Deux entretiens avec l'éditorialiste (non, selon mes critères, elle n'est pas journaliste, elle se contente de donner son avis sur tous les sujets) Natacha Polony.
Mes notes sur l'entretien pointé par ce shaarli
- On a cassé la spécialisation des journalistes avec le roulement au sein des rédactions (l'interchangeabilité), la mise en avant de l'investigation au détriment de la réflexion de fond), etc., ce qui rend les journalistes inaptes à comprendre les sujets qu'ils traitent, car ils ne peuvent pas démêler le vrai du faux ;
- Le mot « fake news » permet d'éviter de se poser des questions et constitue un leurre politique. Exemple : la nouvelle selon laquelle la méchante Russie installe le méchant Trump au pouvoir est d'un simplisme qui évite de remettre en cause la politique US qui a conduit à ça ;
- Le « fact-checking » et le Decodex dépossèdent le citoyen de son esprit critique. Les faits se vérifient, mais pas une analyse politique qui est forcément contradictoire puisqu'elle dépend des valeurs que l'on promeut, que l'on veut faire respecter à travers elle ;
- Plutôt que son rôle actuel, on pourrait impliquer le CSA dans la réflexion sur la concentration des médias, l'indépendance de la presse, la diversité des formations (faut-il avoir suivi une formation de journaliste pour être journaliste comme on fait l'ENA pour être politicien ?), etc. sans pour autant entrer dans le jugement politique. Pour ma part, je suis nuancé : oui, une autorité de contrôle des points exposés serait intéressante, mais on n'évitera jamais le jugement politique dans une instance de régulation, et, appliqué au journalisme, ce jugement me laisse présager le pire ;
- La concentration politicienne à Paris entraîne une concentration des médias nationaux à Paris, ce qui entraîne un isolement social (fréquentations, etc.) et culturel (pratiques quotidiennes, pratiques culturelles, etc.) des journalistes ;
- Natache plaide pour une immigration contrôlée qui permet l'existence d'une communauté politique apaisée. L'intégration prend du temps et nécessite l'implication des gens qui accueillent. En l'absence de ce terreau-là, on est obligé de faire des lois pour contraindre les gens à vivre ensemble. Oui, c'est ce qui s'est passé en France avec Internet (lire le premier point). Cette intégration passe par le fait de combattre la peur, fondée ou non, d'être minoritaire chez soi à cause de valeurs importées qui seraient perçues comme étant trop différentes des valeurs du pays d'accueil ;
- Le règlement européen dit de Dublin est inhumain : on crée artificiellement un flux interne de migrants en boucle fermée qui tentent de passer, se font renvoyer dans le pays de leur demande d'asile, re-tentent un passage, etc. pendant des années… Ça alimente, en partie la trésorerie des passeurs ;
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Natacha rappelle que la colonisation n'est pas vraiment terminée puisque des multinationales, dont des Françaises, pillent les ressources minières des pays d'Afrique, ce qui tue dans l'œuf toute possibilité de développement économique local, donc qui fait émerger toujours plus de candidats à l'exil en raison de la démographie ;
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Voile :
- Il existe plusieurs types de ce que nous nommons voile à la grosse louche : turban, hijab (visage apparent), niqab (seulement les yeux), burka (idem), sitar (idem + voile fin devant les yeux), abaya (couvre l'ensemble du corps), etc. Il faut examiner chaque type différemment ;
- S'il est porté comme un signe religieux dans l'espace public, c'est parfaitement acceptable ;
- S'il s'agit d'un signe politique de refus des valeurs du pays d'accueil, alors ce n'est pas acceptable, quand bien même on pourrait s'inspirer des valeurs promus par les porteuses de ces vêtements pour nuancer les bimbos de nos téléréalités. Notons que cela crispe tout le monde : voir le corps de la femme être instrumentalisé peut provoquer une volonté de proposer de nouvelles valeurs au pays d'accueil (pour moi, il s'agit d'un effarouchement feint, par opportunisme, dans une grande majorité de personnes). L'habitude des pays d'accueil de consommer le corps de la femme provoque une frustration face à une femme voilée, car ce n'est pas conforme à l'image que nous en avons. Mettre l'accent sur le voile dans tous les débats publics crispe encore plus les accueillis… ;
- La France entretien des rapports hommes / femmes spécifiques : nous n'avons pas une culture dans laquelle la femme est dévolue à l'espace privé et l'homme à l'espace public (structures qui dominent autour de la méditerranée dont l'origine pourrait remonter à la Grèce avec le Gynécée, les fouilles archéologiques ne le confirment pas) ni une culture séparatiste comme certains pays anglo-saxons où hommes et femmes vivent plutôt séparés même si tous les deux participent à la vie publique. La France pense le rapport homme / femme par l'amour courtois, par un dépassement du désir par le langage. Ça n'empêche pas la domination, le machisme, etc. C'est cela, la mixité dans l'espace public français. Si le voile est un signe religieux et politique qui marque que la femme est responsable du désir qu'elle fait naître, qu'il y a un refus de l'espace social commun au profit d'un séparatisme social, cela pose un problème ;
- Nous vivons aujourd'hui dans un totalitarisme doux basé sur la gestion de l'espoir de posséder, la gestion de la frustration née du spectacle de la consommation par ceux qui ne peuvent y accéder, etc. qui permet de canaliser les comportements qui naissent dans une société consumériste dans laquelle les pulsions sont favorisées au détriment de la réflexion, ce qui délite complètement le vivre ensemble, la politique. Le totalitarisme doux permet de gérer ce délitement.
- Il n'y a plus de censure des journalistes aussi franche qu'il y a 50 ans, il n'y a plus de chape de plomb idéologique comme dans les années 90, il y a une manière répandue dans la profession de ne pas (bien) traiter les sujets ;
- Quel est l'intérêt, pour un journaliste, de participer à des groupes de pression "secrets" comme le Bilderberg, le Dolder ? Les participants sont tenus par le secret, donc il n'y a rien à raconter… Comprendre les cercles de pouvoir ? Ça peut se comprendre autrement… ;
- La déchéance de nationalité des terroristes n'a-t-elle pas été proposé afin de faciliter la torture par la perte des droits rattachée à la nationalité, sur le modèle du camp de Guantánamo ? Extra-territorialité de la justice du terroriste… ;
- Youtube, les réseaux sociaux, Internet en général disposent d'une puissance immédiatement mesurable (vues, likes, rt, réponses, commentaires, etc.). Les autres médias n'ont pas tout à fait ce caractère immédiatement mesurable de leur puissance.