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——————————— Saturday 20, October 2018 ———————————

Le méchant fichier qui flique les responsables de FO

Les cadres du syndicat ont été fichés en douce et sans douceur.

« Ordure », « niais », « peu courageux » ou encore « franc-maçon », « trotskiste » : tels sont les commentaires, souvent gracieux, qui accompagnent les noms de 126 responsables du syndicat Force ouvrière dans un fichier interne tombé entre les palmes du « Canard ». Ce trombinoscope de choc, divisé en deux parties, répertorie les patrons des fédérations professionnelles (métallurgie, bâtiment, cheminots…) et ceux des unions départementales. Mais on est loin des Pages jaunes…

Outre les photos et les numéros de portable, les fiches des intéressés contiennent des renseignements aussi précis que délicieux. L’opinion politique (« plutôt à droite », « anarchiste », « PS »… ), l’appartenance à la franc-maçonnerie, voire l’éventuelle homosexualité sont dûment consignées. Sans oublier les doux épithètes : « bête », « mauvais », « influençable », « faux », « acariâtre », et même « complètement dingue ». Plus confraternel encore, un camarade est carrément qualifié de « mafieux » et un autre de « voleur dans les portefeuilles ». Mais que fait la police ?

Excès d’intelligence

Cet épais fichier a été constitué en octobre 2016 par des proches de Pascal Pavageau, le nouveau patron de FO, alors en lice pour remplacer Jean-Claude Mailly. Mais il commence seulement à fuiter dans les hautes sphères du syndicat, promettant une chaude ambiance ! Car les commentaires sont sans pitié, même pour les braves : « C’est grâce à lui que FO est majoritaire [dans une grande entreprise] », lit-on ainsi à propos d’un camarade, mais il n’est « pas assez loyal et courageux pour être SC » (secrétaire confédéral). Et pan !

Egalement en rayons : un sujet « anarchiste, brillant mais pas fiable » ou une responsable départementale « intègre » qui « manque de confiance en elle ». Le genre de fichage totalement prohibé par la loi informatique et Libertés. Et vigoureusement dénoncé par Force ouvrière quand il est pratiqué par Ikea ou d’autres boîtes privées

Qu’on se rassure, les responsables syndicaux ne sont pas tous affublés de noms d’oiseaux. Mais tous, ou presque, sont jugés sur leur proximité avec Pascal Pavageau, « PP » pour les intimes. S’il était le seul candidat à la tête du syndicat, Pavageau a craint jusqu’à la dernière minute une candidature surprise de Mailly ou d’un autre félon.

A un an et demi de l’élection et du congrès d’avril 2018, le trombinoscope analyse donc les forces en présence : « redevable à PP », « soutien de PP », « PP le connaît peu », « apprécié par PP » ou encore « déteste JCM » (Jean-Claude Mailly). Le fichier prépare aussi l’avenir. Certains sont déjà promis à une ascension dans l’appareil : « à voir pour le faire entrer au bureau confédéral ». Contrairement à d’autres : « soutien de PP, mais, trop direct et brut, il sera difficile de lui dire qu’il ne sera pas au bureau ». Ailleurs, un camarade est jugé « trop intelligent pour entrer au bureau confédéral » ! Il n’a plus qu’à corriger son vilain défaut…

Certaines observations, plus générales, fleurent le machiavélisme de comptoir : « être prudent avec [la fédération du spectacle, de la presse et de l’audiovisuel] car possibilité de nuire par les médias ». Quant à l’union départementale des Bouches-du-Rhône, elle est « complexe (on ne sait pas tout ce qui s’y passe) ». Ils n’ont pas de fichier, là-bas ?

