L'entretien professionnel individuel (EPI) existe dans le privé comme dans le public. Dans le public, il concerne aussi bien les fonctionnaires que les contractuels (CDD et CDI). Sa fréquence est de deux ans dans le privé et d'un an dans le public (parce qu'on a que ça à faire, faut croire ‒ non, sérieux, je trouve sincèrement que ça contribue à la mauvaise image de la fonction publique ‒). Dans tous les cas, il est obligatoire. Dans ce shaarli, je vais me concentrer sur le refus d'un entretien pro par un contractuel de la fonction publique d'État.
Ce rendez-vous avec ton chef (oups, on dit n+1 de nos jours afin de tenter de masquer la hiérarchie, de faire croire qu'on est tous amis, choupinou tralala) est censé permettre de faire dialoguer chef et sous-fifre (lol), de proposer des évolutions (promotion, changement de poste, etc.), de fixer les objectifs de l'année à venir, de vérifier si t'as atteint les objectifs de l'année passée, de vérifier tes besoins de formation, de remonter des problèmes dans l'équipe ou entre les équipes, etc. Bref, « de faire le point », par écrit.
Pour ma part, je refuse de participer à cette mascarade.
La première année, j'ai pu échapper à c'te merde d'entretien. En effet, j'avais un CDD de dix mois. Or, le décret qui encadre l'EPI chez les contractuels, le décret numéro 86-83 du 17 janvier 1986, dispose, dans son article 1-4, que : « Les agents recrutés pour répondre à un besoin permanent par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée d'une durée supérieure à un an bénéficient chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à un compte rendu. ». Dix mois, c'est inférieur à un an. Argument refusé par la direction des ressources humaines. Pas moyen d'analyser le décret ensemble, rien, la pionne me récite doctement la bible locale et ne comprend pas que je puisse oser remettre en cause la Très Sainte Parole de mon service RH. Circulez, y'a rien à voir ! Un rendez-vous avec le directeur des ressources humaines clarifiera la situation : il partage mon analyse du décret, mais il me vante une politique volontariste de mon administration en mode "tu vois, on prend soin des gens". OK, c'est donc acté : pas d'EPI pour moi.
À partir de la deuxième année, c'est plus compliqué. De mon plein gré, je signe des CDD d'un an. Chaque fois, mon employeur me propose un CDD de deux ans, mais je demande un an. Il y a évidemment une stratégie derrière ça. Donc, on pourrait croire que je suis toujours dispensé par l'article 1-4 sus-cité qui prévoit un EPI si CDD > un an. Je le pense aussi. Mais, d'un autre côté, je pense qu'un juge trancherait dans le sens inverse en invoquant trois points : 1) le cumul de mes CDD dépasse largement un an ; 2) le législateur voulait très certainement inclure ce cumul dans sa définition (le contraire exclurait tellement d'agents…) ; 3) le premier critère, le « besoin permanent » est rempli puisque ça fait des années que je suis à mon poste et que ce poste perdurerait si je partais. Bref, c'est flou. Et comme il n'y a pas d'instance auprès de laquelle se renseigner… J'ai refusé le dernier EPI sans m'appuyer sur ce décret, juste en disant "je veux pas de votre merde". J'ai pas eu. Mais cela ressemble à une faveur (lire ci-dessous).
En vrai, c'est moins idyllique que cela.
Bien sûr, direction des ressources humaines et chef m'ont adressé les habituelles menaces : "ça va te nuire", "en cas de promotion, si t'es à égalité avec un autre, ton refus d'EPI jouera contre toi", "idem si l'on veut te virer", etc. Ce à quoi je réponds : LOLILOL. :)))) Je suis ingénieur en informatique. Du taff, j'en trouverai où je veux, quand je veux. De plus, le service RH étant débordé, je doute profondément sur le fait que les EPI soient ressortis du placard lors d'une hypothétique promotion.
Les deux fois, mon chef a été obligé de remplir l'EPI en mon absence. Enfin, obligé… C'est un bien grand mot. Il aurait pu choisir d'envoyer tout ça bouler. Surtout qu'il est fonctionnaire… Les deux fois, j'ai dû signer son taff, comme lors d'un vrai EPI. J'ai vaguement relu avant, rien à foutre.
Cette année, il s'est fait retoquer la majorité des EPI de ses sous-fifres (les rendre très en retard n'aide pas à se fondre dans la masse…). Objectifs pas renseignés. Occupation du temps de travail pas renseignée. Il avait volontairement refusé d'évaluer notre « capacité à servir » (or, comme on l'a vu plus haut, le CIA peut être basé sur ça ;) ). Etc. Au final, les sous-fifres ont les mêmes objectifs vagues (maintien du système d'information, etc.) alors qu'on travaille sur des choses très différentes. Une partie des réponses, c'est du copié/collé de Wikipedia (il cite sa source). Et on a tous la même réponse évasive concernant notre capacité à servir. C'est passé. Ça confirme mon intuition initiale : les EPI sont du gros BULLSHIT inutile. Y'a rien de sérieux.
Bref, refuser son entretien professionnel annuel quand on est un contractuel de la fonction publique d'État, c'est possible. Je t'encourage vivement à en faire de même, même si tu travailles dans le privé. :)