Elles font sur Internet : en faveur de Christophe Dettinger, le boxeur de gendarmes, pour financer sa défense en justice, puis en faveur des forces de l’ordre et de leurs blessés. En quelques jours, des centaines de milliers d’euros ont été collectés par les « plateformes de financement participatif ». Le 8 janvier, l’intervention sur Francetvinfo de Marlène Schiappa n’a pas calmé le jeu, bien au contraire. A propos de la cagnotte pro-Dettinger, la secrétaire d’Etat a jugé « souhaitable de savoir qui [avait] donné à cette cagnotte », estimant que c’était là « une forme de complicité ».
Aussitôt apparaissait une cagnotte « pour que Schiappa se taise ». Un objectif très ambitieux, voire utopique ! Obtenir le mutisme de l’intempestive Schiappa pourrait coûter une fortune… et donner des idées au fisc.
Toutes ces tirelires cassées pour de bonnes ou de mauvaises causes font saliver Bercy. Les Français ont encore de la monnaie sous le matelas, et ils le prouvent sur Internet. imprudents !
Déjà le ministère des Finances envisagerait de ne plus parler d’« impôt sur le revenu » mais de « cagnotte prélevée à la source ».
Je passe rapidement sur le propos stupide de Schiappa : permettre la meilleure défense possible de qui que ce soit, y compris du pire monstre, dans le cadre d'un procès judiciaire en l'aidant à financer cette défense ne devrait jamais être perçu comme une complicité ni comme quelque chose de négatif. Qu'une ministre déclare cela est proprement effrayant. Mais c'est tellement courant dans notre prétendu état de droit.
Je rejoins le fond de cet article : entre le renouvellement de son iPhone, l'achat massif de bidules inutiles connectés comme le Google Home et l'Amazon Echo, les cagnottes sus-citées (1,6 million au total), la cagnotte pour retrouver le joueur de foot Emiliano Sala (254 k€), ouais, je pense aussi que le français moyen a du fric en réserve et que sa demande de l'augmentation du pouvoir d'achat est illégitime. Le fric, c'est comme le temps, c'est une histoire de priorité. On ne devrait pas dire « je n'ai pas d'argent pour telle chose » mais « j'ai choisi de ne pas avoir d'argent pour telle chose ». Alors, oui, certains achats des pauvres semblent superflus aux bien-portant alors qu'ils s'inscrivent en réalité dans des actes sociaux de survie, mais il ne faut pas pousser.
J'aime à constater que 51 000 français moyen ont contribué à une cagnotte pro-flics pour un montant total de 1,5 million d'euros. Ça me fait penser à l'appel au retour à la loi et à l'ordre à la fin du mois de mai 68 par les personnes effrayées par la liberté. Les temps ne changent pas.
Dans le Canard enchaîné du 16 janvier 2019.