On ne s'ennuie pas, aux Etats-Unis, dans certaines revues de sciences humaines et sociales. On y publie des articles comme « Réactions humaines à la culture du viol et performativité queer au sein des parcs à chiens de Portland », on y explique doctement que les hommes hétérosexuels ont tout intérêt à s’introduire des godemichés dans l’anus pour faire baisser leur homophobie latente (« Le Monde », 5/10), ce qui se traduit en novlangue universitaire par le titre suivant : « Homo-hystérie masculine et transphobie à travers l’usage des sextoys pénétratifs ».
Et la planète, dans tout ça ? Son avenir est étroitement lié à l’existence du pénis, mais oui. Car une autre étude révèle que le pénis est à la source d’une culture du viol, y compris du viol de la nature, donc, « en partie responsable du réchauffement climatique ».
Fort heureusement, ces articles, « inepties totales se faisant passer pour de l’érudition universitaire », sont des canulars. Les deux auteurs, James Lindsay et Peter Boghossian, l’un mathématicien et essayiste, l’autre professeur de philosophie à l’université de Portland (Oregon), ont eu l’idée hilarante d’écrire une vingtaine d’études bidon en l’espace de dix mois et de les soumettre pour publication à des revues réputées.
Avec une idée bien précise en tête : démontrer que certains travaux sur le genre, la sexualité, l’identité ou l’origine ethnique sont « corrompus », dans la mesure où, explique « Le Monde », « l’idéologie aurait pris le pas sur la recherche de la vérité » et où y régnerait l’obsession de décoder les discriminations en fonction des machinations d’un groupe dominant, les hommes blancs hétérosexuels.
L’ennui, c’est que ça a marché. Sur les 20 études, 6 seulement ont été rejetées. Celle sur les fameux « sextoys pénétratifs » a même déclenché l’enthousiasme d’un universitaire relecteur, saluant « une contribution incroyablement riche et passionnante à l’étude de la sexualité et de la culture, et en particulier l’intersection entre masculinité et analité ».
On n’a pas fini de rigoler !
Rien de neuf sous le soleil : des travaux de recherche bidonnés, ça a toujours existé, la relecture par les pairs faillible, aussi (car l'avancement de la carrière de X dépend de l'appréciation de ses pairs, donc il aura tendance a être cool avec leurs travaux, en espérant un retour d'ascenseur), mais ça risque d'exciter les contestataires de toute forme de masculinisme. On va bien s'marrer. :)
Dans le Canard enchaîné du 10 octobre 2018.