@OpenNews :
C'est dommage que le débat sur l'anonymat reste au final très superficiel.
Dans ce shaarli précis, mon propos n'est pas de débattre de la moralité (bien / mal) de l'anonymat, mais de rappeler que ça existe aussi AFK. Ma rhétorique s'adresse justement aux gens qui n'ont pas le temps / l'envie d'approfondir le sujet. Partant de là, tout ton écrit est hors sujet.
1) Effectivement on constate que les gens sur internet ne sont pas vraiment anonyme, mais ... grâce aux GAFAM. Tout les exemples de personnes identifiées et poursuivies sont liées à une collaboration des GAFAM avec la justice et au fait que les GAFAM eux-mêmes imposent ces utilisateurs de produire des éléments pouvant les identifier.
Rhétorique (généralisation). C'est faux. Dans le cas de l'attentat de 2012 à Toulouse, Le Bon Coin avait transmis aux flics les infos sur les personnes qui étaient entrées en relation avec le militaire assassiné le 11 mars (les flics ont été trop lents pour se servir de l'info à temps, mais c'est un autre sujet). Le Bon Coin n'est pas un GAFAM. Même chose pour Triskel, l'éditeur de services numériques publics qui ont été utilisés sans accord préalable (il n'y avait pas lieu d'en demander) par des membres du collectif Anonymous afin de coordonner une attaque DDoS : ce ne sont pas les GAFAM qui ont cafardé. Ce n'est pas non plus les GAFAM qui balancent les fournisseurs de nœuds de sortie Tor (voir les bilans moraux de l'association Nos Oignons). Je n'évoquerai pas les cas privés que j'ai eu à connaître dans des Fournisseurs d'Accès à Internet / hébergeurs associatifs et dans mes emplois (on fournit un accès à Internet aux collègues comme toute organisation moderne).
Les GAFAM sont imposants et ont un impact sur beaucoup de citoyens, donc il est légitime de s'intéresser à eux, mais ils ne sont pas les seuls acteurs. Les FAI sont tenus de conserver des traces (mais la Cour de Justice de l'UE a jugé en 2014 et 2016 que la France les fait conserver trop longtemps et qu'elles portent sur trop de personnes indifférenciées, ce qui constitue une atteinte à la vie privée, pile ce que les militants pro-vie privée affirmaient en 2004… À l'époque, c'était eux les méchants pas beaux qui voulaient la vie privée absolue qui s'oppose à la vie en société gnagnagna). Même chose pour les sociétés commerciales qui fournissent un accès à Internet à leurs employés. En France, les fournisseurs de services sont également tenus de conserver des traces des personnes qui publient des contenus. Même chose pour les hébergeurs. Il y a évidemment les services sur lesquels l'anonymat a un intérêt très limité comme un site web de rencontres (il faudra bien se rencontrer sincèrement à moment donné, donc mentir démesurément afin de préserver sa vie privée a peu d'intérêt) ou un réseau social (en fonction de l'usage) ou des boutiques en ligne (adresse de livraison…). Enfin, il y a les traces collectées contre le gré des personnes comme celles collectées par les traqueurs publicitaires ou de mesure d'audience et celles qui sont liées à l'externalisation rampante (comme AFK), ce qui inclut les profils fantômes sur les réseaux sociaux.
C'est parfois étrange de voir certaines personnes utiliser à la fois l'argument que personne n'est vraiment anonyme sur internet et de l'autre qu'il y a un problème de respect de vie privée avec les GAFAM,
Rhétorique ("ce n'est pas cohérent tout ça" / fausse opposition entre deux concepts). J'ai écrit que l'anonymat existe sur Internet comme AFK, point. Ci-dessus, j'ai exposé qu'il y a des collectes légitimes et illégitimes (je n'ai pas écrit légales / illégales, la CJUE a jugé illégal au regard du droit de l'UE le régime français de conservation des traces côté FAI) de données permettant d'identifier une personne. Sur Internet comme AFK. Ben oui, AFK le boutiquier d'un bled où j'ai jamais mis les pieds, pour qui je suis donc anonyme, se souviendra quand même de moi quelque temps si les flics l'interrogent. Mon barman préféré voit environ avec qui je traîne (il a pas les noms, mais il voit). L'anonymat est relatif, de fait, AFK comme sur Internet, mais il existe et il faut prendre ça en compte.