Fausses “notes”

Contacté par « Le Canard », Pascal Pavageau reconnaît « une belle connerie », « une grave erreur », tout en rejetant la faute sur deux collaboratrices maladroites : « Pour moi, c’était un mémo, de l’ordre de la prise de notes, mais je n’avais jamais vu ni avalisé le résultat, qui est truffé d’âneries, de raccourcis. » A quoi devait servir cette « prise de notes » qui a légèrement dérapé ? « On se pré- parait pour le congrès, j’avais demandé à mes collaboratrices de former deux personnes que j’envisageais de nommer, en interne, en charge de l’organisation. Mais c’était un document de travail qui ne devait pas circuler. » Sans blague ?

L’affaire a de quoi remettre de l’huile sur les braises encore chaudes du dernier congrès. Car le passage de relais s’est effectué dans la douleur : Pavageau a dézingué la mollesse de son prédécesseur sur les ordonnances Travail, et Mailly a quitté le congrès sous les huées, au grand dam de ses proches.

Dans cette saine ambiance, Pavageau joue à son tour les victimes : « Je ne m’explique pas que ce document interne, qui n’a été vu que par deux ou trois personnes, sorte maintenant. » Il veut créer un fichier des coups bas ?

La lettre de démission de Pascal Pavageau vaut d'être lue, car il y expose un point de vue sur l'ambiance interne : vol de documents par des internes, règlements de comptes présumés entre courants de pensées différent, tentatives de doxing de Pavageau dans la presse depuis 6 mois, volonté de certains que Pavageau n'ai pas de cabinet afin que les tenors du syndicat puissent lui dicter leur ligne (alors que Pavageau voulait plus de transparence et de démocratie), etc.

Dans le Canard enchaîné du 10 octobre 2018.

Les grandes oreilles judiciaires transformées en libre-service policier

Une dizaine de poulets se sont déjà fait pincer pour avoir détourné à leur profit la Plateforme nationale des interceptions.

Mieux que la ligne Maginot : la plateforme nationale des interceptions judiciaires (Pnij) ! Présumé inviolable, ce système informatique prend des allures de passoire numérique. Depuis un an et demi, au moins « une dizaine de cas » d’utilisation potentiellement frauduleusede la Pnij par des membres des forces de l’ordre ont été mis au jour, reconnaît l’un de ses responsables.

Mise en service en octobre 2015 afin decentraliser les écoutes téléphoniques ordonnées par les magistrats, la Plateforme traite également les demandes d’identification de numéros, de factures détaillées (qui a appelé qui ?) ou de géolocalisation (qui était à tel endroit et quand ?) émises par la police judiciaire. Soit la bagatellede plus de 2 millions de réquisitions par an, visant aussi bien des malfrats endurcis que des suspects ou de simples témoins.

Dernière affaire en date : celle d’un agent de la Direction générale de la sécurité intérieure. Mis en examen et incarcéré fin septembre, ce policier, dissimulé sous le pseudonyme « Haurus » (lire ci-contre),revendait des informations collectées, entre autres, par l’intermédiaire de la Plateforme nationale. Il les fourguait sur le darknet, cet Internet semi-clandestin servant à tous les trafics. Une affaire d’autant plus préoccupante que ses agissements n’ont pas été détectés par des contrôles internes : ce sont ses « annonces commerciales » sur le darknet qui ont fini par attirer l’attention d’autres services de police.

Dérapages bien planqués

Plus étonnant encore : seuls les récents exploits d’Haurus ont conduit à enquête judiciaire ; les autres cas ont été discrètement réglés en famille

Les patrons de la Plateforme affirment que personne n’a jamais réussi à pirater cette installation, dont la mise au point a déjà coûté 181 millions d’euros. Pas faux… mais les ripoux n’ont nul besoin de forcer la porte du coffre-fort ! Il leur suffit d’utiliser la Pnij à leur profit — sous le couvert d’une véritable enquête judiciaire…

