourquoi les Français seraient plus racistes qu'avant ? La réponse de la gauche qui sature l'espace médiatique, c'est que la faute incomberait au seul mézant pas beau pas gentil Bolloré (et à quelques autres, allez). Sauf que les audiences de ses médias totalisent quelques millions de personnes, bien loin des 10,7 millions d'électeurs de l'extrême-droite aux élections de 2024. Sans compter que je n'aime pas cette idée, car elle a pour conséquence de nier la liberté et la capacité de réflexion de chacun, quand bien même je ne nie pas que l'essentiel de mes concitoyens, bien au-delà de l'extrême-droite, sont des ignares, des idiots, et des moutons. Bref, l'explication est trop facile. Pour moi, il y a forcément plusieurs autres déclencheurs du vote RN, et les explications de Coquard (cf. supra) sont pertinentes : fin de la prospérité économique (qui correspond au décollage électoral du FN dans les années 80 autant que la médiatisation de ce parti) donc on est inquiet pour sa pomme, donc on se compare aux autres, on ne veut pas être en bas de l'échelle, on veut ressembler aux riches, on rejette la gauche qui nous rejette aussi, etc.

    Je m'interroge aussi sur pourquoi l'étranger est souvent le premier cassos que l'on désigne ? Pourquoi ne pas pointer tout autre prétendu assisté ? Mon explication est que ça fait mal de reconnaître que ses proches, ses amis, ses congénères proches sont des assistés. On constate cela dans les études : le sondeur demande s'il faut couper les prestations sociales, réponse positive, puis, quand le sondeur égrène prestation par prestation et que le sondé se rend compte qu'il les perçoit ou qu'un proche les perçoit, il répond qu'il ne faut pas y toucher. J'en retire que le plus facile est donc de tirer sur l'étranger, le différent (par origine, par nationalité, etc., c'est imparable). Inversement, on ne va pas tirer sur le riche, comme le voudrait la gauche, car on veut lui ressembler, on veut échapper à notre situation merdique (ou qu'on pense être merdique ou susceptible de le devenir).

    Pour moi, le vote, RN ou non, est multifactoriel. Est bien malin celui qui peut identifier tous les facteurs, leur influence précise, etc. Ainsi, je ne nie pas le racisme ni le fascisme ni l'autoritarisme de nos sociétés, mais j'en fais des facteurs comme les autres, d'autant qu'à mes yeux, le mentalité française a toujours été ainsi. La France a toujours voté à droite. Les deux ascensions du PS à la présidence de la République ont eu lieu quand il était de droite (tout en tenant des discours confusionnistes comme "mon ennemi c'est la finance" en 2012 ou "celui qui ne consent pas à la rupture avec la société capitaliste ne peut pas être adhérent au PS" en 1971). Les Français ont toujours été et sont toujours des peureux qui ont peur du futur, de perdre leur position sociale, leur acquis, leur train de vie, leurs privilèges, leur quotidien, etc. D'où l'amour de l'ordre dont je parlais plus haut afin que rien ne change.

    Je pense aussi que les gens ont peur des potentiels retours de bâton des idées de gauche. Le SMIC à 1 600 € leur fait penser que le patronat se vengera en augmentant les cadences par ex. De même, ceux qui sont aujourd'hui à 1 600 € et légèrement au-dessus ont peur que leur rémunération ne soit pas revalorisée, auquel cas ils seront en bas de l'échelle sociale (peur du déclassement, toujours). La taxation des riches leur fait penser que ceux-ci ont les moyens de s'en défendre et, qu'au final, c'est eux qui trinqueront (délocalisations, hausse de leurs impôts, etc.). La gauche, c'est de grands discours, tout discuter en permanence, jouer collectif, attendre que les idées infusent, attendre le Grand Soir, etc., ce qui ne leur paraît pas être la temporalité adaptée à leur situation ou à leur ressenti sur celle-ci. La droite, c'est facile : on punit les gens qui ont démérité, c'est simple, il n'y a rien à comprendre, et y a rien à faire, les idées sont déjà là. La gauche, faut se bouger, tout ça pour, au final, être déçu de ne rien obtenir, faut espérer un monde nouveau et meilleur, faut espérer que la lutte collective portera ses fruits, etc. La droite, c'est le manque de confiance en soi et en autrui.