Dire « on n'est pas anonyme sur Internet » et « il y a un problème de respect de vie privée par les acteurs du numérique », ce n'est pas contradictoire. Ce n'est pas parce que quelqu'un n'est pas anonyme pour toi que tu peux faire n'importe quoi avec les éléments qu'il t'a confié et qui lui retirent son anonymat à tes yeux. L'enjeu, c'est la manière de procéder à la collecte et à la conservation des traces et leur encadrement. La collecte d'infos permettant de lever l'anonymat est-elle légitime ? Quelle en est la motivation ? Est-elle prévue par un texte de loi ? Si elle n'est pas une obligation, y-a-t-il eu consentement ? Quelle est la procédure d'accès ? Y-a-t-il des contre-pouvoirs ? Etc.
Les interactions réellement anonymes s'opposent aux règles de société de base.
Je ne pense pas. Comme je l'ai écrit, l'anonymat est la forme la plus courante des relations dans une société humaine. Internet change rien à l'affaire. L'anonymat n'est pas dangereux en lui-même. Les stats de la criminalité vont dans ce sens-là : la victime connaît son agresseur dans la majorité des cas. Le simple fait d'être anonyme ne va pas te donner l'envie de me nuire, il y a d'autres facteurs éco-socio-psycho-culturels et motivations qui entrent en jeu. Petite digression : c'est le cas des insultes / menaces sur les réseaux sociaux, par exemple : c'est aussi dû aux choix de ces plateformes numériques de promouvoir ce qui mousse car ça maintient l'engagement des gens donc les rentrées publicitaires, ainsi qu'à la limitation de la taille des messages qui, dans la pratique, contraint à faire court. Or "nik ta mèr sal chien", c'est plus court qu'un long pavé explicatif (point "l'outil impacte la manière dont les rapports sociaux ont lieu").
Ceux qui défendent une vie privée absolue sont pourtant en général également ceux qui dénoncent les entreprises qui lobbyent secrétement avec les politiciens ou poussent pour des actes biaisés en science, sur le marché, ou dans les médias.
Rhétorique (pousser le raisonnement à l'extrême). Là encore, je n'ai pas écrit que la vie privée devait être absolue. Ensuite, tu confonds espace privé et espace public. Quand tu participes à la vie publique (exemple que tu donnes), ça ne peut pas être en scred, ça ne peut pas relever de la vie privée. Il est évidemment que seule ta participation à la vie publique et ce qui pourrait l'influencer (relation privée qui entraîne un conflit d'intérêt, par exemple) doit être public, et que le reste de ta vie doit rester privé. Il existe l'expression « la vie privée pour les faibles, la transparence pour les puissants » qui résume cette idée, mais je ne l'aime pas trop, car elle laisse penser qu'un PDG du CAC 40 ou un chef d'État ou un militant ne peut pas avoir de vie privée en dehors de ses fonctions de part sa """"puissance"""".
il n'y a personne au milieu pour proposer ce qui existe depuis des siècles: protéger la vie privée non pas en rendant techniquement impossible le viol de la vie privée, mais en rendant possible son illégalité parce qu'on a construit une société qui ne le tolère pas.
Techniquement, il est hyper facile pour un état d'espionner le courrier de quelqu'un. Mais ouvrir les enveloppes lui est tout simplement interdit.
De la même manière, la question n'est pas un anonymat techniquement impossible à lever, mais impossible à lever sans impliquer des acteurs citoyens ayant des garanties légales.
Là encore, je n'ai pas parlé de rendre techniquement impossible le viol de la vie privée. Je suis d'accord, sauf que je suis moins candide : le courrier postal a toujours été ouvert par les services de renseignement / les flics / l'État en général et il l'est toujours. Sous conditions blablabla, mais quand même. Même constat dans le numérique d'autant que c'est plus facile, ça se voit pas ou difficilement, c'est moins coûteux, etc. Numérique comme AFK, ce n'est pas toujours pour des raisons légitimes ni même légales. C'est pour ça qu'on a besoin des deux : d'une règle de vie en commun qui dispose que ce comportement est inacceptable et des solutions techniques qui permettent de rendre effectif ce joli principe si besoin.