Si invraisemblable que cela puisse paraître, personne ne contrôle le bien-fondédes demandes des enquêteurs ni l’utilisation des renseignements collectés. La mission de la Pnij se limite à vérifier que les agents sont habilités par l’autorité judiciaire, qu’ils utilisent la bonne carte d’identification et le bon mot de passe. Certes, pour les écoutes proprement dites, le système paraît bien verrouillé. Avant la création de la Plateforme, une galaxie de sociétés privées gérait les interceptions, et les policiers ne se gênaient pas pour ajouter en loucedé des demandes de « branchement » non prévues au programme. Désormais, chaque mise sur écoute nécessite la réquisition écrite d’un magistrat, en principe plus difficile à falsifier…

Mais, pour les identifications de numéros, les géolocalisations ou les fadettes que commercialisait le dénommé Haurus, il en va tout autrement. Les enquêteurs peuvent en rallonger la liste comme il leur chante, car ils disposent d’une autorisation générale du juge ou du parquet.

Contrôles à trous

Les états-majors de la police, de la gendarmerie et des Douanes s’en lavent les mains. « Aucun service ne se sent investi d’une mission de contrôle a priori », déplore Mireille Imbert-Quaretta, la présidente de la commission de contrôle de la Pnij. « Les services d’inspection répètent que les textes ne le prévoient pas et qu’il appartient aux magistrats signataires des réquisitions de faire eux-mêmes les vérifications », souligne cette conseillère d’Etat honoraire. Sauf que les juges et les procureurs, déjà débordés, estiment qu’ils ont mieux à faire qu’à fliquer les flics…

Mireille Imbert-Quaretta… L'ex-présidente de la commission de protection des droits de la HADOPI.


La commission de contrôle n’en montre pas moins ses petits muscles : « Les magistrats ne sont même pas informés quand des dysfonctionnements sont constatés, nous voulons que cela cesse. Nous souhaitons également créer un système de contrôle qui implique toute la chaîne hiérarchique, y compris les services d'inspection », martèle Mireille Imbert-Quaretta. Avant d'ajouter, lucide : « La commission ne compte que six membres, et nous nous sommes vite aperçus que nous risquions de servir de cache-sexe. »

Tant que les contrôleurs ne se retrouvent pas à poil…


Papiers pas très Net à la DGSI

Un black-out strict règne au ministère de l’Intérieur et au parquet de Nanterre depuis l’interpellation, fin septembre, d’un agent de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Ce policier affecté à la division judiciaire du service s’est fait bêtement pincer en train de vendre des renseignements confidentiels sur le darknet.

Le silence des poulets et des magistrats est pesant, d’autant que l’affaire apparaît encore plus grave que les premières révélations du « Parisien » (2/10) ne le laissaient supposer. Le flic ripoux, qui avait pris le pseudo d’« Haurus », ne se contentait pas de pomper des infos dans les fichiers de la police ou de fourguer des identifications de numéros, des géolocalisations et des factures détaillées de téléphone obtenues via la Plateforme nationale des interceptions judiciaires (voir ci—contre). Il commercialisait également des cartes nationales d’identité, des permis de conduire et des chéquiers plus vrais que nature !

Haurus avait ouvert quatre « boutiques » sur le darknet. Il proposait, par exemple, sur le site French Deep Web Market des CNI « gold » avec « filigrane Rêpublique française, Marianne, rigidité identique, RF iridescent, algorithme valide + clé de contact ». Le tout au prix de 150 euros l’unité, payables en bitcoins, cette cryptomonnaie très prisée des mafieux.

Les commentaires laissés par ses clients se révélaient très élogieux. « Super top, bravo, bon boulot », s’exclamait, le 5 septembre dernier, « loulou2006 », acheteur d’une carte d’identité. « Très bon taf… vendeur à l’écoute et réactif, gros gros +, rien à redire », s’enthousiasmait « krime2100 », le 15 juillet, heureux acquéreur d’un permis de conduire « titanium ». Et, le 12 août, « maloya » saluait un « super mec, sérieux, travail efficace » pour un chèque de banque contrefait.