    Trump a aussi prospéré sur les ratés de la politique économique de Biden, sur le fait que le programme de Harris prenait trop peu de distance avec, et qu'il proposait trop peu de différences avec celui de Trump (sur les guerres en cours, sur l'écologie, etc.). Sur tout ça, voir États-Unis : l’élection qui va tout faire basculer chez Blast et Victoire de Trump : les démocrates victimes de l’illusion de la croissance chez Médiapart (pour ceux qui n'ont pas d'abonnement, comme moi, je propose, ci-dessous, les citations tirées par Mydjey. Bref, je pense que le fait que Trump soit un menteur misogyne, anti-immigration, anti-LGBTQI+, etc. a eu un très faible rôle sur sa réélection : osef de ces sujets quand tu ressens un déclassement, une humiliation, etc. et qu'un sauveur te vend le retour de l'Amérique d'antan.



    Je recopie ici Mydjey (https://shaarli.mydjey.eu/shaare/MormYw) qui cite Médiapart (https://www.mediapart.fr/journal/international/061124/victoire-de-trump-les-democrates-victimes-de-l-illusion-de-la-croissance) :

    Si vous avez un accès Mediapart, à lire en entier vraiment, pour sortir du discours de comptoir : "tous racistes, sexistes et rétrogrades".

    L’ampleur de la victoire de Donald Trump le 5 novembre 2024 ne peut s’expliquer sans comprendre le facteur économique et la façon dont les démocrates ont abordé cette question. Les 4 points gagnés par le milliardaire new-yorkais entre les scrutins de 2020 et de 2024 montrent qu’une partie de l’électorat a basculé, au cours de ces quatre années, vers les républicains.

    La question est alors de savoir ce qui a déterminé cette bascule. De ce point de vue, les premières enquêtes post-électorales confirment ce qui avait été perçu au cours de l’ensemble de la campagne : l’économie a été le premier déterminant du vote pour 39 % des électeurs, selon une enquêt de l'agence AP.

    L’hypothèse d’un rejet du bilan économique de la présidence Biden est confirmée par d’autres éléments, notamment par les résultats des référendums locaux. Dans des États qui ont choisi très largement Trump, le droit à l’avortement a souvent été renforcé dans les urnes [Les Américains votaient en plus des présidentiel au niveau fédéral sur les sujets liés à l'avortement], preuve que son discours réactionnaire n’a pas été la principale force motrice de sa victoire

    Plus bas :

    Pourtant, l’humeur des citoyen·nes n’a pas suivi cet enthousiasme des économistes. Toutes les enquêtes montraient que la plupart des États-Uniens avaient le sentiment que leur niveau de vie s’était dégradé. Mais les économistes et les cadres démocrates sont restés attachés à leur fétichisme statistique : les chiffres ne mentant pas, c’était donc le sentiment des électeurs et électrices qui était faux et manipulé.

    Pendant des mois, et encore récemment, le Prix Nobel d’économie Paul Krugman, éditorialiste économique au New York Times, a passé son temps à affirmer que les économistes avaient raison et que les gens avaient tort. Le sentiment négatif sur l’économie n’était que le produit d’une énième fake news trumpiste.

    Mais le président élu n’a pas eu besoin de déployer ses talents de menteur pour convaincre l’électorat sur l’économie. Il a mené sa campagne en martelant cette question : « Votre situation est-elle meilleure qu’il y a quatre ans ? » Et une partie de l’électorat y a répondu dans les urnes.

    Et :

    Cette situation traduit un fait notable par rapport aux années 1990 : la croissance a changé de nature. Elle ne reflète plus aussi clairement le bien-être social. Et pour deux raisons. D’abord, les conditions de production de la croissance sont plus difficiles et supposent parfois une dégradation des conditions de vie des ménages. Ensuite, parce que les difficultés croissantes à produire de la croissance conduisent à une captation de cette dernière par une minorité à des fins d’accumulation. En d’autres termes : l’accélération de la croissance a un coût social croissant.

    Et :

    Car les hausses de coûts sur les primes d’assurance et les loyers ne sont pas comptabilisées dans le taux d’inflation

    Et :

    À cette hausse des dépenses contraintes s’ajoute le fait que les prix alimentaires ont explosé en 2022 et 2023 de respectivement 9,9 % et 5,8 %, [...] Une grande partie des États-Uniens ont eu le sentiment de travailler toujours davantage pour pouvoir consommer toujours moins. Ce n’était pas là une fake news mais une réalité très largement vécue.

    Et :

    La situation économique des États-Unis était donc explosive, et les démocrates étaient dans le déni. En ne cessant de crier aux fake news, ils ont achevé de s’aliéner une population cruciale pour leur victoire. Kamala Harris a tenté de corriger le tir en cessant de se prévaloir du bilan Biden, mais, obsédée par le gain du vote modéré, elle a refusé de prendre la réalité concrète des ménages en considération.

    Thu 02 Jan 2025 01:14:22 PM CET - permalink -
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