Avec un tel tableau d’honneur, difficile d’imaginer qu’Haurus n’était qu’un simple pilleur de fichiers policiers ! Certains magistrats soupçonnent ce poulet d’élite d’avoir obtenu un accès privilégié à des installations très haut de gamme et ultra-sécurisées, comme seules en possèdent l’Imprimerie nationale, la DGSI et la DGSE (le renseignement extérieur). D’où l’hypothèse d’un réseau de complicités.

Ou celle, non négligeable, d’une gestion un brin foutraque de la DGSI, qui aurait laissé certains de ses agents plonger les deux mains dans le pot de confiture

Dans le Canard enchaîné du 10 octobre 2018.

Ces chercheurs nous la coupent

On ne s'ennuie pas, aux Etats-Unis, dans certaines revues de sciences humaines et sociales. On y publie des articles comme « Réactions humaines à la culture du viol et performativité queer au sein des parcs à chiens de Portland », on y explique doctement que les hommes hétérosexuels ont tout intérêt à s’introduire des godemichés dans l’anus pour faire baisser leur homophobie latente (« Le Monde », 5/10), ce qui se traduit en novlangue universitaire par le titre suivant : « Homo-hystérie masculine et transphobie à travers l’usage des sextoys pénétratifs ».

Et la planète, dans tout ça ? Son avenir est étroitement lié à l’existence du pénis, mais oui. Car une autre étude révèle que le pénis est à la source d’une culture du viol, y compris du viol de la nature, donc, « en partie responsable du réchauffement climatique ».

Fort heureusement, ces articles, « inepties totales se faisant passer pour de l’érudition universitaire », sont des canulars. Les deux auteurs, James Lindsay et Peter Boghossian, l’un mathématicien et essayiste, l’autre professeur de philosophie à l’université de Portland (Oregon), ont eu l’idée hilarante d’écrire une vingtaine d’études bidon en l’espace de dix mois et de les soumettre pour publication à des revues réputées.

Avec une idée bien précise en tête : démontrer que certains travaux sur le genre, la sexualité, l’identité ou l’origine ethnique sont « corrompus », dans la mesure où, explique « Le Monde », « l’idéologie aurait pris le pas sur la recherche de la vérité » et où y régnerait l’obsession de décoder les discriminations en fonction des machinations d’un groupe dominant, les hommes blancs hétérosexuels.

L’ennui, c’est que ça a marché. Sur les 20 études, 6 seulement ont été rejetées. Celle sur les fameux « sextoys pénétratifs » a même déclenché l’enthousiasme d’un universitaire relecteur, saluant « une contribution incroyablement riche et passionnante à l’étude de la sexualité et de la culture, et en particulier l’intersection entre masculinité et analité ».

On n’a pas fini de rigoler !

Rien de neuf sous le soleil : des travaux de recherche bidonnés, ça a toujours existé, la relecture par les pairs faillible, aussi (car l'avancement de la carrière de X dépend de l'appréciation de ses pairs, donc il aura tendance a être cool avec leurs travaux, en espérant un retour d'ascenseur), mais ça risque d'exciter les contestataires de toute forme de masculinisme. On va bien s'marrer. :)

Dans le Canard enchaîné du 10 octobre 2018.

Le Figaro, Le Monde et LVMH

[…]

Le roi du luxe [ NDLR : Bernard Arnault ], premier pourvoyeur de pub de France, a droit à deux pages d'interview dans le quotidien Dassault pour exprimer son côté rebelle. Et quatre dans « Le Monde », qui a poussé l'irrévérence jusqu'à passer un « partenariat » avec Louis Vuitton pour mieux critiquer l'expo [ NLDR : des œuvres de Basquiat et Schiele, par la Fondation Louis Vuitton] et gagner 30 000 euros au passage.

[…]

Dans le Canard enchaîné du 10 octobre 2018.

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